TÊTE PREMIÈRE État dechoc Chaque année, 13 000 personnes sont victimes d’un traumatisme crânien au Québec, dont la majorité sur les routes. De la simple commotion au coma profond, les neurologues commencent à comprendre ce qui se passe dans la tête quand ça cogne. d es ordres sont donnés, des appareils sont mis en marche, beaucoup de monde s’active dans cette salle où la vie et la mort se côtoient derrière des paravents bleu pâle. Un médecin tente de stabiliser un patient qui vient tout juste d’arriver. Ce dernier s’est fracturé le crâne lors d’une collision à vélo. À l’étage, aux soins intensifs, une infirmière pince la peau d’un homme de 80 ans, dans le coma depuis une semaine, pour déterminer son état neurologique. Il est tombé dans l’entrée de son domicile. Diagnostic : hématome épidural. Ressent-il la douleur? Le visage de l’homme se crispe, ses pieds se contractent. «Les patients âgés qui ont subi un traumatisme crânien présentent souvent des complications, explique Marc Giroux, chef du service de neurochirurgie à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Mais celui-ci a de bonnes chances de s’en sortir sans trop de séquelles. Il récupère bien et devrait se réveiller bientôt.» Nous sommes dans l’unité de trauma22 Québec Science | Juin ~ Juillet 2010 tologie de l’hôpital. Deux mille cinq cents patients y sont admis chaque année, dont plus de 350 sont soignés pour des blessures à la tête. C’est que les traumatismes crâniens, ou cranio-cérébraux, sont la première cause de décès chez les Québécois de moins de 35 ans, et une des principales causes d’incapacité. Près de 13 000 personnes en sont victimes chaque année dans la province. Qu’ils soient dus à des accidents de la route ou de sport, à des chutes dans un escalier ou sur une chaussée glacée, à des bagarres ou à des agressions, à un plongeon dans un lac ou une piscine, ces chocs à la tête peuvent laisser de graves séquelles, même si le blessé ne présente aucun symptôme visible. C’est ce que médecins et chercheurs commencent tout juste à comprendre. « Il y a 15 ans, on renvoyait à la maison les gens qui avaient subi une commotion cérébrale, sans intervenir. Ceux-ci revenaient à l’hôpital un ou deux ans après en se plaignant de pertes de mémoire », explique Marc Giroux. En 20 ans de métier, il a tout vu, y compris un adepte de ski nau- LEE TORRENS/MURAT GIRAY KAYA/FÉ/ISTOCK PHOTO par Mathieu Gobeil Juin ~ Juillet 2010 | Québec Science 23 e n septembre 1994 – elle avait 22 ans –, elle termine des vacances de rêve dans le Sud avec son amoureux. Ils roulent vers l’aéroport de Mexico quand il se met à tomber des cordes. « J’ai vu quelque chose arriver très vite. Je me suis recroquevillée, tête baissée et bras croisés», se rappelle Sonja. Une voiture les percute 24 Québec Science | Juin ~ Juillet 2010 Quand une voiture entre en collision avec une autre, la décélération subite entraîne le corps des occupants vers l’avant. Le cerveau, qui flotte dans la boîte crânienne, en percute les parois avec force. Au point d’impact, les neurones son endommagés et meurent aussitôt. Le contrecoup projette ensuite le cerveau vers l’arrière du crâne. Les lobes frontaux et temporaux sont les plus touchés, à l’avant et sur les côtés, et parfois les lobes occipitaux, à l’arrière. alors violemment. Sonja s’évanouit sur le coup. Diagnostic : traumatisme crânien sévère. Deux semaines de coma. Aujourd’hui, rien ne laisse soupçonner les mois de souffrance et d’efforts qu’elle a dû traverser pour retrouver ses capacités. Mais si elle s’en est si bien sortie, c’est que les médecins sont intervenus très tôt après la collision. Les heures et les jours qui suivent le trauma sont en effet déterminants, car c’est au cours de cette période fatidique que des lésions secondaires se forment. Médecins et chercheurs ont en effet découvert que les neurones endommagés Il est difficile de généraliser les cas de traumatismes crâniens; il n’y en a pas deux semblables. Chose certaine, une fois les neurones abîmés, c’est peine perdue car ils ne se régénèreront pas. CLIFFORD SKARSTEDT/LA PRESSE CANADIENNE tique dont le crâne a été coupé en deux par l’hélice du bateau et un golfeur devenu muet après avoir reçu une balle à la tête. Quelle qu’en soit la cause, les cas de traumatismes crâniens sont rarement simples. « Notre cerveau est comme un ordinateur, explique le docteur Giroux. Il suffit d’une petite erreur dans un programme, et on se retrouve avec un bogue généralisé. » Quand un patient arrive dans son service, le médecin commence par scruter son encéphale. Bien souvent, le choc entraîne une fracture et provoque des lésions cérébrales. Mais même quand la boîte crânienne est intacte, le cerveau peut être atteint à la suite des secousses violentes auxquelles il a été soumis. Lorsqu’une voiture entre en collision avec une autre, par exemple, la décélération subite entraîne le corps des occupants vers l’avant. Le cerveau, qui flotte dans la boîte crânienne, en percute les parois avec force. Au point d’impact, les neurones son endommagés et meurent aussitôt. Le contrecoup projette ensuite le cerveau vers l’arrière du crâne. Les lobes frontaux et temporaux sont les plus touchés, à l’avant et sur les côtés, et parfois les lobes occipitaux, à l’arrière. C’est sans compter les hémorragies et les hématomes. Souvent, des artères et des veines sont sectionnées. Du sang s’accumule dans la boîte crânienne, augmentant dangereusement la pression et détruisant d’autres neurones. Dans ces cas, très graves, la mémoire, l’attention, la personnalité et la motricité sont affectées. Chez Sonja Boodajee, c’est la région frontale droite qui a été atteinte. «Dans les premiers mois, il a fallu que je réapprenne à apprendre! Je dessinais comme une enfant de deux ans. Je confondais certains mots en parlant. Ma mémoire à court terme était nulle. J’avais aussi perdu mes inhibitions. Je parlais sans arrêt et disais des choses grossières », raconte-t-elle. © 2010 NUCLEUS MEDICAL MEDIA/WWW.NUCLEUSINC.COM TÊTE PREMIÈRE lors de l’impact déclenchent une réaction immunitaire dans le cerveau. De l’eau s’y accumule. Il enfle; c’est l’œdème cérébral. L’encéphale manque de place dans la boîte crânienne. La pression empêche le sang et l’oxygène de s’y rendre en quantité suffisante, ce qui cause la mort d’autres cellules. Pour réduire la pression, il faut alors diminuer la quantité de liquide qui s’accumule dans la matière grise ou entailler l’os crânien pour permettre l’expansion du cerveau. N’empêche, même si on agit vite, les cellules abîmées ont déjà libéré en quantité du glutamate, un neurotransmetteur qui, en excitant trop les neurones, finit par les détruire, et des radicaux libres, des molécules instables qui endommagent les neurones sains et les font mourir à leur tour. Le docteur David Wright pense avoir trouvé le moyen de minimiser ces dommages collatéraux en injectant de la progestérone dans les heures suivant le trauma. L’hormone, habituellement sécrétée dans le cerveau en quantité modeste et nécessaire au développement des neurones, est produite en grande quantité par les femmes enceintes. C’est précisément chez des rates gravides qu’on en a observé les surprenants effets, dans les années 1980. « Les femelles enceintes chez qui on avait provoqué un traumatisme crânien faisaient moins d’œdèmesk et avaient plus de chances de survivre que les autres », relate l’urgentologue et professeur à l’université Emory, à Atlanta, aux États-Unis. Injectée lors d’une blessure à la tête, la progestérone diminuerait la réaction inflammatoire, et donc l’œdème. Elle freinerait aussi la cascade chimique au cours de laquelle les neurones moribonds empoisonnent les cellules environnantes et entraînent leur mort. « C’est le premier médicament qui agit directement sur les neurones pour prévenir la mort cellulaire après le trauma», affirme le chercheur. Plus de 1 000 patients participeront bientôt à la dernière étape des tests aux États-Unis avant une approbation éventuelle du traitement. Marc Giroux émet toutefois des réserves : « Il est difficile de généraliser les cas de traumatismes crâniens; il n’y en a pas deux semblables. Les chercheurs ont essayé les stéroïdes, les antioxydants, l’hypothermie, et maintenant la progestérone. Mais il n’y a pas de consensus au sein de la communauté médicale. » Chose certaine, une fois les neurones abîmés, c’est peine perdue car ils ne se régénèreront pas. VENEZ VOIR NOS INSTALLATIONS GRANDEUR NATURE Sortez des sentiers battus et partez à la découverte d’Hydro-Québec en parcourant le circuit électrisant des centrales, barrages et autres installations. Gratuites, amusantes, instructives et fascinantes, ces visites plairont à toute la famille ! Pour en savoir plus, composez le 1 800 ÉNERGIE ou consultez le www.hydroquebec.com/visitez TÊTE PREMIÈRE 26 Québec Science | Juin ~ Juillet 2010 par ordinateur. Quand un athlète subit une commotion, il repasse les mêmes tests. On mesure alors son activité cérébrale à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Chez plusieurs des patients ayant subi une commotion, on observe une baisse de l’activité électrique dans une région associée à la mémoire de travail et au traitement des tâches courantes, le cortex préfrontal dorsolatéral. Par contre, l’activité est plus élevée dans le cortex orbitofrontal médial et le cortex cingulaire antérieur, qui sont liés aux émotions. Un profil très semblable à celui remarqué chez des personnes dépressives. « Le brassage violent dans le crâne entraîne un étirement des axones, les longs prolongements des neurones, qui sont les fils électriques du cerveau. Certains se brisent, causant des lésions dispersées, difficiles à déceler. Elle n’apparaissent généralement pas lorsqu’on effectue un scan », explique Marc Giroux. Voilà pourquoi certains traumatisés gardent des séquelles qui échappent aux spécialistes, mais qui ne pardonnent pas. Les recherches ont notamment montré que le temps de réaction des sportifs ayant subi une commotion récente est plus lent. Leurs réflexes sont moins aiguisés. Résultat, ils courent cinq à sept fois plus de risque de subir un autre coup à la tête s’ils reprennent le jeu trop vite. Or, les commotions à répétition peuvent s’avérer fatales pour un cerveau déjà fragilisé; c’est ce qu’on appelle le syndrome du second impact. D’où l’importance du repos avant de remettre les pieds sur le terrain, surtout chez les jeunes athlètes. «Il y a deux fois plus de commotions chez les enfants sportifs que chez les adultes, mentionne le neuropsy- Le quart-arrière des Carabins de l’Université de Montréal, Marc-Olivier Brouillette, a subi une solide commotion cérébrale en septembre 2009. Il était de retour au jeu deux semaines plus tard. On le voit ici, en novembre 2009, contre le Rouge et Or de l'Université Laval. QUAND LA CABOCHE D CROCHE Le coma est une des conséquences les plus graves du traumatisme crânien. Beaucoup l’ignorent, mais «tomber dans les pommes» à la suite d’un choc ou entrer dans un coma prolongé relève du même mécanisme. La seule différence, c’est la durée… et les séquelles. Quand on reçoit un coup sur la tête, le choc peut perturber l’activité électrique dans les deux hémisphères du cerveau – on perd connaissance, car les signaux dans les neurones ne sont plus relayés. L’évanouissement peut aussi être causé par un manque d’oxygène ou de glucose dû à un problème de circulation sanguine. En d’autres occasions, c’est une structure située à la base du cerveau et responsable de l’état d’éveil (la formation réticulée activatrice), qui reçoit un choc. Là aussi, la personne perd connaissance et, s’il y a une lésion dans cette région, le coma risque de se prolonger. Cependant, si la structure des neurones est préservée, l’endormi reprendra connaissance – après quelques heures, quelques jours ou quelques semaines, selon les cas, le temps que le cerveau désenfle et retrouve sa taille normale. Les fonctions automatiques réapparaissent, le patient commence à bouger les membres, puis les paupières. Il se réveille. La durée du coma est en fait proportionnelle à l’importance des lésions, à l’âge de la personne et à son état de santé avant le traumatisme. Quant aux séquelles, elles dépendent des régions du cerveau qui ont été endommagées. Commence ensuite le travail de réadaptation. Il arrive cependant que la personne puisse ouvrir les yeux et respirer par elle-même sans toutefois reprendre conscience. Elle est alors dans JACQUES BOISSINOT/LA PRESSE CANADIENNE chologue Dave Ellemberg, professeur adjoint au département de kinésiologie de l’Université de Montréal. Pourtant, il n’existe aucun plan d’intervention. Personne ne sait trop comment agir dans ces cas-là.» Le neuropsychologue a comparé la réponse des neurones chez des enfants de 9 et 10 ans, des adolescents de 14 à 16 ans et des adultes lorsqu’ils effectuaient des tâches cognitives. La moitié avaient subi une commotion au hockey, au football ou au soccer. Il a constaté que les séquelles sont plus importantes chez les adolescents, en particulier pour ce qui est de la mémoire de travail et la capacité de manipuler des éléments d’information. «On sait que la circuiterie de la région frontale, qui est la plus affectée lors d’une commotion, se solidifie à l’ado- lescence. Cela pourrait peut-être expliquer les différences.» Ce qui est sûr, c’est que les conséquences d’une commotion – des problèmes de concentration notamment –, peuvent compromettre le cheminement scolaire des enfants et des adolescents. À l’Université Laval, on a identifié d’autres séquelles. Bradford McFa- causes des traumatismes crâniens au Québec LE CASQUE: EST-CE QUE VRAIMENT ? Chez les adultes Accidents de la route . . . . 45% Chute . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30% Accident de travail . . . . . . 10% Accident de sport, loisir . . 10% Assaut . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5% Chez les enfants Chute . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35% Accident de sport, loisir . . 29% Accident de la route . . . . . 24% Autre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12% Source : Regroupement des associations de personnes traumatisées cranio-cérébrales du Québec CAP53/ISTOCKPHOTO h eureusement, la majorité des traumatisés crâniens s’en sortent avec des séquelles beaucoup moins importantes. Le 13 septembre 2009, le quart-arrière de l’équipe de football des Carabins de l’Université de Montréal, Marc-Olivier Brouillette, fonce avec le ballon vers la zone des buts quand il est solidement plaqué à hauteur de la poitrine et tombe à la renverse. Sa tête frappe durement le sol. Le joueur de 24 ans perd connaissance quelques secondes, puis reprend ses esprits sur le banc. «J’étais étourdi. Je ne me souvenais plus du pointage ni dans quel quart on était. » Pendant plusieurs jours, il éprouvera de la difficulté à se concentrer et ressentira des maux de tête. Mais il reprendra tranquillement l’entraînement et sera de retour sur le terrain deux semaines plus tard. Les commotions cérébrales, ou traumatismes crâniens légers, comme celui qu’a subi Marc-Olivier Brouillette, représentent 85 % de toutes les blessures au cerveau, mais elles passent la plupart du temps inaperçues. « C’est un problème sous-estimé», affirme Alain Ptito, neuropsychologue et chercheur à l’Institut neurologique de Montréal. Ces blessures provoquent des maux de tête, de la fatigue, ainsi que des problèmes de mémoire et d’attention qui, normalement, s’estompent dans les jours suivant le choc. Mais 5 % à 15 % des victimes gardent des séquelles qui chambardent leur vie pour toujours. « On a longtemps pensé que les symptômes ressentis après une commotion étaient temporaires, notamment parce que les tests neuropsychologiques et les techniques d’imagerie utilisés jusqu’à maintenant ne permettaient pas de déceler de différences avec des cerveaux “normaux”», poursuit Alain Ptito. S’il persistait quelques troubles, les médecins les attribuaient à une réaction psychologique au choc. «C’est oublier que ces gens-là ont eu une atteinte neurologique», précise M. Ptito. En fait, jusqu’à 20% d’entre eux souffriront de dépression plus tard, selon une étude parue en 2007 dans le journal Medicine and Science in Sports and Exercise. C’est trois fois plus que dans la population en général. Alain Ptito croit savoir pourquoi. Depuis des années, il examine des hockeyeurs et des footballeurs des équipes de l’Université McGill. En début de saison, il les soumet à des tests de mémoire en leur présentant des images à retenir ou en les plongeant dans un environnement 3D simulé Une commotion risque d’entraîner des problèmes de concentration qui peuvent compromettre le cheminement scolaire des enfants et des adolescents. A PROTØGE Au Québec, chaque année, les accidents de vélo causent au moins 30 décès et 200 blessures graves, la plupart chez des enfants de moins de 16 ans. Les traumatismes crâniens sont responsables des trois quarts de ces décès et de près de un tiers des blessures graves. Différentes études statistiques ont démontré que le port du casque diminuait le risque de traumatisme crânien lors d’accidents ou de chutes. Cette protection est encore plus efficace en vélo de montagne, en ski et en planche à neige. En prévenant le contact direct de la tête avec l’obstacle, le casque diminue le risque de fracture et empêche des objets de pénétrer à l’intérieur du crâne (des branches d’arbre par exemple) et d’atteindre le cerveau. De plus, il dissipe l’énergie lors du choc, réduisant la transmission de la force de l’impact à la matière grise. «Mais le casque n’a pas d’effet sur le brassage du cerveau dans la boîte crânienne. Il n’empêche pas celui-ci de percuter l’intérieur du crâne lors de la décélération, ou le bris d’axones dus à la torsion», précise le docteur Juin ~ Juillet 2010 | Québec Science 27 TÊTE PREMIÈRE tape-moi sur ma tÊte de bois Le pic-bois ne souffre pas de traumatisme crânien… Pourrions-nous nous en inspirer? c omment le grand pic, qui cogne du bec sur un tronc d’arbre près de 20 fois par seconde et jusqu’à 12 000 fois par jour – avec une force de décélération de 1 000 G – réussit-il à éviter le traumatisme crânien ? Et même à se passer d’un sacré mal de bloc ? Tout d’abord, contrairement aux humains, la masse de son cerveau est petite par rapport à la superficie de son crâne. La force d’impact est ainsi distribuée sur une plus grande surface, endommageant moins l’encéphale. Le pic possède un crâne épais fait d’os spongieux. Un coussin cartilagineux, situé juste à l’endroit où la mandibule s’attache au crâne, amortit admirablement les chocs. De plus, le coup donné est toujours perpendiculaire à l’axe de la tête et du cou, et le cerveau occupe presque tout l’espace de la boîte crânienne. Le brassage de la matière grise est donc minimisé, ce qui empêche les bris d’axones et les autres lésions. Les muscles du bec sont très puissants. Le pic les contracte une milliseconde avant chaque coup, ce qui maintient la tête et distribue la force vers le bas du crâne, évitant ainsi que l’impact affecte directement l’encéphale. La langue de l’oiseau est exceptionnelle. Extrêmement longue, elle est attachée sur le dessus du bec. Elle fait le tour du crâne, l’enlaçant comme une pelote, avant de sortir par-devant. Contractée à chaque impulsion, on pense qu’elle aiderait elle aussi à maintenir la tête, la protégeant encore davantage. Quant à ses yeux, ils sont bien à l’abri. Une membrane s’abaisse avant chaque coup, empêchant les éclats de les blesser, et retient les globes oculaires qui seraient autrement éjectés hors de leur orbite sous la force des impacts ! Dans les années 1970, la question a intéressé le psychiatre états-unien Philip May et, plus récemment, l’ophtalmologiste Ivan Schwab. Tous deux ont reçu le prix Ig Nobel (ces prix qui récompensent les recherches farfelues ou absurdes) d’ornithologie en 2006 pour avoir résolu ce « casse-tête ». M.G. ISTOCKPHOTO dyen, professeur au département de réadaptation, a comparé 7 personnes sans problèmes neurologiques, à 11 autres ayant subi un traumatisme crânien modéré ou sévère, mais considérées comme rétablies. Les participants devaient marcher le long d’un parcours. Quand celui-ci était dépourvu d’obstacles, les deux groupes l’effectuaient dans les mêmes temps. Mais lorsqu’on ajoutait des obstacles et des stimuli visuels et sonores « dérangeants », le groupe de traumatisés réagissait moins vite. Il semble que leur cerveau ait plus de difficulté à traiter toutes ces informations. « Dans un environnement complexe, comme dans une usine par exemple, ça peut être dangereux », soutient Bradford McFadyen. C’est pourquoi il conseille de tenir compte de l’environnement de travail quand vient le temps de rentrer au boulot, une marque de prudence qui fait aussi partie de la réadaptation. Sa réadaptation, Sonja Boodajee n’aurait jamais pu l’accomplir sans une volonté de fer et un solide soutien de son entourage. Elle a ainsi pu terminer le baccalauréat qu’elle avait entrepris avant son accident, et décrocher une maîtrise. Maintenant thérapeute par l’art, elle doit cependant prendre garde de respecter son endurance mentale et son niveau d’énergie. « Il faut reconnaître nos limites. Le plus important dans la vie sont les petites choses qui nous permettent de fonctionner, ici, maintenant. » Elle sait qu’elle n’est plus tout à fait la même depuis son accident, et l’accepte : « J’aime à dire que j’en suis à la quinzième année de ma nouQS velle vie. » ■ VÉLO + PARCOURS INÉDIT + APRÈS-VÉLO = Inscrivez-vous avant le 4 juin et économisez. www.veloquebecvoyages.com 514 521-8356 • 1 800 567-8356, poste 506 Titulaire d’un permis du Québec 28 Québec Science | Juin ~ Juillet 2010 Photo : Gaétan Fontaine DE VRAIES VACANCES ! O à a