Dossier La génétique des épilepsies dans la pratique pédiatrique Gaëtan Lesca1, Philippe Ryvlin2, Alain Calender1, Vincent des Portes3 1 Laboratoire de génétique, Pavillon E, Hôpital Edouard Herriot, 5 place d’Arsonval, 69003 Lyon <[email protected]> 2 U301, Hôpital neurologique et neurochirurgical Pierre Wertheimer, et CTRS-IDEE, Lyon 3 Service de neurologie pédiatrique, Hôpital Debrousse, Lyon Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les facteurs génétiques jouent un rôle important dans la survenue des épilepsies. À côté des épilepsies idiopathiques, qui répondent le plus souvent à des mécanismes d’hérédité complexe qui restent encore mal caractérisés à l’heure actuelle, les récentes avancées de la génétique permettent d’identifier avec plus de précision la cause d’un nombre croissant de maladies épileptiques d’origine monogénique ou chromosomique et d’apporter ainsi un conseil génétique fiable aux familles des patients. Mots clés : épilepsie, génétique, conseil génétique doi: 10.1684/mtp.2006.0006 C mtp Tirés à part : G. Lesca es dernières années, de grandes avancées ont été réalisées dans l’identification des facteurs génétiques impliqués dans la genèse des épilepsies. Celles-ci ont essentiellement porté sur les formes monogéniques, qu’elles soient associées à d’autres manifestations cliniques, neurologiques ou non, ou qu’il s’agisse de formes familiales idiopathiques. L’objet de cette synthèse est d’aborder les épilepsies pour lesquelles un test génétique permet de confirmer le diagnostic, de préciser le pronostic ou de proposer un conseil génétique adapté. Nous évoquerons successivement quelques aberrations chromosomiques subtiles, la génétique des malformations corticales diffuses, les épilepsies myocloniques progressives puis deux syndromes épileptiques sévères du nourrisson. Pour les épilepsies idiopathiques, dont les avancées ont des retombées pratiques plus limitées, nous renvoyons le lecteur à des revues récentes [1, 2]. mt pédiatrie, vol. 9, n° 5-6, septembre-décembre 2006 Les anomalies chromosomiques L’épilepsie est, avec le retard mental qui lui est le plus souvent associé, l’une des manifestations cliniques les plus fréquentes des anomalies chromosomiques [3]. Le caryotype lymphocytaire revêt donc un grand intérêt lorsque l’épilepsie est associée à un retard de développement psychomoteur, un retard de croissance, des manifestations neurologiques ou des malformations. S’il identifie surtout les anomalies chromosomiques déséquilibrées de grande taille, certaines translocations ont permis de préciser le gène situé au niveau du point de cassure, comme ce fut récemment le cas de CDKL5 (voir plus loin) [4]. Nous détaillons les situations dans lesquelles l’épilepsie occupe une place centrale dans la symptomatologie. Le syndrome d’Angelman Il comporte un retard mental sévère avec absence d’acquisition du 293 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. La génétique des épilepsies dans la pratique pédiatrique langage, une ataxie, des accès de rire immotivés, un retard de croissance post-natal et une dysmorphie faciale avec une macrostomie, un prognathisme et une microcéphalie [5]. L’épilepsie débute entre 6 et 18 mois et est souvent pharmaco-résistante. Les absences atypiques et les myoclonies prédominent [6, 7]. Sur l’EEG, une activité continue lente et très ample, rythmique de 4 à 6 Hz, peut orienter le diagnostic. Ce syndrome peut être causé par différentes anomalies chromosomiques et géniques. On retrouve le plus souvent une microdélétion du bras long du chromosome 15, d’origine maternelle, rarement visible sur le caryotype et qui doit être recherchée par hybridation in situ (FISH, Fluorescent In Situ Hybridization). Cette région chromosomique est soumise à empreinte parentale, c’est-à-dire que certains gènes sont actifs ou inactifs en fonction du sexe du parent qui a transmi le chromosome porteur. Ainsi, une microdélétion de la même région sur le chromosome paternel conduit au syndrome de Prader-Willi, qui diffère cliniquement et qui est rarement associé à une épilepsie. Les autres mécanismes, qui doivent être recherchés par des techniques de biologie moléculaire, sont : i) une disomie uniparentale paternelle (le patient porte deux copies du chromosome paternel et aucune du chromosome maternel), ii) un défaut du mécanisme d’empreinte du chromosome 15, iii) des mutations du gène UBE3A, situé dans cette région chromosomique [8-11]. Le risque de récurrence diffère selon le mécanisme en cause, d’un risque quasi nul (délétion) à une récurrence de 50 % (mutation UBE3A). Chez 10 à 15 % des patients, on ne retrouve aucune de ces anomalies. Des mutations du gène MECP2, habituellement responsable du syndrome de Rett chez les filles, ont été rapportées chez quelques garçons présentant un syndrome d’Angelman [12]. Les anneaux du chromosome 20 L’épilepsie qui en est la principale manifestation débute souvent entre 4 et 6 ans, conjointement au ralentissement du développement psychomoteur et aux troubles du comportement [3]. Il s’agit principalement « d’états de mal non convulsifs (voir également la figure 12 de l’article de Kaminska et Planin dans le présent numéro) se manifestant par des accès de suspension partielle de la conscience d’une durée de 10 à 50 minutes [13]. Les patients ne perdent pas toute réactivité et gardent un souvenir des crises qui sont parfois pluriquotidiennes et pharmacorésistantes. L’anneau du chromosome 20 est homogène ou en mosaïque dans une proportion variable de cellules. Aucune récurrence familiale n’a été rapportée. Les microdélétions 1p36 Le phénotype associe une hypotonie, un retard de croissance, une microcéphalie, une obésité et une dys- 294 morphie faciale comportant un front haut, une hypoplasie de l’étage moyen, des yeux enfoncés et des sourcils rectilignes et bas implantés, une orientation des fentes palpébrales en haut et en dehors, une racine du nez plate, des oreilles bas implantées, un menton pointu, une microstomie et une fente labiale. D’autres atteintes peuvent être présentes, en particulier cardiaques, ophtalmologiques ou sensorielles (surdité). Le retard mental est sévère et les troubles du comportement fréquents [14-17]. Les manifestations épileptiques comportent plus souvent des crises tonicocloniques généralisées que des crises focales, des myoclonies. En dehors de certains cas où elle est associée à une translocation déséquilibrée associée, la microdélétion n’est visible qu’en hybridation in situ. Le syndrome de Wolf-Hirschhorn (4p-) Le phénotype comprend un retard de croissance préet post-natal, des difficultés alimentaires, un retard psychomoteur très sévère, une dysmorphie et des malformations variables. La dysmorphie comporte une microcéphalie avec un front haut et une racine du nez droite et large (donnant un profil en casque grec), un hypertélorisme, une micrognathie, des mains et pieds graciles [3]. Les malformations les plus fréquentes incluent des anomalies de la ligne médiane (hypospade, fente palatine), des anomalies oculaires, cardiaques, squelettiques, rénales et une surdité. L’épilepsie se manifeste par des myoclonies généralisées ou unilatérales suivies d’absences atypiques [18, 19]. L’EEG est proche de celui du syndrome d’Angelman. Les microdélétions du bras court du chrosomosome 4 sont de taille variable mais doivent être le plus souvent recherchées par hybridation in situ. Les patients porteurs d’une délétion étendue ou résultant du déséquilibre d’une translocation parentale équilibrée décèdent plus précocement [20]. La tétrasomie 15p partielle (pter-q13) Ce syndrome est caractérisé par une dysmorphie discrète, une absence de malformations associées, un retard mental profond avec des traits autistiques et des troubles du comportement [3]. L’épilepsie est inconstante. Elle débute vers 1 à 3 ans sous forme de crises tonicocloniques généralisées ou atoniques s’intégrant parfois dans un syndrome de Lennox-Gastaud difficile à contrôler [21]. Le caryotype retrouve un chromosome additionnel produisant une tétrasomie de la partie proximale du chromosome 15 : inv dup(15)(q13). Le syndrome de Miller-Dieker La manifestation principale est une lissencéphalie associée à un retard profond du développement psychomoteur, une microcéphalie, un retard de croissance, un hypogénitalisme et une dysmorphie faciale. La plupart des patients décèdent avant deux ans [3]. Les crises mt pédiatrie, vol. 9, n° 5-6, septembre-décembre 2006 épileptiques sont variées et difficilement contrôlées [22]. La microdélétion concerne la bande chromosomique 17p13.3 qui contient le gène LIS1. Les maladies monogéniques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. L’épilepsie est une composante du phénotype de nombreuses maladies monogéniques. Dans le cadre de cette synthèse, nous présentons les principales affections dans lesquelles l’épilepsie est au premier plan et pour lesquelles l’identification du gène en cause présente un intérêt pratique. Les anomalies de migration neuronale Le tableau 1 résume les syndromes pour lesquels un gène est identifié. Les modes de transmission et les risques de récurrence varient d’une affection à l’autre. Les lissencéphalies classiques Des mutations des gènes LIS1 et DCX, situés respectivement sur les chromosomes 17 et X, ont été identifiées chez des patients porteurs de lissencéphalie classique (ancien type 1 de Dobyns), dont la sévérité varie de l’absence quasi-totale de gyration (agyrie) à des gyri épais et peu nombreux (pachygyrie) [23-26]. Ces lissencéphalies résultent d’un trouble de la migration neuronale radiaire, avec une désorganisation complète du néocortex. Dans la forme liée à l’X, l’atteinte prédomine au niveau frontal alors que dans celle liée au chromosome 17, la prédominance est occipitale [27]. Les spasmes en flexion initiaux évoluent vers une épilepsie complexe difficile à traiter. Les patients ont un retard mental sévère et une quadriplégie spastique. Les conductrices pour les mutations du gène DCX présentent des hétérotopies laminaires sous-corticales (HLSC) bilatérales s’exprimant par un retard mental de sévérité variable et une épilepsie. Le risque de transmission à la descendance pour une conductrice est de 50 %, l’expression clinique différant selon le sexe du fœtus. La normalité de l’IRM cérébrale ne permettant pas d’exclure un statut de conductrice, l’étude moléculaire est nécessaire. Les formes sporadiques sont associées à un risque de récidive faible mais non nul du fait de possibles mosaïques germinales. Des mosaïques somatiques du gène LIS1 ont été également été identifiées chez quelques patients atteints d’HLSC, qui ont un risque non nul de transmission à leur descendance, car la mosaïque peut être présente dans la lignée germinale [28]. Les autres types de lissencéphalie Une forme de lissencéphalie associée à une hypoplasie cérébelleuse, de transmission autosomique récessive, est liée à des mutations du gène RELN [29], responsable chez la souris d’une inversion complète des couches néocorticales. Peu de données cliniques sont actuellement disponibles. Parmi les mutations du gène ARX, dont nous reparlerons, celles qui ont l’effet le plus sévère sont associées au syndrome XLAG (X-linked lissencephaly with abnormal genitalia) comprenant une lissencéphalie à prédominance postérieure, une agénésie du corps calleux, une épilepsie néonatale réfractaire, des anomalies génitales pouvant aller jusqu’à une ambiguïté, et des troubles de régulation thermique [27, 30]. Le retard de développement psychomoteur est profond et les patients décèdent le plus souvent au bout de quelques mois. Cette lissencéphalie est un modèle de trouble de la migration tengantielle, affectant particulièrement les neurones GABAergiques. Les « fausses » lissencéphalies La dystrophie musculaire congénitale de Fukuyama est associée à une apparente lissencéphalie macroscopique (Cobblestone lissencephaly, ancien type 2 de Dobyns), secondaire à des polymicrogyries avec invagination de la couche moléculaire dans les méninges hypervascularisées. Il s’agit d’un trouble de la reconnaissance du signal d’arrêt de migration, lié à un défaut de glycosylation des molécules d’adhésion. Cliniquement, ce syndrome se manifeste par une hypotonie sévère, un retard du développement psychomoteur, une dystrophie musculaire et des anomalies rétiniennes. L’épilepsie est moins active que Tableau 1. Épilepsie et anomalies de migration neuronale Gène Mode de transmission Phénotype LIS1 DCX Néomutations ou microdélétions (Miller-Dieker) Récessif lié à l’X ARX Récessif lié à l’X Lissencéphalie classique Lissencéphalie classique chez le garçon, hétérotopie sous-corticale en bandes chez la fille Lissencéphalie classique, hypoplasie du corps calleux, anomalies génitales chez le garçon Lissencéphalie classique, hypoplasie cérébelleuse Pachygyrie-micropolygyrie (Cobblestone lissencephaly), dystrophie musculaire congénitale, atteinte oculaire Hétérotopies nodulaires sous-ventriculaires bilatérales chez la fille, létal in utero chez le garçon Tubers corticaux, astrocytomes, épendymomes, lésions multiviscérales (cutanées, rénales, cardiaques, oculaires) RELN FCMD FLN TSC1 / TSC2 Autosomique récessif Autosomique récessif Dominant lié à l’X Autosomique dominant mt pédiatrie, vol. 9, n° 5-6, septembre-décembre 2006 295 La génétique des épilepsies dans la pratique pédiatrique dans les lissencéphalies classiques. Les crises sont souvent tonicocloniques généralisées et volontiers déclenchées par la fièvre. Cette maladie de transmission autosomique récessive est surtout présente au Japon, où elle est liée à une mutation fondatrice du gène FCMD, codant pour une protéine impliquée dans les mécanismes de O-glycosylation nécessaires à la maturation posttraductionnelle de certaines protéines [31]. Des anomalies de plusieurs gènes (FKRP, POMT et POMT1) impliqués dans cette voie métabolique récemment découverte sont également responsables des syndromes voisins muscle-eye-brain et Walker-Warburg. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les hétérotopies nodulaires périventriculaires bilatérales Ce sont des amas neuronaux ectopiques situés en chapelet le long des ventricules, le plus souvent isolés, parfois associés à une dysgnésie corticale, une hypoplasie du corps calleux et du vermis [26]. La maladie est liée à des mutations du gène FLN1, situé sur le chromosome X [32]. Seules les filles présentent une épilepsie et rarement un retard mental léger. Le risque de récurrence pour une conductrice est de 50 %. Les mutations sont probablement létales in utero chez le garçon. La sclérose tubéreuse de Bourneville Cette affection de transmission autosomique dominante est caractérisée par la présence de lésions caractéristiques au niveau cutané (adénomes sébacés, taches achromiques, tumeurs péri-unguéales de Koenen), rénal (angiomyolipomes), cardiaque (rhabdomyomes), oculaire (hamartome rétinien) et cérébral (tubers sous-corticaux, astrocytomes, tumeurs épendymaires) [33]. Le retard mental et l’épilepsie sont présents chez plus de la moitié des patients. Les crises débutent souvent dans les deux premières années par des spasmes en flexion. La variabilité du phénotype, y compris intrafamiliale, est importante. Les mutations des gènes TSC1 et TSC2 rendent compte de la quasi-totalité des cas et sont le plus souvent des mutations de novo. Le conseil génétique pour les formes de présentation sporadique doit cependant tenir compte du risque de mosaïque, évalué à 10 % environ. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une mosaïque somatique se manifestant par une atteinte discrète, objectivée par un examen attentif et retrouvée chez l’un des parents, mais il existe également d’authentiques mosaïques germinales parentales [34]. Les épilepsies myocloniques progressives Il s’agit d’un ensemble de maladies, la plupart de transmission autosomique récessive, dont la triade clinique comprend des myoclonies, une épilepsie généralisée de type tonicoclonique ou absence et une atteinte dégénérative du système nerveux central avec démence et ataxie de gravité variable (tableau 2). La maladie d’Unverricht-Lunborg (EPM1) Les myoclonies débutent entre 6 et 18 ans et sont déclenchées par différents stimuli : lumineux, auditifs et mécaniques. Des tremblements d’intention et une ataxie cérébelleuse se développent progressivement et les fonctions intellectuelles sont longtemps conservées [35]. Il semble exister des formes d’évolution moins sévère et volontiers sous-diagnostiquées [36]. La mutation la plus fréquente est une expansion d’un dodécamère (motif de 12 nucléotides) au niveau du promoteur du gène EPM1, mais il existe également des mutations de la séquence codante [37-39]. Un autre locus vient d’être très récemment localisé sur le chromosome 12 [40]. La maladie de Lafora (EPM2) Les troubles débutent à l’adolescence et évoluent sur une dizaine d’années vers une démence, une apraxie, des troubles visuels puis un état végétatif [35]. Les crises visuelles sont caractéristiques. La biopsie de peau met en évidence des dépôts de polyglucosan (dérivé anormal du glycogène). La maladie est causée par les mutations des gènes EMP2A et NHLRC1 (EPM2B) [41, 42]. Ces deux loci ont été exclus dans une famille, suggérant l’existence d’un troisième gène [43]. Les céroïdes lipofuscinoses (CLN) Il s’agit d’un groupe de maladies héréditaires du métabolisme différenciées selon l’âge de début des symptômes, Tableau 2. Épilépsies myocloniques progressives Maladie Unverricht-Lundborg Lafora Céroides-Lipofuscinoses Autosomique récessif Autosomique récessif Autosomique récessif MERRF Hérédité maternelle (mitochondriale) DRPLA Sialidose Autosomique dominant Autosomique récessif Gangliosidose à GM2 (type III) Gaucher type II 296 Mode de transmission Autosomique récessif Autosomique récessif Méthode de confirmation du diagnostic Recherche de mutations du gène EPM1 Recherche de mutations des gènes EPM2A et B Activité enzymatique pour CLN1 (palmitoyl proteine thioestérase 1) et CLN2 (tripeptidyl peptidase 1) Pour les autres, étude histologie et biologie moléculaire Recherche ciblée des mutations de l’ADN mitochondrial : gène tRNALeu (tRNAPhe, tRNAHis) Estimation de la taille de la répétition (CAG)n du gène Oligosaccharides urinaires Activité enzymatique (a-Neuraminidase) Activité enzymatique (Hexosaminidase B) Activité enzymatique (glucocérébrosidase) mt pédiatrie, vol. 9, n° 5-6, septembre-décembre 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. l’aspect histologique et le gène muté [44]. Les formes infantiles précoces (CLN1) se manifestent par un arrêt puis une régression du développement psychomoteur après un intervalle libre de 6 mois à 2 ans avec une microcéphalie, des myoclonies, une atrophie optique et un appauvrissement rapide de l’EEG (vanishing EEG). Les formes infantiles tardives (CLN2, CLN5 et CLN6) débutent entre 2 et 4 ans. Les formes juvéniles (CLN3) débutent souvent par une baisse rapide de la vision, entre 5 et 10 ans, avant le déclin cognitif et moteur. Les âges de début et l’évolution clinique de ces différentes formes génétiques peuvent se chevaucher et il existe plusieurs variants cliniques. L’IRM cérébrale montre une atrophie cérébrale et cérébelleuse d’autant plus sévère que la maladie commence tôt. Les patients présentent des dépôts de lipopigments fluorescents dans tous les tissus et les aspects particuliers en microscopie électronique peuvent orienter vers un type donné. Pour les formes CLN1 et CLN2, liées à un déficit enzymatique, un dosage de l’activité peur être effectué dans les leucocytes, les fibroblastes ainsi que les amniocytes dans le cadre du diagnostic prénatal. Dans le type CLN3, une délétion de 1 kilobase est présente chez une grande partie des patients. Pour les autres formes, la biologie moléculaire peut être orientée par les lésions histologique. Le syndrome MERRF (Myoclonus Epilepsy and Ragged-Red Fibers) Débutant à un âge variable, il comprend des myoclonies, une épilepsie généralisée, une ataxie, une surdité et une myopathie [45]. D’autres atteintes peuvent êtres associées comme une démence, une petite taille, une atrophie optique, une neuropathie périphérique, une acidose lactique. L’histologie musculaire objective un aspect de fibres rouges déchiquetées (ragged-red fibers) correspondant à une prolifération mitochondriale soussarcolemnique. Cette maladie de transmission maternelle est causée par trois mutations différentes de l’ARN de transfert de la lysine (tRNALys), codé par le génome mitochondrial [46]. Récemment, une mutation de l’ARN de transfert de la phénylalanine (tRNAPhe) a été rapportée ainsi qu’une mutation de l’ARN de transfert de l’histidine (tRNAHis) dans une forme atypique [47, 48]. Le génome mitochondrial est transmis par une patiente à l’ensemble de ses enfants qui seront porteurs de populations de mitochondries mutées et non mutées dans des proportions très variables d’un tissu à l’autre (hétéroplasmie). L’identification de la mutation maternelle chez un enfant apporte peu d’indication sur son évolution future. Le diagnostic prénatal est délicat car il est difficile d’extrapoler le degré d’hétéroplasmie du fœtus à partir de celui des cellules prélevées. Enfin, une mutation du gène de la gamma polymérase mitochondriale (POGL), codée par le génome nucléaire, a été rapportée à l’état homozygote chez un patient présentant un tableau clinique proche mais associé à des délétions multiples de l’ADN mitochondrial [49]. L’atrophie dentatorubro-pallidoluysienne (DRPLA, dentatorubral-pallidoluysian atrophy) Cette maladie autosomique dominante, surtout fréquente au Japon, se manifeste sous trois formes cliniques : i) ataxo-choréo-athétosique, ii) pseudo-Huntington et iii) épilepsie myoclonique progressive, cette dernière forme débutant dans l’enfance. La maladie est causée par une expansion anormale d’une répétition de triplets CAG, codants pour des glutamines [50]. Ces répétitions sont instables, surtout lors de la méiose paternelle et on observe une anticipation au niveau familial (i.e. un âge de début plus précoce par rapport aux générations précédentes). Un test présymptomatique est techniquement réalisable chez les apparentés d’un patient mais ne peut être effectué chez les mineurs du fait de l’absence de bénéfice thérapeutique (loi du 27 juin 2000) [51]. Deux syndromes épileptiques sévères du nourrisson : le syndrome de Dravet et le syndrome de West Les travaux de ces dernières années ont montré que ces deux syndromes étaient génétiquement déterminés malgré leur caractère habituellement sporadique. L’épilepsie myoclonique sévère du nourrisson ou syndrome de Dravet (SMEI, severe myoclonic epilepsy of infancy) Il s’agit d’une épilepsie pharmaco-résistante débutant dans la première année par des états de mal hémicorporels tonicocloniques, initialement déclenchées par l’hyperthermie, et fortement aggravés par certains antiépileptiques (carbamazepine, lamotrigine). Les myoclonies n’apparaissent que secondairement. Les EEG et le développement psychomoteur sont normaux pendant plusieurs mois puis se dégradent en fin de deuxième année avec révélation progressive d’une déficience mentale le plus souvent sévère et une ataxie. L’IRM cérébrale est normale. Chez la majorité des patients on retrouve une mutation germinale du gène SCN1A, codant pour un canal chlore qui survient de novo et est associée à un risque de récurrence très faible [52]. D’autres mutations de ce gène sont responsables du « syndrome » GEFS+ (generalized epilespsy with febrile seizures plus) de transmission autosomique dominante et associant des convulsions fébriles puis des crises afébriles après l’âge de 5 ans [53]. Il s’avère que ce gène est associé à un spectre clinique dont le SMEI représente la forme la plus sévère [54, 55]. De plus, quelques patients présentant un SMEI ont été rapportés dans des familles de GEFS+ [56]. Il existe par ailleurs une hétérogénéité génétique puisque des mutations de deux autres gènes, SCN2A et GABRG2, codant respectivement pour un canal chlore et une sous-unité du récepteur au GABA, ont été identifiées chez quelques enfants présentant un phénotype proche [57, 58]. Le syndrome de West cryptogénique Ce syndrome épileptique de nourrisson est caractérisé par des spasmes infantiles, un arrêt du développement mt pédiatrie, vol. 9, n° 5-6, septembre-décembre 2006 297 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. La génétique des épilepsies dans la pratique pédiatrique psychomoteur et une hypsarrhytmie à l’EEG. La majorité des cas sont symptomatiques et s’inscrivent dans le cadre d’une affection donnée, comme la sclérose tubéreuse de Bourneville. Récemment, deux gènes portés par le chromosome X ont été associés à des formes de syndrome de West cryptogéniques, c’est-à-dire sans malformation visible à l’IRM. Le premier, ARX, est responsable d’un large spectre de manifestations cliniques chez les garçons, allant du retard mental non syndromique au syndrome XLAG [59]. Deux mutations récurrentes, produisant des expansions de polyalanines, sont associées à des tableaux cliniques variables, dont des spasmes infantiles et une épilepsie myoclonique encore mal caractérisée cliniquement [60]. Le deuxième, CDKL5/STK9, est lié à des formes atypiques de syndrome de Rett, débutant par un syndrome de West [61, 62]. Chez les garçons, la maladie est létale in utero ou se manifeste par une encéphalopathie convulsivante très sévère. Par ailleurs, une mutation du gène SCN1A a aussi été retrouvée chez un patient atteint de spasmes infantiles [63]. Conclusion Les progrès en cours depuis ces dernières années dans la connaissance des bases génétiques des épilepsies apportent, dans un nombre croissant de maladies, une aide à la confirmation du diagnostic, à l’établissement du pronostic ainsi qu’au conseil génétique. 11. Matsuura T, Sutcliffe JS, Fang P, et al. De novo truncating mutations in E6-AP ubiquitin-protein ligase gene (UBE3A) in Angelman syndrome. Nat Genet 1997 ; 15 : 74-7. 12. Watson P, Black G, Ramsden S, et al. Angelman syndrome phenotype associated with mutations in MECP2, a gene encoding a methyl CpG binding protein. J Med Genet 2001 ; 38 : 224-8. 13. Inoue Y, Fujiwara T, Matsuda K, et al. Ring chromosome 20 and nonconvulsive status epilepticus. A new epileptic syndrome. 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