VENTURE SELECTION – JUNE 2010 Candidate : Anne Roos

VENTURE SELECTION JUNE 2010
Candidate : Anne Roos-Weil PESINET
Pour lutter contre le fléau de la mortalité infanto-juvénile en Afrique subsaharienne, 1
enfant sur 6 meurt avant d’avoir atteint l’âge de 6 ans, Anne Roos-Weil développe un
service de prévention, détection précoce et traitement des maladies bénignes. Son système
simple, abordable et innovant permet de répondre à un problème systémique et transforme
en profondeur les systèmes de santé locaux.
L’IDEE NOUVELLE
Afin d’éviter les complications de pathologies facilement traitables, pourtant
responsables à 60% de la mortalité infantile en Afrique subsaharienne, Anne a créé un
système simple et innovant de détection précoce des maladies bénignes basé le suivi régulier
de données sanitaires clés. Des informations relatives au poids, à la température et à
d’éventuels symptômes sont collectées chaque semaine par des agents de pesée auprès
d’enfants et de mères, puis transmis via une nouvelle technologie mobile. Les médecins y ont
automatiquement accès et peuvent rapidement traiter les maladies détectées. Urgences et
complications sont évitées et le risque de mortalité est divisé par deux.
En développant un système d’abonnement à son service, Anne fait adhérer les familles
à un principe de micro-assurance santé et modifie en profondeur leurs comportements
sanitaires. Abordable financièrement, cette assurance leur offre une couverture complète, avec
une prise en charge des actions de prévention et des traitements, tout en réduisant de 30% les
dépenses moyennes de santé. En créant les conditions d’un autofinancement, ce système
assure également la pérennité et le développement de Pesinet.
Enfin, en intégrant cette solution dans les centres de santé primaire locaux, Anne
renforce leurs capacités d’action. Avec le travail d’ultra-proximité, la santé entre enfin au
cœur des familles et transforme le rapport des populations aux structures de soins existantes.
L’offre de soin est enrichie, le rôle de chaque type de structure est respecté et optimisé, et les
ressources disponibles par l’Etat peuvent se concentrer sur les structures hospitalières pour le
traitement de pathologies plus complexes. Elle crée ainsi un cercle vertueux et participe à
l’émergence d’un système de santé globalement plus solide et efficace.
LE PROBLEME
En Afrique, 1 enfant sur 6 meurt avant l’âge de 5 ans. Le taux de mortalité maternelle
est lui 120 fois supérieures à celui des pays développés. Or la majorité de ces enfants et
femmes meurent de maladies simples, telles les maladies diarrhéiques, le paludisme, la
pneumonie ou la rougeole, qui se sont compliquées car leur traitement est arrivé trop
tardivement. Les maladies infectieuses bénignes représentent 55% des décès d’enfants en
Afrique, 60% pour le Mali.
En cause, une déconnection entre les populations et le système de santé : moins de la moitié
de la population consulte un médecin en cas de maladie. Pour des raisons financières et
culturelles, les malades privilégient la médecine traditionnelle et l’automédication. Elles ne
recourent aux médecins que quand la maladie a atteint un stade avancé, et que le risque de
décès est alors grand et le coût de traitement élevé.
Le financement constitue une barrière importante à l’accès aux soins. En moyenne, les
dépenses pour la santé sont de 30$ par an et par tête, l’équivalent d’un mois de salaire d’un
malien, et sont consacrées à des traitements d’urgence complexes. En effet, le coût des
consultations et des traitements étant trop élevés, les familles n’ont souvent pas la liquidité
nécessaire pour se rendre spontanément chez le médecin quand la maladie survient.
Quant au système d’assurance de santé publique, il est très peu développé puisqu’il est lié au
travail salarié, et que celui-ci ne représente que 5 à 10% de l’économie des pays africains
comme le Mali. En conséquence, seuls 0,09% des dépenses de santé sont actuellement
couvertes par une assurance, et ne concernent presque pas les populations aux revenus bas et
instables.
Dans ce contexte, les dispositifs de santé se concentrent sur le curatif, et la prévention est
relayée au second plan. Les centres de santé n’ont pas assez de ressources pour assurer du
curatif et du préventif, ils se concentrent donc sur le traitement des malades. Il en est de même
pour les familles qui couvrent directement 70% des dépenses de santé et sont ticentes à
payer en plus pour de la prévention dont elles ne voient l’intérêt immédiat.
En termes de ressources et d’équipement, si des structures de soins primaires existent
et sont équipées en personnel médical, elles sont sous-utilisées et souvent dans des situations
financières précaires. Leur taux de fréquentation n’étant que de 30%, elles ne génèrent pas
assez de revenus des consultations et de la vente de médicaments. Pire, lorsqu’un patient se
présente, elles le renvoient le plus souvent aux structures d’un niveau supérieur, comme
l’hôpital, car il est déjà dans une situation critique et elles ne disposent d’équipements
techniques suffisants. Ainsi, l’inexistence d’une médecine de proximité, pourtant promue par
le gouvernement, capable de prévenir et traiter les maladies bénignes, créé de profonds
déséquilibres dans le système de santé
LA STRATEGIE
Avec Pesinet, 70% des causes de mortalité sont ciblées. Un suivi médical régulier est
assuré auprès des familles (enfants & femmes enceintes) par des agents de pesée. Chaque
semaine, au moment de leur visite, ces derniers collectent les données sanitaires des enfants et
femmes enceintes suivies et les entrent, via leur téléphone portable, sur un logiciel conçu
spécialement à cet effet. Les informations sont alors envoyées sur une base de donnée
centralisée et sécurisée. Quand une urgence est identifiée, le médecin du centre de santé local
partenaire en est automatiquement informé par l’interface web et un « bon d’urgence » est
donné au patient pour qu’il vienne le consulter gratuitement dans la journée. Son éventuel
traitement médicamenteux sera alors pris en charge à 50%.
Avec ce système simple et unique, Pesinet offre un service complet impactant toute la
chaîne sanitaire, depuis la prévention jusqu’au traitement. Une première évaluation de
l’impact menée sur le pilote de Bamako a permis de mettre en avant des résultats probants :
réduction de la mortalité de 55% pour les enfants, et de 47% de pour les mères.
Pesinet fonctionne grâce à un système d’abonnement : le forfait mensuel coûte moins de
1€ par enfant, une somme équivalente au salaire journalier de 90% des Maliens. Lissé sur
l’année, cela permet de réduire de 20 à 30% les dépenses de santé moyenne par famille.
L’abonnement comprend du préventif et du curatif : l’examen sanitaire hebdomadaire (réalité
concrète à la prévention), le suivi à distance, les consultations médicales et l’accès aux
médicaments à prix réduits (50% de réduction). Cette prise en charge constitue une véritable
assurance santé et incite les familles à se rendre chez le médecin sans crainte de dépenses
médicales trop élevées.
A partir de 1000 abonnés, les dépenses liées à un programme local Pesinet (salaires des agents
et du coordinateur, rétribution aux médecins locaux, subvention sur les médicaments,
maintenance de la technologie…) sont intégralement couvertes, et la pérennité est donc
assurée.
La viabilité économique du modèle profite également aux centres de santé
communautaires (CSCom), partenaires clés pour développer le service Pesinet. Le médecin
local est rémunéré pour consacrer 15h par semaine au suivi des abonnés Pesinet.
Par cette collaboration, le service Pesinet les aide à répondre à leur mission de service public
et à toucher des populations qu’ils n’atteignent pas habituellement, tout en leur offrant un
complément de revenu significatif.
Dans le rôle clé de l’intermédiaire entre ces centres de santé et les populations : les agents
de pesée de Pesinet. Anne a choisi de s’appuyer sur des femmes pour occuper ce travail, plus
soucieuses des questions de santé que les hommes. Non qualifiées, ces femmes ont accès à
l’emploi grâce à Pesinet et sont formées à devenir de véritables ambassadrices de la santé.
Elles jouent un rôle essentiel d’éducation à la santé et à l’hygiène et de responsabilisation des
familles. Elles contribuent ainsi à faire changer durablement les pratiques sanitaires.
Anne a reçu le soutien du Ministère de la Santé du Mali qui a reconnu Pesinet comme un des
projets les plus innovants avec lequel il collabore pour faire avancer le système de santé
publique. Ce soutien est un levier important pour démultiplier le programme. L’objectif
d’Anne : signer une convention cadre avec le réseau des 400 CSCom pour que chacun y
dispense le service. Sa stratégie d’essaimage se base également sur les partenariats avec des
ONGs locales capables déployer le modèle tout en préservant l’ancrage local indispensable à
la réussite du dispositif. Dans les 10 ans à venir, ce sont plus de 370 centres de santé qui
proposeront le service Pesinet, au Mali et dans les pays voisins, et toucheront plus de 300 000
enfants par an.
LA PERSONNE
Issue d’une famille de médecins, Anne est depuis toujours passionnée des questions de
santé publique. En 2006, lorsqu’elle découvre le concept de détection précoce des maladies
par le suivi du poids dans un projet d’Afriques Initiatives qui a échoué, elle imagine tout un
système cohérent, viable et performant qui puisse le porter et le mettre au service de la santé
des enfants et des mères fragilisés. Alors étudiante à l’ESSEC, elle mène une équipe d’élèves
de la classe « Création de Produit Innovant » et elle développe le business plan.
Travaillant en alternance à la Direction Durable d’Alcatel-Lucent, elle est alerte sur les
nouvelles technologies et donne une importance haute au composant télésanté du projet. Elle
imagine et définit alors le cahier des charges pour l’application mobile et la base de données.
La qualité de son Business Plan Social lui permet de remporter la finale française et
européenne de la Global Social Venture Competition menée par l’Université de Berkeley.
Etudiante à la Chaire Entrepreneuriat Social de l’ESSEC, elle est attachée aux modèles
hybrides capables d’allier vocation sociale et modèle économique solide, pour durablement
créer du changement social. Elle porte ainsi un effort particulier sur toute la modélisation
économique du programme, pour le rendre pérenne et indépendant de subventions publiques.
A l’écart des solutions gratuites, mais plus ponctuelles, apportées par les grosses ONGs de
développement ou les organisations internationales (type ONU), elle fait participer les
familles, les responsabilise et participe à un changement plus systémique des comportements
sanitaires. A cet égard, Pesinet a été sélectionné par le programme des Nations Unies pour le
développement puis présenté au World Health Innovation & Technology Congress de
Washington en novembre 2009.
Consciente des différences culturelles, elle tient à construire et à transmettre le projet aux
populations locales. Elle apporte ainsi au modèle l’idée clé de partenariat avec les centres de
santé locaux. Au cours de ces différentes visites terrains, elle rencontre les associations
communautaires qui les gèrent et leur facilite l’appropriation du concept. Elle décide
également de s’entourer uniquement d’équipes locales.
Coordinatrice et formatrice dévouée sur le terrain, elle porte aussi la vision stratégique sur le
long terme et a réussi à mobiliser l’investissement initial nécessaire pour le pilote auprès des
fondations de grandes entreprises (Orange, Alcatel, BNP Paribas, PPR).
Anne vit entre Paris et Bamako, elle est passionnée de théâtre et a déjà monté plusieurs
spectacles.
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