STAGE ANNE ASTOLFE DU MOUVEMENT AU JEU : LE CORPS EN SCENE Les 23 et 24 février dans le cadre de l’accueil du spectacle Hold On de la compagnie Le Laabo ! Contact Elise Deloince Relation avec les publics et communication Ligne directe 04 75 64 93 44 Jérôme André Professeur-relai DAAC LUNDI 23 FEVRIER A. LE CORPS EN SCENE Le stage est inauguré par une courte introduction de Dominique Lardenois, directeur du théâtre, qui rappelle sa rencontre et ses diverses collaborations avec Anne Astolfe et son court passage à l'école Lecoq (se souvenant avec humour de devoir improviser sur la couleur jaune), tout en reconnaissant qu'il "a remis le corps au centre de la création théâtrale", avec d'autres metteurs en scène tels que Giorgio Strehler ou Ariane Mnouchkine. Il évoque les difficultés que représente la création d'un spectacle, notamment sur la thématique du travail, et souligne le fait que durant deux étés, la compagnie du LAABO a été accueillie au théâtre de Privas. Le spectacle Hold on est un succès, fort de 70 représentations (ce qui est beaucoup pour un premier spectacle), et annonce que la deuxième création d'Anne Astolfe (toujours sur le thème du travail) sera sans doute représentée au théâtre. Anne Astolfe commence par dire qu'un stage à destination des enseignants est une nouveauté pour elle (souvent les stagiaires sont des formateurs ou des animateurs de centre), et s'enquiert des attentes du stage, en rappelant les enjeux du stage qui sont évidemment reliés par la dimension pédagogique: l'école Lecoq, l'écriture collective sur plateau et la démarche artistique. Elle dresse les grandes étapes de son parcours : issue du monde du sport -elle a commencé par les STAPS-, elle découvre lors d'ateliers proposés par la formation sportive le théâtre et le plaisir du jeu. De là, elle décide de changer de voie et intervient très tôt dans des ateliers de théâtre à Feyzin, avant de rejoindre l'école Lecoq. Sa formation première trouve là une sorte d'aboutissement, et le passage du mouvement sportif au mouvement théâtral se fait naturellement. Elle anime ensuite des ateliers à Privas en direction des enfants (Les P'tits mômes) et des adolescents. En 2007 et 2008, elle poursuit sa formation chez Lecoq, fondée cette fois sur l'observation. Sans intervenir (ce qui n'est pas sans frustration), elle doit regarder comment fonctionnent les élèves, qui s'approprient les techniques du mouvement. Suite à cette expérience, elle décide de créer un laboratoire de recherches, qui devient le LAABO, fondé sur la recherche, l'erreur et l'expérimentation du mouvement et du jeu. L'équipe entière (metteur en scène, comédiens, techniciens) se réfère aux principes de l'OULIPO, et notamment de la contrainte, observant ainsi comment transposer sur le plateau les contraintes d'écriture à travers le jeu, le rythme, le geste, afin d'arriver à une "phrase gestuelle". L'aspect mécanique du geste les entraîne vers le monde du travail, et ils décident d'orienter leur travail vers le monde du travail et ses conséquences : perte ou déstructuration de l'identité (d'où le choix du prénom unisexe Dominique) et/ou de la vie privée. L'équipe commence par se documenter sur le sujet, notamment l'ouvrage de Christophe Dejours, La Souffrance au travail, et travaille en collaboration avec le CNAM. Les improvisations ne les satisfaisant pas, du fait d'un manque d'expérience dans le domaine de la plateforme téléphonique, ils décident de s'immerger dans cet univers en rédigeant de faux-CV et en cherchant à être embauchés (ce qui n'est pas immédiat!). Le but est de ramener de "la matière vécue pendant l'immersion" et de l'intégrer dans la création, sous forme d'improvisation, par exemple autour de l'infantilisation ou du principe d'autoévaluation, en amenant le décalage nécessaire ou la transposition sur la scène du théâtre. A partir de là, le fait de connaître la réalité a permis de gagner en justesse et de transposer cet univers dans le spectacle de la compagnie, intitulé Hold on (Ne raccrochez pas). Le premier échange concerne la notion de jeu avant la parole, qui est différent du mime ou du jeu silencieux. Le corps parle, et il s'agit d'être curieux du corps, en regardant ce qui se passe en soi et autour : par exemple, comment entrer dans un lieu, sous le regard des autres et en les regardant, est une manière intéressante d'appréhender ce que dit ou fait le corps (posture rentrée ou non ; tête en avant ou non, idem pour les épaules, le bassin, etc.). Plus on est juste (comment on observe la vie), plus on peut avancer (en jeu). Ce qui intéresse Anne Astolfe sur un plateau, c'est de reconnaître la vie, l'humanité, et son travail va en ce sens : je joue, mais sur quoi m'appuyé-je? Le corps se souvient, et cette recherche du sensible demande juste d'être là. B. EXERCICES SUR PLATEAU (intéressant pour un début d'échauffement, mais pas sur une heure, car relativement fatigant) MARCHES 1 - MARCHE EN OCCUPANT L'ESPACE, AVEC LE REGARD EN TENSION (tenir le regard de l'autre comme un élastique ; sans affect ; quand l'accord tacite est clair, lâcher le regard) 2 - MARCHE AVEC L'INTENTION D'UN REGARD DE PRES : décider ou non de se regarder, de s'arrêter, de continuer le regard même en continuant de marcher) 3 - MARCHE AVEC UN REGARD DE LOIN, EN OBLIQUE OU NON (se créer son histoire, un contact visuel qui va plus loin) OBSTRUCTION 1 - DEUX PERSONNES SE REGARDENT ET S'EMPECHENT DE PASSER (comme au handball ou au basket ; passage en force mais sans contact ; veiller à utiliser tout le corps, y compris les bras -pas de bras décédés- avec dynamisme) VARIANTE 2: DURANT LA MARCHE, DEUX PERSONNES, TENTENT DE PASSER, PUIS D'UN COMMUN ACCORD, ELLES PRENNENT LEUR ELAN (on prend son élan avec les deux bras en arrière) ET SAUTENT POUR SE FRAPPER LES MAINS EN HAUTEUR AVANT DE REPARTIR VARIANTE 3 : S'EMPECHER DE PASSER, SAUTER ET FRAPPER LES MAINS, PUIS REGARD VERS L'EXTERIEUR ET PARTIR CHACUN D'UN COTE DIFFERENT VARIANTE 4 : S'EMPECHER DE PASSER, S'ATTRAPER LES DEUX AVANT-BRAS, S'EQUILIBRER EN SE PENCHANT VERS L'ARRIERE, DESCENDRE VERS LE SOL, PUIS REMONTER ENSEMBLE ET EN EQUILIBRE VARIANTE 5 : S'EMPECHER DE PASSER, SE TOURNER PUIS SE COLLER DOS A DOS, S'APPUYER SUR SON PARTENAIRE, DESCENDRE PUIS REMONTER ; REGARD A GAUCHE ET PRENDRE UN AUTRE PARTENAIRE VARIANTE 6 : S'EMPECHER DE PASSER, PUIS UNE PERSONNE ECARTE LES JAMBES; L'AUTRE PASSE DESSOUS, SE RELEVE, REGARDE L'AUTRE QUI SE RETOURNE ET POUSSE UN CRI (OU SEULEMENT L'EXPRESSION MUETTE) DE FRAYEUR VARIANTE 7 : MARCHER, PUIS S'ARRETER EN FACE DE L'AUTRE ; PROPOSITION D'UNE DES VARIANTES, A LAQUELLE L'AUTRE DOIT REPONDRE (intérêt de s'adapter à la proposition de l'autre ; si erreur ou décision différente, comment réagir ?) EXERCICE DE RYTHME 1 - DEUX PERSONNES FACE A FACE : CHACUN DIT 1, 2, 3 A SON TOUR (veiller au rythme adopté et à ne pas se tromper sur les chiffres) VARIANTE 1 : SUR LE CHIFFRE 1, CLAQUEMENT DE MAINS, DIRE 2 ET 3 POUR LE RESTE VARIANTE 2 : EN QUADRILLE, DEUX PERSONNES FAISANT FACE A DEUX AUTRES ; PREMIER BINOME (face à face) QUI DIT 1 ET 2, PUIS LE BINOME SUIVANT DIT 3 ET 1 (les chiffres alternent et une grande concentration est nécessaire) VARIANTE 3 : DEUX LIGNES DE QUATRE OU CINQ PERSONNES PAR LIGNES ET SE FAISANT FACE ; PASSAGE DU 1 2 3 SUR LE MEME MODELE C. CONSTRUCTION D'UNE SEANCE EN GROUPE Anne Astolfe propose aux participants de constituer des groupes de six personnes, et d'élaborer ensemble une séance d'une heure. L'âge et le nombre des personnes ciblées peuvent également être donnés. L'exercice vise à faire prendre conscience de la nécessité d'avoir une visée claire dans le choix des exercices et leur intérêt, ce à quoi ils vont mener, qu'il s'agisse d'une impro ou d'un travail sur textes, d'un moment de création collective, etc. Il importe d'équilibrer le technique, l'exercice, mais aussi de laisser des moments de création plus libres ou ouverts. Il a été vraiment intéressant de travailler en équipe, avec des enseignants ayant des pratiques très diverses, et une expérience différente de l'enseignement du théâtre (option facultative ou classe à PAC) et dans un esprit d'observation qu'a vécu Anne Astolfe au sein de l'école Lecoq. Le but n'a pas été de juger la conceptualisation de la séance, mais d'en observer la faisabilité ou de proposer quelques ajustements. Exemple de proposition d'un groupe : 1 heure ; une quinzaine d'élèves, niveau troisième ; fin du premier trimestre Objectif : la rencontre, provoquer et assumer une rencontre ; séance muette Echauffement 5 minutes - les élèves sont en cercle ; respiration commune ; puis toilette taoïste (tapoter le corps) et étirements - deux exercices : le killer et le samouraï [RAPPEL : LE SAMOURAI] Partir de la position neutre, le groupe est en cercle - position du "sabre : mains jointes à plat au dessus de la tête 1) envoi : le sabre coupe la personne visée en deux, avec un cri sonore : "Ah!" 2) réception : la personne joint ses mains au niveau des jambes et remonte ses bras au-dessus de la tête en criant : "Oh!" 3) les deux personnes sises à gauche et à droite de celui qui reçoit coupent le ventre (sans le toucher évidemment) avec les deux mains jointes (geste en oblique) en criant ensemble : "Hi!" Travail sur l'espace 25 minutes : - marche simple, puis accélérée ; si on tape dans ses mains, position figée - voyage imaginaire : un meneur raconte une histoire, et les élèves avancent en prenant compte des indications de marche (sur des feuilles qui crissent, avec des chaussures à talon, etc.) ; travail collectif ou seul : par exemple, trouver une source et tout le monde s'y précipite pour étancher sa soif… - exercice de la plume : chacun souffle sur une plume imaginaire et la fait avancer - exercice d'équilibre sur plateau : image d'un radeau en mer ; il s'agit de trouver l'équilibre pour éviter que le radeau penche trop d'un côté ou de l'autre Travail des émotions 15 minutes : - cercle : exercice du stylo rouge [RAPPEL LE STYLO ROUGE] Les comédiens sont assis en cercle. Le premier fait passer un stylo, en reprenant le dialogue suivant : - Tiens! - Qu'est-ce que c'est? - Un stylo rouge - Un quoi? - Un stylo rouge On commence par une intonation neutre, puis on fait évoluer le dialogue en exprimant la tristesse la colère, la joie, etc. VAR : on peut également laisser à chaque comédien le choix de l'émotion exprimée. Improvisation : 15 minutes - entrée, démarche à trouver, humeur, rencontre puis séparation, le tout sans parole DEBRIEFING (évaluation post-événementielle…) Suite à cette présentation, on convient que la séance comporte beaucoup d'exercices -il serait difficile de tout faire en une heure seulement, sans doute prévoir deux heures-, et que le choix de bâtir toute la séance sans parole pourrait être repensé. Il n'est pas nécessaire de prévoir une suture très forte entre les exercices, et il est bon de varier les pratiques au cours de l'heure, d'aller voir quelque chose de différent pour aérer, relancer,… Il ne faut pas oublier que les résultats ne sont pas toujours immédiats, et qu'il faut accepter de ne pas avoir le contrôle (objectif non atteint), car les moments de bascule, d'appropriation peuvent surgir plus tard, n'importe quand. L'essentiel, c'est de ne pas perdre de vue le côté ludique ("qu'ils s'éclatent"). Si l'on choisit un angle trop technique, il faut le contrebalancer avec une création à eux, quitte à ce que ce soit mauvais, mais la discussion qui s'ensuivra permettra d'y réfléchir et de percevoir pourquoi cela ne fonctionne pas. Un débat s'ensuit sur le fait d'intégrer ou non des paroles dans le jeu. Il est intéressant de prouver aux élèves que le jeu ne passe pas obligatoirement par les mots. Pour eux, ce choix permet de casser certaines représentations (sans texte, ce n'est pas du théâtre) ou d'éviter les grosses ficelles du jeu : violence ou colère, "vannes" faciles, etc.; et de les amener à jouer autrement. Anne Astolfe indique que parfois, les enjeux ou sens du texte -y compris pour les enseignants- ne sont pas toujours clairs ou compris, ce qui fait que le comédien parle, mais qu'on ne comprend pas ce que son personnage dit ou éprouve. Il s'agit, lors des répétitions, d'amener également à avoir un regard critique sur les prestations, de savoir observer et regarder, puis de discuter ensemble du jeu proposé. Après la proposition de jeu, poser la question : "Vous avez compris?" ; concerner les élèves-spectateurs et les amener à donner leur propre vision ("Tu penses ça?" ; prends la place du comédien et donne-nous ta proposition). Sans demander une mise en scène très dirigiste, il est intéressant -et moteur pour le jeu et/ou le groupe- de leur demander leur appropriation de la scène, ce qui peut aider plus tard pour l'analyse critique des spectacles qu'ils iront voir. Le plateau n'est pas le seul lieu où l'on apprend, et le fait d'observer est tout à fait nécessaire. Par ailleurs, il est intéressant de laisser l'erreur s'installer : par exemple, un élève bavard sur scène, ou un langage volontiers ordurier, avec des phrases scandées par un "Putain" liminaire. Comment changer le jeu en douceur, sans le disqualifier d'emblée? Mettre à jour ce qui ne va pas, sans déballer toutes les cartes de prime abord (fais pas ci, pas comme ça, plutôt comme cela), et construire ensemble les correctifs à apporter. D. EXERCICE POST-PRANDIAL 1 - MARCHER DANS L'ESPACE, PUIS DONNER UNE INDICATION DE REGROUPEMENT (PAR 1, 2, 5), LES PERSONNES SEULES OU NON REGROUPEES ETANT EXCLUES DU PLATEAU (le défi permet d'intensifier la concentration) VARIANTE 1 : LES INDICATIONS SONT DONNEES SANS PAROLE, SIMPLEMENT AVEC LES DOIGTS (indiquer 2 avec deux doigts levés) VARIANTE 2 : on peut aussi donner des indications gestuelles : se coucher par terre, sur un pied, etc. Il est intéressant de voir si les élèves luttent ou non pour avoir leur place dans le groupe 2 - LES APPATS LORSQU'IL NE RESTE QUE PEU DE PERSONNES, DEUX AUTRES COMEDIENS ENTRENT EN SCENE ; LORSQUE LE MENEUR DONNE SON PRENOM, LES PERSONNES DOIVENT SE PRECIPITER ET TOUCHER EN PREMIER LA PERSONNE NOMMEE Cet exercice permet le contact, le toucher, notamment pour les élèves qui éprouvent des difficultés à toucher l'autre. 3 - REGARD ET CONCENTRATION LES COMEDIENS SONT PLACES EN CERCLE. L'EXERCICE CONSISTE A ACCROCHER LE REGARD DE QUELQU'UN ET DE SE DIRIGER VERS LUI POUR OCCUPER SA PLACE ; DES QUE LE COMEDIEN SE DEPLACE ET AVANT QUE L'AUTRE ARRIVE A DESTINATION, LE COMEDIEN A LUI-MEME CHOISI UNE AUTRE PERSONNE ET SE MEUT POUR OCCUPER SA PLACE. LE BUT EST D'ETRE CONCENTRE SUR LE REGARD ET DE SE METTRE TOUT DE SUITE EN ACTION, SANS ATTENDRE QUE L'AUTRE ARRIVE A SA PLACE VARIANTE 1 : ON PRONONCE LE PRENOM DE LA PERSONNE ACCROCHEE, ON SAUTE SUR PLACE ET LA PERSONNE CHOISIE REGARDE QUELQU'UN D'AUTRE VARIANTE 2 : ON DONNE LES DEUX PRENOMS (LE SIEN ET LA PERSONNE CHOISIE) : EX "JEROME POUR ANNE" VARIANTE 3 : ON DONNE LE PRENOM, ON SAUTE SUR PLACE ; L'AUTRE TOURNE SUR LUI-MEME, DONNE LE PRENOM DE L'AUTRE, SAUTE ET VA PRENDRE UNE AUTRE PLACE (dans l'ordre, cela donne : prénom +saut ; la personne appelée tourne sur elle-même, puis choisit un prénom, puis saute, puis part prendre sa place, et ainsi de suite) L'exercice suivant provient de la présentation de la séance du dernier groupe qui comprenait des marches dans l'espace, un exercice alliant la voix et le geste (on rencontre une personne, on allie un son et un geste dans l'échange, puis on se sépare) et un exercice intitulé la tribu, qu'Anne Astolfe retient pour créer une création collective. 4 - LA TRIBU Deux groupes se font face ; devant le groupe se place un meneur (le chef), qui va allier un son et un geste. Dans un dialogue sans paroles (qui rappelle un peu le "haka" des All Blacks ou les danses rituelles des insulaires du Pacifique Sud), chaque chef donne un geste et un son, que reprennent deux fois le groupe derrière lui ; puis c'est au tour de l'autre chef de répondre, suivi de son groupe, et ainsi de suite. On peut aussi travailler sur le crescendo des propositions (douceur, puis force, violence) Anne Astolfe propose de faire évoluer cet exercice, afin de veiller à ce que chaque groupe réponde bien au chef (en parfaite harmonie), en laissant aux deux parties un moment de création collective, en complète autonomie. La mission est la suivante : 10 minutes sont laissées à chaque groupe pour construire trois phrases (enchaînement de trois gestes alliés à des sons), suivant un ordre précis. 1 - INTIMIDATION (réponse de l'autre groupe) 2 - PROVOCATION (réponse) 3 - MISE A MORT (réponse) Le temps de choix et de préparation est riche d'observations : comment le groupe se met en place, désigne explicitement ou non un leader, comment l'ensemble du groupe accorde ou non sa confiance, comment chaque membre du groupe prend place ou change de place au cours de l'exercice. Les deux groupes se préparent dans des lieux différents Il importe que le plaisir du jeu surgisse, que le travail mené dans une atmosphère ludique fasse surgir une véritable écriture du corps : "le sérieux sous l'humour", comme dirait Queneau! La mise en commun montre effectivement des créations originales et amusantes, et les participants ont ainsi composé collectivement leur phrase gestuelle, sans qu'un metteur en scène intervienne ou dirige la création. DEBRIEFING Remarques concernant le travail et la présentation EN AMONT : - notion d'urgence créée par le temps à respecter (10 minutes), afin de stimuler la phase créative et sa réalisation - être vraiment spontané (plus facile pour des ados que des adultes) et moins cérébral (chaque geste étant l'objet d'une réflexion intense du groupe quant au sens à lui donner…) dans les créations - arrêter de parler (!) : jouer, puis bâtir à partir des propositions (savoir ce qu'on garde ou non, nuances à apporter,…) - architecture à bien penser : où s'arrêter? Placer le groupe en ligne, en flèche, etc. - l'écriture en direct demande un travail de mémorisation, que rend possible la répétition (corps qui mémorise l'enchaînement des phrases gestuelles) EN AVAL : - est-il bien nécessaire de donner un top départ pour chaque phrase? confiance et écoute du groupe suffisante pour que tous partent au même moment - éviter de faire des signes indiquant qu'on s'est trompé (yeux au ciel, souffler,…), ce qui casse le groupe et "dédouane" celui qui se trompe tout en rompant l'unité On peut également observer les réactions du groupe pendant et après la prestation (moqueries, accusation de plagiat,…) pour en tirer parti et creuser les remarques critiques de façon constructive. Enfin, l'exercice permet de laisser libre cours à la création, de manière jubilatoire, stimulante, voire transgressive (provocation d'un bras d'honneur se transformant en doigt d'honneur…!) LE TRAVAIL DES ETATS (comment faire surgir l'émotion?) Dans des groupes jeunes ou plus timides, il est difficile de faire naître des émotions. Parfois, on en reste à des états faciles ou immédiats : colère, joie, tristesse,… Les stagiaires sont invités à faire part des exercices qu'ils utilisent pour travailler les émotions. 1 - Le banc des émotions Un élève choisit une émotion, qu'il éprouve à son niveau le plus bas ; il indique à l'oreille de son voisin l'état choisi ; le voisin exprime l'émotion au niveau 2, et les autres doivent reproduire l'état d'une manière plus soutenue (pour arriver à un état paroxystique). Cet exercice permet de travailler la gamme des états, et de vérifier si le jeu est suffisamment clair (parfois, les élèves bifurquent et passent d'un état à un autre) 2 - le "goaler" Une personne est au centre, et un second vient lui poser une question "fondamentale" (pas de réponse par oui ou non), en adoptant une démarche et un état. Le questionné doit lui répondre en trouvant l'humeur opposée (triste/ joyeux ; étonné/ stoïque, etc.) 3 - Un leader montre une humeur, que tout le groupe doit ressentir et imiter, puis on tourne pour créer un nuancier d'émotions 4 - à la craie, on trace un carré dans lequel on inscrit quatre émotions ; chaque fois que le groupe (ou un comédien) est dans un carré, il doit ressentir et créer cette émotion (exercice semblant difficile) 5 - Avec l'aide d'un objet (par exemple une écharpe blanche), on peut allier une gestuelle et une humeur. 6 - Pour enrichir la palette des émotions, souvent réduite aux plus connues, on peut imaginer la création d'une palette des émotions, afin d'enrichir la notion d'état et intégrer un jeu plus subtil 7 - On peut aussi allier un geste qui sera suivi d'une phrase pour montrer comment le geste peut avoir diverses significations. Par exemple, un élève peut se diriger vers un second et taper du pied (les phrases peuvent faire naître l'exaspération, l'orgueil, la provocation,…) PROPOSITION d'Anne Astolfe IMPROVISATION 1 : trouver de l'argent par terre Le groupe marche dans l'espace, puis va trouver successivement 50 centimes d'euros, puis 1 euro, 2 euros, 5, 10, 100, 200, 1000 euros, jusqu'à une valise remplie d'argent. On observe la progression des sentiments, la manière dont on récupère l'argent (on pose le pied dessus, on jette ou non des regards à gauche et à droite pour voir si quelqu'un vous observe, on le conserve précieusement) / Comment réagit-on à la découverte? Quels changements induits par la somme (en 5 et 1000 euros, progression nécessaire…)? IMPROVISATION 2 : le gagnant du loto Imaginez un gain de 4 millions d'euros : chaque numéro présent sur le ticket entraine une réaction de plus en plus forte, jusqu'à la compréhension que le gain est à soi! Ce jeu distancié reste plus intérieur et facile à mettre en œuvre que la rencontre avec un ami perdu de vue par exemple. IMPROVISATION 3 : la perte du ticket Deux personnes arrivent sur scène ; ils ont joué ensemble et ont tous deux gagné une somme énorme au loto. Très contents, ils veulent regarder le ticket, quand ils s'aperçoivent qu'ils l'ont égaré. La bascule d'état va d'une joie intense à une grande colère (en évitant l'hystérie), jusqu'à ce que l'accusateur ("c'est toi qui as le ticket!") le retrouve par hasard dans sa poche. Comment réagir et revenir à un état de confusion, de malaise ou de culpabilité? On peut imaginer qu'il l'exhibe fièrement (jeu un peu sadique), qu'il le jette en arrière et le découvre comme par hasard (je l'avais fait tomber sans m'en rendre compte), qu'il s'excuse platement, subissant les foudres de son interlocuteur, ou qu'il ne le retrouve pas du tout…! Le tout est de trouver l'émotion juste : après le billet retrouvé, on peut rire ou pleurer, faisant ainsi retomber la tension nerveuse. Il faut également veiller à ne pas être trop bavard, quand on peut en rester au minimum (si insulte, on peut rebondir sur l'insulte sans tomber dans la surenchère : "Connasse!", "moi, une connasse?", sans sortir la panoplie des injures…) Enfin, il faut prendre le temps, écouter les propositions de l'autre, réagir à celles-ci, en évitant de rester chacun dans son idée ou son jeu. Toujours se rappeler que "l'autre nous nourrit." MARDI 24 FEVRIER Le deuxième jour de stage débute par une question sur l'école Lecoq, et ses spécificités. Anne Astolfe répond que c'est plutôt complexe de résumer ce qui demanderait un temps fort long, et cette complexité tend aussi au maillage entre la pédagogie Lecoq et celle mise en place dans la pédagogie du LAABO. Le travail de Lecoq part toujours du mouvement, visant à la décomposition et à l'analyse du geste. L'école s'appuie beaucoup sur les improvisations (éléments et matières, couleurs et lumières, plantes et animaux), parfois saugrenues (thème : un œuf au plat qui cuit!), et au cours de la formation, il existe aussi des auto-cours : sur des thèmes, des groupes font une mini-création qu'ils présentent à la fin de la semaine. Le travail du LAABO s'inspire de cela en mettant en œuvre une écriture collective (pais pas de mise en scène collective), dans laquelle s'inscrivent les comédiens et les techniciens sons et lumière. On part d'un jeu très réaliste, qui est parfois noté sur papier. Pas de jeu avec un texte à la main. A. EXERCICES : RAPPORT ENTRE ESPACE DU PLATEAU ET ESPACE PERSONNEL 1 - MARCHE DANS L'ESPACE - MARCHER AVEC LEGERETE, SANS PESANTEUR, DE MANIERE AERIENNE (pas de bruit de pas ou de martèlement, se servir de ses bras aussi ; mais pas d'ailes de papillon non plus!) - MARCHE EN LIGNE DROITE, PUIS MARCHE EN COURBES, EN FAISANT DE PETITS OU GRANDS CERCLES - IMPRO DU VOLEUR / IMAGINER QU'ON COMMET UN LARCIN, EN SILENCE, AVEC DES REGARDS FURTIFS POUR VOIR SI ON EST REPERE ; REGARDER DE COTE ET CHANGER SA ROUTE EN ALLANT DANS LA DIRECTION DU REGARD - TRAVAILLER LES APPUIS EN BAISSANT LE CORPS ET VEILLANT A LA RESPIRATION 2 - LA BULLE : CREER UN ESPACE INTERIEUR POUR SOI - IMAGINER UNE BULLE AUTOUR DE SOI, QU'ON PEUT VISUALISER/ REPRESENTER EN ECARTANT LES BRAS - SE DEPLACER SUR LE PLATEAU EN EVITANT LES CONTACTS AVEC LES AUTRES PERSONNES SUR SCENE, EN PENSANT A TENIR LE REGARD DROIT (et non vers le sol) - SE DEPLACER EN REAGISSANT CETTE FOIS AUX AUTRES COMEDIENS, OU AUX PENDRILLONS (contact avec une autre bulle ou un objet : comment réagir? rejet léger, ou plus prononcé ; quel mouvement le contact crée-t-il?) - SE DEPLACER EN FAISANT DES REBONDS, COMME UNE BALLE QUI REBONDIT VARIANTE 1 : UNE PERSONNE CREE UN COURANT D'AIR EN TRAVERSANT LA SCENE EN OBLIQUE : REACTION DES BULLES AU CONTACT DU SOUFFLE CREE (elles s'entrechoquent, vivent, sont rejetées en arrière,…) VARIANTE 2 : PASSAGE ALEATOIRE SUR LA SCENE, CREANT UN AUTRE MOUVEMENT D'AIR (comme un cheminement en courbes ; laisser le temps de la réaction, car si l'action est trop rapide, pas de réaction juste, mais de la confusion - SENTIR SA PROPRE BULLE Dans l'idée de la proxémie (espace intime autour de soi, de protection ; on peut le vérifier -le sien et celui des autres- dans une file d'attente ou dans les transports en commun, par exemple ; noter au passage que la distance entre les corps peut varier selon les cultures : contact proche de l'Amérique du Sud, plus lointain pour l'Asie), on crée deux lignes en laissant quelques mètres entre les participants. L'une des deux personnes se faisant face se dirige vers l'autre, sans s'arrêter. Quand le contact est jugé trop proche, on l'arrête d'un geste de la main. VARIANTE : LE FAIRE AVEC LA PERSONNE IMMOBILE GARDANT LES YEUX FERMES, PUIS EN SE METTANT DE COTE, PUIS DE DOS (sentir l'autre de biais ou par-derrière : quelle limite et distance met-on? Quels changements s'opèrent-ils?) 3 - POUSSER / TIRER CREER UN GESTE DONNANT L'IMPRESSION DE POUSSER QUELQUE CHOSE; POUR L'EPROUVER PHYSIQUEMENT, LE FAIRE AVEC UN PARTENAIRE (expérimenter à deux ce qu'induit la poussée dans le corps, comment se placer, quels appuis prendre), PUIS LE REFAIRE DE NOUVEAU TOUT SEUL, EN GARDANT EN MEMOIRE CE QUE FAIT LE CORPS QUAND IL EST REELLEMENT EN TRAIN DE POUSSER CREER UNE POSTURE DONNANT L'IMPRESSION DE TIRER QUELQUE CHOSE ; COMME PRECEDEMMENT, LE FAIRE AVEC QUELQU'UN POUR SAISIR COMMENT LE CORPS FONCTIONNE, ET ETRE JUSTE DANS SON GESTE Veiller à engager tout le corps et pas seulement les mains, faire partir l'effort depuis les pieds, en s'aidant des hanches ; vérifier la position des pieds, en prenant appui sur une jambe, en faisant une flèche comme dans les arts martiaux (jambe en avant fléchie; autre jambe en arrière, décalée de la première, qui est tendue à la fin de la poussée, avec le pied posé à 45°) LA GODILLE Il s’agit de décomposer tous les gestes qui servent à représenter le maniement de la godille sur un bateau plat. Il faut donc allier le fait de tirer puis de pousser, en visualisant le manche et en imaginant l’effort demandé pour faire avancer le bateau, qui est tout en longueur, le batelier étant à la perpendiculaire du sens où avance le bateau. Dans l’idéal, outre la justesse d’un geste fort compliqué, il s’agit également de donner au public l’impression que le bateau avance sans que le comédien bouge. Pour ce faire, on peut se servir du regard, en se penchant légèrement et faisant mine de regarder un point fixe du paysage qui défile. Pour les stagiaires, difficile de tout faire en même temps ! Anne Astolfe précise que ce genre d’exercices est fréquent chez Lecoq : comprendre et décomposer le geste, le rendre de la manière la plus minutieuse et surtout juste, prend en revanche du temps ; elle rappelle à cet égard les deux mois passés à travailler les prises d’escalade (comment hisser le corps en s’aidant de prises), pour donner l’impression de gravir une montagne à mains nues…. ! La formatrice nous invite également à travailler les poussées et tirées à deux, afin de bien sentir la poussée depuis le bassin pour finir en dernier lieu par les bras. « La marche est un déséquilibre rattrapé » LES MARCHES Il s’agit dans ce nouvel exercice de sentir son corps à travers des postures variées, en observant comment chaque démarche exprime quelque chose : un rapport au monde, une émotion, un trait de caractère, etc. MARCHER AVEC LA TETE RENTREE OU SORTIE, LE PLEXUS RENTRE OU SORTI, LES HANCHES SORTIES OU RENTREES, LES PIEDS SUR UN LIGNE (mannequin) ou ECARTES (paysan sans caricature : lien à la terre et au labour plutôt) VARIANTE : CHOISIR UN MIXTE DES DIVERSES POSSIBILITES ; SOIT DEMANDER AUX COMEDIENS DES COBNSIGNES DEFINIES (pieds rentrés, tête rentrée, hanches sorties,…), SOIT LE PERSONNAGE CHOISIT SES PROPRES CRITERES En choisissant une démarche (sur les pointes, en sautillant, boiteuse), un corps différent, il faut ressentir profondément les effets sur l’équilibre – corps différent, centre de gravité autre, équilibre à retrouver,…-, la manière dont cela peut avoir une influence sur la démarche ou l’allure générale B. CREATION COLLECTIVE A HUIT MAINS Choix volontaire du groupe de quatre personnes, en dépassant le duo ou trio, et permettant une plus grande complexité des relations humaines. Une scène, un lieu et un événement, au sens de quelque chose qui arrive (ce peut être quelque chose de très simple) Groupe 1 : Un abribus Un jeune qui écoute de la musique (portable et oreillettes), une femme qui lit, une femme qui reste debout (et essaie de lire par-dessus l’épaule de la femme qui lit), une mamie qui arrive plus tard Pluie à l’extérieur (mamie qui arrive avec un parapluie et le ferme) Problème classique de la mamie qui arrive, de la femme qui donne sa place alors que le jeune ne semble pas concerné par les règles de politesse ; réactions des uns et des autres… Importance de reconnaître la vie, de mettre le corps en jeu : on observe chaque détail de la scène, comment on croise le regard, comment on crée des relations différentes entre les participants (jeune exclu, dame qui lit et celle qui regarde, mamie et jeune,…). Eviter de forcer les réactions, et s’amuser… Groupe 2 : La salle de gym Une femme qui s’entraîne sur un tapis de course, suivi d’un homme (à côté), d’une deuxième femme et une jeune fille Entraînement de la femme, rejointe par l’homme, puis arrivée des deux dernières ; l’une de celles-ci se tord la cheville, sort des tapis et est aidée par une des filles (en quête d’amitié) ; Evénement : que cela change-t-il dans la relation entre les personnages ? Richesse des relations pouvant naître d’un lieu aussi parlant, en s’attachant aux règles de fonctionnement d’une salle de sports : lieu de drague, regards plus ou moins appuyés, exhibition, narcissisme,… Lieu qui ouvre de belles pistes : comment tenir ? Quelle histoire faire naître ? Veiller à ne pas trop intellectualiser la scène (travailler la spontanéité) Comment nourrir la situation (une qui vient pour le sport, l’autre pour se faire des ami(e)….ou trouver un partenaire, …) Groupe 3 : La gare de Grenoble, en partance pour les sports d’hiver (train pour Chambéry ou pour la Maurienne,…) Un homme en tenue sportive, chaussures et de skis au pied et paire de skis sur l’épaule ; un homme d’affaires pressé ; une randonneuse ; une pépette aguicheuse Quatre personnages qui vont consulter le panneau d’affichage (arrivée et départ des trains) ; puis devant le quai ; après plusieurs tours et retours de ski, l’homme d’affaires est assommé ; la pépette essaie d’appeler les secours, la randonneuse met l’homme assommé en PLS tout en lui volant son portable ; la pépette finit par prendre le train devant l’homme à ski qui n’arrive pas à entrer dans le train (gêné par ses chaussures de ski, il arrive trop tard) Veiller au double mouvement (de dos, puis de face) ; choix de visualiser les skis par une barre de fer inutile (mieux vaut l’imaginer) ; justesse des choix (une personne qui regarde un panneau d’affichage suit-elle les infos du doigt et va-t-elle mettre son bras sur le visage de son voisin ? Sur quoi met-on le focus exactement dans la scène ? L’homme assommé, la scène de séduction avec le skieur, le vol du portable, On peut imaginer des majeurs et des mineurs (éléments de diverse importance), mais il faut bien les cibler. Richesse du jeu et du plaisir de jouer Groupe 4 : Chambre mortuaire, Veillée funèbre La mère du défunt, sa belle-fille, les deux cousines (plus jeunes) Visite au défunt qui repose dans une pièce pour la veillée funèbre ; les deux femmes sont de part et d’autre de la table, priant, se recueillant, embrassant le mort. Les deux jeunes filles arrivent, pleurent le mort, puis se chamaillent à moitié au pied du lit, renversent un verre de liquide sur les pieds du mort ; elles essaient de le cacher tant bien que mal, et sortent dans un rire hystérique étouffé, sous le regard furieux ou choqué des deux femmes. Travailler "l'effet magique" du corps invisible pour les spectateurs, mais pas pour elle, en nourrissant la table vide. L'enterrement ou les veillées funèbres sont un terreau riche pour les relations humaines et les tensions familiales ou amicales (lien entre les membres de la famille, héritage, "histoires" non résolues). L'événement - souiller la dépouille mortelle de l'aïeul- suscite des interrogations sur les réactions à avoir. On peut envisager d'autres événements : membre de la famille en conflit ; arrivée de la maîtresse du mort ; irruption d'une personne étrangère. C. DERNIER TRAVAIL CENTRÉ SUR LE SPECTACLE HOLD ON Anne Astolfe propose un travail sur texte, à partir d'une improvisation notée sur papier, qui fait partie de son spectacle. Le fonctionnement du "one shot", "Recherches sous contraintes" est fondé sur le principe de l'écriture collective au plateau : un thème, une recherche et une production finale. Le texte, intitulé "Les minutes", prend place dans une rencontre organisée par l'entreprise pour resserrer les liens entre les employés. Ceci n'est pas sans rappeler les soirées organisées (à la mode il y a quelques années) par de grandes entreprises : le lip dub est une musique sur laquelle les employés, dans des costumes et mises en scène débridées, font du play-back et visent à montrer la bonne ambiance et le plaisir de créer un show, parfois non sans ridicule… Pour visionner des lip dub (beaucoup sont mis en ligne) : http://www.topito.com/top-lipdub-jaime-ma-boite-malaise http://www.lipdub.eu/fr/ Le texte présente trois personnages : le garçon du groupe, qui s'amuse bien, est pris à partie par deux autres collègues, qui lui montrent par A+B que les trois minutes de la journée font perdre au final un nombre d'appels énormes pour l'entreprise : culpabilité, responsabilité, prise de conscience progressive de l'impact du petit retard sont à choisir par le groupe. Il s'agit de définir qui sont les deux autres personnages (manager, opérateur consciencieux, etc.) et de trouver le moyen de "tenir" le personnage, soit dans le déni puis la prise de conscience, soit dans une compréhension progressive du problème ; de même, s'accorder sur le ton pris par les deux autres (directif, sec, informatif puis persuasif,…), ou l'objectif (casser l'employé, faire de la délation, mettre en concurrence,…). Le canevas est simple, et le but de l'exercice est de donner corps et consistance à ce simple dialogue, en se demandant comment incarner les personnages. LES MINUTES 1. Bien Dominique ça va ? 2. Je m’éclate. 1. Tu commençais à quelle heure ce matin ? 2. A 9 heures. 1. Et tu es arrivé à ? 2. A 9 heures. 1. Et tu t’es loggué à ? 2. A 9 heures…. 3. Deux. Tu t’es loggué à 9h02. 1. Ce qui fait ? 2. Ce qui fait ? Je comprends pas… 1. Ce qui fait deux minutes de perdues Dominique. Bon et tu finissais à quelle heure Dominique ? 2. A 17h30. 1. Et tu es parti à ? 2. Ben, à 17h30. 1. Donc tu t’es déloggué à ? 2. Ben à 17H…. 3. A 17h29. 1. Ce qui fait ? 2. Ce qui fait 1 minute. 1. De perdue. Deux minutes plus une minute ça fait ? 2. 3 minutes 1. Et 3 minutes c’est ? 2. 3 minutes, c’est un appel. 1. Donc si tu fais ça tous les jours, disons sur une semaine, tu travailles 5 jours, ça fait ? 2. Sur 5 jours, ça fait 5 appels 1. De perdus. Vous êtes combien dans le service ? 2. Je sais pas 3. 200 2. 200 1. 200. Et si tout le monde fait comme toi, sur 5 jours ça fait combien d’appels perdus ? 2. Ça fait 1000 appels… 1. De perdus. Et sur un mois ? 2. Ça fait… ça fait 4000 appels. 1. De perdus. Et sur une année ? 2. Je sais pas… ça fait beaucoup… 3. Ça fait 48000 appels Dominique alors tes petites minutes du matin et du soir, tu les gardes pour toi, c’est clair ? Des questions ? Les choix des groupes sont multiples : - impression de tribunal avec une table, deux chaises d'un côté et une seule de l'autre - le retardataire à l'aise qui se remaquille ; les deux autres l'entourent et dans des postures différentes, jouent le rôle de deux chefs stoïques et froids, accusatrices : malaise palpable - proximité avec le public : comme en état d'arrestation, le retardataire est face public, entouré des deux côtés par les "chefs" Le choix d'Anne Astolfe pour sa mise en scène : le premier est plutôt rentre-dedans (direct) ; le second (étonnement du retardataire), le troisième est au premier abord sympa et compréhensif (mais oui, je sais…) avant de "vriller" vers une attitude pus comminatoire : l'idée est d'enrober ou de s'assurer la confiance du personnage, avant de lui asséner un coup mortel. BILAN A L'ISSUE DU STAGE Le bilan du stage, jugé convivial, plaisant et très constructif dans le travail, est très positif, et les stagiaires ont apprécié la belle pédagogie d'Anne Astolfe, la précision des intentions et son approche du corps. Les exercices et les échanges ont été riches et fructueux, et les collègues, venus pour "glaner", repartent "les sacoches pleines", comme l'a souligné avec humour l'un des participants. Anne Astolfe, pour clore le stage, rappelle qu'il ne s'agit pas seulement de la transmettre, mais de voir comment on amène les choses, l'intérêt portant également sur les retours, les questionnements, les ouvertures proposées. Pour elle, la disponibilité doit toujours être totale (par exemple, un enfant de huit ans peut proposer une idée géniale à laquelle on n'aurait jamais pensé), et l'important est de développer l'inventivité, de donner envie de jouer, l'apprentissage passant par un espace de liberté. Dans la démarche créatrice (ou pédagogique), il est nécessaire d'inventer constamment, de faire des allers et retours entre ce qu'on voit et ce que cela amène chez soi. Quel est le point d'accroche pour amener les gens à leur objectif? (rappel de l'exercice de la marche en suspension, peu comprise, qui a dû susciter une situation, celle du voleur). Différents parcours à faire naître ou à proposer peuvent être employés (impro, technique, etc.) pour arriver au but assigné. Il est important également de partir de ce qu'ils savent faire, de ce qu'ils connaissent sans barrière (vocabulaire, par exemple), pour libérer la parole et le jeu. Le plaisir et l'aspect ludique est essentiel : dans un travail raté, il faut prendre la seconde ou l'élément réussi, et le développer. N'est-ce pas là la meilleure définition de la pédagogie? RETOURS DES PARTICIPANTS SUR LE STAGE Thierry Jallet – Lycée Vincent d’Indy (Privas) Quelques mots sur le stage avec Anne. L'approche très empirique qu'elle a proposée est vraiment intéressante. Pas de bla-bla, du concret et... ça fait beaucoup de bien ! Cela nous met en relation les uns avec les autres, cela nous permet aussi de ressentir "de l'intérieur" ce qu'il nous est alors possible de proposer aux élèves. Bilan très, très favorable pour moi donc : elle revient animer un stage quand elle veut, quand elle peut, Anne ! Geneviève Vernet – Collège Sacré Cœur (Privas) C'était la première fois que j'assistais à un stage théâtre, je n'ai donc pas de recul. J'ai trouvé ce stage très intéressant, avec beaucoup de pratique. L'intervenante se mettait à notre portée et nous disait avec humour ce qui n'allait pas. J'ai retenu qu'il était important d'observer le groupe. Anne s'appuyait sur nos réalisations pour nous faire faire d'autres exercices. Cela suppose quand même une certaine pratique pour la personne qui anime le groupe (que je n'ai pas pour l'instant). En revanche, j'aimerais avoir une trace écrite des différents exercices que nous avons pu réaliser car nous ne pouvions pas prendre trop de notes et après nous en oubliions. Je crois que cela est prévu. Joëlle Son – Collège de l’Eyrieux (Saint Sauveur de Montagut) Insistons d'abord sur le fait que la formation continue en direction des professeurs responsables d'un atelier théâtre est indispensable pour améliorer les pratiques et échanger avec les collègues. Le stage d’Anne a répondu aux attentes des participants dans la mesure où elle a su associer réflexion théorique et démarche personnelle à une mise en œuvre au plateau. Les activités proposées sont directement exploitables avec les groupes d'élèves, nous donnant ainsi le moyen de renouveler nos pratiques. Ce sont des points de départ que chacun pourra ensuite modifier et enrichir à sa guise. La réflexion s'est articulée autour de ces axes: le corps poétique, la justesse du geste, la motivation du geste, le geste avant la parole comme tremplin de la parole. Réfléchir à ce que raconte le corps et comment il raconte est pleinement enrichissant pour un public de profs de lettres pour qui la parole pourrait suffire. Le rapport entre imitation de la réalité et transposition théâtrale de la réalité aurait pu être davantage approfondi. Dans un autre stage peut-être... Merci encore à Anne pour sa disponibilité et sa compétence pédagogique. Lise Biscarat – Collège Georges Gouy (Vals les Bains) J’ai participé au stage avec grand plaisir. Je ne connaissais pas l’école Lecoq et j’ai beaucoup apprécié l’aperçu que j’ai pu en avoir. Le stage m’a apporté des connaissances à la fois théoriques et pratiques que j’ai pu très rapidement expérimenter en classe. C’est une ouverture sur d’autres façons de travailler car nous sommes trop souvent focalisés sur la parole, le texte. Thierry Chaze – Collège Jean Perrin (Saint Paul Trois Châteaux) Suite au message reçu, je te fais un petit retour du stage du 23 et 24 février dernier sur le théâtre de Privas. Anne Astolfe a présenté son parcours et c'est avec intérêt que nous avons pris connaissance de toutes les flèches qu'elle possède à son arc. L'éclectisme, ses différences compétences sont un atout et l'on ne peut que s'intéresser à ce parcours atypique qui apporte tant à l'aspect artistique et théâtral de son travail. J'ai donc beaucoup apprécié ce rapport du corps au théâtre. Anne a su être pédagogue pour nous faire passer son savoir à travers de nombreux exercices intéressants et qui peuvent être mis en application avec nos propres élèves. J'ai appris de nombreuses choses et une autre facette ou approche des pratiques théâtrales. De se retrouver de l'autre côté de la barrière et de devenir des "élèves" l'espace de quelques jours, permettait de mieux appréhender les choses, de s'interroger et de prendre du recul face à nos propres pratiques. "L'écriture théâtrale" en groupes a été également très intéressante et a permis un échange de pratiques avec les collègues. Pour ma part, ces deux journées ont été riches d'enseignements et je suis satisfait du stage dans sa globalité. Il s'est déroulé dans la convivialité, la bonne humeur et un bon investissement dans le travail. Un grand merci à Anne ! Nathalie Girard – Collège Chamontin (Le Teil) Concernant le stage, il m'a apporté toute satisfaction. Sans tomber dans la théorie, Anne Astolfe a su nous mettre à la pratique en nous apportant toute sa compétence et j'ai beaucoup apprécié le respect, la bienveillance mais aussi l'exigence qu'elle a montré envers notre groupe pour nous transmettre son expérience. J'en ai retiré, outre le plaisir de s'essayer au jeu, des outils concrets (travail sur le regard, la bulle...) et une démarche à réinvestir avec mes élèves, ce que j'ai commencé à faire. Nathalie Dussol – Collège Vallée de Beaume (Joyeuse) Il s'agissait pour moi du premier stage théâtre. C'était avec un peu d'appréhension que je suis venue à ce stage, ne sachant pas comment l'investir. Or l'approche du théâtre par le corps qu'Anne Astolfe nous a proposé, à travers sa formation, est totalement passionnante pour moi, qui suis professeur EPS, et réalisant des cycles de danse avec mes élèves. Utiliser le corps dans sa globalité! J'ai donc beaucoup aimé ce stage. Tant pour les exercices proposés, que pour les échanges avec Anne Astolfe et les différents stagiaires. J'ai découvert, appris et beaucoup apprécié. Proposition (avec recul): 1re proposition: Je ne sais pas si cela aurait été possible, mais étant novice, j'aurai aimé, peut-être, vivre un "cours" complet avec Anne Astolfe. C'est à dire une séquence où nous aurions été "élèves" et pour vivre un cours dans toutes ses phases de progression, afin d'en apprécier les enchainements pour travailler un ou plusieurs thèmes. 2ème proposition: assister à un cours Ado avec Anne Astolfe? Ce que j'ai le moins apprécié: Le seul inconvénient qui est totalement indépendant de la volonté des organisateurs, ou de la formatrice, c'est la difficulté, parfois, pour les stagiaires, à respecter les temps de pause afin de mettre à profit le peu de temps de formation que nous avons!!!! Je vous remercie beaucoup pour la réalisation de ce stage "fabuleux" et espère en connaitre d'autres d'aussi belle qualité!