Toute forme modérément ramifiée d`un polydisque ouvert est triviale

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Toute forme modérément ramifiée d’un
polydisque ouvert est triviale
Antoine Ducros
1
Ramification modérée et réduction à la Temkin
Toutes les normes, semi-normes, valeurs absolues, etc. considérées ici sont
ultramétriques. On fixe un groupe ordonné divisible Γ, et un corps k muni d’une
valeur absolue |.| : k → Γ∪{0} (la notation est multiplicative) ; on suppose que
k est hensélien, c’est-à-dire que sa valeur absolue admet un unique prolongement
à chacune de ses extensions finies.
Dans ce qui suit, la notion d’anneau gradué signifiera anneau Γ-gradué.
(1.1) Soit A un anneau gradué et soit (r1 , . . . , rn ) ∈ Γn . On note
A[r1−1 T1 , . . . , rn−1 Tn ]
(en omettant éventuellement les ri égaux à 1) l’anneau gradué dont l’anneau
sous-jacent est A[T1 , . . . , Tn ], et dont le groupe des éléments
de degré
P homogènes
s est formé, pour s fixé, des polynômes de la forme
aI TI tels que aI soit
homogène de degré sr−I pour tout I.
Par abus, on notera A[[τ1 , . . . , τr ]] l’anneau gradué
M
As [[τ1 , . . . , τr ]]
s
où As désigne pour tout s l’ensemble des éléments de A de degré s.
(1.2) Remarque. Nous utiliserons librement et sans justification le fait que la
plupart des notions usuelles d’algèbre commutative s’étendent mutatis mutandis
au cas des anneaux gradués. C’est par exemple le cas de la théorie des algèbres
étales sur un corps, et de la théorie de Galois (notons toutefois que le théorème
de l’élément primitif ne se transpose pas à notre situation).
(1.3) Soit A une k-algèbre munie d’une semi-norme sous-multiplicative ||.|| à
valeurs dans Γ . Pour tout r ∈ Γ, on note A≤r (resp. A<r ) le sous-groupe de A
formé des éléments a tels que ||a|| ≤ r (resp. ||a|| < r).
e • la réduction graduée de A au sens de Temkin, c’est-à-dire
On désigne par A
L
l’algèbre Γ-graduée
A≤r /A<r . Si a ∈ A et si r est un élément de Γ tel que
r∈Γ
1
e r ; si r = ||a||, on écrira simplement
||a|| ≤ r, on notera e
ar l’image de a dans A
e
a ; si ||a|| = 0, on pose e
a = 0.
(1.4) Lemme. Soit (ai ) une famille d’éléments de A. Les propositions suivantes
sont équivalentes :
e• ;
i) (aei ) est une famille libre du e
k• -espace vectoriel gradué A
P
ii) Les normes des ai sont toutes non nulles, et || λi ai || = max |λi |.||ai ||
pour toute famille (λi ) d’éléments de k. e • ≤ dimk A.
(1.5) Corollaire. On a l’inégalité dimek• A
Démonstration. Cela résulte du fait que toute famille d’éléments de A qui
vérifie ii) est libre. Corps résiduels gradués et théorie de Galois
Commençons par établir différentes variantes graduées du lemme de Hensel.
P
(1.6) Soit P = X n + i≤n−1 ai X i un polynôme unitaire à coefficients dans
k ; soit L un corps de décomposition de P . Posons ρ(P ) = max |ai |1/n−i . Un
calcul immédiat montre que si x ∈ L est tel que |x| > ρ(P ), alors |x|n > |ai |.|x|i
pour tout i ≤ n − 1 ; en conséquence, x ne peut être racine de P . Par ailleurs,
si ρ(P ) majorait strictement en valeur absolue toutes les racines de P dans
L, l’expression des ai en fonction de ces dernières fournirait l’inégalité absurde
max |ai |1/n−i < ρ(P ) ; il en découle que ρ(P ) coı̈ncide avec le maximum des
valeurs absolues des racines de P dans L. Si Q divise P , alors ρ(Q) ≤ ρ(P ).
P
i
Pour tout r ∈ Γ majorant ρ(P ), l’on notera Per le polynôme X n + a^
i,r n−i X
à coefficients dans e
k• ; c’est un élément de e
k• [X/r] homogène de degré rn . Si
e
e e
P s’écrit RS avec
Q R et S unitaires, on a ea alors
Q Pr = Rr Sr ; en particulier, si
l’on écrit P = (X − xi ) dans L, alors Pr = (X − x
g
i,r ). On en déduit que
r > ρ(P ) si et seulement si Per = X n .
Si ρ(P ) > 0 (autrement dit si P n’est pas une puissance de X), l’on écrira
simplement Pe au lieu de Peρ(P ) .
Si r ∈ Γ et si R est un élément unitaire et homogène de e
k• [X/r], on appellera
relèvement admissible de R tout polynôme unitaire R appartenant à k[X], tel
que ρ(R) ≤ r et tel que Rer = R ; l’existence d’un tel relèvement est immédiate.
(1.7) Lemme. Soit P un polynôme unitaire à coefficients dans k et soit r un
élément de Γ supérieur ou égal à ρ(P ). Supposons que Per admet une factorisation Pe = RS, où R et S sont des éléments homogènes, unitaires, non constants
et premiers entre eux de e
k• [X/r] ; sous cette hypothèse ρ(P ) = r et P n’est pas
irréductible sur k.
Démonstration. Supposons que P estQirréductible, donnons-nous un corps de
décomposition L de P et écrivons P = (X − xi ) dans L. Comme R et S sont
2
premiers
entre eux, Per est différent de X n et l’on a donc ρ(P ) = r. Puisque
Q
(X − x
g
g
g
i,r ) = RS, il existe deux indices i et j distincts tels que x
i,r (resp. x
j,r )
soit une racine de R (resp. de S) ; comme R et S sont premiers entre eux, x
g
j,r
n’annule pas R.
Soit R un relevé admissible de R. Si m désigne de degré de R en X, alors
|R(xi )| < rm puisque R(g
xi,r ) = 0.
Soit g un k-automorphisme de L envoyant xi sur xj ; on a nécessairement
|R(xj )| = |g(R(xi ))| = |R(xi )| < rm , ce qui est contradictoire avec le fait que
R(g
xj,r ) 6= 0. (1.8) Lemme. Soit P un polynôme unitaire à coefficients dans k et soit r un
Q
élément de Γ majorant ρ(P ). Supposons que Per s’écrit Pi , où les Pi sont des
éléments homogènes, unitaires, non constants et deux à deux premiers
entre eux
Q
de e
k• [X/r]. Le polynôme P admet alors une factorisation P = Pi où chaque
g
Pi est unitaire et tel que P
i,r = Pi .
Démonstration. On raisonne par récurrence sur le degré de P . S’il est nul
le résultat est trivial ; on suppose donc que deg P > 0 et que le résultat a été
prouvé en degrés strictement inférieurs à deg P . Si le nombre de facteurs Ri est
égal à 1, il n’y a rien à démontrer ; sinon, il résulte du lemme 1.7 que P n’est pas
irréductible ; écrivons alors P = QR, où Q et R sont unitaires et non constants ;
er R
er .
notons que Per = Q
e (resp. R)
e et Pi . Les
Pour tout i notons Qi (resp. Ri ) le PGCD unitaire de Q
Qi (resp. Ri ) sont homogènes, unitaires et deux à deux premiers entre eux ; l’on
e r = Q Qi , R
er = Q Ri et Qi Ri = Pi pour tout i. Comme R et Q sont tous
aQ
deux de degré strictement inférieur à degPQ
, l’on peut leurQappliquer l’hypothèse
de récurrence ; l’on peut donc écrire Q = Qi et R = Ri où Qi (resp. Ri )
est pour tout i un polynôme unitaire tel que Qei = Qi (resp. Rei = Ri ). La
famille des polynômes Pi := Qi Ri convient alors. (1.9) Corollaire (lemme de Hensel gradué). Soit P un polynôme unitaire
à coefficients dans k et soit r un élément de Γ majorant ρ(P ). Si Per admet une
racine simple λ dans e
kr , il existe alors une et une seule racine l de P dans k
telle que e
lr = λ. (1.10) Proposition. Soit L une extension finie de k ; posons e = [|L∗ | : |k ∗ |]
e : e
e• : e
et f = [L
k]. On a alors [L : k] ≥ [L
k• ] = ef . De plus, les conditions
suivantes sont équivalentes :
e • est une extension séparable de e
i) L
k• ;
e est une extension séparable de e
ii) L
k et [|L∗ | : |k ∗ |] est premier à p.
Démonstration. Pour tout élément γ de |k ∗ |, choisissons λγ dans k ∗ tel que
|λγ | = γ. Pour tout élément δ de |L∗ |/|k ∗ | donnons-nous µδ ∈ L∗ telle que
l’image de |µδ | dans |L∗ |/|k ∗ | soit égale à δ. Fixons enfin une base (α1 , . . . , αf )
3
e sur e
de L
k. Des deux décompositions
M
M
e
e
fγ et L
fγ ,
e• =
e µδ .λ
k• =
k.λ
L.f
γ
γ,δ
e • sur e
e• : e
l’on déduit que (αi µ
fδ ) est une base de L
k• , d’où l’égalité [L
k• ] = ef .
e
e • : k• ] ≤ [L : k] est fournie par le corollaire 3.5.
La majoration [L
Supposons que i) soit vraie ; le polynôme minimal sur e
k• de tout élément
e • est alors séparable ; c’est en particulier vrai pour les
homogène non nul de L
e ∗ ; ainsi, L
e est
éléments de de degré 1, c’est-à-dire ceux qui appartiennent à L
∗
séparable sur e
k. Par ailleurs, soit x un élément de L tel que |x|p appartienne à
e et ω ∈ e
|k ∗ |. Il existe l ∈ L
k• tel que x
ep = lω ; on en déduit que x
e est purement
e
e • . Le corps L
e • est par hypothèse
inséparable sur le sous-corps gradué L.e
k• de L
ee
ee
séparable sur e
k• , il l’est a fortiori sur L.
k• . En conséquence, x
e ∈ L.
k• ; ceci
implique que le degré de x
e, autrement dit la valeur absolue de x, appartient à
|k ∗ | ; l’on a donc établi ii).
ee
e • est alors
Supposons que ii) soit vraie. Le corps sous-corps gradué L.
k• de L
e
e
séparable sur k• . Soit ξ un élément homogène non nul de L• et soit x un élément
de L∗ tel que x
e = ξ. Soit m un entier premier à p tel que |x|m ∈ |k ∗ |. Il existe
e et ω ∈ e
ee
l∈L
k• tel que ξ m = lω ; en conséquence, ξ est séparable sur L.
k• . Le
e • est donc séparable sur L.
ee
corps L
k• , lequel est lui-même séparable sur e
k• ; dès
e • est séparable sur e
lors, L
k• . On se propose maintenant de reformuler la théorie de la ramification modérée
dans le langage des réductions graduées.
(1.11) Proposition. Soit L une extension finie galoisienne de k.
e • /e
e e
a) Les extensions L
k• et L/
k sont normales, et les deux flèches naturelles
e • /e
e • /e
e e
Gal(L/k) → Gal(L
k• ) et Gal(L
k• ) → Gal(L/
k) sont surjectives ;
b) La seconde flèche mentionnée ci-dessus s’insère dans une suite exacte
e ∗ ) → Gal(L
e • /e
e e
1 → Hom(|L∗ |/|k ∗ |, L
k• ) → Gal(L/
k) → 1.
e• ;
Démonstration. Prouvons a). Soit ξ un élément homogène non nul de L
relevons-le en un élément x de L, de valeur absolue égale
Q au degré r de ξ. Soit
P le polynôme minimal de x sur L. Écrivons P = (X − xi ), où x1 , . . . , xd
sont les éléments de l’orbite de x sous Gal(L/k). Remarquons que ρ(P ) = r > 0.
Q
Le polynôme Pe est donc bien défini, il est égal à (X − xei ) ; c’est un élément
e • ; le polynôme
unitaire homogène de e
k• [X/r] qui annule ξ et est scindé dans L
e
e
minimal R de ξ est donc scindé dans L• , ce qui montre que L• est une extension
normale de k. En se limitant au cas où ξ est de degré 1, on établit en particulier
e e
le caractère normal de L/
k.
4
Soit η une racine de R distincte de ξ ; elle coı̈ncide avec xei pour un certain i.
e • /e
Il existe g ∈ Gal(L/k) tel que g(x) = xi , et l’image de g dans Gal(L
k• ) envoie
e • est invariant sous
ξ sur η. On en déduit qu’un élément homogène non nul de L
l’image de Gal(L/k) si et seulement si il coı̈ncide avec tous ses conjugués, donc si
e • /e
et seulement si il est invariant sous l’image de Gal(L
k• ) ; par la correspondance
e
de Galois, l’image de Gal(L/k) est égale à Gal(L• /e
k• ) tout entier. Là encore, il
suffit de se restreindre au cas où ξ est de degré 1 pour obtenir la surjectivité de
e e
Gal(L/k) → Gal(L/
k).
e • induit sur ce dernier
Établissons maintenant b). La |L∗ |-graduation de L
L
∗
∗
e• =
une |L |/|k |-graduation L
Eδ ; pour tout δ l’ensemble Eδ −{0} est
δ∈|L∗ |/|k∗ |
ee
un (L.
k• )∗ -torseur, le terme de torseur étant ici à prendre dans une acception
ee
homogène que nous laissons au lecteur le soin de préciser ; notons que E1 = L.
k• .
e ∗ . L’application de L
e•
Soit ψ un morphisme de groupes de |L∗ |/|k ∗ | dans L
P
P
e
e
dans lui-même qui envoie
xδ sur
ψ(δ)xδ est un L.k• -automorphisme de
e • ; la flèche Hom(|L∗ |/|k ∗ |, L
e ∗ ) → Gal(L
e • /L.
ee
L
k• ) ainsi définie est injective par
construction.
e • /L.
ee
Montrons qu’elle est surjective. Soit ϕ ∈ Gal(L
k• ) et soit δ ∈ |L∗ |/|k ∗ |. Si
x et y sont deux éléments non nuls et homogènes de Eδ , leur quotient appartient
ee
à L.
k• et l’on a donc ψ(x)/ψ(y) = x/y ; ceci implique l’existence d’un élément
ee
homogène non nul ψ(δ) de L.
k• tel que ϕ(x) = ψ(δ)x pour tout x ∈ Eδ ; cette
égalité appliquée à n’importe quel élément x homogène et non nul de Eδ force
e ∗ . Du fait que ϕ est
le degré de ψ(δ) à être égal à 1, et l’on a donc ψ(δ) ∈ L
e ∗ ), d’où la
un morphisme on déduit immédiatement que ψ ∈ Hom(|L∗ |/|k ∗ |, L
surjectivité souhaitée.
e ∗ ) s’identifie donc à Gal(L
e • /L.
ee
Le groupe Hom(|L∗ |/|k ∗ |, L
k• ), ce qu’il fallait
démontrer. (1.12) Si L est un extension finie galoisienne de k, on note Igrad (L/k) le groupe
e • /e
d’inertie gradué de L/k, c’est-à-dire le noyau de Gal(L/k) → Gal(L
k• ). Remarquons que par définition, Igrad (L/k) est l’ensemble des k-automorphismes g
de L tels que pour tout x non nul dans L, l’on ait l’inégalité |g(x) − x| < |x|.
(1.13) Lemme. Soit L une extension finie galoisienne de k et soit F une
sous-extension galoisienne de L. La suite
1 → Igrad (L/F ) → Igrad (L/k) → Igrad (F/k) → 1
est exacte.
Démonstration. Le seul fait non immédiat est la surjectivité de la flèche
Igrad (L/k) → Igrad (F/k). Soit g ∈ Igrad (F/k) ; relevons-le en un élément g 0 de
Gal(L/k). Par définition de Igrad (F/k), l’action de g 0 sur Fe• est triviale. Comme
e • /Fe• ), il existe h appartenant à Gal(L/F ) tel
Gal(L/F ) se surjecte sur Gal(L
5
e • . Par construction, g 0 h−1 est un élément de
que g 0 h−1 agisse trivialement sur L
Igrad (L/F ) qui relève g. (1.14) Proposition. Soit L une extension finie galoisienne de k. Notons I(L/k)
e e
le noyau de Gal(L/k) → Gal(L/
k). Le groupe Igrad (L/k) est l’unique p-sousgroupe de Sylow de I(L/k).
Démonstration. Montrons tout d’abord que Igrad (L/k) est un p-groupe. Soit
g un élément de Igrad (L/k) dont l’ordre q est premier à p, et soit E le sous-corps
de L formé des éléments invariants sous g. Soit x un élémentPde L ; l’élément
y = x − TrL/E
g i (y) = 0, soit
P(x)/q de L est de trace nulle sur E ; on a donc
encore qy − (g i (y) − y) = 0. Comme q est premier à p, |qy| = |y| ; comme g
appartient à Igrad (L/k), on a |g i (y)−y| < |y| pour tout i si y 6= 0 ; par conséquent
y = 0 et x ∈ E. On vient de montrer que E coı̈ncide avec L, et partant que
g = Id ; le groupe Igrad (L/k) est donc bien un p-groupe.
Il reste à prouver que I(L/k)/Igrad (L/k) est d’ordre premier à p ; or en vertu
e ∗ ) ; on conclut
de la proposition 1.11, ce quotient s’identifie à Hom(|L∗ |/|k ∗ |, L
e ∗ est première à p. en remarquant que la torsion de L
(1.15) Proposition. Soit L une extension finie galoisienne de k ; désignons
par F le sous-corps de L formé des invariants sous Igrad (L/k). On a l’égalité
[Fe• : e
k• ] = [F : k]. Par ailleurs, Fe• est une extension galoisienne de e
k• , et
e
e
e
e
la surjection naturelle Gal(L• /k• ) → Gal(F• /k• ) est bijective ; autrement dit, le
e• .
corps Fe• est la fermeture séparable de e
k• dans L
Démonstration. Comme Igrad (L/k) est un sous-groupe distingué de G (en
tant que noyau d’un homomorphisme), F est une extension galoisienne de k.
Comme Igrad (L/k) agit trivialement sur F , la suite exacte du lemme 1.13 assure
que Igrad (F/k) est trivial, et donc que Gal(F/k) → Gal(Fe• /e
k• ) est bijective. Des
égalités et inégalités
[F : k] = ]Gal(F/k) = ]Gal(Fe• /e
k• ) ≤ [Fe• : e
k• ] ≤ [F : k],
l’on déduit que [F : k] = ]Gal(Fe• /e
k• ) = [Fe• : e
k• ].
Il en découle que Fe• est une extension galoisienne de e
k• . D’autre part,
e • /e
Gal(L
k• ) s’identifie au quotient de Gal(L/k) par Igrad (L/k), soit encore à
Gal(F/k), lequel est naturellement isomorphe à Gal(Fe• /e
k• ) d’après ce qui précède.
e
e
e
e
La surjection Gal(L• /k• ) → Gal(F• /k• ) est en conséquence bijective. (1.16) Proposition. Soit L une extension finie galoisienne de k et soit E un
sous-corps de L. Soit F le sous-corps de L formé des invariants sous Igrad (L/k).
Les propositions suivantes sont équivalentes :
i) E est inclus dans F ;
e• est séparable sur e
e• : e
ii) E
k• et [E
k• ] = [E : k].
6
e• : e
e est séparable sur e
iii) [E
k• ] = [E : k], E
k et |E ∗ |/|k ∗ | est d’ordre premier
à p.
Démonstration. L’équivalence de ii) et iii) résulte de la proposition 1.10.
e• ⊂ Fe• , et E
e•
Montrons que i) ⇒ ii). Supposons donc E ⊂ F . Dans ce cas, E
est donc séparable sur e
k• par la proposition 1.15. Par ailleurs, comme Igrad (L/k)
fixe les éléments de F , on a l’égalité Igrad (L/E) = Igrad (L/k) ; la proposition
e• ] = [F : E] ; comme elle garantit également que
1.15 assure alors que [Fe• : E
e
e
e• : e
[F• : k• ] = [F : k], on a bien [E
k• ] = [E : k].
Montrons maintenant que ii) ⇒ i). Supposons donc que E satisfait ii) ; on
e• ⊂ Fe• en vertu de la proposition 1.15. Soit ξ un élément homogène
a alors E
e• , soit r son degré et soit R ∈ e
non nul de E
k• [X/r] son polynôme minimal sur
e
k• . Soit R un relèvement admissible de R dans k[X]. Comme R est séparable,
le lemme de Hensel gradué assure que R possède une unique racine x dans
E qui relève ξ, et qu’il possède une unique racine y dans F qui relève ξ ; en
^
^
e• .
conséquence, x = y et ξ ∈ (E
∩ F )• ; il en découle que (E
∩ F )• = E
^
e• : e
Dès lors [E : k] = [E
k• ] = [(E
∩ F )• : k] = [(E ∩ F ) : k], la première
^
e• , et
égalité étant satisfaite par hypothèse, la seconde parce que (E
∩ F )• = E
la troisième en vertu de l’implication i) ⇒ ii) déjà établie ; on en déduit que
E ⊂ F. (1.17) Remarque. Soit E une sous-extension de L telle que [E : k] soit premier
à p. Le groupe Gal(L/E) contient alors au moins un p-sous-groupe de Sylow S
de Gal(L/k) ; comme Igrad (L/k) est un p-sous-groupe distingué de Gal(L/k), il
est contenu dans S, et donc dans Gal(L/E) ; en conséquence, E ⊂ F .
Passage à la limite
De la section précédente se déduisent aisément les faits qui suivent.
(1.18) Soit k s une clôture séparable de k. On désigne par Igrad (k s /k) la limite
projective des Igrad (L/k), où L parcourt la famille des sous-extensions finies et
s
f• est la fermeture
galoisiennes de k s ; on pose M = (k s )Igrad (k /k) . Le corps M
s
e
e
e
f
séparable de k• dans k • et Gal(M/k) ' Gal(M• /k• ) ' Gal(kes • /e
k• ) ; si l’on
note Π(k s /k) ce dernier groupe, il s’insère dans une suite exacte naturelle
∗
g
s ) ) → Π(k s /k) → Gal(kes /e
1 → Hom(|(k s )∗ |/|k ∗ |, (k
k) → 1.
On dit qu’une k-algèbre étale E est modérément ramifiée si E ⊗k M est un
produit fini de copies de M ; l’algèbre E est modérément ramifiée si et seulee• est une e
ment si E
k• -algèbre étale de dimension égale à [E : k] ; la catégorie
des k-algèbres étales modérément ramifiées est équivalente à celle des Π(k s /k)e• établit une équivalence entre la catégorie des
ensembles finis ; le foncteur E 7→ E
k-algèbres étales modérément ramifiées et celle des e
k• -algèbres étales déployées
f• .
par M
7
On peut améliorer cette dernière assertion.
f• .
(1.19) Lemme. Toute e
k• -algèbre étale est déployée par M
f• est séparablement clos. Soit
Démonstration. Il suffit de montrer que M
r un élément de Γ et soit R un élément unitaire, homogène et séparable de
f• [X/r] ; soit R un relèvement admissible de R dans M [X]. Comme R est
M
fr coı̈ncide
séparable, R l’est également (l’image de son discriminant dans M
avec le discriminant de R) ; en conséquence, il a une racine x dans k s . Par
k• et vit de
construction, x
er est une racine de R dans kes • , qui est séparable sur e
f• . ce fait dans M
e• établit une équivalence entre la catégorie des k-algèbres
(1.20) Ainsi, E 7→ E
étales modérément ramifiées et celle des e
k• -algèbres étales. Chacune de ces
deux catégories est par ailleurs naturellement équivalente à celle des Π(k s /k)ensembles finis, le diagramme que l’on imagine étant (essentiellement) commutatif.
(1.21) Soit K une extension Γ-valuée hensélienne de k et soit Ks une clôture
séparable de K ; soit k s la fermeture séparable de k dans Ks . Il résulte des
définitions que Gal(Ks /K) → Gal(k s /k) envoie Igrad (Ks /K) dans Igrad (k s /k), et
induit en particulier une flèche Π(Ks /K) → Π(k s /k). Il en découle que si E
est une k-algèbre étale modérément ramifiée, alors K ⊗k E est une K-algèbre
étale modérément ramifiée ; si E désigne le Π(k s /k)-ensemble correspondant à
E, alors le Π(Ks /K)-ensemble qui correspond à K ⊗k E est simplement celui
déduit de E via la flèche Π(Ks /K) → Π(k s /k). En utilisant le 1.20 ci-dessus,
e • ⊗e E
e• .
l’on voit que (K^
⊗k E) s’identifie à K
•
2
k•
La filtration de ramification dans le cas sans
défaut
On désigne toujours par Γ un groupe ordonné divisible, et par k un corps
muni d’une valeur absolue (ultramétrique) |.| : k → Γ ∪ {0} pour laquelle il est
hensélien.
(2.1) Soit s un élément de Γ strictement inférieur à 1 et soit A un anneau muni
−
)
e (s
e •(s) (resp. A
d’une semi-norme ||.|| à valeurs dans Γ. On notera A
) l’anneau
•
Γ-gradué
M
M
A≤r /A≤sr (resp.
A≤r /A<sr ).
r∈Γ
r∈Γ
e• : e
(2.2) Soit L une extension finie de k telle que [L
k• ] = [L : k]. Soit (l1 , . . . , ln )
e • sur e
une famille d’éléments de L telle que les lei constituent une base de L
k• ;
pour tout i, l’on pose ri = |li |. Quel que soit (λ1 , . . . , λn ) ∈ k n , l’on a l’égalité
P
e• : e
| λi li | = max |λi |ri ; et comme [L
k• ] = [L : k], la famille libre (l1 , . . . , ln )
est une base de [L : k]. On en déduit immédiatement que pour tout s < 1 dans
8
(s)
g
e (s)
Γ, le e
k• -module gradué L
• est libre de base (l1,r1
−
(s
)
e• .
analogue vaut pour L
(s)
, . . . , lg
n,rn
(s)
) ; l’assertion
(2.3) On dit qu’une extension galoisienne L de k est sauvagement ramifiée si
e • soit purement
Igrad (L/k) = Gal(L/k) ; il revient au même de demander que L
e
inséparable sur k• . Soit L une extension finie galoisienne sauvagement ramifiée
de k et soit g ∈ Gal(L/k). On note δg l’application de L∗ dans le monoı̈de
ordonné {γ ∈ Γ ∪ {0}, γ < 1} qui envoie un élément x sur |g(x) − x|/|x|.
(2.4) Proposition. Soit L une extension finie galoisienne sauvagement ramifiée de k. Les assertions suivantes sont équivalentes :
e• : e
i) [L
k• ] = [L : k] ;
ii) pour tout g ∈ Gal(L/k) et pour tout sous-corps F de L contenant k et
stable sous g, l’ensemble δg (L∗ ) est fini.
e• : e
Démonstration. On suppose que [L
k• ] = [L : k], et l’on va montrer ii).
Soit g ∈ Gal(L/k) et soit F un sous-corps de L contenant k et stable sous g ; par
un argument immédiat de dimension, [Fe• : e
k• ] = [F : k]. On a vu plus haut qu’il
existe alors une base (f1 , . . . , fm ) de F sur k telle que pour tout s < 1 dans Γ,
−
(s− )
−
(s− )
(s )
(s )
le e
k• -module gradué Fe•
soit libre de base (fg
, . . . , f^
), avec
1,r1
m,rm
ri = |fi | pour tout i. Prenons pour s le maximum des δg (fi ). Si t est strictement
(t− )
supérieur à s, alors g fixe chacun des fg
, et agit donc trivialement sur
i,ri
(t− )
e
F• ; autrement dit, δg (x) < t pour tout x ∈ F ∗ , et s est donc le plus grand
élément de δg (F ∗ ).
Supposons maintenant que ii) est vraie. On va montrer i), en raisonnant par
récurrence sur [L : k]. Si [L : k] = 1, il n’y a rien à démontrer. Supposons donc
que [L : k] > 1 et que le résultat est vrai en degré strictement inférieur à [L : k].
Comme L est une extension sauvagement ramifiée de k, son groupe de Galois
est un p-groupe, et son centre est donc non trivial. Il existe par conséquent
une sous-extension F de L qui est galoisienne sur k et telle que l’extension
[L : F ] = p ; notons que Gal(L/F ) ' Z/pZ. Par l’hypothèse de récurrence,
e • : Fe• ] = [L : F ]. Comme
[Fe• : e
k• ] = [F : k]. Il suffit donc de montrer que [L
e
e
e•
[L• : F• ] est purement inséparable et de degré inférieur ou égal à p, le corps L
e
est ou bien égal à F• , ou bien de degré p sur ce dernier. On va exclure le cas
e • = Fe• en raisonnant par l’absurde. On suppose donc que L
e • = Fe• . Soit g un
L
générateur de Gal(L/F ) et soit r le plus grand élément de δg (L∗ ), qui existe par
hypothèse et est non nul. Soit x ∈ L∗ tel que δg (x) = r. Comme x
e∈e
k• , il existe
y ∈ k ∗ tel que x s’écrive y + z avec |z| < |x|. On a alors g(x) = y + g(z) et donc
|g(x) − x| = |g(z) − z| ≤ r|z| < r|x|, ce qui est contradictoire avec le choix de
x. e• : e
(2.5) Corollaire. Si |k ∗ | est libre de rang 1, alors [L
k• ] = [L : k] pour toute
extension finie L de k.
9
Démonstration. On se ramène immédiatement au cas où L est une extension
galoisienne sauvagement ramifiée de k. Si g est un élément de Gal(L/k) et si F
est un sous-corps de L contenant k et stable par g, alors δg (F ∗ ) est inclus dans
l’ensemble des éléments de |F ∗ | strictement majorés par 1. Comme |F ∗ | est libre
de rang 1, δg (F ∗ ) possède un plus grand élément, et l’on conclut à l’aide de la
proposition 2.4. (2.6) Proposition. Soit L une extension finie galoisienne sauvagement rae• : e
mifiée de k telle que [L
k• ] = [L : k]. Pour tout g ∈ Gal(L/k), l’on note `(g) le
plus grand élément de δg (L∗ ) (qui existe en vertu de la proposition précédente).
On note 0 = r0 , r1 , . . . , rn les éléments de `(Gal(L/k)), que l’on suppose rangés
par ordre croissant.
i) Pour tout i compris entre 0 et m, l’ensemble Gi des éléments g de Gal(L/k)
tels que `(g) ≤ ri est un sous-groupe distingué de Gal(L/k) ;
ii) pour tout i compris entre 0 et m − 1, le groupe Gi+1 /Gi est abélien d’exposant p.
Démonstration. Le groupe G0 est simplement {Id} ; si i > 0, le groupe Gi est
i)
e (r
le noyau de la flèche Gal(L/k) → Autek(ri ) L
; l’assertion i) est donc établie.
•
•
Montrons ii). On fixe i entre 1 et m ; on pose s = ri+1 , et l’on choisit t
dans Γ tel que t soit supérieur ou égal à ri , supérieur ou égal à s2 , et inférieur
strictement à s, ce qui est possible puisque 0, ri et s2 sont tous trois strictement
e (t)
inférieurs à s. On note I l’idéal gradué de L
• engendré par les éléments de la
(t)
forme yer , où |y| ≤ sr. Par construction, I est le noyau du morphisme naturel
2
e (t)
e (s)
L
• → L• , et son carré est nul puisque s ≤ t.
e (t)
e (s)
Un élément g de Gal(L/k) agit trivialement sur L
• (resp. L• ) si et seulement si `(g) ≤ t, (resp. `(g) ≤ s), donc si et seulement si g appartient à Gi (resp.
Gi+1 ). Par ailleurs, soit g appartenant à Gi+1 , soit r ∈ Γ et soit y ∈ L∗ tel que
|y| ≤ sr. On a g(y) = y + z, avec |z| ≤ s|y| ≤ s2 r ≤ tr ; il en découle que g fixe
e (t)
chacun des éléments de l’idéal I de L
• .
Le groupe Gi+1 /Gi s’identifie ainsi à un sous-groupe du groupe H des aue (t)
tomorphismes de L
• qui fixent chaque élément de I et induisent l’identité sur
(t)
e
L• /I. L’idéal I étant de carré nul, H est naturellement isomorphe au groupe
e (t)
additif Der(L
• /I, I) et est donc abélien.
Il reste à s’assurer que Gi+1 /Gi est d’exposant p. Soit g appartenant à Gi+1 , et
soit d la dérivation associée. Soit x appartenant à L∗ et soit r sa valeur absolue.
(t)
(t)
(t)
(t)
(t)
Le morphisme g (resp. gp ) envoie x
er sur x
er + d(e
xr ) (resp. x
er + p.d(e
xr )).
p
En conséquence, g (x) − x s’écrit p(g(x) − x) + y, où |y| ≤ tr. Comme |p| < 1,
comme t < s, et comme |g(x) − x| ≤ sr, on a |gp (x) − x| < sr = s|x| ; ceci
valant pour tout x dans L∗ , on a `(gp ) < s = ri+1 et gp ∈ Gi , ce qu’il fallait
démontrer. 10
3
Les pseudo-disques
La réduction d’un disque
À partir de maintenant, le groupe ordonné Γ est égal à R∗+ , et k désigne un
corps ultramétrique complet.
(3.1) Soit X un espace k-analytique et soit A l’algèbre des fonctions sur X,
munie de sa structure plurinormée. Pour tout réel r strictement positif, on note
A≤r (resp. A<r ) le sous-anneau de A formé des éléments a tels que ||a||∞ ≤ r
(resp. ||a||∞ < r) ; on désigne par A≺r le complété (pour la topologie plurinormée) de A<r . Remarquons que si X est compact, A≺r = A<r . On pose
L
Af
A≤r /A≺r ; c’est un anneau gradué. Si X est affinoı̈de, A est une
• =
r
algèbre de Banach et Af
• est sa réduction graduée au sens défini par Temkin. Si
a ∈ A et si r est un réel strictement positif supérieur ou égal à ||a||∞ , on notera
e
ar l’image de a dans Af
a.
r . Si r = ||a||∞ , on écrira simplement e
(3.2) Soit r = (r1 , . . . , rn ) ∈ (R∗+ )n , soit X le k-polydisque ouvert de polyrayon
(r1 , . . . , rn ) et soit A son algèbre des fonctions analytiques ; on désigne par
T1 , . . . , Tn les fonctions coordonnées sur X. Quitte à réordonner les ri et les
Ti , on peut supposer qu’il existe j tel que ri soit de torsion modulo |k ∗ | si et
seulement si i ≤ j. Pour tout i ≤ j, notons ni l’ordre de ri modulo |k ∗ | et
choisissons λi ∈ k ∗ tel que rini = |λi |.
Il est alors immédiat qu’il existe un isomorphisme de e
k• -algèbres graduées
f
entre A• et
e
f1
k• [[τ1 , . . . , τj ]] [r1−1 t1 , . . . , rn−1 tn ]/ (λ
−1 n
t1 1
fj
− τ1 , . . . , λ
−1 nj
tj
− τj )
modulo lequel Tei = ti pour tout i ∈ {1, . . . n}.
L’anneau Af
• est un anneau gradué local, c’est-à-dire qu’il possède un et un
seul idéal gradué maximal m, engendré par (t1 , . . . , tn ).
(3.3) Remarque. L’anneau Af
• est même un anneau gradué local complet, ce
f d
qui signifie que pour tout r ∈ R∗+ , la flèche naturelle Af
r → lim(A• /m )r est
←
un isomorphisme. Si F est une extension complète quelconque de k, l’anneau
b k A )• s’identifie au complété de Fe• ⊗ek Af
gradué (F^
⊗
• en son idéal homogène
•
maximal (t1 , . . . , tn ).
(3.4) Définition. On conserve les notations X, A , etc. introduites ci-dessus.
On dira qu’une famille (f1 , . . . , fn ) de fonctions sur X est un système de coordonnées si les fi induisent un isomorphisme entre X et un disque ouvert de
An,an
centré en l’origine.
k
(3.5) Proposition. Soit (f1 , . . . , fn ) une famille de fonctions bornées sur X.
Les propositions suivantes sont équivalentes :
11
i) les fi forment un système de coordonnées de X ;
ii) les fei appartiennent à l’idéal m de Af
• et en constituent une famille
génératrice ;
iii) les fei appartiennent à m et leurs images dans m/m2 en constituent une
base (en tant que e
k-espace vectoriel gradué).
Démonstration. L’équivalence entre ii) et iii) résulte du lemme de Nakayama
gradué ; l’implication i) ⇒ ii) a été vue ; on suppose maintenant que ii) est vraie,
et l’on cherche à établir i). Pour tout i, notons ρi le rayon spectral de fi . Soit f
le morphisme de X vers An,an
défini par les fi , et soit l la partie affine (i.e. de
k
degré ≤ 1) de f . L’hypothèse faite sur les fi implique que f envoie X dans le
polydisque ouvert Y de polyrayon (ρ1 , . . . , ρn ), et que l induit un isomorphisme
entre X et Y . Par abus, on note encore l et f les morphismes de X vers Y ainsi
définis ; on va montrer que f : X → Y est un isomorphisme.
Quitte à remplacer f par l−1 ◦ f on peut supposer que X = Y , que ρi = ri
pour tout i, et que chaque fi est de la forme Ti +gi , où gi est somme de monômes
d’ordre au moins 2 et de rayon spectral inférieur ou égal à ri .
L’espace X muni de la famille des Ti représente le foncteur qui envoie un
espace Z sur O(Z)<r := O(Z)<r1 × . . . × O(Z)<rn ; si l’on suppose Z réduit,
la topologie de la convergence uniforme sur tout compact munit O(Z)<r d’une
structure de groupe abélien plurinormé.
Fixons un espace k-analytique réduit Z. L’endomorphisme f (Z) de O(Z)<r
induit par f est somme de l’identité et d’une application g(Z) qui est telle que
pour tout ω ∈ O(Z)<r , la P
suite des g(Z)m (ω) tend vers 0 quand m tend vers
l’infini ; il en découle que
(−1)i g(Z)i (ω) converge vers un certain élément
h(Z)(ω) de O(Z)<r .
Par construction, h(Z) ◦ f (Z) = f (Z) ◦ h(Z) = IdO(Z)<r ; comme Z 7→ h(Z)
est une transformation naturelle, Z 7→ f (Z) est un automorphisme du foncteur
Z 7→ O(Z)<r = X(Z) ; par le lemme de Yoneda, f est un isomorphisme. (3.6) Théorème. Soit X un espace k-analytique. Supposons qu’il existe une
extension finie, séparable et modérément ramifiée L de k telle que XL soit isomorphe à un polydisque ouvert ; alors X est isomorphe à un polydisque ouvert.
Démonstration. Choisissons un n-uplet (l1 , . . . , ln ) d’éléments de L∗ tel que
e • sur e
(le1 , . . . , len ) soit une base de L
k• . Soit K une extension ultramétrique
complète quelconque de k. Comme L est une extension modérément ramifiée de
k, la famille (le1 , . . . , len ) est d’après le 1.21 encore une X
base de (L^
⊗k K)• sur e
k• .
n
Si (λ1 , . . . , λn ) ∈ K , le lemme 1.4 assure alors que ||
λi li ||∞ = max |λi |.|li |.
| {z }
∈K⊗k L
Soit A l’algèbre des fonctions analytiques sur X, munie de sa structure plurinormée. En raisonnant sur les domaines affinoı̈des
L de X, l’on voit que l’algèbre
B des fonctions analytiques sur XL s’identifie à
A .li . Par la définition de la
12
norme spectrale d’une fonction analytique, et d’après ce qui précède, on a pour
tout n-uplet (a1 , . . . , an ) d’éléments de A l’égalité
X
||
ai li ||∞ = max ||ai ||∞ |li |∞ .
| {z }
∈B
e
e • ⊗e Af
On en déduit immédiatement que le morphisme canonique L
• → B•
k•
est un isomorphisme.
Par hypothèse, XL est isomorphe à un polydisque ouvert. Si m désigne
e• est un anneau local gradué (complet) dont toute famille
sa dimension, B
génératrice minimale de l’idéal maximal homogène m comprend m éléments.
e• ' L
f
e
e • ⊗e Af
Puisque B
• , la flèche A• → B• est injective et entière ; la version
k•
e• est local, d’idéal maximal n = m ∩ Af
graduée du going up assure alors que A
•.
e • est étale (cf. 1.20).
Comme L est modérément ramifiée sur k, la e
k• -algèbre L
e
L’anneau B• /n étant dès lors une A /n-algèbre finie étale et locale, c’est un
corps, ce qui montre que n engendre m. Il existe donc m éléments bornés
f1 , . . . , fm dans A tels que (fe1 , . . . , ff
m ) engendre m.
Pour tout i notons ri le rayon spectral de fi . De la proposition 3.5, l’on déduit
que (f1 , . . . , fm ) définit un isomorphisme de XL sur le L-polydisque ouvert de
polyrayon (r1 , . . . , rl ). Soit ϕ le morphisme de X vers le k-polydisque ouvert D
de polyrayon (r1 , . . . , rl ) défini par les fi ; le morphisme ϕL (déduit de ϕ par
extension des scalaires au corps L) est un isomorphisme. Il reste à en conclure
que ϕ est un isomorphisme.
Le morphisme ϕL est de dimension relative identiquement nulle, il en va donc
de même de ϕ ; les fibres géométriques de ϕL sont de cardinal 1 et n’ont pas
de multiplicités ; on en déduit que les fibres géométriques de ϕ sont de cardinal
1 et n’ont pas de multiplicités, et ceci entraı̂ne notamment la bijectivité de
l’application continue sous-jacente à ϕ.
Comme XL → X est fini et surjectif et comme ∂(XL /k) = ∅, ∂(X/k) = ∅.
Soit x ∈ X et soit y son image sur D. Puisque x ∈ Int(X/k), le morphisme ϕ est
intérieur en x ; ce dernier étant isolé dans sa fibre (il en est le seul point), ϕ est
fini en x ; il existe de ce fait un voisinage affinoı̈de V de x dans X et un voisinage
affinoı̈de W de y dans D tels que ϕ induise un morphisme fini de V vers W .
Comme D est normal, W l’est également et on peut donc, quitte à le remplacer
par la composante connexe de y, le supposer intègre. L’espace X est purement
de dimension m (puisque c’est le cas de XL ), l’espace D aussi ; l’image de V sur
W , qui est un fermé de Zariski de W , est donc W tout entier. La flèche V → W
est ainsi un morphisme fini dont le rang en tout point est au moins égal à 1 (par
surjectivité) et au plus égal à 1 (puisque les fibres géométriques de ϕ sont de
cardinal 1 et n’ont pas de multiplicités) ; il est dès lors identiquement égal à 1,
ce qui entraı̂ne, W étant intègre, que V ' W . On vient de montrer que ϕ induit
isomorphisme local au voisinage de tout point de X ; puisque l’appplication
continue sous-jacente à ϕ est bijective, ϕ est un isomorphisme. 13
(3.7) Un contre-exemple dans le cas sauvagement ramifié. Supposons
que k est de caractéristique mixte (0, p), et que e
k n’est pas parfait. Choisissons
un élément x dans k de valeur absolue égale à 1 tel que x
e ne soit pas une
puissance p-ième dans e
k. L’ouvert X de A1,an
défini par l’inégalité |T p − x| < 1
k
ne possède aucun point k-rationnel, et n’est donc pas isomorphe à un disque
ouvert.
Si L est une extension finie séparable de k dans laquelle x possède une racine
p-ième y, l’ouvert XL de A1,an
peut être décrit par l’inégalité |T − y| < 1, et est
L
donc isomorphe au L-disque unité ouvert.
14
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