LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 911 - septembre 2016 55
les faits du mois
Dimanche 17 juillet 2016 au matin.
La cérémonie ocielle rassemble, place
des martyrs juifs du Vél d’Hiv quai de
Grenelle, les derniers témoins et leurs
descendants, les représentants de la
République, les associations et partici-
pants, exclusivement présents sur invi-
tation. La veille au soir, les Fils et Filles
des déportés juifs de France à Paris se re-
cueillaient devant la plaque posée à lem-
placement même du Vél dHiv. Après la
cérémonie ocielle, ceux de lAssocia-
tion du Convoi 6 feraient de même. Ici,
en chantier, un square sera inauguré lan
prochain pour que personne n’oublie
ces 16 et 17 juillet 1942, où 13 152 juifs
furent arrêtés par la police française. 1 129
hommes, 2 916 femmes et 4 115 enfants
ont été enfermés dans lenceinte sportive
du vélodrome dhiver. Les couples sans
enfants et les célibataires ont été emme-
nés au camp de Drancy.
Entre les 19 et 24 juillet, les familles sont
conduites du Vél d’Hiv aux camps de
Pithiviers et Beaune-la-Rolande. Adultes
et adolescents ont été les premiers dé-
portés. Brutalement séparés de leurs
parents, près de 3 000 petits enfants en
détresse attendront leur transfert vers
Drancy, avant dêtre déportés entre les
17 et 18 août 1942. Aucun nest revenu.
Une minute de silence associant les
victimes du 14 juillet 2016 précède la cé-
rémonie. Le grand rabbin Goldmann et
le grand rabbin Kauman récitent des
prières. Suivent les dépôts de gerbes par
Eugène Daumas, président de lUnion
française des associations tziganes, Serge
Klarsfeld, président des Fils et Filles
des déportés juifs de France, Raphaël
Esrail, président de l’Union des dépor-
tés dAuschwitz, Philippe Allouche, pour
la Fondation de la mémoire de la Shoah,
Francis Kalifat, président du Conseil
représentatif des institutions juives de
France, Valérie Pécresse, présidente du
Conseil régional dIle-de-France, Anne
Hidalgo, maire de Paris, Jean-Vincent
Placé, secrétaire d’Etat auprès du pre-
mier ministre… Tambours, sonnerie aux
morts, Marseillaise, jouée par la garde
républicaine.
Suivent les prises de paroles. « Nous
sommes sous le choc ; notre Nation est en
deuil », lance Raphaël Esrail. Dans les
camps, « la terreur, la mort étaient les
outils majeurs du nazisme. Aujourdhui
ce sont les mêmes armes, avec le racisme
et lantisémitisme croissants. Le temps
contemporain est incertain. L’Europe est
fragilisée. L’Europe est nécessaire. » Un
million de juifs ont été gazés à Birkenau.
Les survivants demandent un mémorial,
« lieu déducation des consciences contre la
violence », avec le soutien de la France et
de lAllemagne. A 3 kilomètres, le musée
dAuschwitz « ressemble à un supermar-
ché ». Birkenau est resté à labandon des
décennies. La Pologne décline sa respon-
sabilité. « Limpuissance des survivants à
se faire entendre est terrible. Est-ce parce
quils sont éclatés dans plusieurs pays ?
Nous demandons le soutien de tous les
Etats européens pour un projet de nature
européenne. »
Suit lintervention de Beate Klarsfeld
soulignant quaucun Allemand non juif
na jamais pris la parole en cette occasion.
« Héritière de Goethe et de Beethoven »,
consciente de sa responsabilité envers
lavenir, elle s’est engagée pour que les nazis
naient aucune impunité, où quils soient
dans le monde. Elle rappelle laction de
son mari et des Fils et lles des déportés
juifs pour rendre aux 4 000 enfants raés
par des policiers et des inspecteurs fran-
çais une identité et un visage. Elle rap-
pelle leur participation active à tous les
procès. Dans le mémorial de la déporta-
tion, les ls et lles sont désormais
En 1942, Edgard Dreyfuss demande à Jean-Joseph et
Anne-Marie-Louise Raclet de cacher ses enfants Nadine,
5 ans, et Jean, 7 ans, à Luzinay, village d’Isère désormais
en zone occupée. Monsieur Dédieu, un ami, fusillé peu
après par les nazis, l’avait averti qu’il ne pouvait pas
rester à Vienne. Par l’interdiaire de Monsieur Boulud,
maire de Luzinay, ils trouvent refuge dans la famille.
Extraits du témoignage de Jessie Chapuis, arrière-
petite-lle de Justes :
« () Mes arrière-grands-parents tenaient la boulangerie
de Luzinay. Sous le même toit vivaient les grands-parents
dAnne-Marie-Louise. La boulangerie était une maison
chaleureuse où plusieurs générations se côtoyaient donnant
lillusion dune grande famille malgré plusieurs lignées
denfants uniques. Zize et Lili, comme on les appelait,
ont immédiatement accepté la demande de Monsieur
Dreyfuss, ils savaient le danger qu’encouraient ces enfants
et c’était pour eux normal car c’était leur devoir.
Nadine et Jean passèrent six mois à la boulangerie sans
aller à lécole, sans sortir de la maison. Mon grand-père,
Robert, avait neuf ans et savait qu’il devait garder le
secret. () Zize et Monsieur Boulud raccompagnèrent
les enfants au bout de six mois en juin 1943 sans leur
dire le motif de leur trajet, Zize précisa à Jean que s’ils
étaient arrêtés, lui et sa soeur ne devraient rien dire et
lui expliqua qu’elle dirait quils étaient leurs enfants et
Monsieur Boulud, son époux. Quand ils arrivèrent à
Condrieu, mon arrière-grand-mère et Monsieur Boulud
saluèrent les parents Dreyfuss et partirent tout de suite
sans dire mot. () En un temps où la barbarie sévit aussi
à linté rieur de nos frontières fran çaises et européennes,
où la France connaît une montée de l’antisémitisme
et de lisla mophobie, où les derniers survivants de la
déportation peinent à se faire entendre dans les classes
des écoles, nous nous interrogeons sur nos ressources
personnelles pour faire face, pour contrer ne serait-ce qu’à
notre échelle, le sectarisme et la xéno phobie ambiante.
Il en va certainement par , par ce rappel de l’Histoire ;
dont nous ne connaissons trop souvent que les contours,
et dans laquelle nous piochons aisément pour discourir
sur notre présent sans nous servir de ce qu’elle aurait dû
nous apprendre de plus précieux : lesprit critique, par
ce rappel de ces tranches de vies dont la valeur s’estime
par la fraternité quelles ont disséminée. Mon arrière-
grand-père était un homme simple, proche de la nature,
adroit et débrouillard, qui s’en remettait souvent aux
choix de son épouse. Mon arrière-grand-mère était
une femme auto ritaire, intelligente, passionnée, avant-
gardiste, ouverte et au cœur dor. Une femme qui fut
une personnalité dans ce village de Luzinay, notamment
pour son engagement dans lAmicale laïque qui proposait
des activités culturelles à destination des jeunes lles.
Elle aurait rêvé dêtre chanteuse et accompagnait ses
danseuses au piano. Et grâce au gain des représentations,
des voyages étaient organisés et permettaient à cette
jeunesse campagnarde de découvrir dautres horizons.
Pendant la guerre, les représentations continuèrent mais
les prots furent versés sur des livrets dépargne ouverts
pour chaque prisonnier luzinaysard. Je cite cela pour
dire et nommer lart et la culture souvent délaissés,
hélas, en ces temps sécuritaires comme premier vecteur
de rencontre avec laltérité.
Si lacte de résistance de mes arrière-grands-parents ne
peut être associé à des actions frontales contre lennemi,
il se dénit par un esprit plus ordinaire mais tout aussi
essentiel. Si j’ai lopportunité aujourdhui de témoigner
au nom de ma famille, de cette famille modeste, c’est
peut-être pour que nous retenions ensemble que la
grandeur de nos actions s’estime à la grandeur de
leurs conséquences. Même si nous ne nous sentons
pas de létoe des plus grands, nous avons en nous la
ressource, si nous le voulons, pour tendre la main aux
gens qui tout autour de nous sourent et ont besoin de
protection. Quand nous voyons à présent nos amis juifs
quitter leur patrie, la France, invoquant la peur qu’ils
ressentent au quotidien, nous nous inquiétons de notre
force pour lutter férocement contre lantisémitisme, sans
lappui de nos concitoyens juifs. En tant que famille
athée, nous remettons nos croyances et nos espoirs en la
publique et nous savons que nous avons absolument
besoin du peuple juif pour la composer, lanimer et la
faire grandir.
Mon arrière-grand-mère nous a quittés il y a seulement
trois ans et sept mois à presque cent-trois ans. Nous
imaginons les larmes de joie qu’elle aurait eues de cet
honneur et quel aurait été son eondrement, face aux
votes de son village, dominés par lextrême droite. Mais
aujourdhui, son optimisme et sa foi en lhumanité nous
auraient galvanisés. »
Nos actions et leurs conséquences
moire du Vél d’hiv
Le 16 juillet 1995, date anniversaire de la rae du Vél d’Hiv, Jacques Chirac reconnaissait pour la première fois la responsabilité de l’Etat français
dans la déportation des juifs de France. Après ladoption d’une proposition de loi portée par Jean Le Garrec, lorganisation annuelle d’une « Journée
nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux Justes de France » est instaurée en 2000.
lll
Monument commémoratif de la rafle du Vél d’Hiv érigé en 1994 dans le
15e arrondissement de Paris, œuvre du sculpteur et peintre Walter Spitzer et de
l'architecte Mario Azeagury.
LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 911 - septembre 2016
« Les femmes étaient reconnues comme ci-
toyennes, en tenant compte de leur travail
dans la Résistance. Nous étions de partis
diérents, mais nous nous disions : enn ! »,
témoignait-elle devant la presse, 60 ans après
la fondation de lAssemblée constituante de
laprès guerre.
Orpheline à cinq ans, Raymonde Barbé, née
à Puteaux le 22 octobre 1915 dun père em-
ployé des transports en commun, est placée
dans une pension religieuse doù elle s’enfuit,
adolescente, pour rejoindre son grand frère,
militant communiste et syndicaliste et une
de ses sœurs, près d’Arles.
Gagnant sa vie comme employée de com-
merce, elle adhère de son propre chef au Parti
communiste français en 1932. Dès sa fonda-
tion, elle milite à la Fédération Sportive et
Gymnique du Travail, née en 1934 de lunion
des fédérations sportives ouvrières face aux
fascismes. Sur laéroport de Marignane, elle
apprendra à piloter des avions légers. Lors
dune tournée de propagande, elle rencontre
Charles Nédélec, menuisier parisien venu à
Marseille depuis 1932 pour réorganiser le syn-
dicat. Raymonde Barbé devient Raymonde
Barbé-Nédélec à Arles.
Militant pour la victoire du Front popu-
laire, le couple s’installe à Marseille.
Lorsque Danielle Casanova fondera l’Union
des jeunes lles de France pour créer un
large mouvement féminin, paciste et an-
tifasciste, Raymonde organisera sa section
locale. Lors du congrès de fusion de la CGT
les 4 et 5 janvier 1935 à Marseille, Charles
Nédélec est élu secrétaire adjoint de la nou-
velle Union départementale. Responsable du
Comité de défense de la République espa-
gnole, organisateur de la solidarité, Charles
Nédélec participe aussi à la formation des
Brigades internationales. En 1940, fait pri-
sonnier à Montmédy le 19 juin, envoau
stalag II A de Neubrandebourg, il refusera
de travailler pour les Allemands et parvient à
obtenir un rapatriement sanitaire. Lorsqu’il
reviendra en France en septembre 1941,
Raymonde a déjà été arrêtée sur dénoncia-
tion. Ils ne se reverront plus.
« La Marseillaise en entier »
A Marseille, « naturellement », Raymonde
a refusé la défaite. Dénone, elle est arrêtée
le 31 mars 1941, jugée par le Tribunal mari-
time de Toulon, section spéciale du régime
de Vichy. Condamnée le 7 octobre à vingt
ans de travaux forcés et vingt ans dinter-
diction de séjour, elle est incarcérée à Lyon,
puis Rennes, après Marseille et Toulon. En
prison, elle continue dagir dans les triangles
clandestins, notamment à Rennes, la
plupart des détenues sont communistes,
se réclamant dune culture politique com-
mune, et organisées. Ici, après des mani-
festations unissant détenues politiques et
détenues de droit commun, elles ont créé un
atelier politique séparé des droit commun,
fonctionnant sous la direction dun bureau
dirigé par Georgette Cadras. Ici, elles ont ar-
raché après des mois le droit de circuler dans
latelier, détudier, de faire des lectures col-
lectives, de faire entrer des livres, de donner
des cours. Ici, le 11 novembre 1942, les dé-
tenues ont confectionné des insignes trico-
lores représentant leur sabot de prisonnières,
portées par des surveillantes. Ici, elles ont
réussi à chanter ce jour-là la Marseillaise et le
Chant du Départ « en entier ». Ici, apprenant
le sabordage de la rade de Toulon, elles ont
décidé dune minute de silence associant
même une surveillante. (1)
Livrée aux Allemands, Raymonde est dépor-
tée en 1944 à Sarrebruck puis Ravensbrück.
Elle continue dorganiser lentraide pour la
survie des plus jeunes, avant dêtre envoyée
travailler dans un Kommando dépendant
du camp de Buchenwald pour une usine de
guerre de Leipzig. Là aussi, elle s’applique à
organiser le sabotage des engins de mort.
Le 20 avril 1945, elle prote de lévacua-
tion du Kommando pour s’évader avec un
groupe de camarades. Elle arrive à Paris
elle apprend que son mari est « mort dépui-
sement » dans la Résistance. (2)
Embauchée par l’Union départementale
CGT des Bouches-du-Rhône, Raymonde
retourne à Marseille, vite nommée respon-
sable de la Commission féminine.
En septembre 1945, elle est élue conseil-
lère générale du 6e canton de Marseille et
un mois plus tard, députée de la 1re circons-
cription des Bouches-du-Rhône sur la liste
de François Billoux. Elle restera députée
communiste de 1945 à 1951.
Contre l’esprit de démission
Sur les bancs de lAssemblée, elle a rencontré
Charles Tillon, ancien chef des FTP, député
de Seine-Saint-Denis, maire dAubervilliers,
ministre du général de Gaulle de 1944 à 47.
Sans « explication plausible », le PCF décide,
en 1950, de ne pas renouveler la candidature
de Raymonde aux élections. Elle épouse le
« mutin de la Mer noire » en 1951. Ils auront
deux lles. Lorsque Charles Tillon et André
Marty sont exclus du Comité central en 1952,
Raymonde Barbé-Nédélec-Tillon soutient
son époux. Elle quitte son emploi à la mairie
de Drancy pour le suivre à Montjustin dans
les Basses-Alpes, puis à Aix-en-Provence. En
1970, ils seront tous deux exclus pour avoir
fermement condamné linvasion des chars
sovtiques en Tchécoslovaquie.
Raymonde et Charles Tillon se retirent en
Bretagne en 1974. En 2002, Germaine Tillion
préfaçait l’unique livre de Raymonde titré :
J’écris ton nom, Liber.
Lui rendant hommage le 25 juillet à Rennes
au nom de la République, Jean-Yves Le Drian
concluait : « () Raymonde Tillon-Nédélec a
traversé la fureur de ce siècle en ne renonçant
jamais à son exigence démocratique. Nous lui
sommes reconnaissants davoir témoigné, par
ses actes, de ce que peuvent la conviction et
lengagement contre linjustice et larbitraire ».
Croix de guerre 1939-45, Chevalier de
la Légion d’honneur, Raymonde Barbé-
Nédélec-Tillon était lune des très rares
femmes décorées de la Médaille militaire.
1) Mise à pied le 19 mars 1943 pour « compli-
cité avec les détenues politiques » (voir larticle
de Corinne Jaladieu, « Résistances en prison »,
Criminopolis (mis en ligne le 4 février 2014).
2) Charles Nédélec a participé à la préparation
des accords du Perreux avec, entre autres mis-
sions, celle dassurer la liaison entre le bureau de
la CGT et quatorze fédérations clandestines en
cours de reconstruction. A lautomne 1943, il re-
présentait Benoît Frachon au Comité directeur
du Conseil National de la Résistance. Pris dun
malaise dans une rue de Paris, il est mort dune
hémorragie cérébrale le 3 mai 1944.
Sources : Dictionnaire biographique Maitron,
articles de René Lemarquis et Antoine Olivesi
et d'Antoine Olivesi et Gérard Leidet.
Georges Séguy
« S’unir pour une cause
commune »
Membre du Comité d’honneur de la
FNDIRP jusqu’en 2013, Georges Séguy,
ancien secrétaire général de la CGT, est
mort le samedi 13 août. Il avait 89 ans.
« S’il y a un vers de l’Internationale que je ne
chante pas, c’est bien “Du passé faisons table
rase !” » assurait le président honoraire de
l’Institut dHistoire Sociale de la CGT.
(1)
Dans
notre rubrique A bâtons rompus, Georges
Séguy évoquait ce jour où, apprenant lexé-
cution de Pierre Sémard, ami de sa famille,
fusillé par les nazis le 7 mars 1942, il décida
de quitter lécole pour rejoindre la Résistance
« à temps plein ». Pour réaliser tracts, faux
papiers et journaux, il apprendra à 15 ans
le métier de conducteur- typographe et de-
viendra agent de liaison.
Fils dun cheminot syndicaliste toulou-
sain, Georges Séguy s’est inscrit tout gamin
dans le sillage de son père. En 1936, il a as-
sisté à la réunication de la CGT au congrès
de Toulouse. La même année il a vu naître
la SNCF et lavènement du statut des chemi-
nots. Dès 1940, Georges Séguy prend part aux
réunions clandestines des Jeunesses commu-
nistes, organisant les lancers de tracts anti-
nazis et anti-vichystes du 6 novembre, lors de
la visite du Maréchal à Toulouse. A lécole, il
entraîne même ses camarades dans une grève
des cours obligatoires dallemand et dins-
truction civique à la gloire de Vichy. Agent
de liaison, il sera en relation avec les FTP, les
FTP-MOI, le Front national, les Jeunesses
communistes, mais aussi des organisations
gaullistes, catholiques, socialistes… Arrêté
par la Gestapo en 1944 sur dénonciation,
Raymonde Tillon Au nom de la liber
Dernière survivante des 33 femmes élues députées pour la première fois à la Libération,
Raymonde Barbé-Nédélec-Tillon est morte à Paris le 17 juillet dernier. Inhumée à
Rennes, elle avait fêté ses cent ans.
66 les faits du mois
liés aux pères, mères, soeurs et frères.
« Sans les ls et lles, quelle mémoire ?
Sans Serge Karlsfeld, je naurais rien pu
faire parce que j’étais allemande. Sans
moi, il ne pouvait rien faire. Ensemble
on est forts ! »
Tous comptables
de l’avenir
Michel Rosenfeld, témoin, à 8 ans, de la
rae du Vél dHiv, s’appuie sur Georges
Perec pour dire « je me souviens ». Son
père était au stalag en Autriche. Il habi-
tait avec sa mère dans le 4e arrondisse-
ment. Limmeuble avait trois escaliers, A,
B, C. Escalier C, vivaient trois familles
juives polonaises. La veille, des rumeurs
avaient circulé. Sa mère avait deman-
à sa patronne de passer la nuit avec
son ls à latelier au deuxième étage
du 8 rue d’Enghien, au lieu de rentrer
chez elle. Latelier était grand avec une
fenêtre donnant sur la rue, doù il a vu
les bus, à langle de la rue. A partir de ce
jour, Michel Rosenfeld a perdu sa légè-
reté denfant. Il salue la France de 1792,
dans laquelle les juifs devinrent citoyens.
S’adressant à la jeunesse, il conclut : « à
vous, maintenant, de faire en sorte que
notre passé ne devienne pas votre futur ».
Pierre-François Veil, président du
Comité Français Yad Vashem rappelle
la rae par la police française sous les
ordres de Bousquet il y a 72 ans, menant
à labattoir des personnes coupables du
seul fait dêtre juives. Les 6 semaines
suivantes jusquau 30 septembre, 42 000
juifs furent déportés et en deux ans,
33 000 de plus : Vichy insistait auprès
des nazis pour déporter les enfants. En
zone sud, on vit lintervention de ca-
tholiques et de protestants, dont la cé-
lèbre lettre pastorale de Monseigneur
Saliège. La France, terre dasile et dac-
cueil, manquait à sa parole. Il a fallu
50 ans pour entendre celle de Jacques
Chirac. L'orateur poursuit : « Nous ne
devons pas laisser les intellectuels de
plateau justier Vichy ; cest une insulte
aux nombreux Français qui ont sauvé des
juifs de la déportation, Justes parmi les
nations. » Chaque année, des dizaines
de dossiers sont traités. Les derniers té-
moins disparaissent. « Des nuages pèsent
sur l’Europe porteurs des vieux démons
du populisme, de la peur, de la haine de
lautre. Nous sommes tous comptables
du monde que nous laisserons à nos en-
fants », conclut-il, laissant la parole à
Jessie Chapuis, 26 ans, arrière-petite-
lle dun couple de Justes, qui salue la
présence de Nadine et Jean Dreyfuss,
enfants cachés par sa famille (cf. p. 5).
Le président du CRIF succède à la jeune
femme, unanimement saluée. Rendant
hommage à « linlassable détermination
des survivants », il nomme Elie Wiesel
et Charles Palant…
Vincent Placé conclut larémonie, non
sans adresser ses pensées aux victimes
de Nice le 14 juillet, rappelant longue-
ment les faits de la rae du Vél d’Hiv,
une des « plus grandes atrocités de notre
Histoire ». Avec Jessie Chapuis, il sera le
seul à évoquer le sort réseraux « gens
du voyage ». h. A.
Disparitions
lll
Georges Séguy et Suzanne Barrès-Paul
aux obsèques de Marcel Paul en 1982.
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