Toute forme mod\`er\`ement ramifi\`ee d`un polydisque ouvert est triviale

arXiv:1106.0135v3 [math.AG] 25 Nov 2011
Toute forme mod´er´ement ramifi´ee d’un
polydisque ouvert est triviale
Antoine Ducros
Abstract. Let kbe a complete, non-Archimedean field and let Xbe a k-analytic
space. Assume that there exists a finite, tamely ramified extension Lof ksuch that
XLis isomorphic to an open polydisc over L; we prove that Xis itself isomorphic to
an open polydisc over k. The proof consists in using the graded reduction (a notion
which is due to Temkin) of the algebra of functions on X, together with some graded
counterparts of classical commutative algebra results : Nakayama’s lemma, going-up
theorem, basic notions about ´etale algebras, etc.
Introduction
Le but de cet article est de d´emontrer le th´eor`eme suivant (th. 3.5) : soit kun
corps ultram´etrique complet et soit Xun espace k-analytique. Supposons qu’il
existe une extension finie, s´eparable et moer´ement ramifi´ee Lde ktelle que
XLsoit isomorphe `a un L-polydisque ouvert de polyrayon (r1,...,rn); l’espace
Xlui-mˆeme est alors isomorphe `a un k-polydisque ouvert dont le polyrayon
(s1,...,sn)est tel que
|L|rN
1rN
2. . . rN
n=|L|sN
1sN
2. . . sN
n.
Notons un cas particulier important (corollaire 3.6) : si XLest isomorphe au
L-polydisque unit´e ouvert de dimension net si Lest non ramifi´ee sur k, alors X
est isomorphe au k-polydisque unit´e ouvert de dimension n. Il suffit en effet pour
le voir d’appliquer le th´eor`eme en supposant de surcroˆıt que |L|=|k|et que
les risont tous ´egaux `a 1 ; les siappartenant alors tous `a |k|, le k-polydisque
ouvert de polyrayon (s1,...,sn) est isomorphe au k-polydisque ouvert unit´e,
d’o`u notre assertion.
Quelques commentaires
1) Lorsque nous parlons d’espace k-analytique, nous employons cette expres-
sion au sens de Berkovich ([1], [2]). Toutefois l’essentiel de notre preuve
est purement alg´ebrique, et la nature pr´ecise des espaces en jeu n’y joue `a
peu pr`es aucun rˆole : tout se passe au niveau des anneaux de fonctions, qui
1
sont insensibles au cadre de travail choisi (g´eom´etrie rigide, g´eom´etrie de
Berkovich, g´eom´etrie de Huber, g´eom´etrie de Raynaud....). Les propri´et´es
sp´ecifiques `a la th´eorie de Berkovich n’interviennent r´eellement qu’`a deux
propos : d’une part, parce que nous autorisons la valeur absolue de k`a
ˆetre triviale (hypoth`ese exclue par les autres approches) ; et d’autre part
lors d’un probl`eme de descente, au cours de la preuve du th´eor`eme princi-
pal : il s’agit d’´etablir qu’un morphisme entre deux espaces sans bord 1qui
devient un isomorphisme apr`es extension des scalaires est d´ej`a un isomor-
phisme sur le corps de base, ce que nous faisons en exploitant les bonnes
propri´et´es topologiques des espaces de Berkovich, qui facilitent grande-
ment les raisonnements locaux.
2) On peut emontrer le corollaire 3.6 que nous ´evoquons ci-dessus (cas d’un
polydisque unit´e et d’une extension non ramifi´ee) ou bien `a partir de notre
th´eor`eme principal, ou bien directement, en d´ecalquant et simplifiant la
preuve de ce dernier (cf. 3.7) ; expliquons succinctement les grandes ´etapes
du raisonnement auquel conduirait cette emarche.
a) Soit Xun espace k-analytique r´eduit, soit Al’alg`ebre des fonctions
analytiques sur Xet soit ||.||la norme spectralesur X(qui peut
prendre des valeurs infinies) ; soit A61(resp. A<1) le sous-anneau de A
form´e des fonctions ftelles que ||f||61 (resp. ||f||<1) et soit A1
le compl´et´e de A<1pour la convergence uniforme sur les compacts. On
note f
Ale quotient A61/A1. Si Xest un polydisque unit´e ouvert de
dimension nalors f
Ae
k[[τ1,...,τn]].
b) Si Lest une extension finie s´eparable et non ramifi´ee de kalors pour
toute extension compl`ete Fde kon a ^
FkLe
Fe
ke
L.
c) Soit Xun espace k-analytique et soit Lune extension finie s´eparable
et non ramifi´ee de ktelle que XLsoit isomorphe `a un L-polydisque
unit´e ouvert de dimension n; soit A(resp. B) l’anneau des fonctions
analytiques sur X(resp. XL) ; on montre `a l’aide de b) que e
B(qui est
isomorphe `a e
L[[τ1,...,τn]] en vertu de a) ) s’identifie naturellement `a
f
Ae
ke
L.
d) `
A l’aide de c) et en exploitant le fait que e
Lest une extension s´eparable
de e
k, on voit facilement que l’id´eal maximal mde e
Bposs`ede un syst`eme
de nen´erateurs appartenant `a f
A, que l’on peut relever en nfonctions
f1,...,fndans A.
e) Les fiinduisent un morphisme ϕde Xvers le polydisque unit´e ouvert
de dimension nsur k. On eduit du fait que les e
fiengendrent mque
ϕLest un isomorphisme ; par descente, ϕest un isomorphisme.
1. Cette assertion est vraie en g´en´eral, i.e. avec bords ´eventuels, mais la preuve est alors
plus d´elicate ; cf. par exemple [3], th. 9.2.
2
3) Nous pouvons maintenant d´ecrire comme suit la preuve de notre th´eor`eme
principal : elle consiste grosso modo `a reprendre les ´etapes a), b), c), d), et
e) ecrites ci-dessus, mais en rajoutant l’adjectif gradu´eun peu partout.
Plus pr´ecis´ement, nous utilisons une approche, introduite par Temkin dans
[4], qui consiste `a ´etudier une alg`ebre norm´ee Apar le biais de son alg`ebre
esiduelle gradu´ee, qui est un anneau R
+-gradu´e, dont la partie de dege
1 (attention, la graduation est multiplicative) est l’alg`ebre r´esiduelle clas-
sique. Le point clef sur lequel repose notre d´emarche est le suivant : si kest
un corps ultram´etrique complet alors les extensions moer´ement ramifi´ees
de kse comportent, du point de vue de la th´eorie de la r´eduction gradu´ee,
exactement comme les extensions non ramifi´ees du point de vue de la
eduction classique ; c’est tr`es certainement, au moins dans le cas de la va-
luation discr`ete, une reformulation du fait que les extensions moer´ement
ramifi´ees de ksont pr´ecis´ement celles qui s’´etendent en un log-sch´ema fini
et log-´etale sur Spec ko.
4) La motivation initiale de Temkin pour evelopper sa th´eorie ´etait la sui-
vante. La g´eom´etrie rigide ne consid`ere que des polydisques ferm´es dont le
polyrayon est constitu´e de eels appartenant `a p|k|(i.e. de eels qui sont
de torsion modulo |k|), alors que la eom´etrie de Berkovich autorise tous
les polyrayons. Or d`es que le polyrayon d’un polydisque ferm´e Dd’alg`ebre
des fonctions Acontient un r´eel rR
+p|k|, l’alg`ebre r´esiduelle clas-
sique f
Aa un comportement inad´equat (par exemple, sa dimension de
Krull est strictement inerieure `a la dimension de D), et Temkin a r´ealis´e
que c’est son alg`ebre r´esiduelle gradu´ee qui poss`ede les propret´es requises.
Mais pour ce qui nous int´eresse ici, `a savoir les espaces qui sont des po-
lydisques ouverts virtuels (i.e. apr`es extension finie), nous ne pouvons
utiliser la eduction classique que dans le cas des polydisques unit´e et des
extensions non ramifi´ees (cf. le point 2) ci-dessus ) : d`es que le polyrayon
(r1,...,rn) de notre th´eor`eme principal contient au moins un r´eel riqui
n’appartient pas `a |k|, ou d`es que |L| 6=|k|, notre strat´egie de preuve
rend indispensable le recours au formalisme gradu´e, mˆeme si les riappar-
tiennent tous `a p|k|, et bien que |L|soit toujours contenu dans p|k|.
5) Cet article comprend trois parties. La premi`ere explique le formalisme
de l’alg`ebre commutative gradu´ee et ´enonce dans ce contexte un certain
nombre d’avatars de esultats traditionnels, pratiquement sans la moindre
preuve (certains raisonnements sont toutefois esquiss´es `a propos de la
th´eorie de Galois gradu´ee) : les justifier avec pr´ecision reviendrait en effet
`a infliger au lecteur un long pensum sans grand int´erˆet, consistant en une
retranscription mutatis mutandis des d´emonstrations classiques.
Dans la seconde, apr`es avoir rappel´e en quoi consiste la th´eorie de la
eduction gradu´ee de Temkin, nous reformulons dans ce cadre la th´eorie
de la ramification moeee. Les r´esultats que nous donnons concernant
cette derni`ere sont bien connus, mais en raison de leur importance pour
la suite, et du caract`ere inhabituel de la fa¸con dont nous les pr´esentons,
3
nous avons choisi d’en redonner les preuves directement dans le langage
de Temkin.
Quant `a la troisi`eme partie, elle est d´evolue `a la emonstration proprement
dite du th´eor`eme principal, et se termine par quelques contre-exemples (3.8
et sq.) montrant que l’hypoth`ese de ramification moer´ee est indispensable
`a sa validit´e, puis par une question sur la validit´e ´eventuelle de l’analogue
complexe de notre r´esultat.
1 Alg`ebre commutative gradu´ee
Dans tout ce chapitre, on d´esigne par Γ un groupe ab´elien divisible et sans
torsion (autrement dit, un Q-espace vectoriel), que l’on note multiplicativement ;
en particulier, l’´el´ement neutre de Γ est not´e 1.
Remarque. En pratique, Γ sera ´egal `a R
+.
Alg`ebre commutative gradu´ee
Les efinitions, conventions et notations relatives `a l’alg`ebre commutative
gradu´ee que nous utiliserons sont celles adopt´ees par Temkin dans [4] ; mais
pour la commodit´e du lecteur, nous allons faire tous les rappels n´ecessaires.
(1.1) Un anneau gradu´e Aest un anneau commutatif muni d’une ecomposition
(comme groupe aelien) en somme directe L
γΓ
Aγtelle que Aγ.AδAγδ pour
tout (γ, δ) ; on dira que Aγest l’ensemble des ´el´ements homog`enes de degr´e δ.
Un id´eal Ide Aest dit homog`ene s’il est engendr´e par des ´el´ements homog`enes
ou, ce qui revient au mˆeme, s’il est ´egal `a L(IAγ). Le quotient d’un anneau
gradu´e par un id´eal homog`ene h´erite d’une graduation naturelle. Un morphisme
d’anneaux gradu´es ABest un morphisme d’anneau de Avers Bqui envoie
Aγsur Bγpour tout γ.
(1.2) Tout anneau commutatif peut ˆetre vu comme un anneau gradu´e par
le biais de la graduation triviale, pour laquelle tout ´el´ement est homog`ene
de degr´e 1, ce qui permet de voir l’alg`ebre commutative gradu´ee comme une
en´eralisation de l’alg`ebre commutative classique. Le but de ce qui suit est
d’expliquer succinctement comment certaines d´efinitions et th´eor`emes de cette
derni`ere s’´etendent `a ce nouveau contexte ; nous ne donnerons pas le etail
des d´emonstrations – elles consistent en la reprise des preuves traditionnelles,
agr´ement´ees lorsqu’il convient de l’adjectif homog`eneou gradu´e; le lecteur
pourra en trouver certaines dans [4] et [3].
(1.2.1) Soit Aun anneau gradu´e. On dit qu’il est int`egre s’il est non nul et si
le produit de deux ´el´ements homog`enes non nuls de Aest toujours non nul ; on
dit que Aest eduit si tout ´el´ement homog`ene et nilpotent de Aest nul ; on dit
que Aest un corps gradu´e s’il est non nul et si tout ´el´ement homog`ene non nul
de Aest inversible.
4
(1.2.2) Remarque. On prendra garde que l’anneau sous-jacent `a un corps
gradu´e n’est pas un corps en en´eral (cf. 1.4 infra) ; par contre, un anneau
gradu´e est int`egre (resp. r´eduit) au sens ci-dessus si et seulement si il est int`egre
(resp. r´eduit) comme anneau : la condition est en effet clairement suffisante, et
on voit qu’elle est n´ecessaire en munissant le Q-espace vectoriel Γ d’un ordre
quelconque compatible avec sa loi de groupe, qui permet de consid´erer les termes
de plus haut degr´e des expressions qu’on manipule.
(1.2.3) Un id´eal homog`ene Id’un anneau gradu´e Aest dit premier (resp.
maximal) s’il est diff´erent de Aet si l’on a
ab IaIou bI
pour tout couple (a, b) d’´el´ements homog`enes de A(resp. et s’il est maximal
parmi les id´eaux homog`enes stricts de A). L’id´eal Iest premier (resp. maximal)
si et seulement si l’anneau gradu´e A/I est int`egre (resp. est un corps gradu´e).
Tout anneau gradu´e non nul admet un id´eal homog`ene maximal.
La remarque 1.2.2 ci-dessus se d´ecline dans ce contexte : un id´eal homog`ene
de Aest premier si et seulement si il est premier comme id´eal ; il peut par contre
ˆetre maximal en tant qu’id´eal homog`ene, sans l’ˆetre en tant qu’id´eal tout court.
(1.2.4) Un ´el´ement homog`ene d’un anneau gradu´e int`egre est dit irr´eductible
s’il est non inversible et s’il ne peut s’´ecrire comme produit non trivial de deux
´el´ements homog`enes (on erifie comme au 1.2.2 qu’il ne peut dans ce cas pas
non plus s’´ecrire comme produit non trivial de deux ´el´ements quelconques).
Un anneau gradu´e Aest dit principal s’il est int`egre et si tout id´eal homog`ene
Ide Aest de la forme (a) pour un certain ´el´ement homog`ene ade A(qui est
alors uniquement d´etermin´e `a un inversible pr`es). Dans un anneau gradu´e prin-
cipal tout ´el´ement homog`ene non nul s’´ecrit de mani`ere unique comme produit
d’´el´ements homog`enes irr´eductibles, les notions de PGCD et PPCM de deux
´el´ements homog`enes sont bien d´efinies, les id´eaux homog`enes premiers non nuls
sont maximaux, un ´el´ement homog`ene non nul est irr´eductible si et seulement
si l’id´eal homog`ene qu’il engendre est premier, etc.
(1.3) Soit Aun anneau gradu´e et soit (r1,...,rn)Γn. On note
A[r1
1T1,...,r1
nTn]
(en omettant ´eventuellement les ri´egaux `a 1) l’anneau gradu´e dont l’anneau
sous-jacent est A[T1,...,Tn], et dont le groupe des ´el´ements homog`enes de degr´e
sest fore, pour sfix´e, des polynˆomes de la forme PaITIavec aIhomog`ene
de degr´e srIpour tout I.
Par abus, on notera A[[τ1,...,τr]] l’anneau gradu´e
M
s
As[[τ1,...,τr]]
o`u Asd´esigne pour tout sl’ensemble des ´el´ements de Ade dege s.
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