Université de Montréal
Grothendieck et les topos : rupture et continuité dans les modes
d’analyse du concept d’espace topologique
par
Mathieu Bélanger
Département de philosophie
Faculté des arts et sciences
Thèse présentée à la Faculté des études supérieures
en vue de l’obtention du grade de Philosophiæ Doctor (Ph.D.)
en Philosophie
avril 2010
c
, Mathieu Bélanger, 2010
Université de Montréal
Faculté des études supérieures
Cette thèse intitulée
Grothendieck et les topos : rupture et continuité dans les modes
d’analyse du concept d’espace topologique
présentée par
Mathieu Bélanger
a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :
François Lepage
(président–rapporteur)
Jean-Pierre Marquis
(directeur de recherche)
Yvon Gauthier
(membre du jury)
Colin S. McLarty
(examinateur externe)
Abraham Broer
(représentant du doyen)
iii
Sommaire
La thèse présente une analyse conceptuelle de l’évolution du concept d’espace
topologique. En particulier, elle se concentre sur la transition des espaces topo-
logiques hérités de Hausdorff aux topos de Grothendieck.
Il en ressort que, par rapport aux espaces topologiques traditionnels, les topos
transforment radicalement la conceptualisation topologique de l’espace. Alors qu’un
espace topologique est un ensemble de points muni d’une structure induite par cer-
tains sous-ensembles appelés ouverts, un topos est plutôt une catégorie satisfaisant
certaines propriétés d’exactitude.
L’aspect le plus important de cette transformation tient à un renversement de
la relation dialectique unissant un espace à ses points. Un espace topologique est
entièrement déterminé par ses points, ceux-ci étant compris comme des unités indi-
visibles et sans structure. L’identité de l’espace est donc celle que lui insufflent
ses points. À l’opposé, les points et les ouverts d’un topos sont déterminés par la
structure de celui-ci. Qui plus est, la nature des points change : ils ne sont plus
premiers et indivisibles. En effet, les points d’un topos disposent eux-mêmes d’une
structure.
L’analyse met également en évidence que le concept d’espace topologique évolua
selon une dynamique de rupture et de continuité. Entre 1945 et 1957, la topolo-
gie algébrique et, dans une certaine mesure, la géométrie algébrique furent l’ob-
jet de changements fondamentaux. Les livres Foundations of Algebraic Topology de
Eilenberg et Steenrod et Homological Algebra de Cartan et Eilenberg de même que la
théorie des faisceaux modifièrent profondément l’étude des espaces topologiques. En
contrepartie, ces ruptures ne furent pas assez profondes pour altérer la conceptualisa-
tion topologique de l’espace elle-même. Ces ruptures doivent donc être considérées
comme des microfractures dans la perspective de l’évolution du concept d’espace
topologique.
La rupture définitive ne survint qu’au début des années 1960 avec l’avènement
des topos dans le cadre de la vaste refonte de la géométrie algébrique entreprise par
Grothendieck. La clé fut l’utilisation novatrice que fit Grothendieck de la théorie
des catégories. Alors que ses prédécesseurs n’y voyaient qu’un langage utile pour
exprimer certaines idées mathématiques, Grothendieck l’emploie comme un outil de
Sommaire iv
clarification conceptuelle. Ce faisant, il se trouve à mettre de l’avant une approche
axiomatico-catégorielle des mathématiques.
Or, cette rupture était tributaire des innovations associées à Foundations of
Algebraic Topology,Homological Algebra et la théorie des faisceaux. La théorie des
catégories permit à Grothendieck d’exploiter le plein potentiel des idées introduites
par ces ruptures partielles.
D’un point de vue épistémologique, la transition des espaces topologiques aux
topos doit alors être vue comme s’inscrivant dans un changement de position nor-
mative en mathématiques, soit celui des mathématiques modernes vers les mathé-
matiques contemporaines.
mots clés : Alexandre Grothendieck, espace topologique, topos de Grothendieck,
théorie des catégories, Foundations of Algebraic Topology,Homological Algebra,
théorie des faisceaux, mathématiques contemporaines.
v
Summary
The thesis presents a conceptual analysis of the evolution of the topological space
concept. More specifically, it looks at the transition from topological spaces inherited
from Hausdorff to Grothendieck toposes.
This analysis intends to show that, in comparison to traditional topological
spaces, toposes radically transform the topological conceptualization of space. While
a topological space is a set of points equipped with a structure induced by some of
its subsets called open, a topos is a category satisfying exactness properties.
The most important aspect of this transformation is the reversal of the dialectic
between a space and its points. A topological space is totally determined by its points
who are in turn understood as being indivisible and devoided of any structure. The
identity of the space is thus that induced by its points. Conversely, the points and
the open of a topos are determined by its very structure. This entails a change in
the nature of the points : they are no longer seen as basic nor as indivisible. Indeed,
the points of a topos actually have a structure.
The analysis also shows that the evolution of the topological space concept fol-
lowed a pattern of rupture and continuity. From 1945 to 1957, algebraic topology
and, to a lesser extend, algebraic geometry, went through fundamental changes. The
books Foundations of Algebraic Topology by Eilenberg and Steenrod and Homolo-
gical Algebra by Cartan and Eilenberg as well as sheaf theory deeply modified the
way topological spaces were studied. However, these ruptures were not deep enough
to change the topological conceptualization of space itself. From the point of view
of the evolution of the topological space concept, they therefore must be seen as
microfractures.
The definitive rupture only occurred in the early 1960s when Grothendieck in-
troduced toposes in the context of his reform of algebraic geometry. The key was his
novel use of category theory. While mathematicians before him saw category theory
as a convenient language to organize or express mathematical ideas, Grothendieck
used it as a tool for conceptual clarification. Grothendieck thus put forward a new
approach to mathematics best described as axiomatico-categorical.
Yet, this rupture was dependent of the innovations associated with Foundations
of Algebraic Topology,Homological Algebra and sheaf theory. It is category theory
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