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TITRE III . BILAN DE LA REVOLUTION FRANÇAISE .
Ce bilan sera structuré à l'instar du contenu de l'Ancien Régime : social, religieux et politique.
Dans les domaines social et religieux, il y aura lieu de distinguer d'une part l'apport de la Révolution comme
telle et d'autre part celui du Consulat. Ce dernier, oeuvre de Bonaparte pour l'essentiel, va pratiquer, avec une
lucidité remarquable, un tri dans l'oeuvre révolutionnaire, confirmant ou consolidant ce qui lui semble apte à
asseoir la France moderne sur des bases solides, mais corrigeant les erreurs et rejetant sans hésitation ce qui lui
apparaît utopique ou dangereux.
I. Dans le domaine social.
A. L’héritage de la Révolution : liberté, individualisme, égalité, propriété.
1. Liberté de l’individu.
Abolition du servage, des droits seigneuriaux, de toutes les formes de privilèges et de monopoles
(corporations, jurandes). Positivement, reconnaissance des droits (Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen, 26 août 1789) : vie, liberté, opinion, religion, expression, presse, sécurité, propriété, justice…
Remarque importante.
Il y a pourtant une réserve de taille : le droit d'association brille par son absence, et cela au nom de la
liberté individuelle ! Le régime libéral qui s'est mis en place s'est appliqué à supprimer les
corps intermédiaires
(c'est-à-dire les groupes institués entre l'individu et l'Etat : ordres, Parlements, corporations, communautés de
village, etc.) et à les interdire, car il considère qu'il faut préserver l'individu de la tyrannie du groupe. En effet,
dans l'esprit de cette époque, le groupe est perçu comme une menace à l'encontre des valeurs libérales ; plus
précisément, il est considéré comme contraire :
- à la liberté. Le groupe implique des contraintes réglementaires et psychologiques, une espèce de
totalitarisme et un esprit grégaire qui amène une aliénation pour la personne ;
- à l'égalité. Le groupe se distingue par un statut à part, et ses membres par des privilèges
(financiers, judiciaires, économiques, honorifiques…) ;
- au bien commun. Un groupe aura tendance à privilégier la défense de ses intérêts particuliers
(réflexe corporatiste), fût-ce au détriment de l'intérêt national ;
- au progrès. Le groupe, fort et jaloux de ses privilèges, tend à conserver des situations acquises
et dès lors à refuser tout changement. Une aberration pour le libéralisme du temps, qui cultive
une sorte de religion du progrès !
Le refus du droit d'association sera lourd de conséquences au XIXe siècle. En effet, le statut
particulier et les privilèges que le groupe avait réussi à conquérir au fil du temps servaient notamment à protéger
les individus qui le composaient contre les éventuels abus du pouvoir. A présent, privé de corps intermédiaires,
l'individu se retrouve seul face au pouvoir, qu'il soit politique (Etat) ou économique (patron). On notera
cependant qu'il n'en est pas pour autant complètement démuni, puisqu'il bénéficie d'un régime politique libéral
qui précisément, comme son nom l'indique, est conçu pour préserver la liberté individuelle.1
La France devra attendre 110 ans après la loi Le Chapelier (1791) pour voir reconnaître légalement
les associations. La loi syndicale de 1884 ne vaudra que pour les associations de défense professionnelle ; c'est
la loi de 1901 qui donnera aux associations un statut, reconnaîtra leur liberté et les soustraira à un régime de
police. Quant à la Belgique, elle verra reconnaître la liberté d'association dès ses débuts (constitution de 1831,
article 20).
2. Egalité de tous les citoyens.
La lutte séculaire de la monarchie contre les privilèges, le particularisme, l'absence d'uniformité
source d'injustice, est parachevée par la Révolution. Les mêmes droits sont reconnus à tous sans distinction. En
conséquence, ma liberté (mes droits) a pour limite une liberté (des droits) égale chez autrui. Ainsi, pour contrer
le risque d'anarchie où règne la loi du plus fort (contraire à la fois à la liberté et à l'égalité), la valeur de liberté
est tempérée par celle d'égalité (et réciproquement). Ceci a pour corollaire que mes droits impliquent pour moi
des devoirs.
La notion d'égalité est fondamentale, mais elle ne va pas de soi : suivant sa pente naturelle, l'être
1 Revoir les caractéristiques d'un régime libéral.
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humain ne peut, sans se faire quelque violence, considérer les autres comme ses égaux - sinon vis-à-vis d'un
petit cercle d'intimes, et encore ; pour les autres, nous nous estimons très souvent soit supérieurs, soit inférieurs,
mais pas égaux. Cependant, il ne faut pas confondre l'égalité en général et la notion d'égalité civile, c'est-à-dire
l'égalité entre tous les citoyens sans distinction en matière de droits et de devoirs. C'est de l'égalité civile qu'il
s'agit ici pour l'essentiel ; on y reviendra donc à propos du bilan politique de la Révolution.
3. Propriété.
A cet égard, la Révolution s'est montrée plus incohérente ou hésitante (nationalisation des biens de
l'Eglise de France et des émigrés, impôt forcé sur les grosses fortunes), pour finalement insister fortement sur le
respect de la propriété privée. Et ceci face à un double risque : d'une part celui de l'anarchie, laquelle détruit les
deux autres valeurs (liberté et égalité) en faisant régner la loi du plus fort ; d'autre part le risque, pour la
bourgeoisie qui a conquis le pouvoir au détriment de la noblesse, de perdre son ascendant dans la société au
profit du petit peuple, beaucoup plus nombreux mais jugé - en bonne partie à juste titre, à l'époque - inapte à la
gestion des affaires publiques.
N.B. La conjonction des impératifs de liberté et de propriété sera on ne peut plus favorable à la
bourgeoisie et entraînera de graves abus. C'est le mouvement démocratique qui (à partir de 1848 surtout),
prenant la relève du mouvement libéral, tentera d'y remédier, renforcé par les mouvements ouvriers puis les
partis socialistes (et plus tard communistes).
B. L’héritage du Consulat (et secondairement l'Empire) : consolidation et amendement de l’oeuvre
révolutionnaire.
1. Consolidation des conquêtes sociales de la Révolution.
L'abolition des ordres et des privilèges, de même que les nationalisations (biens d'Eglise et des
émigrés) sont confirmées de manière décisive par Bonaparte.
a) Vis-à-vis de l'Eglise : par le concordat (1801), elle renonce à réclamer ses biens confisqués ;
b) Vis-à-vis des émigrés (pas seulement de la noblesse !) : clôture de la liste des émigrés, autorisés à
rentrer légalement en France, et établissement d'un cadastre reprenant les nouveaux propriétaires.
2. Correction et aménagement de l'oeuvre révolutionnaire par le Code civil* (1804).
Le Code civil, fortement inspiré du droit romain et réalisant une sorte de compromis entre le nouveau
régime et l'ancien, va donner à la France nouvelle des fondations solides. Afin de préserver la société française
d'un individualisme excessif, générateur d'anarchie, Bonaparte va assurer son encadrement et remettre à
l'honneur le principe d'autorité.
a) Restauration de l'autorité. Triomphe du paternalisme au nom du retour à l'ordre.
1/ au sein de la famille : autorité du père sur ses enfants, et du mari sur sa femme (incapacité
juridique de la femme mariée).
Autorité paternelle. Exemples. Le mariage est soumis au consentement du père (pour un fils,
jusqu'à 25 ans ; pour une fille, toujours).
Autorité maritale. Exemples. Pour la femme mariée :
- Obligation de suivre son époux à son domicile. Les époux se doivent fidélité, mais selon
des modalités distinctes : la femme adultère est passible d'emprisonnement (3 mois à 2 ans), alors que dans ce
cas l'homme est passible d'une simple amende, et seulement s'il amène sa concubine au domicile conjugal. Le
divorce n'est autorisé que dans les cas suivants : adultère, condamnation à une peine infamante, sévices et injure
grave. Contrôle marital sur la correspondance et les relations. Interdiction de voyager à l'étranger sans
autorisation maritale.
- interdiction d'accès aux universités et lycées ; de se livrer à un travail rémunéré sans
l'autorisation maritale ; de toucher elle-même son salaire. Interdiction d'accomplir aucun acte juridique (c'est-à-
dire générateur de droits ou d'obligations) : signer un contrat ; gérer les biens communs. Quant à ses biens
personnels, la femme mariée ne peut en disposer ni les gérer sans l'autorisation de son époux, même en cas de
séparation de corps.
- exclusion de tout droit politique.
2/ au sein de l'entreprise : autorité du patron sur ses employés et ouvriers.
Le patron assure le maintien de l'ordre dans son établissement ; l'ouvrier doit être porteur d'un
livret qui comporte son signalement, dans lequel le patron peut arbitrairement consigner toutes les remarques
qu'il juge bon sur son comportement et sans lequel l'ouvrier ne peut espérer se faire engager ailleurs ; en cas de
contestation, l'ouvrier doit apporter la preuve de ce qu'il avance, alors que le patron est cru sur parole.
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b) Cadres, hiérarchies et honneurs, pour redonner une armature à la société.
1/ L'Ordre des Avocats (ou Barreau), créé en 1810.
2/ L'Université, dotée du monopole de l'enseignement mais placée sous le contrôle direct de
l'Etat.
3/ L'Ordre national de la Légion d'Honneur (1802), association honorifique créée pour
récompenser les mérites, et spécialement les services rendus à l'Etat.
4/ La noblesse d'Empire. Créée par une série de décrets pris en 1806 et 1808, elle constitue
(comme la Légion d'Honneur) une sorte de compagnonnage hiérarchique envié destiné
autant à récompenser les bénéficiaires qu'à garantir leur fidélité au régime. Il s'agit, par
rapport à l'Ancien Régime, d'une noblesse d'une conception plus moderne, même si elle
reste par définition inégalitaire. En effet, elle ne devait pas être héréditaire (elle
finira néanmoins par le devenir à force de pressions) et était liée au talent, au mérite, aux
services rendus.
Ainsi, Bonaparte a à la fois consolidé et amendé l'oeuvre révolutionnaire. Il a été le trait d'union entre
l'ancien et le nouveau régime et, grâce à une puissante intelligence politique, le grand artisan de la réconciliation
nationale - même s'il garde des ennemis irréductibles. C'est là un de ses plus beaux titres de gloire.
II. Dans le domaine religieux.
A. L’oeuvre révolutionnaire
1. Sécularisation avec tendance au césaro-papisme
La Révolution a vu le nouveau pouvoir imposer son autorité au clergé de France (constitution civile,
serment civique) et a procédé à des sécularisations : nationalisation des biens de l'Eglise de France, suppression
des Ordres religieux, élection des responsables religieux (évêques, prêtres).
2. Laïcisation.
Parachevant ici encore un mouvement entamé dès la fin du Moyen Age par la société civile autant
que par les monarchies, la Révolution a imposé de façon décisive l'autonomie du pouvoir civil par rapport à
l'Eglise :
a) en nationalisant l'état civil, l'instruction publique et l'assistance publique ;
b) en instaurant le mariage civil et le divorce ;
c) en imposant le principe de laïcité de l'Etat*.
3. Tolérance et pluralisme religieux.
Corollaire de la liberté de conscience, d'opinion et de religion, l'autorisation du pluralisme religieux a
pour conséquence l'établissement d'un régime de tolérance.
N.B. En dépit des valeurs et principes proclamés, le mouvement révolutionnaire a, du moins pour
une part, mené une action non seulement anticléricale, mais même antireligieuse : persécutions, entraves au
culte, mascarades grotesques simulant des processions, profanations, calendrier révolutionnaire.
B. L’oeuvre du Consulat : confirmation de l’oeuvre révolutionnaire mais normalisation.
Comme il l'a fait dans le domaine social, Bonaparte a consolidé les acquis jugés positifs de la
Révolution et supprimé les mesures utopiques ou dangereuses pour rétablir l'autorité et les cadres. Avec le
concordat* (1801), il a entrepris une oeuvre de réconciliation, d'une part entre la France nouvelle et le Saint-
Siège, et d'autre part entre les Français. On y retrouve les deux aspects de l'oeuvre consulaire :
1. Confirmation de l'apport révolutionnaire :
a) confiscation des biens de l'Eglise de France ;
b) rationalisation des circonscriptions ;
c) fonctionnarisation du clergé, payé par l'Etat ;
d) retrait à l'Eglise de ses fonctions publiques (état civil, instruction et assistance) au nom de la
laïcité de l'Etat ;
e) pluralisme religieux et tolérance, au nom de la liberté de conscience.
2. Retour à l'ordre et rétablissement des relations avec Rome :
a) suppression de l'élection des membres du clergé ;
b) reconnaissance officielle de l'Eglise (et du pouvoir du pape) et de la religion catholique
(qualifiée comme étant celle
de la majorité des Français
).
c) clauses assez semblables à celles du concordat en vigueur sous l'Ancien Régime (Bologne,
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1516). On notera cependant que le nouveau concordat ne concerne pas - et donc n'abolit
nullement - la confiscation à l'Eglise d'anciennes attributions (état civil, enseignement,
assistance publique), ni la suppression des congrégations religieuses.2
*
Recherchez les raisons et les circonstances qui expliquent, à propos du concordat de 1801 :
- qu'il n'est plus d'application en France, à l'exception de trois départements (lesquels ?) ;
- s'il est d'application en Belgique et pourquoi.
Conclusion.
La Révolution a tranché le lien traditionnel, et même millénaire (il remonte aux débuts du Moyen Age, voire
aux Ages des Métaux) entre la puissance publique (Etat, politique) et la religion. A terme, cette politique
prépare la séparation radicale de l'Eglise et de l'Etat (lois de 1905 en France).
D'autre part, le mouvement anticlérical et antireligieux a préparé le terrain au mouvement anticlérical des
libéraux à la mentalité
laïque*
qui allait prédominer à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Ce mouvement
cherchera non plus à soumettre l'Eglise à l'Etat mais bien à l'exclure complètement de la vie publique et à
l'étouffer peu à peu en paralysant ou en contrecarrant de toutes les manières possibles son activité au sein de la
société (enseignement, assistance publique, associations, médias…).3
III. Dans le domaine politique.
* Introduction : les grands courants socio-politiques (1815-1919).
A. Aspects internes
1. Une nouvelle conception de la politique, fondée sur la souveraineté nationale (29 ter)
a) Evolution de la notion : l’affaire de tous (
res publica
).
b) Implications de cette évolution. Voir politisation*.
1/ prestige de l’action politique.
C'est une noble tâche que de consacrer l'essentiel de son temps à l'organisation et au
fonctionnement de la société pour le bien de tous.
2/ responsabilité et solidarité4 de tout citoyen à l’égard de la Nation.
Si l'on parle de souveraineté nationale, cela veut dire qu'au lieu de sujets soumis à une
monarchie absolue et paternaliste, on se trouve en présence de citoyens, terme qui implique
une participation au pouvoir, et dès lors une certaine responsabilité .
Mais il faut en outre la solidarité . En effet, dans le nouveau régime, la souveraineté n'est
pas individuelle comme l'est la liberté, mais bien nationale, c'est-à-dire collective : elle
appartient à la Nation, autrement dit à l'ensemble des citoyens et non pas à chacun d'entre
eux.
Note importante.
C'est une grave perversion de l'aspiration à la liberté que de revendiquer une sorte de
souveraineté individuelle - avec un Etat (s'il est maintenu) asservi aux caprices de chacun,
un Etat-providence au service de tous les égoïsmes, ou même avec la disparition de toute
forme d'autorité et de contrainte, y compris étatique. Le principe de la souveraineté
individuelle est le fondement de l'anarchisme ; c'est la négation des concepts de Nation, de
citoyenneté et de bien commun (ou intérêt général), au profit d'une juxtaposition de
narcissismes. Une telle propension - naturelle chez tout homme, toujours tiraillé entre
sa dimension individuelle et sa dimension sociale - a été érigée par certains en mouvement
politique, ou même en doctrine. D'autres, sans aller aussi loin, réalisent qu'il s'agit d'une
utopie peut-être dangereuse mais se comportent comme si c'était leur idéal, mettant tout en
oeuvre pour pousser à ses extrêmes limites la liberté individuelle - avec une indifférence
plus ou moins inconsciente à l'intérêt commun qui, forcément, souffre de leur conduite. En
outre, un tel comportement revient à refuser implicitement la notion d'égalité civile. En
effet, celui qui pousse à un tel degré l'individualisme n'admet pas l'idée que sa liberté
s'arrête là où commence l'égale liberté de l'autre.
Compte tenu de ce qui précède, on aura compris qu'à défaut d'honorer ce devoir de
2 Celles-ci se rétabliront dès l'Empire et surtout sous la Restauration, mais moyennant autorisation par le pouvoir civil.
3 Cette agressivité à l'égard de la religion catholique et de l'Eglise n'a plus du tout la même intensité, mais elle est loin
d'avoir disparu de nos jours, notamment en Belgique.
4 Celle-ci correspond au mot d'ordre
Fraternité
de la Révolution.
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solidarité, on tombe automatiquement dans l'incivisme.
De la responsabilité et de la solidarité résultent non seulement des droits, mais
également des devoirs, c'est-à-dire des obligations à l'égard de la Nation (on les verra ci-
après aux points 3 et 4). En effet, il ne saurait être question de solidarité ou de responsabilité
si, par un comportement opportuniste et égoïste, j'affaiblis d'une manière ou d'une autre la
communauté tout entière (autrement dit je porte atteinte à l'intérêt général, au bien commun)
en refusant d'assumer mes obligations. Il s'agit ici, bien entendu, non pas d'une obligation
légale (au sens d'une contrainte assortie de sanctions prévues par la loi) mais bien d'une
obligation morale, de l'engagement résultant de ma qualité de citoyen qui doit assumer sa part
de souveraineté.
3/ droit et devoir moral de participation et de contribution de tous.
La participation consiste à tout le moins à respecter les lois (par respect pour la Nation, qui
s'est donné ces règles à elle-même dans l'intérêt général), à payer ses contributions
(contribution au bien-être général) et à aller voter. Au-delà, on pourra envisager d'assumer
un service civique quelconque, qu'il fasse l'objet d'une obligation légale (service militaire,
service civil) ou non (aide sociale, bénévolat, travail d'intérêt général).
Si je refuse ma participation, je mets en danger l'ensemble de la Nation (donc moi compris !) :
- en refusant de participer aux charges (impôts, service militaire), j'affaiblis le groupe national
tout entier, en le privant des moyens nécessaires à sa santé, voire à sa survie.
- en refusant de m'engager dans l'action politique (au minimum en allant voter), je refuse
d'assumer ma part de souveraineté nationale, j'abdique, je renonce à mon pouvoir d'agir sur
l'organisation et le fonctionnement de la société. A la longue, et si ce genre de conduite tend
à se généraliser, il faut s'attendre à de graves conséquences :
- je contribue à renforcer la classe politique en renonçant à contrôler son action ; j'augmente
le risque de voir s'installer - ou j'augmente chez les hommes politiques la tentation
d'installer - un pouvoir arbitraire, un nouvel absolutisme !
- je contribue à renforcer, au sein du corps électoral, les extrémistes de tous bords, qui, eux,
sont prêts à tout pour prendre le pouvoir et imposer leur régime. Car ils sont poussés par
leur activisme, voire leur fanatisme, alors que les modérés et les mous sont souvent tentés
par l'attentisme, la passivité.
Et même s'il ne s'agit pas forcément de renforcer les extrêmes, il y aura du fait de mon
abstention un déficit de représentation nationale. Autrement dit, le régime sera un peu
moins représentatif, et donc la Nation un peu moins souveraine. Le Parlement et le
Gouvernement qui sortiront de telles élections ne donneront donc pas une image fidèle de
la Nation, ne traduiront pas fidèlement la volonté nationale.
4/ droit à l’information et devoir moral de s’informer (d’où ce qui suit).
Sans information, le citoyen n'est pas en mesure d'assurer un contrôle sur l'action politique, et
donc la Nation ne peut assumer pleinement sa souveraineté.
5/ publicité des travaux parlementaires et des décisions, ainsi que de la justice.
6/ liberté de la presse.
La presse doit contribuer à éclairer l'opinion publique. Elle devient un des nouveaux supports
(avec les partis) de la participation à la vie politique. Le rôle des journaux a été important
durant l'épisode révolutionnaire (cf Camille Desmoulins, Brissot, Marat) et il ira croissant
jusqu'à nos jours. Désormais, il existe un lien étroit entre activité journalistique et activité
politique, entre la liberté de la presse et la liberté politique.
7/ rôle déterminant de l’opinion publique.
Dès lors que les citoyens ont leur mot à dire (souveraineté nationale), la politisation va
connaître un certain essor. La politique va faire l'objet de débats, de contestations,
d'affrontements souvent passionnés ou de programmes, fondés sur une idéologie plus ou moins
structurée. Désormais, un gouvernement ne pourra que difficilement se maintenir s'il n'a pas le
soutien de l'opinion publique.
8/ création et importance croissante des partis politiques.
Les groupements politiques (clubs5, sections, sociétés populaires) jouent le rôle de relais entre
5 Même si ceux-ci ont été dissous au lendemain du 9 thermidor.
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