appartiendrait vraiment. Cette oeuvre qui n'inscrirait rien dans l'histoire autoriserait que nous
concevions qu'elle n'est l'oeuvre de personne, ne méritant alors nullement que l'on sauve
son nom, sinon à la manière d'une citation. Dire «Kofman», ce serait citer tous les auteurs
qu'elle mime (Derrida, Lyotard, Lacoue-Labarthe, Deleuze, mais aussi Nietzsche,
Freud...).«Kofman» ? Une sorte d'hypertexte qui inviterait à nous retourner vers les grands
originaux.
Cette situation ambivalente de Sarah Kofman, qui revendiquait les dimensions ironique et
jubilatoire de son travail, changerait de sens si nous la mettions en miroir de celle, si
particulière, d'un autre ironiste qui, quant à lui, n'a rien écrit et que nous ne pouvons situer,
quand il faut en dire quelque chose, que par le biais de quelques détails biographiques et,
plus substantiellement, au milieu de ses illustres contemporains.
Rappelons-nous cette page où Kofman citait (tronquant provisoirement le passage) les
Leçons sur l'histoire de la philosophie de Hegel pour ouvrir son «propre» Socrate(s).
Socrate(s) : un texte ardu dont il semble difficile de dire quoi que ce soit qui ne soit
immédiatement une traîtrise, une manière de ne pas entendre. Dans cet ouvrage, Sarah
Kofman porte l'infidélité à sa dernière limite en renforçant, plus que jamais, l'hypertextua-lité
de son écriture. Roman de roman, roman à clefs où toute clef est aussi un verrou. Un esprit
tenté par la systématicité - et après tout, ne le sommes-nous pas ? - ne saurait y entrer, ou
n'y entrerait qu'en s'en exceptant. On ne saurait parfaitement le lire, le lire totalement, en
faisant l'économie de l'ivresse, non parce que le propos serait l'expression de l'ivresse, mais
parce que cette lecture, «mine de rien», devrait être à l'image du texte et de son objet : une
exception, un néant d'écriture, une économie du redoublement où chaque mot avancé
ressemblerait à une échéance supplémentaire - reconduirait tous les héritages, toutes les
créances, toutes les oppositions. Socrate, donc, dont on ne pourrait affirmer que :
«La naissance de Socrate se situe dans la quatrième année de la 77 olympiade (469 av. J.-C);
son père Sophronicos était sculpteur, sa mère Phénarète était sage-femme [...]. Socrate était
mort ol. 95,1 (399-400 av. J.-C.) étant âgé de 69 ans; une olympiade après la fin de la guerre
du Péloponnèse, 29 ans après la mort de Périclès et 44 ans avant la naissance d'Alexandre.»
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