Ecole Doctorale « Sciences de l’Homme et de la Société »
Année 2014-2015 - Demande d’allocation doctorale
Ecole Doctorale « Sciences de l’Homme et de la Société » n°240
Bourse régionale ; bourse ministérielle X ; autres ;
1. Informations administratives :
Nom de l’encadrant responsable de la thèse : M. Benoist Pierre
Unité : CESR / UMR 7323
Equipe : Histoire
Email de l’encadrant : [email protected]
2. Titre de la thèse : De l’alambic au gant : fabrication et usages des parfums à la Renaissance
3. Résumé :
Ce sujet s’inscrit dans le renouvellement récent d’une historiographie qui a privilégié, pour
comprendre la culture de cour à l’époque moderne, une approche anthropologique fondée sur l’analyse
des corps et de la manière dont les hommes et les femmes de cette époque étaient soucieux de le parer,
de le mettre en valeur et de le soigner. Les travaux de Catherine Lanoe (La Poudre et le Fard), ceux de
Georges Vigarello (Histoire de la beauté) ou encore ceux de Danielle Musset et Claudine Fabre-
Vassas (Odeurs et Parfums) et de Brigitte Munier (Des Dieux de l´Olympe au parfum) ouvrent certes
la voie, mais ils laissent encore beaucoup de questions en suspens et ne privilégient pas toujours la
Renaissance.
Cette période soulève pourtant de nombreuses questions, dès lors qu’on interroge la présence
des parfums : quels types de produits ont été utilisés pour les recettes de parfum ? On s’intéressera
précisément aux traités et aux recettes (les secretis), aux processus de fabrication, à commencer par les
produits (eau parfumée, huile parfumée, pommade, massapan, onguent, baume, poudre, concrète,
pastille, pomme de senteurs). Par exemple, on pourra interroger l’importance du bois d’aloès apporté
par des ambassadeurs de Siam comme cadeau au roi Louis XIV : la préciosité de ce bois, pouvait-elle
se comparer à la myrrhe, apportée au Christ par les rois mages ? Mais l’histoire des usages sociaux des
parfums sera également centrale (la relation entre l’homme et les parfums ; les essences parfumées et
le pouvoir sacré qu’elles pouvaient conférer à celui qui les utilisait ; le rôle des parfums pour
combattre la peste ; la professionnalisation du parfumeur/apothicaire/herboriste/alchimiste).
Les sources, manuscrites et imprimées, ne manquent pas pour répondre à ces questions : la
Bibliothèque de Pharmacie de Paris ou le département des Manuscrits de la BNF renferment de
précieux documents qui permettent d’explorer autant les usages des parfums que leurs modes de
fabrication. Par exemple, les « Maximes d’éducation et direction puérile » (adressés au futur
Louis XIV) mettent en évidence le le du parfum dans l’art de devenir roi, car le parfum avait pour
effet l’embellissement, mais il permettait aussi d'affirmer le pouvoir sacré du souverain. On pourra
compléter ces sources normatives par des recherches dans les archives et particulièrement dans les
inventaires de boutiques à parfum du XVIe siècle qui nous montrent tous les produits nécessaires à
l’exercice du métier de parfumeur et témoignent de la complexité du métier d’apothicaire. L’ensemble
de ces documents permet aussi de proposer une histoire sensorielle et olfactive de la Renaissance,
période qui promouvait l’idée que les odeurs pouvaient tout guérir, tout protéger. La vieillesse du
corps, les rides, les tâches, mais aussi (voire surtout) les maladies pouvaient être combattues
olfactivement.
Si cette recherche vise à distinguer une économie de la beauté spécifique à la Renaissance,
l’analyse des documents permettra de traiter aussi les soins médicaux, la teinture, l’art de faire des
confitures et de la cuisine en général. Il faudra donc interroger la transmission de ces recettes :
traditionnellement, elles étaient entre les mains de particuliers qui les conservaient jalousement, ne les
publiant pas ou seulement dans des ouvrages « réservés aux femmes ». Parfois les ingrédients
stupéfient les contemporains que nous sommes : de la cendre de tête de chien, de la tête de vipère, des
testicules de coq, des cendres de limaçon, etc. ! Vers le milieu du XVIe siècle, on assiste à un
épanouissement de la littérature féminine : à cette époque, dans les milieux aisés, il était courant que
les femmes s’intéressent à la médecine, à l’alchimie et à la cosmétologie et les recettes de parfums
étaient alors très prisées par ce public particulier.
La Renaissance produit dans le domaine de la parfumerie et des cosmétiques des
bouleversements dont il faudra prendre la mesure et qu’il faudra comparer à ceux qui affectent les
autres arts et sciences. La recherche proposée se trouve à la croisée de nombreuses disciplines :
histoire des sciences (alchimie, chimie), histoire de la médecine (guérison par les odeurs), histoire des
techniques (l’alambic révolutionne la fabrication en permettant la production de l’alcool et des huiles
essentielles), histoire religieuse (usages sacrés des parfums), histoire économique et commerciale (les
nouvelles voies maritimes et commerciales ouvertes d' abord par le Portugal vers le marché mondial
des épices et parfums d'Orient), histoire des genres (y a-t-il des usages féminins et masculins des
parfums ?), histoire de l’artisanat (la ganterie et le cuir, qu'il convient aussi de parfumer : la confrérie
établie en XVIIe siècle sera celle des « parfumeurs et gantiers »). À l’intersection de toutes ces
approches se trouve une histoire de la cour renouvelée par son inscription dans une perspective
sensorielle, qui permettra aussi de définir une Renaissance olfactive.
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