suffisamment de lièvres à lever pour ne pas s’étonner d’une telle assertion. Nous allons
en dérouler quelques-unes juste pour l’exercice :
1) Le monde physique existe-t-il en dehors de nous ?
2) Comment se fait-il que des technologies soient inventées et surtout soient adéquates
au réel, puisqu’elles ne sont définies que selon des catégories cognitives qui ne
recouvrent pas ce Réel ?
3) Il existe des choses du monde non observables, donc non intelligibles et non
reproductibles
4) La foi en la raison – ou en un Dieu support du Monde- parvient indéfiniment à mettre
de l’ordre dans un univers qui n’aurait pu persévérer dans son existence sans accident,
indéterminisme, surgissement de nouvelles formes et adaptations. Cette foi en la raison
a –t elle donc les moyens, puisque là est son but ultime, de produire du nouveau dans la
pensée.
5) Le monde obéit-il à la raison, à la logique ?
Les philosophes donc n’y sont pas parvenus, et l’on comprend pourquoi : c ’est un effet
de ce Réel, qui est pour eux rien du monde, de pouvoir décrire les phénomènes comme
toujours-déjà observables et intelligible.
Galilée avait fait une expérience en transportant sur un bateau une cage contenant un
bocal à l’intérieur duquel on a mis un poisson, afin d’observer si pendant la traversée on
perçoit quelque chose du mouvement de la terre, ou du bateau. Ce qu’il constate c’est
que le mouvement uniforme est comme rien de la perception. Nous prendrons donc cet
ex. comme métaphore dans la poursuite de notre réflexion : qq chose existe qui ne peut
se voir, se mesurer, être décrit.
Vous connaissez tous Zénon d’Ailée : le lièvre rattrapera-t-il la tortue ? On peut passer
une vie à couper en parcelles le cheminement qui pourrait créer un effet de mesure pour
la vitesse et la lenteur de l’un et l’autre. En principe, si on s’astreint à cela, on devient
fou. La seule échappée est donc de se lever, de tout jeter à bas, calculs et mesures, et
d’aller son pas.( le zénonisme/ JC Milner) C’est que la pauvre génération d’après guerre
– pas seulement à cause de la guerre, mais encore toute confiante dans Les Lumières-
était persuadée qu’aussitôt qu’on lâcherait la raison, la bête immonde surgirait, les
forces du mal, les puissances obscures gardées en réserve sous le vocable de
psychanalyse. Le danger était partout, au dehors, au dedans. Deleuze m’envoie un
courrier sur un bout de papier déjà griffonné comme à son habitude, mais un peu rayé :
« sortir de la philosophie mais par la philosophie ». Cela me fait de la peine pour lui –
encore plus après son saut par la fenêtre- car il n’y a aucun strictement aucun moyen de
sortir de la philosophie, du monde de la pensée discursive du moins, par une autre
pensée discursive. La seule chose qui puisse nous fait sortir du texte, et sans en mourir,
c’est quand le corps, prend la place du sujet, celui qui dit « je », qui croit décider de ce
qu’il est, de ce qu’il fait.
Vous voudrez bien nous excuser pour ce détour, mais il nous a paru nécessaire pour
rendre compte de l’étrangeté absolue de cet Objet fabriqué par Raymonde – Raymonde,
Régis et tous les alliés substantiels qui passaient par là, l’amour, la famille, les enfants, le
paysage, le texte, la caméra, le minéral, l’ombre, le soleil, les danses, les vêtements, le
peyotl, les chants, la nuit. Tout fait corps, et d’une façon dont difficilement la biologie
même moléculaire pourrait rendre compte. Raymonde est-elle une philosophe qui
s’interroge sur l’ethnologie ou plutôt sur le récit soi-disant ethnologique de Artaud ?