
cognitives. La moitié avaient subi une com-
motion au hockey, au football ou au soc-
cer. Il a constaté que les séquelles sont plus
importantes chez les adolescents, en parti-
culier pour ce qui est de la mémoire de tra-
vail et la capacité de manipuler des éléments
d’information. «On sait que la circuiterie de
la région frontale, qui est la plus affectée
lors d’une commotion, se solidifie à l’ado-
lescence. Cela pourrait peut-être expliquer
les différences.» Ce qui est sûr, c’est que les
conséquences d’une commotion – des
problèmes de concentration notam-
ment –, peuvent compromettre le che-
minement scolaire des enfants et des ado-
lescents.
À l’Université Laval, on a identifié
d’autres séquelles. Bradford McFa-
eureusement, la ma-
jorité des traumatisés
crâniens s’en sortent
avec des séquelles
beaucoup moins im-
portantes. Le 13 sep-
tembre 2009, le quart-arrière de l’équipe
de football des Carabins de l’Université de
Montréal, Marc-Olivier Brouillette, fonce
avec le ballon vers la zone des buts quand
il est solidement plaqué à hauteur de la poi-
trine et tombe à la renverse. Sa tête frappe
durement le sol. Le joueur de 24 ans perd
connaissance quelques secondes, puis re-
prend ses esprits sur le banc. «J’étais étourdi.
Je ne me souvenais plus du pointage ni dans
quel quart on était.» Pendant plusieurs
jours, il éprouvera de la difficulté à se
concentrer et ressentira des maux de tête.
Mais il reprendra tranquillement l’entraî-
nement et sera de retour sur le terrain deux
semaines plus tard.
Les commotions cérébrales, ou trauma-
tismes crâniens légers, comme celui qu’a
subi Marc-Olivier Brouillette, représen-
tent 85% de toutes les blessures au cer-
veau, mais elles passent la plupart du temps
inaperçues.
«C’est un problème sous-estimé», af-
firme Alain Ptito, neuropsychologue et
chercheur à l’Institut neurologique de Mont-
réal. Ces blessures provoquent des maux de
tête, de la fatigue, ainsi que des problèmes
de mémoire et d’attention qui, normale-
ment, s’estompent dans les jours suivant
le choc. Mais 5% à 15% des victimes gar-
dent des séquelles qui chambardent leur
vie pour toujours.
«On a longtemps pensé que les symp-
tômes ressentis après une commotion
étaient temporaires, notamment parce que
les tests neuropsychologiques et les tech-
niques d’imagerie utilisés jusqu’à mainte-
nant ne permettaient pas de déceler de dif-
férences avec des cerveaux “normaux”»,
poursuit Alain Ptito.
S’il persistait quelques troubles, les mé-
decins les attribuaient à une réaction psy-
chologique au choc. «C’est oublier que ces
gens-là ont eu une atteinte neurologique»,
précise M. Ptito. En fait, jusqu’à 20% d’en-
tre eux souffriront de dépression plus tard,
selon une étude parue en 2007 dans le jour-
nal Medicine and Science in Sports and
Exercise. C’est trois fois plus que dans la po-
pulation en général.
Alain Ptito croit savoir pourquoi. De-
puis des années, il examine des hockeyeurs
et des footballeurs des équipes de l’Uni-
versité McGill. En début de saison, il les
soumet à des tests de mémoire en leur pré-
sentant des images à retenir ou en les plon-
geant dans un environnement 3D simulé
par ordinateur. Quand un athlète subit
une commotion, il repasse les mêmes tests.
On mesure alors son activité cérébrale à
l’aide de l’imagerie par résonance ma-
gnétique fonctionnelle. Chez plusieurs des
patients ayant subi une commotion, on
observe une baisse de l’activité électrique
dans une région associée à la mémoire de
travail et au traitement des tâches cou-
rantes, le cortex préfrontal dorsolatéral.
Par contre, l’activité est plus élevée dans
le cortex orbitofrontal médial et le cortex
cingulaire antérieur, qui sont liés aux émo-
tions. Un profil très semblable à celui re-
marqué chez des personnes dépressives.
«Le brassage violent dans le crâne en-
traîne un étirement des axones, les longs
prolongements des neurones, qui sont les
fils électriques du cerveau. Certains se bri-
sent, causant des lésions dispersées, diffi-
ciles à déceler. Elle n’apparaissent généra-
lement pas lorsqu’on effectue un scan»,
explique Marc Giroux.
Voilà pourquoi certains traumatisés gar-
dent des séquelles qui échappent aux spé-
cialistes, mais qui ne pardonnent pas. Les
recherches ont notamment montré que le
temps de réaction des sportifs ayant subi
une commotion récente est plus lent. Leurs
réflexes sont moins aiguisés. Résultat, ils
courent cinq à sept fois plus de risque de
subir un autre coup à la tête s’ils repren-
nent le jeu trop vite. Or, les commotions
à répétition peuvent s’avérer fatales pour
un cerveau déjà fragilisé; c’est ce qu’on
appelle le syndrome du second impact.
D’où l’importance du repos avant de re-
mettre les pieds sur le terrain, surtout chez
les jeunes athlètes. «Il y a deux fois plus de
commotions chez les enfants sportifs que
chez les adultes, mentionne le neuropsy-
chologue Dave Ellemberg, professeur adjoint
au département de kinésiologie de l’Uni-
versité de Montréal. Pourtant, il n’existe
aucun plan d’intervention. Personne ne sait
trop comment agir dans ces cas-là.»
Le neuropsychologue a comparé la ré-
ponse des neurones chez des enfants de 9
et 10 ans, des adolescents de 14 à 16 ans et
des adultes lorsqu’ils effectuaient des tâches
Juin ~ Juillet 2010 |Québec Science 2726 Québec Science |Juin ~ Juillet 2010
TÊTE PREMIÈRE
QUAND LA CABOCHE D-
CROCHE
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Beaucoup l’ignorent, mais «tomber dans les pommes» à la suite d’un
choc ou entrer dans un coma prolongé relève du même mécanisme. La
seule différence, c’est la durée… et les séquelles.
Quand on reçoit un coup sur la tête, le choc peut perturber l’activité
électrique dans les deux hémisphères du cerveau – on perd
connaissance, car les signaux dans les neurones ne sont plus relayés.
L’évanouissement peut aussi être causé par un manque d’oxygène ou de
glucose dû à un problème de circulation sanguine.
En d’autres occasions, c’est une structure située à la base du cerveau
et responsable de l’état d’éveil (la formation réticulée activatrice), qui
reçoit un choc. Là aussi, la personne perd connaissance et, s’il y a une
lésion dans cette région, le coma risque de se prolonger.
Cependant, si la structure des neurones est préservée, l’endormi
reprendra connaissance – après quelques heures, quelques jours ou
quelques semaines, selon les cas, le temps que le cerveau désenfle et
retrouve sa taille normale. Les fonctions automatiques réapparaissent, le
patient commence à bouger les membres, puis les paupières. Il se réveille.
La durée du coma est en fait proportionnelle à l’importance des
lésions, à l’âge de la personne et à son état de santé avant le
traumatisme. Quant aux séquelles, elles dépendent des régions du
cerveau qui ont été endommagées. Commence ensuite le travail de
réadaptation.
Il arrive cependant que la personne puisse ouvrir les yeux et respirer
par elle-même sans toutefois reprendre conscience. Elle est alors dans
Le quart-arrière des Carabins de l’Université de
Montréal, Marc-Olivier Brouillette, a subi une solide
commotion cérébrale en septembre 2009. Il était
de retour au jeu deux semaines plus tard. On le voit
ici, en novembre 2009, contre le Rouge et Or
de l'Université Laval.
JACQUES BOISSINOT/LA PRESSE CANADIENNE
Une
commotion
risque d’entraîner des
problèmes de concentration
qui peuvent compromettre
le cheminement scolaire
des enfants et des
adolescents.
LE CASQUE: EST-CE QUE A PROTØGE
VRAIMENT ?
Au Québec, chaque année, les accidents de vélo causent au moins 30 décès et 200 blessures graves,
la plupart chez des enfants de moins de 16 ans. Les traumatismes crâniens sont responsables des trois
quarts de ces décès et de près de un tiers des blessures graves.
Différentes études statistiques ont démontré que le port du casque diminuait le risque de traumatisme
crânien lors d’accidents ou de chutes.
Cette protection est encore plus efficace en vélo de montagne, en ski et en planche à neige. En prévenant le
contact direct de la tête avec l’obstacle, le casque diminue le risque de fracture et empêche des objets de péné-
trer à l’intérieur du crâne (des branches d’arbre par exemple) et d’atteindre le cerveau. De plus, il dissipe l’énergie
lors du choc, réduisant la transmission de la force de l’impact à la matière grise.
«Mais le casque n’a pas d’effet sur le brassage du cerveau dans la boîte crânienne. Il n’empêche pas celui-ci
de percuter l’intérieur du crâne lors de la décélération, ou le bris d’axones dus à la torsion», précise le docteur
Chez les adultes
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Chez les enfants
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Source : Regroupement des associations
de personnes traumatisées cranio-cérébrales
du Québec
CAP53/ISTOCKPHOTO