Dossier presse - La Comédie de Clermont

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d’après le dernier testament de ben zion avrohom
de james frey
mise en scène mélanie laurent
artiste associée – création 2016
TOURNÉE 2016-2017
20-24 septembre Théâtre du Gymnase, Marseille (création)
29-30 septembre Théâtre Liberté, Toulon
12-14 octobre La Comédie de Clermont-Ferrand, scène nationale
18-19 octobre Espace Malraux, Chambéry
23-29 octobre Théâtre de Liège
15 novembre Théâtre Anne de Bretagne, Vannes
23-24 novembre CDN de Haute Normandie, Rouen
6 janvier Anthéa, Théâtre Antipolis d’Antibes
13-14 janvier Bonlieu, scène nationale d‘Annecy
25-3 février Théâtre National de Chaillot, Paris
9-10 février La Filature, scène nationale de Mulhouse
Texte d’après Le Dernier
Testament de Ben Zion
Avrohom de James Frey
Adaptation Mélanie Laurent
et Charlotte Farcet
Mise en scène Mélanie Laurent
Assistée dE Amélie Wendling
Dramaturgie Charlotte Farcet
Scénographie Marc Lainé et
Stephan Zimmerli
Avec
Olindo Bolzan Adam/Matthew
Stéphane Facco Charles/Jérémie
Gaël Kamilindi Gaël Mutangana
Lou de Laâge Esther/Judith
Jocelyn Lagarrigue Ben Zion
Avrohom
Nancy Nkusi Mariaangeles
Morgan Perez Jacob/John
Renaud Vercey
Production Théâtre
Gymnase-Bernardines
– Marseille
Coproduction Théâtre
National de Chaillot,
Théâtre GymnaseBernardines – Marseille,
la Comédie de ClermontFerrand – Scène Nationale,
La Filature – Scène Nationale
de Mulhouse, Espace
Malraux – Scène Nationale
de Chambéry et de Savoie,
Théâtre de Liège – Belgique,
Melyprod, Théâtre Anne de
Bretagne – Vannes
Maxime Imbert
Mécènes
Création Lumières
Philippe Berthomé
Chorégraphie
Arthur Perole
Musiques originales
Marc Chouarain
en collaboration avec
Mélanie Laurent
Costumes
Béatrice Rion
Maquillage et coiffure
Heidi Baumberger
Vidéo
RéalisatION ET RÉGIE son
Accessoiriste
Lionel Screve
RégIE généralE
Karl Gobyn
RégiE lumière
Pauline Mouchel
ARRANGEMENT CHŒUR
Jérôme Billy
Équipe de tournage
Chef opérateur
Alexandre Léglise
Remerciements
Aigle, American Vintage, Atelier
Sakina M’sa, Bleu de Paname,
The Kooples, Maxime Simoens,
Petit Bateau, Repetto, Veja
Durée 2 heures
Assistant caméra
Raphaël Dougé
Chef électro
Antoine Roux
Cascadeur
Grégory Loffredo
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Spectacle créé au Théâtre
du Gymnase le 20 septembre
2016 – Marseille
Crédits
illustration de couverture
© antoine+manuel
photographies
© Jean-Louis Fernandez,
photographe associé
à la Comédie
MERCI
à Caroline A. pour son accueil
lors de la résidence d’écriture
de Mélanie Laurent et
Charlotte Farcet en février 2015
et Genti Bahja, Ludivine
Barbosa, Alison Barrier, Adeline
Bergeron, Sandrine Bezon,
Antonin Boutinaud, Florence
Cantrelle, Georges Cardenas,
Sandra Chateau, MarieFrançoise Chevalier, Jennifer
Cohade-Marsy, Milena Comte,
Andréa Constantin, Yoanna
Crison, Christophe Crozatier,
Viviane Durand, Lydia Ferreira,
Alain George, Marie Goguely,
Véronique Guienne, Alexandre
Lafforgue, Pierre Loechleiter,
Sylvie Marambert-Vinas,
Marie Monnet, Frédéric Phelut,
Sandrine Pradier, Laurie
Repiennik, Matthieu Ribailly,
Sonia Robert, Geneviève
Sauvadet, Yann Surzur, Laurence
Surzur, Jean-Yves Touratier,
Jasna Uzunovic, Carole Vedrine,
Marcos Vinas, Cyrille Vouillot
Ce projet naît de la rencontre d’un livre, Le Dernier Testament
de Ben Zion Avrohom de James Frey, une rencontre comme un
choc qui fait naître un espoir et en même temps éveille. Comme
s’il recentrait et rappelait l’essentiel, une évidence trop souvent
oubliée, parfois dénigrée parce qu’associée à une forme de
naïveté, posée dans ces pages presque comme un objet : la
puissance de l’amour.
Cette lecture a surgi comme un miroir, au cœur de mes propres
inquiétudes, celles du devenir du monde, de la planète, dans un
avenir déjà proche. L’apocalypse, dont parle Ben, est reprise et
formulée à leur manière par les sociologues de notre époque. Au
cœur de cette inquiétude donc, ce livre a fait paraître une fenêtre,
par un biais inattendu, presque fou, une fenêtre pleine d’espoir,
tissant un lien au monde qui échapperait au seul matérialisme et
donnant à la foi un autre visage : une foi dans l’autre, défaite de
dogme, une foi dans l’acte individuel et dans sa puissance.
L’adapter a été une évidence. Et l’envie de l’adapter au théâtre
plutôt qu’au cinéma une intuition : le cinéma contraint à une
forme de réalisme, de représentation exhaustive et, dans ce cas,
prolifique, tandis que le théâtre offre l’économie et la métaphore,
le pouvoir de l’évocation. Il se fonde sur un acte de foi tout à fait
singulier, un accord tacite entre la salle et la scène : cette chaise
est un arbre, j’y crois. Le théâtre aussi parce qu’au fond il s’agit
de cela : un homme qui parle à d’autres hommes. Parce qu’il a
été, déjà, le lieu de la représentation de la passion, mystère et
miracle. Le théâtre parce que, vivants jouant devant des vivants,
il reste encore un espace de communauté, et même de communion, et que l’œuvre de James Frey ne porte rien d’autre que
l’espoir de cela.
Mélanie Laurent
3
CONVERSATION AVEC MÉLANIE LAURENT
voisins, notre famille
et nos amis. Aller
mieux c’est arrêter
de se juger. Nous
supposons beaucoup,
nous passons notre
temps à nous inventer
des
histoires,
sur
nos origines, sur nos
noms,
parce
que
nous sommes terrifiés
par l’idée de ne pas
avoir
d’explication,
d’échapper au sens. Refermés sur notre seul
point de vue, nous nous laissons dévorer par
les suspicions et nous sommes à ce point
encagés dans nos histoires qu’on en devient
paranoïaques. Ben arrive précisément au
moment où les gens sont le plus désespérés,
où ils ne peuvent que reconnaître qu’ils ont
besoin de lui. Ils sont touchés et bouleversés
parce que personne ne croit en eux. Et eux
l’attendent justement parce qu’on ne les
regarde pas. Ainsi, ces personnages nous
renvoient en creux la première manifestation
de notre absence d’humanité, celle que nous
ne savons pas vivre ensemble.
Qu’est-ce
qu’un
messie pour vous ?
C’est une figure qui
nous rassure, qu’on
espérerait voir arriver ;
un
messie
c’est
quelqu’un en qui on
a envie de croire,
selon moi, quand on
a peur et qu’on est
désespéré. C’est ce
que raconte cette
pièce qui rassemble
des âmes esseulées prêtes à croire en
quelques secondes.
Les frontières peuvent être fragiles entre
le messie, le prédicateur, le gourou, le faux
prophète…
Par « messie », j’entends un sage, un être
généreux qui donnerait de l’amour sans rien
attendre en retour. Il répond à notre envie
d’être pris en compte tout le temps. Il est celui
qui donne tout, simplement pour faire du bien.
C’est ce que dit le personnage de Ben à la fin
de la pièce : s’il lui restait encore un miracle à
accomplir, il ne le ferait pas pour lui.
Quelle forme prendrait le messie s’il devait
s’incarner ?
Pour moi, ce serait la Nature. Elle nous offre
tout sans se faire remercier, c’est un état
vivant qui existe en soi, qui ne demande rien
en retour de l’amour qu’il apporte. Le divin
se révèle dans la beauté de n’importe quelle
plante, de n’importe quel arbre.
Pour votre adaptation du roman de James
Frey, vous avez épuré le roman de son
contexte géopolitique (James Frey fait en
effet une critique virulente des conséquences
de l’ultralibéralisme américain en particulier
dans les communautarismes religieux) pour
vous rapprocher de la forme du conte et ne
garder que l’essence poétique de la parabole.
Oui. Pour cela, on a dû étoffer un personnage,
celui de l’avocat qui n’apparaît qu’à la fin du
roman pour en faire un personnage de conteur.
Il fallait aussi épurer la masse du contenu
romanesque pour trouver un fil conducteur
dramatique structurant : le personnage de Gaël
joue ce rôle. Mais il y a aussi ce qui est propre
à ma manière de faire de la mise en scène :
chaque tableau, chaque image créée doit
évoquer et éclairer le sens sans avoir recours
à l’explication. Si le texte devient redondant
avec l’image, je garde l’image et supprime le
Et nous serions ses jardiniers ?
Si nous étions ne serait-ce que des observateurs
humbles face à cette puissance-là, ce serait
déjà beaucoup.
Au-delà du personnage de Ben, de quelles
ressources disposons-nous aujourd’hui pour
refonder un humanisme ?
Le personnage de Ben peut être partout, si on
décide qu’il est symbolique. Le monde irait
mieux si déjà nous nous réconcilions avec nos
4
texte parce que l’image créée fait travailler
l’imaginaire du spectateur et l’atteint moins
de manière intellectuelle qu’émotionnelle. Ce
travail d’épure est une recherche d’équilibre
au cœur de ce dilemme : il faut offrir assez de
texte pour nourrir l’intellect tout en donnant
des images qui, elles, vont droit au cœur.
Entre cinéma et théâtre, qu’est-ce qui change
votre manière de diriger les acteurs ?
C’est très déroutant. Chaque acteur a un temps
d’évolution qui lui est propre. C’est difficile
pour moi de projeter ce que j’ai dans la tête et
de le vérifier dans son ensemble avec la réalité
de chacun. On m’a dit que le théâtre et la mise
en scène demandaient de la patience, ce qui
n’est pas ma spécialité ! J’ai appris en très
peu de temps qu’il fallait ne pas chercher à
obtenir ce que j’attends de manière immédiate
et qu’il existe un lien puissant entre patience
et confiance.
Quelle est la différence pour vous entre la
création d’une image cinématographique
et la création d’une image théâtrale ? Par
exemple, comment pensez-vous la notion de
cadre ?
Les deux conceptions ne sont pas étrangères.
La manière de travailler, de construire est
très éloignée, mon rôle est très différent,
mais l’image se fabrique toujours à partir
d’êtres vivants, qui bougent, qui proposent
des déplacements. De même, la caméra s’est
déplacée dans le regard du spectateur. Au
cinéma, j’ai l’habitude de devoir créer dès le
tournage une sorte de rythme et de montage.
Au théâtre, je dois accepter l’idée d’un cadre,
que le mouvement des caméras soit créé par
celui des acteurs. Mon cadre, c’est la lumière.
Par exemple, la scène de la danse d’Esther
est un moment très significatif : nous avons
travaillé d’abord la lumière en utilisant un
éclairage en douche qui ne montrait que son
visage. C’était très beau, on était pleinement
avec le personnage. Puis on a essayé un
éclairage plus large en clair-obscur, l’œil était
attiré par un ensemble et l’effet se perdait. La
lumière me permet de faire des gros plans.
Pourtant, à vous observer, vous semblez
diriger les acteurs avec douceur et souplesse,
par exemple en interrompant le fil des
répétitions pour leur proposer un exercice…
J’ai travaillé très jeune au cinéma, avec des
metteurs en scène qui étaient autoritaires
pour ne pas dire de vrais dictateurs, j’en ai
beaucoup souffert. Je me suis toujours dit
que si je faisais de la mise en scène, j’aurais
la conduite inverse. Puis j’ai rencontré des
metteurs en scène qui ne travaillaient que dans
l’amour et la confiance ; j’y ai puisé des repères
pour que les acteurs qui travaillent avec moi
puissent dire qu’ils ont été heureux. Je ne sais
pas travailler dans la douleur, je ne comprends
pas la cruauté. Si certains obtiennent par la
peur, moi j’en suis incapable. Le « jeu » théâtral
comprend cette idée d’un « jouer ensemble ». Il
me fallait construire une équipe qui au départ
ne se connaissait pas, pour qu’elle réussisse à
vivre la concorde et à trouver l’être qui anime
l’esprit de la pièce. Avant d’entrer dans le
travail, j’ai rassemblé tout le monde dans une
grande maison à la campagne, nous avons
mangé ensemble, partagé une sieste à l’ombre
d’un cerisier. Favoriser les connexions et le
lâcher prise était la condition première pour
entrer dans le vrai travail.
Quand vous dirigez les acteurs, même à
propos des textes, vous utilisez très souvent
le terme « chorégraphie ». Qu’entendez-vous
par là ?
C’est une réponse au rapport parfois
compliqué que j’entretiens avec le théâtre en
tant que spectatrice. J’ai besoin de fluidité,
de déplacements qui amènent d’autres
déplacements pour donner l’impression qu’il
n’y a jamais de temps mort. C’est comme si
pour chaque scène, on amenait de la danse,
petit à petit. J’ai envie d’être précise et fluide.
Pour ce spectacle, je suis très heureuse d’être
accompagnée par un chorégraphe et des
acteurs capables de le suivre. J’ai toujours dit
que je voulais que ce spectacle soit un ballet.
Vous abordez souvent cette thématique de
l’amour…
Pour moi l’amour, c’est la famille. J’ai une
famille aimante. Je n’ai pas eu besoin de m’en
recréer une, j’ai juste eu besoin de prolonger
mon enfance. Quand je travaille, je cherche à
recréer une famille. J’ai besoin qu’autour de
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moi les acteurs rient, parlent, pour essayer
de rejoindre les thèmes de la pièce, toujours
sans jugement.
TROIS ANS AVEC MÉLANIE LAURENT
Heureuse de s’inscrire dans
le temps d’une résidence de
trois ans et dans un territoire
à découvrir, mélanie laurent
a accepté l’invitation de la
comédie de poser régulièrement
ses valises en Auvergne, en
tant qu’artiste associée.
Apportant ses compétences
de réalisatrice, elle a imaginé
pour les prochaines années
un travail avec les élèves du
lycée agricole du Vernet-laVarenne, à partir de la mise
en place d’un jardin potager
éco-citoyen, pour en suivre
l’évolution au fil des ans et
présenter régulièrement, sous
des formes théâtralisées et/
ou filmées, les étapes de cette
aventure. Elle réfléchit aussi à
une autre forme théâtrale qui
réunisse l’agitprop (agitation
et propagande) avec des textes
sur l’écologie, et le biopic
autour de la vie et de l’œuvre
de Léon Thérémine, inventeur
du premier instrument de
musique électronique, pour
« révéler les liens entre le
génie créateur d’un individu et
l’éveil collectif et citoyen des
consciences ».
Le documentaire « Demain » que vous avez
réalisé avec Cyril Dion a marqué par son
pouvoir d’action transformatrice sur le
public. Travaillez-vous la mise en scène du
« Nouveau Testament » avec cette même
intention et ce même état d’esprit ?
Quand on travaillait sur le documentaire
avec Cyril Dion, on était à mille lieues de
penser au pouvoir d’action qu’il aurait
sur les gens. Personne avant nous n’avait
fait de documentaire écologique positif.
Si ce documentaire a eu du succès, c’est
sûrement parce qu’il n’est pas moralisateur.
Le Dernier testament est une pièce
violente, elle est tout sauf légère ; ce qui
importe c’est l’éveil qu’elle peut susciter
chez les spectateurs, les transformations
qu’elle peut générer. Si seulement à l’issue
du spectacle, quelques-uns pouvaient se
regarder autrement.
Qu’attendez-vous du public ?
J’aimerais tellement que les gens se parlent
après le spectacle ! Si la communion peut
être présente quelques secondes ce serait
merveilleux !
Propos recueillis par Amélie Rouher,
professeur de lettres correspondante
culturelle auprès de la Comédie,
missionnée par le rectorat.
26 août 2016, Théâtre du Gymnase, Marseille.
la comédie accueille depuis cette saison deux
autres artistes associés :
le chorégraphe Fabrice Lambert et le metteur
en scène Johanny Bert.
6
« Il n’y a pas de hasard, il n’y a
que des rendez-vous » a écrit
Paul Éluard et cette affirmation du
poète correspond assez parfaitement au parcours étonnant de
Mélanie Laurent. À 14 ans, une
première rencontre sur un tournage où elle est venue par curiosité avec une amie va changer sa
vie. Gérard Depardieu cherche
une jeune actrice pour son film Un
pont entre deux rives (1999). Sans
aucune expérience, la très jeune
Mélanie Laurent devient actrice
de cinéma tout en poursuivant ses
études. Dix-sept ans plus tard, elle
aura interprété trente et un rôles
au cinéma et six à la télévision,
et aura reçu sept prix d’interprétation, dont le César du meilleur
espoir féminin en 2007, pour son
rôle dans le film de Philippe Lioret,
Je vais bien, ne t’en fais pas. Une
carrière nationale et internationale
puisque Mélanie Laurent jouera en
particulier pour Quentin Tarantino
(Inglourious Basterds, 2009),
Mike Mills (Beginners, 2011),
Bille August (Un train de nuit
pour Lisbonne, 2013).
Ce parcours d’actrice n’est qu’une
des facettes de cette artiste qui
trace un chemin très personnel
dans un univers cinématographique peu habitué aux itinéraires
parallèles. En 2008,
elle réalise deux courts-métrages,
De moins en moins et À ses pieds,
préludes à ses trois longsmétrages Les Adoptés (2011),
Respire (2014) et Plonger, dont
elle vient de terminer le tournage.
Une nouvelle aventure se présente lorsqu’elle
rencontre Pierre Rabhi – poète, romancier, essayiste
et agriculteur bio – et Cyril Dion, cofondateurs du
mouvement Colibris, qui se mobilisent pour « la
construction d’une société écologique et humaine ».
Sensible depuis longtemps à la cause écologique
et au devenir de la planète, cherchant un moyen de
dépasser le sentiment d’impuissance que l’on peut
ressentir devant l’immensité de la tâche, Mélanie
Laurent s’engage dans la réalisation du film-documentaire Demain (2015), récompensé par le
César du meilleur documentaire en 2016. Avec ses
camarades écologistes, elle va parcourir les quatre
coins de la planète, là où des initiatives nouvelles,
des expériences peu connues, pourraient inverser
le mouvement de destruction engagé depuis des
dizaines d’années. Le Dernier Testament est sa
première mise en scène pour le théâtre. Jusqu’à
cette date, l’actrice avait eu deux expériences au
théâtre, dans Le Grand Mezze avec Édouard Baer
(2002) et Promenade de santé de Nicolas Bedos
(2010). Un rendez-vous en entraînant un autre, c’est
ce projet de théâtre qui amène Mélanie Laurent à la
Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale, avec
une collaboration artistique sur plusieurs années.
Artiste éclectique, combattante à sa manière pour
des causes qu’elle juge essentielles, toujours pleine
de projets qui se complètent et se nourrissent,
Mélanie Laurent manifeste une foi « dans l’acte individuel et dans sa puissance » pour tenter de vaincre
les inquiétudes d’un monde à l’avenir menacé. Elle
veut agir là où elle en a le pouvoir, sans crainte, avec
la certitude que rien n’est pire que le silence de la
résignation.
Jean-François Perrier pour la Comédie de ClermontFerrand, printemps 2016. Portrait © Jean-Louis
Fernandez, photographe associé à la Comédie
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8
L’ÉQUIPE
les lumières de Platonov à la Cour d’honneur
du Festival d’Avignon (2002) et plus récemment
Oncle Vania au Théâtre de la Ville. Il signe
également les lumières des spectacles de JeanFrançois Sivadier, Le Roi Lear à la Cour d’honneur
du Festival d’Avignon (2007) et Le Misanthrope au
Théâtre National de l’Odéon.
Philippe Berthomé éclaire aussi des mises en
scène d’opéra. Pour Stanislas Nordey, il signe
les lumières de Saint-François d’Assise à l’Opéra
Bastille, Pelléas et Mélisande à Covent Garden,
Mélancholia au Palais Garnier. Pour Jean-François
Sivadier, il crée les lumières de Traviata avec
Natalie Dessay à l’Archevêché du Festival d’Aix.
Enfin, Philippe Berthomé éclaire Jane Via Japan
de Jane Birkin et Ciels de Wajdi Mouawad.
CHARLOTTE FARCET DRAMATURGE
Charlotte Farcet est issue d’une formation
littéraire et théâtrale. Elle a accompagné comme
dramaturge Jacques Nichet, Marie-Thérèse Fortin,
Yannick Jaulin, Adrien Mondot, Claire Bardainne,
Marie-Ève Perron.
Depuis 2008, elle participe aux créations de Wajdi
Mouawad, Seuls, Ciels, Temps, Des Héros, Des
Mourants, qui font suite au cycle Des Femmes de
Sophocle dans lequel elle a joué. Elle a réédité
le Recueil général des Dialogues de Tabarin et
son Maître aux Belles Lettres et, à la demande
de Léméac/Actes Sud, a écrit les postfaces des
ouvrages du Sang des Promesses, réédités chez
Babel, Littoral, Incendies, Forêts, Ciels.
CHARLOTTE FARCET À LA COMÉDIE
DRAMATURGE POUR GARS de MARIE-ÈVE PERRON
(2013), POUR TEMPS (2012), CIELS (2009) ET SEULS (2008)
de Wajdi Mouawad
PHILIPPE BERTHOMÉ à LA COMÉDIE
Il est le créateur lumière de nombreux
spectacles reçus dans les programmations de
la comédie, notamment dans des mises en scène
d’éric lacascade, de jean-françois sivadier,
norah krief, wajdi mouawad… et dernièrement :
2014 Je redeviens cet homme nu de céline
pouillon et Living de Stanislas Nordey
2013 Un métier idéal d’Éric Didry
2012 My Secret Garden de Stanislas Nordey
2010 La Loi du marcheur d’Éric Didry
MARC LAINÉ SCÉNOGRAPHE
Marc Lainé est diplômé de l’École Nationale
Supérieure des Arts Décoratifs en 2000.
Depuis, il travaille régulièrement pour le théâtre
et l’opéra en tant que scénographe et assistant
à la mise en scène au côté de Richard Brunel,
Jacques Lassalle, Arnaud Meunier, Madeleine
Louarn… Depuis 2008, il met en scène ses
propres spectacles. Après Spleenorama, pièce
de théâtre musical et fantastique sur une
musique composée et interprétée par l’auteur et
compositeur Bertrand Belin, le Centre Dramatique
National de Haute-Normandie accueille cette
saison ses toutes dernières créations : Égarés,
un road trip normand qui sillonnera le territoire
et Vanishing-Point, autre road trip scénique avec
les musiciens du groupe Moriarty, qui aura pour
décor le grand nord canadien. Depuis 2009, Marc
Lainé est metteur en scène associé au CDDBThéâtre de Lorient et, depuis 2014, artiste associé
au CDN de Haute-Normandie.
LES COMÉDIENS
Lou De Laâge
Étoile montante du cinéma français, Lou de
Laâge a suivi une formation théâtrale chez
Claude Mathieu, à Paris. En 2010, à 20 ans,
elle commence sa carrière cinématographique
prometteuse au côté de Pierre Niney dans J’aime
regarder les filles. La jeune actrice est nominée
à deux reprises pour le César du Meilleur Espoir
féminin pour sa performance dans Jappeloup
avec Guillaume Canet et Daniel Auteuil et dans
Respire, film réalisé par Mélanie Laurent où elle
joue une jeune perverse narcissique qui use de
son pouvoir pour manipuler son amie. En 2015,
nous avons pu la voir dans L’Attente de Pierre
Messina avec Juliette Binoche ainsi que dans Les
Innocentes d’Anne Fontaine au côté de Vincent
Macaigne.
PHILIPPE BERTHOMÉ
CRÉATEUR LUMIÈRE
Formé à l’École Supérieure d’Art Dramatique
du Théâtre National de Strasbourg, Philippe
Berthomé crée les lumières de nombreux
spectacles de Stanislas Nordey notamment
Tristesse animal noir de Anja Hilling au Théâtre
National de la Colline (2013) et Living (2012).
Pour le metteur en scène Éric Lacascade, il crée
Gaël Kamilindi
Après le Conservatoire Supérieur d’Art
Dramatique de Paris, Gaël joue au théâtre sous
la direction de grands metteurs tels qu’Alain
Françon dans Chaise d’Edward Bond, Olivier Py
dans Opus Magnum et Marc Paquien au côté de
10
Dominique Blanc, au Théâtre de l’Atelier, dans La
Locandiera. Sa prestation remarquée dans Les
Nègres mis en scène par Bob Wilson au Théâtre
de l’Odéon à Paris lui apporte la notoriété. En
2015, il est dirigé par Jean-Pierre Vincent dans En
attendant Godot, pièce acclamée par les critiques
et le public. Son succès se confirmera au côté
d’Isabelle Huppert dans Phèdre(s).
Gaël Kamilindi va rejoindre la Comédie-Française
dès février 2017.
Nancy Nkusi
Nancy Nkusi poursuit des études de psychologie
avant d’intégrer une formation théâtrale au
Conservatoire Royal de Liège en Belgique. Elle
joue en 2012 dans Le Mouton et la baleine mis en
scène par Jasmina Douieb puis joue notamment
dans Hate Radio, spectacle bouleversant
sur le génocide rwandais mis en scène par
Milo Rau. Elle y interprète le rôle de Valérie
Bemeriki, journaliste de Radio Télévision Libre
des Mille Collines, vecteur de propagande du
gouvernement pour le massacre tutsi. En 2014,
Nancy Nkusi met en scène et interprète 9h06, le
finisseur est de retour de Hugues Dorzée.
GAËL KAMILINDI À LA COMÉDIE
2016 Phèdre(s) mis en scène par Krzysztof
Warlikowski avec Isabelle Huppert
2015 En attendant Godot de Jean-Pierre Vincent
2014 Les Nègres de Robert Wilson
NANCY NKUSI À la comédie
hate radio de milo rau
DU 10 AU 13 janvier 2017
Jocelyn Lagarrigue
Formé au Théâtre du Soleil, Jocelyn joue à trois
reprises sous la direction d’Ariane Mnouchkine
dans Les Eumenides, La Ville parjure ou le réveil
des Erinyes et Le Tartuffe. Il poursuit sa carrière
de comédien auprès de metteurs en scène tels
que Simon Abkarian, Christophe Rauck et Julie
Berès. Il joue pour la première fois avec Wajdi
Mouawad en 2010 dans Le Sang des promesses
puis poursuit sa collaboration avec lui dans
Incendies, Des héros, et dernièrement Le Dernier
jour de sa vie où il tient le rôle de Sophocle.
Jocelyn Lagarrigue a fait plusieurs apparitions
télévisuelles et cinématographiques comme dans
Ni pour, ni contre (bien au contraire) de Cédric
Klapisch ou encore Les Adoptés, le premier longmétrage de Mélanie Laurent.
Stéphane Facco
Stéphane Facco joue à plusieurs reprises sous
la direction de Jacques Nichet notamment dans
Faut pas payer et La Ménagerie de verre. En 2002,
il fonde, en collaboration avec cinq comédiens, le
Collectif Drao avec lequel il joue et met en scène
Quatre images de l’amour, Shut Your Mouth,
Petites histoires de la folie ordinaire, Nature morte
dans un fossé, Push Up et Derniers remords
avant l’oubli. Il joue actuellement dans Monsieur
Pourceaugnac mis en scène par Clément HervieuLéger sous la direction musicale de William
Christie.
Olindo Bolzan
C’est par le théâtre Action que commence le
travail d’acteur d’Olindo Bolzan. De 1979 à 1987,
il est comédien au Théâtre de la Renaissance de
Liège. Il y participe à quatre créations collectives,
mises en scène par Jean-Louis Colinet. Depuis
1989, il joue au Théâtre de la Place de Liège et, à
Bruxelles, au Théâtre National, au Théâtre de la
Balsamine, au Théâtre Varia, au Théâtre de Poche,
au Théâtre Océan Nord. Il travaille notamment
avec Martine Wijckaert, Jacques Delcuvellerie,
Philippe Sireuil, Lorent Wanson, Michel Dezoteux,
Pietro Varasso et Mathias Simons. En 2005, il
monte les marches du Festival de Cannes avec le
film L’Enfant des frères Dardenne qui remporte la
Palme d’or.
Morgan Perez
Formé au Cours Florent, Morgan Perez joue
auprès de metteurs en scène tels que Jean-Pierre
Garnier, Marianne Groves, Yann Reuzeau tout
en tenant de nombreux rôles à la télévision. Il
expérimente la mise en scène avec la pièce Les
Putes en 2000 puis découvre ensuite l’écriture,
notamment avec le collectif des Quiches dont il
fait partie (diffusion d’Allo’Quiche sur Canal+ et
du film Foon au cinéma). Morgan Perez joue dans
la première mise en scène de Julien Boisselier,
Même si tu m’aimes (2012), après avoir collaboré
avec Mélanie Laurent en tant que coscénariste du
film Les Adoptés. Il participe également à Respire
en 2013 en tant qu’acteur, le second long-métrage
réalisé par Mélanie Laurent.
11
CONVERSATION AVEC CHARLOTTE FARCET
DRAMATURGE
Pour
vous,
qu’est-ce
pouvoir transformateur ?
qu’un messie ?
On ne ferait pas ces métiers
La notion de messie
si on pensait que l’art ne
n’appartient pas à mon
peut et ne cesse de nous
horizon personnel. Je sais
transformer, d’abord nousce qu’est un messie tel
mêmes. Il y a une chose
qu’on le définit dans des
très propre et singulière
textes ou selon certaines
au théâtre, ce fait de s’ascroyances – un personseoir avec et devant des
nage
providentiel,
le
vivants. C’est le seul lieu,
sauveur – mais je ne peux
celui du spectacle vivant,
pas personnellement me
art où cette rencontre-là
projeter dans l’idée qu’il y
est possible : et qui réalise,
aurait une personne dotée
à un instant donné, une
du pouvoir de révéler un
communauté est possible.
ensemble d’individus ou
C’est pour cela que le
une foule. Si je peux être bouleversée par des figures théâtre est un des espaces qui me bouleversent le plus.
politiques, comme Martin Luther King ou Gandhi c’est De ce point de vue, oui je pense que le théâtre peut
parce que ce ne sont précinous transformer parce
sément que des hommes Si nous commençons par le tout petit, qu’il a un pouvoir de révéet qu’on ne leur reconnaît
lation, un pouvoir à la fois
pas de transcendance. par le plus proche en y portant toute de réflexion et d’émotion.
L’idée d’une personne qui notre attention, notre amitié, alors oui je
porterait toute la révélaVous êtes dramaturge,
tion du monde, qui serait pense que nous pouvons changer des c’est
une
fonction
le libérateur peut même choses.
complexe qui ne recouvre
m’inquiéter. Car elle nous
souvent pas les mêmes
rend dépendants, nous place dans l’attente. Ce qui est pratiques. Comment concevez-vous votre métier ?
intéressant dans Le Dernier Testament c’est que Ben au Et comment l’avez-vous exercé dans la collaboration
contraire suggère à chacun de devenir maître et acteur avec Mélanie Laurent ?
de sa vie. Si le mot de prophète ou messie est parfois Je ne suis pas dramaturge au sens premier, c’est-àprononcé à son endroit, pour d’autres il est simplement dire celui d’auteur dramatique, mais davantage au sens
un homme, un ami, un frère, au plus : « un saint homme ». allemand, où le dramaturge embrasse les fonctions de
conseiller ou de collaborateur artistique. Le dramaturge
Pour vous, de quelles ressources disposons-nous est souvent associé au texte et à sa dimension littéraire,
aujourd’hui pour fonder un nouvel humanisme ?
il peut réaliser une analyse textuelle, une recherche
Dans la pièce, Ben dit qu’il faudrait commencer par documentaire. Mais pour moi, c’est avant tout une sorte
simplement se réconcilier avec son voisin, sa famille, de premier regard, de premier spectateur entièrement
ses amis. À l’échelle qui est la nôtre, c’est sans doute au service du spectacle et l’interlocuteur privilégié de
la seule sphère où nous pouvons agir. Si nous commen- celui qui crée, son compagnon de route, celui avec
çons par le tout petit, par le plus proche en y portant lequel on peut partager questions et doutes. Je peux
toute notre attention, notre amitié, alors oui je pense que tout à fait travailler sur un texte en amont mais ce qui
nous pouvons changer des choses. Beaucoup de gens me passionne le plus c’est la rencontre du texte, du
sont doués d’empathie, la bonté existe. Les ressources jeu des acteurs, de la lumière et du son, c’est-à-dire
sont en chacun de nous. Il ne s’agirait pourtant pas d’un la dramaturgie non du texte mais du spectacle en son
nouvel humanisme, il n’y a rien de nouveau là-dedans, entier.
cette attention est très ancienne mais nous l’avons
perdue dans des sociétés comme les nôtres, ou oubliée. Comment s’est élaboré le travail d’adaptation avec
Cela demande juste un effort personnel extrêmement Mélanie Laurent ?
grand dans un monde qui favorise et cultive davantage J’ai vraiment travaillé au service de Mélanie. Nous
l’individualisme.
avons créé ensemble cette adaptation pour qu’elle
corresponde à ce qui la touche. J’ai réalisé un premier
Est-ce que vous pensez que le théâtre et l’art ont un
montage et découpage du texte, en gardant la forme
12
du témoignage et en proposant des scènes dialoguées. l’adaptation de ce contexte était impossible. Pourtant,
Puis nous avons retravaillé ensemble. C’est comme si il fallait éviter certains écueils : Ben est un personnage
en répétition j’étais dépositaire du texte, au sens où il prolixe dans le roman ; en le faisant parler à hauteur
m’appartenait de le travailler, de le remanier, de le repen- équivalente au théâtre nous prenions de risque de
ser, mais je l’ai toujours
tomber dans la parole
fait à l’écoute du regard ou
dogmatique. De fait, dans
Ben est un être comme les autres, sa le spectacle, sa parole est
du cœur de Mélanie.
différence est qu’il ne dit pas aux gens rare.
Quelles ont été les difficultés particulières de ce qu’ils doivent faire, il ne se tient ni Comment
avez-vous
l’adaptation ?
dans le dogme ni dans l’indication, il les abordé la question
Il y avait la double
révèle par sa simple présence et leur religieuse ?
contrainte de respecter
Nous avons respecté le
l’œuvre de James Frey permet d’exister en les détachant des roman, sans appuyer.
et de l’adapter pour le anciens liens.
James
Frey
dépeint
théâtre. La forme du
surtout les juifs orthotémoignage était un appui de forme. Mais il fallait rajou- doxes et les évangélistes, reliés à la question du messie.
ter du présent théâtral, par des scènes dialoguées. La Il rappelle le lien étroit qui unit les néo-conservateurs à
vraie difficulté tient à ce que la nature même du roman Israël : pour eux, le Christ ne peut que revenir là-bas,
offre ce que le théâtre ne peut offrir : dans le roman, Ben d’où la nécessité de défendre Israël.
ne parle jamais, ses paroles ne sont que rapportées.
On peut donc toujours douter même de son existence. Vous avez épuré les désignations religieuses très
Ces récits ne sont peut-être qu’affabulation. Au théâtre, marquées dans le roman, tout comme vous épurez
en choisissant de mettre Ben sur un plateau, nous lui aussi le contexte post-New Age qui décrit une
donnons un corps, une réalité, nous affirmons malgré conception très libertaire de la relation entre les
nous son existence. Il fallait donc trouver un subterfuge hommes ?
pour mettre en doute ou rappeler le doute qu’il existe En effet, l’approche est moins libertaire que dans le
dans toute narration, rappeler que tout ça reste fiction. livre. Le point de départ de l’adaptation est avant tout
C’est pourquoi nous avons créé un narrateur qui corres- la question de l’amour. Même si Mélanie Laurent est en
pond à un personnage de l’histoire. L’histoire de Ben accord avec l’esquisse apocalyptique qui caractérise
présentée sur scène est la reconstitution proposée par notre époque, le plus important est la force d’amour qui
ce personnage, Gaël Mutangana, elle sort de lui, pour- peut l’habiter.
rait-on dire. Donc peut-être n’est-elle pas réelle… C’est
la liberté la plus forte que nous avons prise par rapport On peut parler de puissance de révélation ?
au roman, jusqu’au nom lui-même.
C’est ça. Cela répond à la question « Quelles ressources
pour un nouvel humanisme ? ». Le personnage de Ben
Ce dispositif ressemble à un scénario de cinéma…
est un être comme les autres, sa différence est qu’il ne
Oui, on retrouve l’impression de cinéma dans le désir dit pas aux gens ce qu’ils doivent faire, il ne se tient ni
de raconter une histoire, dans le choix du micro, dans dans le dogme ni dans l’indication, il les révèle par sa
le fil musical, dans la fluidité cherchée des enchaîne- simple présence et leur permet d’exister en les détaments. Pourtant Mélanie
chant des anciens liens*.
travaille avec les prinJe dirais que Ben est un espace creux, Donc, ce ne sont pas des
cipes du théâtre et de la
théâtralité parce qu’ils que l’on peut y glisser beaucoup de pouvoirs divins mais plutôt
s’éloignent
justement significations.
des capacités humaines ?
du réalisme ou du natuOui, et pourtant Ben est
ralisme qu’impose le cinéma. Par exemple, très tôt capable de miracles. Le récit laisse planer le doute
elle a formulé le désir que le décor soit le plus abstrait en jouant sur la nature épileptique du personnage. La
possible, que les costumes soient quasiment neutres dimension messianique implique que l’on admette la
voire interchangeables.
nature miraculeuse de ses dons et de ses pouvoirs.
Quels aspects majeurs du roman vous ont posé
problème dans l’adaptation ?
Le Dernier Testament est un roman très ancré dans le
contexte américain, particulièrement évangélique. Le
point de vue de James Frey est une critique acerbe
des États-Unis. Dans le travail d’adaptation, nous nous
sommes demandé quelle place nous devions donner
à ce contexte. Fallait-il effacer ou bien transposer ?
Assez vite, nous nous sommes rendu compte que sortir
Vous considérez Ben comme un personnage de pure
fiction, comme un héros ?
Je dirais que Ben est un espace creux, que l’on peut y
glisser beaucoup de significations. Nous oublions qu’il
y a des possibles, souvent nous prenons le réel comme
une surface plane derrière laquelle il n’y a rien. Peut-être
que Ben est justement quelqu’un qui crée les brèches. Il
nous ouvre à la possibilité de voir le monde autrement.
13
CONVERSATION AVEC MARC LAINÉ
SCÉNOGRAPHE
sur la journée réussie
est un petit texte de
Peter Handke qui parle
exactement de ça.
Pour toi, qu’est ce
qu’un messie ?
Ce serait quelqu’un
dont la parole serait
entendue de la même
manière en tous lieux.
Quelqu’un qui pourrait
faire entendre à tous
une sorte de nécessité
pour que notre bonheur
s’accomplisse.
Comment le projet
scénographique et
la collaboration avec
Mélanie Laurent se
sont-ils construits ?
Lorsque j’ai commencé
à
travailler
avec
Si un messie apparaisMélanie,
elle
avait
sait aujourd’hui, quelle
déjà des idées assez
forme prendrait-il ?
précises. Par exemple, l’idée de la terre recouJe pense au personnage de Toby Dammit, le héros vrant tout le plateau est l’un des premiers
éléments
qu’elle
a
du court-métrage du
même nom réalisé Pour moi, la question des ressources n’a nommés. Cela corresà un désir de
par Fellini en 1968. Il
rien à voir avec la question de l’écologie pondait
travailler au sol avec
incarne une idole du
cinéma britannique qui ou de la courbe politique, cela a à voir un matériau organique
et, peut-être aussi,
fascine tout le monde. avec notre rapport à la contemplation.
d’évoquer de manière
Mais il y a un hiatus, il
a vendu son âme au diable… Comme l’ange qui symbolique l’argile dont sont façonnés les
apparaît dans Théorème de Pasolini, ce sont des premiers hommes.
figures terribles, complètement inventées qui ont Puis s’est posée la question de la transposition
le pouvoir de révéler nos propres désirs.
de l’espace romanesque à l’espace théâtral. Le
roman de James Frey est un texte qui se défend
tout seul. Il s’agissait d’apporter des éléments
De quelles ressources disposons-nous pour
qui pourraient souligner la fiction en veillant à ne
fonder un nouvel humanisme ?
Je pense que je ne peux pas répondre à cette pas les rendre trop bavards. L’espace est ainsi
question sans une forme de naïveté à laquelle je conçu de façon minimaliste, quasi abstraite. Le
ne peux pas me résoudre ici. Pour moi, la question seul élément très architectural et construit, est
des ressources n’a rien à voir avec la question de la passerelle. Les deux écrans amènent, d’une
l’écologie ou de la courbe politique, cela a à voir part, la verticalité de la ville et, d’autre part, la
avec notre rapport à la contemplation. C’est une référence au monde contemporain. Ainsi, nous
chose qui s’est beaucoup perdue. Je pense que avons recherché une sorte de friction entre les
tout se tient dans cette possibilité ou pas d’ad- deux matériaux : celui, organique, de la terre et
hérer au monde à un moment ou à un autre. Cela ceux, très architecturés et froids, caractérispeut juste se tenir dans un paysage, dans le fait tiques du monde contemporain.
de le regarder vraiment, de le saisir dans la puissance de l’instant présent. Étrangement, je pense On pourrait imaginer ce décor pour illusque c’est dans ces moments de contemplation trer un conte, une parabole, quelque chose
que l’on peut retrouver notre propre humanité. d’intemporel…
Cela peut être un paysage mineur, mais devant Exactement. C’est aussi intéressant pour
lequel on oublie simplement de penser. Les décrire un contexte historique. Normalement,
Orientaux connaissent cette pratique quand elle l’action se déroule aujourd’hui et pourtant il n’y
paraît totalement étrangère en Occident. Essai a pas de signes trop forts qui imposeraient un
14
contexte ultracontemporain.
Au premier regard, on est plongé dans un no
man’s land, peut-être la suggestion d’une fin
des temps…
Oui, mais c’est aussi un monde des origines.
Dans cette terre présente au sol, il y a peut-être
quelque chose d’apocalyptique, c’est vrai, mais
c’est aussi un espace d’où tout peut surgir, d’où
tout peu renaître. La vision de Mélanie Laurent va
toujours dans une direction positive et optimiste.
Je ne pense pas qu’elle veuille que l’on sorte
du spectacle désœuvré ou inquiet pour l’avenir.
Et en même temps, l’univers décrit est assez
sombre puisqu’il retrace le parcours d’un messie
qui aurait pu sauver l’humanité et que l’humanité-même a réduit au silence. Ce qui est intéressant dans la fable c’est que l’on a le témoignage
de gens qu’il a complètement bouleversés au
point qu’ils vont devenir ses nouveaux apôtres.
Le roman de James Frey et la pièce s’arrêtent
là où une autre histoire commence. À la fin, Ben
n’est pas crucifié mais lobotomisé. Et grâce à lui,
des gens ont été transformés.
Il fallait donc faire un espace qui fasse
résonner le récit, qui le fasse entendre
sans jamais l’illustrer.
Le roman de James Frey élabore une critique
sans concessions des radicalismes et communautarismes religieux aux États-Unis. Ces
références ne semblent pas transparaître dans
la scénographie…
En effet, puisque le texte le prend déjà en
charge, il n’est pas nécessaire de le souligner.
La constellation d’ampoules, c’est vrai, pourrait
représenter un espace sacré, mais de manière
abstraite. La croix lumineuse qui accompagne la
première apparition de Jacob est le seul signe
explicite.
Dans ce travail d’épure et d’abstraction, vous
représentez moins la religion que le religieux…
Complètement. Dans l’adaptation, nous avons
évacué toute représentation réaliste et référentielle des lieux, y compris les référents religieux.
Les personnages et le récit portent l’aspect religieux déjà très fortement. Il fallait donc faire un
espace qui fasse résonner le récit, qui le fasse
entendre sans jamais l’illustrer. Ainsi les lieux de
la fiction sont figurés – l’appartement, la rue, le
tunnel, le bureau du FBI – mais non représentés.
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CONVERSATION AVEC OLINDO BOLZAN
COMÉDIEN
Qu’est ce qu’un
messie pour toi ?
Pour moi il n’y a pas
de messie, comme il
n’y a pas de paradis,
comme il n’y a pas
d’enfer. Pour moi, tout
se passe ici, il n’y a
pas d’âme qui viendra
pour tout changer. En
revanche, il y a des
gens que l’on peut
croiser et qui peuvent
développer en nous
Ben est le messie idéal mais toujours
dans le cadre de la fiction.
le meilleur aussi bien que le pire. Je crois au
pouvoir de la rencontre chez les gens. Il m’est
arrivé de rencontrer des gens bien, comme dans
cette équipe artistique par exemple, des êtres
qui peuvent nous dévier de ce que, peut-être, la
société avait prévu pour nous.
Si un messie apparaissait, qu’elle forme
prendrait-il ?
Il aurait la forme de tous les hommes. Mais si
un homme arrive en disant « je suis le messie »,
je me méfie quand même ! (rires) Ben est un
personnage de fiction, on pourrait dire que
c’est un homme idéal puisque tous ceux qui le
rencontrent sont changés. Pour moi, Ben est le
messie idéal mais toujours dans le cadre de la
fiction. Dans la vie réelle, on peut rencontrer des
gens qui ont ce don du don de soi. Ces gens
existent, mais ils ne sont pas miraculeux, ce sont
des hommes qui ont œuvré.
les qualités plutôt que
les défauts, sans pour
autant se tenir dans un
optimisme béat. Les
ressources que l’on
possède, ce sont avant
tout la conscience de
ce que l’on fait, et la
conscience des actes
que l’on pose tous
les jours. Cela va du
Bonjour ! à la boulangère au Bonjour ! au
mendiant, aux collègues de travail. Agir en conscience et savoir ce
que nous renvoyons. Cette capacité, je pense
que nous l’avons tous. Il faut commencer par soi,
avec sa famille, avec ses amis, ses voisins. Ce
n’est pas une question de bien ou de mal, c’est
vraiment une question d’attitude. Cela comprend
aussi les arbres, les plantes, les animaux, le
rapport qu’on peut entretenir avec eux, par-delà
toute logique de profit. Cela rejoint la première
question sur les messies : il y a des gens qui
peuvent nous aider à faire fleurir en nous les
bonnes capacités. Seuls, nous n’y arrivons pas.
Nos ressources sont dans l’orientation nouvelle
de notre regard, un regard sans jugement et
dénué de toute intention de domination, quelle
qu’elle soit.
De quelles ressources disposons-nous pour
fonder un nouvel humanisme ?
Il faut chercher le bon plutôt que le mauvais,
Les ressources que l’on possède, ce
sont avant tout la conscience de ce que
l’on fait, et la conscience des actes que
l’on pose tous les jours.
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CONVERSATION AVEC NANCY NKUSI
COMÉDIENNE
Qu’est ce qu’un
messie pour toi ?
C’est quelque chose
ou quelqu’un
qui
nous fait nous sentir
libres et nous-mêmes
au point que l’on peut
se dire, « je peux agir
librement, aimer, être
capable d’accomplir de
grandes choses. C’est
pour cette raison que
le messie est peut-être
logé en nous. Trouver
son messie revient donc à trouver sa voie
intérieure.
Si un messie apparaissait, quelle forme prendrait-il ?
Je ne vois pas un messie comme un Dieu, parce
que je ne crois pas en Dieu, mais je peux croire
en un homme – que je connaisse ou pas – qui me
transforme, me conduise à une acceptation de
moi, bien au-delà de ma réalité d’être imparfait.
De quelles ressources disposons-nous pour
fonder un nouvel humanisme ?
Je crois que le schéma de la société actuelle
n’est pas le bon. Tout est devenu violence, force,
puissance, pouvoir au point que l’on s’interdit d’être faible. Mais être faible ou fragile, ce
n’est pas être incapable. Nous avons tous des
ressources en chacun de nous. Tout commence
par l’écoute, l’entraide, l’amour, ces forces que
l’on porte en soi ; il faut juste arriver à en être
conscient. Dans la pièce, c’est le même processus qui est désigné : j’ai l’impression que Ben
représente chaque partie de nos personnages. Il
va rechercher ce qu’il y a de beau en nous, il va
faire en sorte de nous donner la lumière. Par-delà
tout enseignement moral, par-delà toute forme
de jugement, il est juste là pour nous aimer.
Être faible ou fragile, ce n’est pas être
incapable.
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CONTACTS
La Comédie de Clermont-Ferrand
scène nationale
Jean-Marc Grangier
Directeur
T. 06.88.05.80.11
contact presse
ÉMILIE FERNANDEZ
chargée des relations avec les médias
[email protected]
T. 0473.170.183 / 06.11.34.34.83
Photographies du dossier
© Jean-Louis Fernandez, photographe associé
à la Comédie de Clermont-Ferrand
nº licence diffuseur : 1063592 Siret : 413 893 140 000 25 APE : 9001 Z
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