Besoins qualitatifs en acides aminés en nutrition artificielle : La

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Leçon 4
Besoins qualitatifs en acides aminés en nutrition artificielle :
La citrulline, la cystéine, le glutamate, la taurine, la glycine
Pr. Luc CYNOBER
Service de Biochimie, Hôtel-Dieu, AP-HP et Laboratoire de Biologie de la Nutrition, Faculté
de Pharmacie – Université Paris-Descartes, Paris, France
www.nutrition-paris5.org
Il est assez probable que tous les acides aminés (AAs) possèdent des propriétés
pharmacologiques à condition de les apporter à la dose et dans la situation adéquates.
1. La citrulline : de la biologie prédictive à d’importantes perspectives thérapeutiques
dans la prise en charge de la dénutrition
Parce que seul l’intestin est capable d’exporter la citrulline qu’il produit, B. Messing a eu
l’idée d’en faire un biomarqueur de la masse fonctionnellement active de l’intestin. La
citrullinémie a été ainsi validée comme marqueur de la dépendance à la nutrition
parentérale dans le syndrome de grêle court (SGC), de la sévérité de la maladie coeliaque
et du grêle radique, et du rejet de greffe en transplantation intestinale.
Parce que plus de 80 % de la citrulline libérée par l’intestin est captée par les reins qui la
métabolisent et la relarguent sous forme d’arginine, un acide aminé extrêmement important
(précurseur du monoxyde d’azote et des polyamines ; voir leçon 3), il a paru évident
qu’une complémentation du régime par la citrulline pouvait être intéressante en situation
de défaillance ou d’insuffisance intestinale. De fait, dans un modèle de SGC chez le rat, un
apport entéral de citrulline améliore le bilan d’azote et les pools tissulaires d’arginine,
mieux que ne le fait un apport d’arginine elle-même.
Ce concept a ensuite été entendu dans une autre situation où la dénutrition peut induire une
atrophie intestinale : la dénutrition de la personne âgée. Ainsi, dans un modèle de rat âgé
dénutri, il a été établi que la citrulline stimule la synthèse protéique musculaire. Cette
action est médiée par la voie de signalisation contrôlée par mTOR (Mamalian Target of
Rapamycin). Elle résulte de la citrulline proprement dite et non de l’un de ses métabolites
même à dose très élevée (i.e. 15 g en bolus).
Chez l’homme sain, la citrulline est bien tolérée même à dose très élevée (i.e. 15 g en
bolus) et produit de l’arginine de façon dose-dépendante. Ces résultats sont expliqués par
une exceptionnelle efficacité de l’absorption intestinale de cet acide aminé comme
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l’attestent des expériences réalisées in vitro (sur cellules CaCo2) et ex-vivo (sur anses
intestinales isolées de cochon).
L’ensemble de ces données forme une base rationnelle très forte à la mise en œuvre
d’études cliniques.
2. Le glutamate : victime de sa mauvaise réputation et d’une faiblesse de la reine des
méthodologies
La glutamate n’a pas une très bonne réputation : très présent comme exhausteur de goût
dans la cuisine asiatique, il est présumé être responsable du syndrome du restaurant chinois
(flush, tachycardie…), sans d’ailleurs que sa culpabilité soit formellement établie (i.e.
existence d’un contaminant ?). Par ailleurs, des études, réalisées avec des isotopes stables,
démontrent que le GLU fournit par l’alimentation donne peu de GLN. Ceci parce que le
pool de GLU est utilisé principalement à des réactions oxydatives. En revanche, la
provision de GLU permet d’économiser la GLN endogène ce qui, bien évidemment, ne
peut pas être détecté par les méthodes isotopiques qui sont basées, par définition, sur le
transfert de l’isotope d’une molécule sur une autre molécule. Cette idée est soutenue par
deux études expérimentales chez le rat.
3. La cystéine : un acide aminé difficile
La cystéine bien que n’étant pas un AA essentiel joue des rôles particulièrement
importants :
• Ponts disulfures ;
• Entre dans la composition du glutathion dont la concentration musculaire diminue de 40
% après une opération chirurgicale ;
• Précurseur de la taurine.
L’administration de N-acétylcystéine améliore le statut en glutathion et l’état clinique du
patient atteint de sepsis.
Cependant, la cystéine est instable en solution et toxique à dose pharmacologique et son
maniement est donc délicat. La N-acétylcystéine n’a pas ces inconvénients.
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4. La taurine et la glycine : potentiellement intéressants dans les syndromes d’ischémiereperfusion (SIR)
Ces deux acides aminés interfèrent avec des canaux ioniques et sont donc des osmolites.
Leur efficacité, en particulier pour la glycine, est démontrée dans la prévention des
conséquences délétères du SIR tant au niveau hépatique, intestinal que rénal. En outre, la
taurine est un anti-oxydant grâce à son métabolite direct, la taurine chloramine.
Références importantes
Bouckenooghe T et al. Curr. Opin. Clin. Nutr. Metab. Care 2006;9:728-733.
**Crenn P et al. Gastroenterology, 2000;119:1496-1505.
Article princeps démontrant que la citrulline est un biomarqueur de la fonctionnalité intestinale.
*Curis E et al. Amino Acids 2005;29:177-205.
La revue générale la plus complète sur la citrulline.
*Curis E et al. Curr. Opin. Clin. Nutr. Metab. Care, 2007;10:620-626.
Revue générale récente sur la citrulline, focalisée sur l’intestin.
*Grimble RF. J. Nutr. 2006;136 suppl.6:1660-1665S.
Bonne revue générale sur le rôle des acides aminés soufrés et du glutathion dans l’immunité.
Hall JC. JPEN 1998;22:393-398.
**Obled C et al. in: Cynober L ed. Metabolic and therapeutic aspects of amino acids in
clinical nutrition. Boca Raton: CRC Press, 2004:667-687.
La revue générale de référence sur les acides aminés soufrés et le glutathion en nutrition clinique.
Schaffer S et al. Amino Acids 2000;19:527-546.
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