Toute forme modérément ramifiée d`un polydisque ouvert est triviale

Toute forme mod´er´ement ramifi´ee d’un
polydisque ouvert est triviale
Antoine Ducros
1 Ramification mod´er´ee et r´eduction `a la Tem-
kin
Toutes les normes, semi-normes, valeurs absolues, etc. consid´er´ees ici sont
ultram´etriques. On fixe un groupe ordonn´e divisible Γ, et un corps kmuni d’une
valeur absolue |.|:kΓ{0}(la notation est multiplicative) ; on suppose que
kest hens´elien, c’est-`a-dire que sa valeur absolue admet un unique prolongement
`a chacune de ses extensions finies.
Dans ce qui suit, la notion d’anneau gradu´e signifiera anneau Γ-gradu´e.
(1.1) Soit Aun anneau gradu´e et soit (r1, . . . , rn)Γn. On note
A[r1
1T1, . . . , r1
nTn]
(en omettant ´eventuellement les ri´egaux `a 1) l’anneau gradu´e dont l’anneau
sous-jacent est A[T1, . . . , Tn], et dont le groupe des ´el´ements homog`enes de degr´e
sest form´e, pour sfix´e, des polynˆomes de la forme PaITItels que aIsoit
homog`ene de degr´e srIpour tout I.
Par abus, on notera A[[τ1, . . . , τr]] l’anneau gradu´e
M
s
As[[τ1, . . . , τr]]
o`u Asd´esigne pour tout sl’ensemble des ´el´ements de Ade degr´e s.
(1.2) Remarque. Nous utiliserons librement et sans justification le fait que la
plupart des notions usuelles d’alg`ebre commutative s’´etendent mutatis mutandis
au cas des anneaux gradu´es. C’est par exemple le cas de la th´eorie des alg`ebres
´etales sur un corps, et de la th´eorie de Galois (notons toutefois que le th´eor`eme
de l’´el´ement primitif ne se transpose pas `a notre situation).
(1.3) Soit Aune k-alg`ebre munie d’une semi-norme sous-multiplicative ||.|| `a
valeurs dans Γ . Pour tout rΓ, on note Ar(resp. A<r) le sous-groupe de A
form´e des ´el´ements atels que ||a|| ≤ r(resp. ||a|| < r).
On d´esigne par e
Ala r´eduction gradu´ee de Aau sens de Temkin, c’est-`a-dire
l’alg`ebre Γ-gradu´ee L
rΓ
Ar/A<r. Si aAet si rest un ´el´ement de Γ tel que
1
||a|| ≤ r, on notera earl’image de adans e
Ar; si r=||a||, on ´ecrira simplement
ea; si ||a|| = 0, on pose ea= 0.
(1.4) Lemme. Soit (ai)une famille d’´el´ements de A. Les propositions suivantes
sont ´equivalentes :
i) ( eai)est une famille libre du e
k-espace vectoriel gradu´e e
A;
ii)Les normes des aisont toutes non nulles, et || Pλiai|| = max |λi|.||ai||
pour toute famille (λi)d’´el´ements de k.
(1.5) Corollaire. On a l’in´egalit´e dime
ke
AdimkA.
D´emonstration. Cela r´esulte du fait que toute famille d’´el´ements de Aqui
v´erifie ii) est libre.
Corps r´esiduels gradu´es et th´eorie de Galois
Commen¸cons par ´etablir diff´erentes variantes gradu´ees du lemme de Hensel.
(1.6) Soit P=Xn+Pin1aiXiun polynˆome unitaire `a coefficients dans
k; soit Lun corps de d´ecomposition de P. Posons ρ(P) = max |ai|1/ni. Un
calcul imm´ediat montre que si xLest tel que |x|> ρ(P), alors |x|n>|ai|.|x|i
pour tout in1 ; en cons´equence, xne peut ˆetre racine de P. Par ailleurs,
si ρ(P) majorait strictement en valeur absolue toutes les racines de Pdans
L, l’expression des aien fonction de ces derni`eres fournirait l’in´egalit´e absurde
max |ai|1/ni< ρ(P) ; il en d´ecoule que ρ(P) co¨ıncide avec le maximum des
valeurs absolues des racines de Pdans L. Si Qdivise P, alors ρ(Q)ρ(P).
Pour tout rΓ majorant ρ(P), l’on notera e
Prle polynˆome Xn+P^ai,rniXi
`a coefficients dans e
k; c’est un ´el´ement de e
k[X/r] homog`ene de degr´e rn. Si
Ps’´ecrit RS avec Ret Sunitaires, on a a alors e
Pr=e
Rre
Sr; en particulier, si
l’on ´ecrit P=Q(Xxi) dans L, alors e
Pr=Q(Xgxi,r). On en d´eduit que
r > ρ(P) si et seulement si e
Pr=Xn.
Si ρ(P)>0 (autrement dit si Pn’est pas une puissance de X), l’on ´ecrira
simplement e
Pau lieu de e
Pρ(P).
Si rΓ et si Rest un ´el´ement unitaire et homog`ene de e
k[X/r], on appellera
rel`evement admissible de Rtout polynˆome unitaire Rappartenant `a k[X], tel
que ρ(R)ret tel que e
Rr=R; l’existence d’un tel rel`evement est imm´ediate.
(1.7) Lemme. Soit Pun polynˆome unitaire `a coefficients dans ket soit run
´el´ement de Γsup´erieur ou ´egal `a ρ(P). Supposons que e
Pradmet une factorisa-
tion e
P=RS, o`u Ret Ssont des ´el´ements homog`enes, unitaires, non constants
et premiers entre eux de e
k[X/r]; sous cette hypoth`ese ρ(P) = ret Pn’est pas
irr´eductible sur k.
D´emonstration. Supposons que Pest irr´eductible, donnons-nous un corps de
d´ecomposition Lde Pet ´ecrivons P=Q(Xxi) dans L. Comme Ret Ssont
2
premiers entre eux, e
Prest diff´erent de Xnet l’on a donc ρ(P) = r. Puisque
Q(Xgxi,r) = RS, il existe deux indices iet jdistincts tels que gxi,r (resp. gxj,r)
soit une racine de R(resp. de S) ; comme Ret Ssont premiers entre eux, gxj,r
n’annule pas R.
Soit Run relev´e admissible de R. Si mesigne de degr´e de Ren X, alors
|R(xi)|< rmpuisque R(gxi,r) = 0.
Soit gun k-automorphisme de Lenvoyant xisur xj; on a n´ecessairement
|R(xj)|=|g(R(xi))|=|R(xi)|< rm, ce qui est contradictoire avec le fait que
R(gxj,r )6= 0.
(1.8) Lemme. Soit Pun polynˆome unitaire `a coefficients dans ket soit run
´el´ement de Γmajorant ρ(P). Supposons que e
Prs’´ecrit QPi, o`u les Pisont des
´el´ements homog`enes, unitaires, non constants et deux `a deux premiers entre eux
de e
k[X/r]. Le polynˆome Padmet alors une factorisation P=QPio`u chaque
Piest unitaire et tel que g
Pi,r =Pi.
D´emonstration. On raisonne par r´ecurrence sur le degr´e de P. S’il est nul
le r´esultat est trivial ; on suppose donc que deg P > 0 et que le r´esultat a ´et´e
prouv´e en degr´es strictement inf´erieurs `a deg P. Si le nombre de facteurs Riest
´egal `a 1, il n’y a rien `a d´emontrer ; sinon, il r´esulte du lemme 1.7 que Pn’est pas
irr´eductible ; ´ecrivons alors P=QR, o`u Qet Rsont unitaires et non constants ;
notons que e
Pr=e
Qre
Rr.
Pour tout inotons Qi(resp. Ri) le PGCD unitaire de e
Q(resp. e
R) et Pi. Les
Qi(resp. Ri) sont homog`enes, unitaires et deux `a deux premiers entre eux ; l’on
ae
Qr=QQi,e
Rr=QRiet QiRi=Pipour tout i. Comme Ret Qsont tous
deux de degr´e strictement inf´erieur `a degP, l’on peut leur appliquer l’hypoth`ese
de r´ecurrence ; l’on peut donc ´ecrire Q=QQiet R=QRio`u Qi(resp. Ri)
est pour tout iun polynˆome unitaire tel que e
Qi=Qi(resp. e
Ri=Ri). La
famille des polynˆomes Pi:= QiRiconvient alors.
(1.9) Corollaire (lemme de Hensel gradu´e). Soit Pun polynˆome unitaire
`a coefficients dans ket soit run ´el´ement de Γmajorant ρ(P). Si e
Pradmet une
racine simple λdans e
kr, il existe alors une et une seule racine lde Pdans k
telle que e
lr=λ.
(1.10) Proposition. Soit Lune extension finie de k; posons e= [|L|:|k|]
et f= [e
L:e
k]. On a alors [L:k][e
L:e
k] = ef. De plus, les conditions
suivantes sont ´equivalentes :
i)e
Lest une extension s´eparable de e
k;
ii)e
Lest une extension s´eparable de e
ket [|L|:|k|]est premier `a p.
D´emonstration. Pour tout ´el´ement γde |k|, choisissons λγdans ktel que
|λγ|=γ. Pour tout ´el´ement δde |L|/|k|donnons-nous µδLtelle que
l’image de |µδ|dans |L|/|k|soit ´egale `a δ. Fixons enfin une base (α1, . . . , αf)
3
de e
Lsur e
k. Des deux d´ecompositions
e
k=M
γe
k.f
λγet e
L=M
γe
L.fµδ.f
λγ,
l’on d´eduit que (αifµδ) est une base de e
Lsur e
k, d’o`u l’´egalit´e [e
L:e
k] = ef.
La majoration [e
L:e
k][L:k] est fournie par le corollaire 3.5.
Supposons que i) soit vraie ; le polynˆome minimal sur e
kde tout ´el´ement
homog`ene non nul de e
Lest alors s´eparable ; c’est en particulier vrai pour les
´el´ements de de degr´e 1, c’est-`a-dire ceux qui appartiennent `a e
L; ainsi, e
Lest
s´eparable sur e
k. Par ailleurs, soit xun ´el´ement de Ltel que |x|pappartienne `a
|k|. Il existe le
Let ωe
ktel que exp=; on en d´eduit que exest purement
ins´eparable sur le sous-corps gradu´e e
L.e
kde e
L. Le corps e
Lest par hypoth`ese
s´eparable sur e
k, il l’est a fortiori sur e
L.e
k. En cons´equence, exe
L.e
k; ceci
implique que le degr´e de ex, autrement dit la valeur absolue de x, appartient `a
|k|; l’on a donc ´etabli ii).
Supposons que ii) soit vraie. Le corps sous-corps gradu´e e
L.e
kde e
Lest alors
s´eparable sur e
k. Soit ξun ´el´ement homog`ene non nul de e
Let soit xun ´el´ement
de Ltel que ex=ξ. Soit mun entier premier `a ptel que |x|m∈ |k|. Il existe
le
Let ωe
ktel que ξm=; en cons´equence, ξest s´eparable sur e
L.e
k. Le
corps e
Lest donc s´eparable sur e
L.e
k, lequel est lui-mˆeme s´eparable sur e
k; d`es
lors, e
Lest s´eparable sur e
k.
On se propose maintenant de reformuler la th´eorie de la ramification mod´er´ee
dans le langage des r´eductions gradu´ees.
(1.11) Proposition. Soit Lune extension finie galoisienne de k.
a)Les extensions e
L/e
ket e
L/e
ksont normales, et les deux fl`eches naturelles
Gal(L/k)Gal(e
L/e
k)et Gal(e
L/e
k)Gal(e
L/e
k)sont surjectives ;
b)La seconde fl`eche mentionn´ee ci-dessus s’ins`ere dans une suite exacte
1Hom(|L|/|k|,e
L)Gal(e
L/e
k)Gal(e
L/e
k)1.
D´emonstration. Prouvons a). Soit ξun ´el´ement homog`ene non nul de e
L;
relevons-le en un ´el´ement xde L, de valeur absolue ´egale au degr´e rde ξ. Soit
Ple polynˆome minimal de xsur L.´
Ecrivons P=Q(Xxi), o`u x1, . . . , xd
sont les ´el´ements de l’orbite de xsous Gal(L/k). Remarquons que ρ(P) = r > 0.
Le polynˆome e
Pest donc bien d´efini, il est ´egal `a Q(Xexi) ; c’est un ´el´ement
unitaire homog`ene de e
k[X/r] qui annule ξet est scind´e dans e
L; le polynˆome
minimal Rde ξest donc scind´e dans e
L, ce qui montre que e
Lest une extension
normale de k. En se limitant au cas o`u ξest de degr´e 1, on ´etablit en particulier
le caract`ere normal de e
L/e
k.
4
Soit ηune racine de Rdistincte de ξ; elle co¨ıncide avec exipour un certain i.
Il existe gGal(L/k) tel que g(x) = xi, et l’image de gdans Gal(e
L/e
k) envoie
ξsur η. On en d´eduit qu’un ´el´ement homog`ene non nul de e
Lest invariant sous
l’image de Gal(L/k) si et seulement si il co¨ıncide avec tous ses conjugu´es, donc si
et seulement si il est invariant sous l’image de Gal(e
L/e
k) ; par la correspondance
de Galois, l’image de Gal(L/k) est ´egale `a Gal(e
L/e
k) tout entier. L`a encore, il
suffit de se restreindre au cas o`u ξest de degr´e 1 pour obtenir la surjectivit´e de
Gal(L/k)Gal(e
L/e
k).
´
Etablissons maintenant b). La |L|-graduation de e
Linduit sur ce dernier
une |L|/|k|-graduation e
L=L
δ∈|L|/|k|
Eδ; pour tout δl’ensemble Eδ{0}est
un (e
L.e
k)-torseur, le terme de torseur ´etant ici `a prendre dans une acception
homog`ene que nous laissons au lecteur le soin de pr´eciser ; notons que E1=e
L.e
k.
Soit ψun morphisme de groupes de |L|/|k|dans e
L. L’application de e
L
dans lui-mˆeme qui envoie Pxδsur Pψ(δ)xδest un e
L.e
k-automorphisme de
e
L; la fl`eche Hom(|L|/|k|,e
L)Gal(e
L/e
L.e
k) ainsi d´efinie est injective par
construction.
Montrons qu’elle est surjective. Soit ϕGal(e
L/e
L.e
k) et soit δ∈ |L|/|k|. Si
xet ysont deux ´el´ements non nuls et homog`enes de Eδ, leur quotient appartient
`a e
L.e
ket l’on a donc ψ(x)(y) = x/y ; ceci implique l’existence d’un ´el´ement
homog`ene non nul ψ(δ) de e
L.e
ktel que ϕ(x) = ψ(δ)xpour tout xEδ; cette
´egalit´e appliqu´ee `a n’importe quel ´el´ement xhomog`ene et non nul de Eδforce
le degr´e de ψ(δ) `a ˆetre ´egal `a 1, et l’on a donc ψ(δ)e
L. Du fait que ϕest
un morphisme on d´eduit imm´ediatement que ψHom(|L|/|k|,e
L), d’o`u la
surjectivit´e souhait´ee.
Le groupe Hom(|L|/|k|,e
L) s’identifie donc `a Gal(e
L/e
L.e
k), ce qu’il fallait
d´emontrer.
(1.12) Si Lest un extension finie galoisienne de k, on note Igrad(L/k) le groupe
d’inertie gradu´e de L/k, c’est-`a-dire le noyau de Gal(L/k)Gal(e
L/e
k). Re-
marquons que par d´efinition, Igrad(L/k) est l’ensemble des k-automorphismes g
de Ltels que pour tout xnon nul dans L, l’on ait l’in´egalit´e |g(x)x|<|x|.
(1.13) Lemme. Soit Lune extension finie galoisienne de ket soit Fune
sous-extension galoisienne de L. La suite
1Igrad(L/F )Igrad(L/k)Igrad(F/k)1
est exacte.
D´emonstration. Le seul fait non imm´ediat est la surjectivit´e de la fl`eche
Igrad(L/k)Igrad(F/k). Soit gIgrad(F/k) ; relevons-le en un ´el´ement g0de
Gal(L/k). Par d´efinition de Igrad(F/k), l’action de g0sur e
Fest triviale. Comme
Gal(L/F ) se surjecte sur Gal(e
L/e
F), il existe happartenant `a Gal(L/F ) tel
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