INTRODUCTION
En début d’année, alors que nous nous découvrions à peine, ma collègue et moi, l’idée de
monter une pièce de théâtre avec notre classe a émergé de nos envies respectives et a scellé le
début d’une collaboration fructueuse. Notre choix s’est porté naturellement vers la pièce
qu’elle avait choisi d’étudier avec eux en lecture suivie. Dans un premier temps, je l’ai
considéré comme un projet de classe qui unirait nos deux pratiques, motiverait les élèves,
créerait de la cohésion au sein de la classe, me valoriserait… Une sorte de « "théâtre-
production"» comme l’appelle Philippe Meirieu, qui a comme enjeu sa finalité, c’est-à-dire un
résultat propre et fini, source de satisfaction et de fierté pour l’enseignant et les parents, mais
également potentiellement discriminant envers les élèves avec une sélection des meilleurs
pour les rôles importants. Il était cependant évident pour nous que chacun participerait à la
pièce, qu’aucun élève ne serait mis en avant plus qu’un autre, et que ce projet devait apporter
autant à chacun d’entre eux. Cette tension que souligne Philippe Meirieu dans Le théâtre et
l’école : éléments pour une histoire, repères pour un avenir… , entre le désir de «"montrer"»
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un résultat de son travail d’enseignant, surtout en tant que stagiaire, et la volonté d’exploiter
les ressources qu’offre le théâtre quant à la construction de l’élève, je l’ai moi-même
ressentie, en tant qu’enseignante mais également en tant qu’élève. En effet, c’est à l‘école que
j’ai découvert le théâtre, et j’ai été marquée autant par les représentations auxquelles j’ai
participé (costume, plaisir d’être sur scène, fierté des parents), que par tout ce que m’a apporté
le théâtre : confiance en moi, facilité pour la prise de parole en public, aisance à l’oral,
distanciation… Ainsi, en commençant à concevoir le projet, j’ai voulu trouver un équilibre
entre ces deux aspects, sans forcément l’avoir conscientisé, et je me suis demandé ce que le
théâtre pouvait leur apporter, que l’enseignement sous sa forme plus classique ne faisait pas.
En menant des ateliers théâtre auparavant, j’ai déjà constaté des transformations de
comportements d’enfants par le théâtre, notamment la canalisation de leur énergie, si
débordante à cet âge, ou encore l’émergence de personnalité affirmée chez des enfants
habituellement en souffrance en collectivité. La question qui guide ma réflexion est donc la
suivante : en quoi le théâtre et sa mise en projet à l’école permet des apprentissages chez
l’élève nécessaires à sa construction en tant qu’individu mais aussi transforme son regard sur