O Le glucose dans le liquide interstitiel

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La mesure du glucose en continu
DOSSIER
1 Le glucose
dans le liquide interstitiel
Quelle pertinence physiologique
pour la mesure de la glycémie ?
n La mesure du glucose en continu devrait idéalement s’effectuer dans le milieu vasculaire afin de
juger le niveau glycémique du patient. Cette technique reste trop complexe à mettre en place si bien
que le choix s’est porté, ces dernières années, sur un abord sous-cutané. La concentration du glucose est alors mesurée dans le milieu extravasculaire, et plus précisément dans le milieu interstitiel.
Quelle est sa pertinence physiologique pour la mesure de la glycémie ?
Limites analytiques
des capteurs
de glucose
Le “glucose interstitiel” :
un choix pragmatique Le choix s’est donc porté sur un
abord sous-cutané afin de mesurer la concentration du glucose
dans le milieu extravasculaire,
et plus précisément dans le milieu interstitiel. En effet, dans des
conditions physiologiques, les
variations de concentrations de
glucose interstitiel et vasculaire
sont intimement corrélées (1).
Ce choix pragmatique se heurte
cependant à des obstacles techniques : il n’existe pas de concordance parfaite entre les valeurs
de glucose mesurées dans le milieu vasculaire et celles dosées
dans le milieu interstitiel (2). Ces
différences tiennent en partie à
des raisons physiologiques d’action de masse et de captation cel-
* Université Henri-Poincaré, Nancy I ; Diabétologie, Maladies
Métaboliques & Nutrition, Hôpital Brabois Adultes & CIC Inserm
ILCV, CHU de Nancy
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
lulaire du glucose sous l’action de
l’insuline, tant en phase statique
que dynamique (3) (Fig. 1). La relation entre les taux de glucose
plasmatique et ceux du liquide
interstitiel est donc complexe,
dépendante de l’état physiologique, mais également du nombre
de calibrations (4).
Les travaux expérimentaux
Ceci a été montrée par des travaux
réalisés sur le rat non diabétique,
lors des variations glycémiques
induites par une charge glucosée
ou secondairement à une injection d’insuline (4). Après charge
glucosée, l’augmentation du glucose interstitiel est inférieure de
30 % à celle mesurée au niveau
plasmatique. Inversement, sous
l’action de l’insuline, le glucose
interstitiel baisse moins rapidement mais de façon prolongée,
surestimant par conséquent la
fréquence et la durée des épisodes
hypoglycémiques.
En pratique, plusieurs études
chez l’homme (5, 6) ont montré,
d’une part, qu’il existait un re-
Pr Bruno Guerci*
tard d’environ 5 minutes dans
la mesure du glucose interstitiel
par rapport au glucose plasmatique et, d’autre part, que l’amplitude des fluctuations du glucose
était également différente (7).
Lorsque le taux de glucose augmente, la variation du signal du
glucose interstitiel est inférieure
à l’élévation du glucose plasmatique et, à l’opposé, lorsque la
glycémie plasmatique s’abaisse
(par exemple à l’occasion d’une
épreuve de clamp hypoglycémique), la variation du signal
du glucose interstitiel est supérieure à celle du glucose plasmatique.
conséquences pratiques
Ces constatations sont indépendantes du type de capteur utilisé
(invasif ou non invasif ) et sont
donc à prendre en compte lors
de l’interprétation des données
glycémiques provenant de systèmes transformant le signal du
glucose interstitiel. Les conditions
de calibration du capteur sont donc
cruciales car elles tiennent compte
81
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
des variations de la glycémie et de
l’insulinémie à un temps donné, et
sont déterminantes pour maintenir
un enregistrement de qualité tout
au long de la durée de vie du capteur
(8).
D’autres paramètres peuvent interférer sur la qualité du résultat
métabolique, comme le débit sanguin du tissu adipeux. Celui-ci est
classiquement diminué chez le
sujet obèse, le volume de liquide
interstitiel est alors plus faible
au niveau de la peau (9). Afin de
pondérer les insuffisances des
systèmes de détection du glucose
interstitiel, les fabricants de capteurs de glucose ont intégré artificiellement, dans leur logiciel
de traitement de l’information,
un décalage de quelques minutes
entre le moment exact de la mesure et l’affichage horaire du résultat (10, 11).
Ce manque de parallélisme entre
les compartiments plasmatique
et interstitiel soulève finalement
deux problèmes : le choix d’un
seuil d’alerte de baisse du glucose, et secondairement l’orientation des décisions thérapeutiques correctrices. Koschinsky
et al. (12) ont mis en garde les
cliniciens sur les risques de mauvaise interprétation des données du capteur, en insistant par
ailleurs sur le rôle crucial que représente la calibration initiale du
système.
Les techniques
de mesure du glucose
en continu par
capteur sous-cutané
Les systèmes de mesure en continu du glucose doivent répondre à
un cahier des charges bien défini.
Cela fait appel à des qualités de :
• calibration ;
• linéarité ;
82
Glucose endogène
Glucose exogène
-
Insuline
Insuline
+
Glycémie
plasmatique
+
t min
Elimination
du glucose
Glucose
interstitiel
Cellule
Capteur de
Glucose S.C.
Figure 1 – Modèle multicompartimental des relations glucose-insuline pour la détection
du glucose par les capteurs sous-cutanés (3).
• exactitude ;
• délai ;
• spécificité de réponse du capteur ;
• biocompatibilité (7).
Il est souhaitable que la réponse
du capteur soit linéaire in vivo
jusqu’à 20 mM/l, que l’exactitude
soit proche de celle des lecteurs de
glycémie, que le délai de réponse du
capteur soit inférieur à 10 minutes
(sachant que le pancréas répond à
une variation de la glycémie dans
les 3 minutes), que la spécificité
de la réponse pour le glucose soit
excellente et enfin que la miniaturisation et la biocompatibilité du
capteur soit acceptable. C’est le cas
des capteurs jetables, et des systèmes totalement implantés, et de
ceux dont la méthode fait appel à
une détection enzymatique et ampérométrique.
pourquoi
et comment calibrer ?
La calibration constitue la difficulté majeure commune à l’ensemble des systèmes de mesure.
Le capteur a pour mission de transformer de manière continue une
concentration de glucose en un signal dont l’interprétation peut, en
retour, donner une estimation de la
concentration de glucose. En théorie, un seul point de calibration devrait être nécessaire. En pratique, la
sensibilité du capteur, corps étranger pour l’organisme, tend à varier
avec le temps, ce qui nécessite selon
les cas de calibrer le capteur jusqu’à
plusieurs fois par jour ; la qualité de
la calibration dépendant de la précision de la méthode de référence
utilisée. Il s’agit le plus souvent
d’une mesure capillaire sujette, elle
aussi, à un coefficient de variation,
et non d’une glycémie plasmatique
de laboratoire.
La stabilité du capteur après son
insertion doit être obtenue dans
un délai rapide afin de commencer
l’enregistrement dès que possible.
Cette stabilité et cette spécificité
de mesure du glucose doivent être
maintenues dans le temps pour
une exactitude des résultats sur
toute la durée de vie du capteur et
donc de l’enregistrement continu
des concentrations de glucose, notamment à l’occasion des variations
de concentrations de glucose (4).
Délai du traitement
des informations
L’accession immédiate au résultat métabolique rencontre pourDiabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Tableau 1 – Les différents systèmes de mesure du glucose en continu. Spécificités techniques en termes
de durée d’enregistrement, de calibration du capteur et de fréquence de mesure.
Durée d’enregistrement
Nombre de calibrations
(glycémie capillaire)
iPro2 - PRT®
6 jours
2 x / jour (lecture à la 2e heure)
5 minutes
Navigator®
5 jours
5 x (1, 2 -début lecture-, 12, 24, 72 h)
Toutes les minutes
Seven+®
7 jours (10 jours)
À 2 heures puis toutes les 12 h
5 minutes
Glucoday®
2 jours (x2)
1x /48 h
3 minutes
tant un écueil technique : celui du
temps nécessaire à collecter et à
transférer l’échantillon qui sera
analysé. Certains logiciels de traitement des données du capteur en
tiennent compte afin de réduire ce
qu’il est convenu d’appeler le “décalage intrinsèque du capteur” chiffré
à plusieurs minutes. Des progrès
ont été réalisés dans ce sens grâce
à une amélioration de la perméabilité sélective des membranes des
capteurs (13).
lement noter les divers événements
survenus pendant ses journées
d’enregistrement (modifications de
traitements, notamment les doses
d’insuline, prise d’un repas ou d’une
collation, réalisation d’une activité
physique, survenue de symptômes
évocateurs d’hypoglycémie).
fréquence des mesures
du glucose interstitiel
Sources d’erreurs
pré-analytiques
Une fréquence élevée des mesures
est préconisée pour ne pas méconnaître, sur une courte période, une
variation des concentrations de
glucose de l’ordre de 10 mg/dl. Ainsi, l’obtention de mesures toutes les
5 minutes est souhaitable, ce que
les différents modèles de capteurs
de glucose permettent de réaliser.
Qu’est-ce que la méthode
électrochimique ?
Seule la méthode électrochimique a
fait la preuve de son intérêt et de sa
fiabilité. Elle repose sur l’utilisation
d’une électrode ou d’une microfibre
implantée directement dans le tissu
sous-cutané à l’aide d’un guide d’insertion (“serter”), et qui mesure
ainsi la concentration de glucose
dans le tissu interstitiel. Le système
est porté par le patient pendant ses
activités habituelles, sans modifier
sa manière de vivre ni son ASG pluriquotidienne. Le patient peut égaDiabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Fiabilité et contrôle
de qualité des
capteurs de glucose
Elles sont en grande partie liées
aux procédures de mise en place
des capteurs de glucose qui ne
seraient pas respectées. La visite
initiale doit ainsi être le moment
privilégié pour éduquer le patient
à l’utilisation du moniteur lors de
l’hospitalisation et/ou en ambulatoire, pour lister les procédures de
l’autosurveillance glycémique. Il
faut insérer le capteur dans le tissu
sous-cutané abdominal, s’assurer
que l’autocontrôle glycémique est
efficace et examiner les enregistrements à pratiquer. Enfin, il faut
initialiser le capteur de glucose et
effectuer la première calibration
pendant une période de relative
stabilité glycémique (14, 15). Les
exigences faites au patient doivent
être bien comprises et acceptées,
d’ou l’importance de l’information
et de l’éducation par un personnel
qualifié lors de la visite initiale.
L’autosurveillance
glycémique
Fréquence de mesure du glucose
(ASG) doit être pratiquée de 2 fois
par jour à 5 fois par semaine selon
le type de capteur utilisé (Tab. 1).
La tenue d’un carnet ou journal
alimentaire est obligatoire. De
même, tous les événements marquants doivent être colligés scrupuleusement et en temps réel
(insuline, prise alimentaire et
horaires, activité et exercice physique, hypoglycémies, etc.).
Hélas, des problèmes techniques
peuvent survenir et ne permettent pas toujours d’utiliser la totalité des périodes d’enregistrement.
Par conséquent, lorsque le capteur
est utilisé à titre diagnostique, de
nombreux auteurs proposent de
réaliser au moins deux enregistrements successifs ou répétés, quel
que soit le type de capteur utilisé
(16-19).
Précision de mesure
des capteurs dans les zones
métaboliques utiles
Il serait logique d’appliquer aux
capteurs de glucose la même exigence de contrôle de qualité que
celle que l’on demande aux lecteurs
de glycémies. Actuellement, il n’en
est rien, les capteurs de glucose appartenant aux dispositifs médicaux
implantables (DMI) alors que les
lecteurs de glycémie doivent répondre aux exigences du diagnostic in vitro plus strict en matière
d’exactitude et de précision. Des
critères de fiabilité ont été proposés par les firmes commercialisant
les capteurs de glucose. Ceux-ci
83
DOSSIER
La mesure du glucose en continu
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
ne constituent, le plus souvent,
qu’une validation interne de la
qualité de l’enregistrement (20).
Globalement, la précision des
capteurs de glucose, quels qu’ils
soient, est inférieure à celle des
lecteurs de glycémie.
Tous les capteurs ont le même objectif : donner des tendances de
variations du glucose interstitiel
C’est donc le cas à l’état basal, mais
aussi lors de fortes variations de la
glycémie plasmatique (8).
• En situation d’hypoglycémie
ou d’hyperglycémie (expérimentation réalisée chez des témoins non diabétiques, soumis à
un clamp eu- et hypoglycémique),
un nouvel d’état d’équilibre doit
se mettre en place entre le secteur
plasmatique et interstitiel, d’où un
L’objectif est de donner des tendances de
variations du glucose interstitiel les plus
proches des valeurs de glycémie plasmatique.
les plus proches des valeurs de glycémie plasmatique. Cependant, ils
diffèrent les uns des autres par certaines caractéristiques technologiques ou analytiques. Une étude a
comparé ces 4 modèles, suggérant
une précision plus importante du
système FreeStyle Navigator®, comparativement aux autres systèmes,
notamment dans les valeurs basses
proches de l’hypoglycémie (21).
que mesure-t-on
exactement dans le
milieu interstitiel?
Différences entre
glycémie plasmatique
et glucose interstitiel
Le différentiel qui existe entre la
concentration de glucose du milieu interstitiel sous-cutané et le
secteur plasmatique (Encadré) explique la nécessité de calibrer les
capteurs de glucose de manière
régulière dans le but de maintenir
leur exactitude de mesure tout le
temps de l’enregistrement.
De manière générale, la concentration de glucose interstitiel est
inférieure à ce qui est observé au
niveau capillaire ou plasmatique.
84
décalage temporel parfois important observé entre les valeurs de
glucose plasmatique et interstitiel
(Fig. 3) (22).
• L’insuline semble jouer un rôle
majeur dans ces variations de
concentrations entre les compartiments plasmatique et interstitiel,
de par son action facilitatrice dans
la captation cellulaire du glucose (8).
A ce titre, il convient de prévenir
le patient de ces possibles discordances, et du fait que sa valeur de
glycémie capillaire doit rester la
valeur de référence sur laquelle
se fonder pour l’adaptation du
traitement. Les ajustements thérapeutiques destinés à l’amélioration de l’équilibre glycémique ont
donc toujours été fondés sur des
mesures de glucose sanguin. Pourtant, les concentrations de glucose
dans le tissu interstitiel reflètent
plus fidèlement les variations métaboliques qui s’opèrent dans les
cellules musculaires, adipocytaires
et les autres cellules de l’organisme
comparativement au secteur vasculaire. Les variations de concentrations de glucose interstitiel lors
de prise de glucides ou à l’occasion
de bolus d’insuline sont en effet
différentes selon les tissus explo-
rés. D’après les auteurs d’un récent
article, le système nerveux central subirait moins de fluctuations
glycémiques
comparativement
au muscle et au tissu adipeux, et
serait ainsi en partie protégé en
situation d’hypoglycémie (23). Ce
phénomène pourrait également
expliquer pourquoi, dans une certaine mesure, des valeurs basses de
glycémies observées en périphérie
(secteur plasmatique) ne se traduisent par aucune symptomatologie
clinique notamment neuroglucopénique du fait de concentrations
maintenues à des valeurs normales
de glucose dans le système nerveux
central (Tab. 2 , Fig. 4).
Malheureusement, la pertinence
des concentrations de glucose interstitiel vis-à-vis des évènements
relatifs au diabète n’a pas été explorée. Ainsi, pour des raisons historiques, mais aussi techniques,
les décisions thérapeutiques reposent encore à ce jour sur des
valeurs de glucose sanguin, exclusivement.
Calibration
des capteurs de glucose
Du fait d’un décalage intrinsèque
propre au capteur, des différences
entre plasma et liquide interstitiel à l’état basal et celles qui peuvent s’accentuer à l’occasion de
fortes variations des concentrations de glucose, il est souhaitable
d’initialiser le capteur de glucose
en période de relative stabilité
glycémique. Les périodes préprandiales, notamment de fin de
matinée, sont à privilégier. En
revanche, les périodes post-prandiales et les situations de risque
hypoglycémique sont à éviter.
En effet, lorsque la pente de variation du glucose est élevée, la différence de mesure entre la concentration de glucose plasmatique et
interstitielle s’accentue (de 13 % et
jusqu’à 19 %) (24).
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Modèle cinétique du passage du glucose dans le liquide interstitiel
Rebrin et al. ont clairement décrit un modèle compartimental de cinétique du glucose entre le plasma (V1) et
le liquide interstitiel (V2). Il est admis que les concentrations de glucose s’équilibrent entre les différents secteurs par diffusion passive selon un rapport de concentrations existant entre le plasma et le liquide interstitiel
au niveau duquel est implanté le capteur (7). Dans des
conditions dynamiques où la glycémie varie fortement
sous l’action d’une prise alimentaire, de la production
hépatique de glucose ou à l’occasion d’une injection
d’insuline, le gradient entre les deux secteurs (plasma/
interstitium) augmente, ce qui nécessite de retrouver un
nouvel état d’équilibre dans les minutes qui suivent. Ceci
explique en partie que la sensibilité du capteur soit affectée et que son exactitude par rapport à une méthode de
référence soit prise en défaut (Fig. 2).
La biocompatibilité des capteurs intervient également
dans la stabilité de la mesure, ce qui explique qu’une
seule calibration est nécessaire avec le Glucoday® dont
la cellule de mesure du glucose se situe à l’extérieur
du corps et non en contact avec les tissus et éléments
circulants du milieu sous-cutané.
Figure 2 – Echanges du glucose entre les volumes plasmatique et interstitiel et conséquences en termes de sensibilité du capteur (7).
Arguments cliniques
à l’utilisation
de la MGC
En termes d’efficacité métabolique, le recul obtenu par la publication, ces 10 dernières années, de
données convaincantes sur l’utilité de la MGC permet aujourd’hui
d’espérer un remboursement de
cette technique dans certaines
conditions et indications bien établies. Seuls les résultats les plus
significatifs sur la MGC sont développés dans ce chapitre.
intérêt d’un enregistrement
du glucose en temps réel
L’étude Guard Control est la première à avoir démontré l’efficacité de la MGC (Guardian® RT)
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
sur l’HbA1c à 3 mois, comparée
à l’ASG conventionnelle chez
des diabétiques de type 1 (25).
L’HbA1c, initialement à 9,6 %,
est améliorée significativement
de 0,6 % par rapport au groupe
contrôle.
rôle primordial
de l’observance
au port du capteur
Dans l’étude JDRF (Juvenile Diabetes Research Fundation), chez
des diabétiques de type 1 majoritairement traités par pompe
et beaucoup mieux équilibrés
au départ que dans l’étude précédente, la MGC (Navigator®,
Guardian®/Paradigm®-RT, DexCom Seven®), comparée à l’ASG
conventionnelle, améliore l’équilibre glycémique essentiellement dans le groupe des adultes
(HbA1c - 0,50 %) qui ont utilisé
le capteur le plus souvent et le
plus durablement pendant les
6 mois de l’étude (26). L’extension de l’étude à 12 mois montre,
avec la poursuite d’une utilisation
assidue du capteur (6,5 jours/semaine), un maintien de l’efficacité
sur l’HbA1c et une réduction de la
fréquence des hypoglycémies sévères (27).
Mesure du glucose en continu
associée à une perfusion
continue d’insuline
L’étude RealTrend, en s’appuyant
sur le constat du rôle essentiel
85
DOSSIER
La mesure du glucose en continu
La mesure du glucose en continu
7
Clamp
euglycémie
Clamp
HypoG
Clamp
HypoG
Cal
6
Glucose (mmol/l)
DOSSIER
conféré à l’observance d’utilisation
du capteur, a prédéfini ce paramètre
dans l’analyse statistique de l’étude
(port optimal du capteur > 70 % du
temps). Cent trente-deux patients
initialement sous multi-injections
ont été randomisés en 2 groupes :
traitement par pompe Paradigm®
ou couple capteur-pompe (Paradigm® REAL Time) (28). Dans
l’analyse “per protocole” (patients
observant au port du capteur), la
différence de réduction d’HbA1c à
6 mois entre les deux groupes atteint la significativité (- 0,96 % vs
- 0,55 %, p = 0,004).
Dans le même esprit, mais en comparant à un traitement par multiinjections, l’étude STAR-3 a été
réalisée sur 12 mois (29). Quatre
cent quatre-vingt-cinq diabétiques de type 1, âgés de 7 à 70 ans,
ont été inclus dans l’étude : la mesure du glucose en continu associée à une perfusion d’insuline par
pompe portable a alors montré
son avantage vis-à-vis des multiinjections en termes de réduction
de l’HbA1c de 0,6 % supplémentaire. Cette amélioration touche la
population des sujets jeunes âgés
de 7 à 18 ans. L’observance au port
du capteur est également un élé-
5
GP
GI
Retour EuG =
6,3 ± 1,1 min
4
HypoG =
8,3 ± 0,67 min
3
Cal
0
60
120
240
180
300
360
Temps (min)
Figure 3 – Décalage temporel entre le glucose plasmatique et le glucose interstitiel lors
d’études de clamps en période d’hypoglycémie prolongée (22).
Dix témoins non-diabétiques évalués sous clamps euglycémique (5 mM) et hypoglycémique
(4,2 et 3,1 mM), avec analyse du glucose interstitiel par 2 CGMS vs glycémie plasmatique (cal
= calibration du capteur).
ment déterminant de l’efficacité
du système (> 80 % du temps).
Identifier les bénéfices
à long terme
Au-delà des résultats bruts apportés par l’ensemble des études
cliniques, il convient d’identifier
clairement avant la décision de
débuter une MGC chez un patient,
le bénéfice que l’on espère obtenir.
Schématiquement, quatre élé-
ments peuvent être individualisés
et sont même complémentaires :
• l’amélioration de l’équilibre glycémique ;
• la réduction des épisodes d’hypoglycémies, notamment d’hypoglycémies sévères ;
• la réduction de la peur des hypoglycémies, élément bien souvent
ignoré ou du moins négligé par les
professionnels de santé ;
• l’amélioration de la qualité de vie.
Tableau 2 - Variations des concentrations de glucose dans le tissu interstitiel du SNC, du muscle
et du tissu adipeux au cours des phases d’hyper- et d’hypoglycémies. Expérience réalisée sur une série
de 9 cochons, avec mesure du glucose interstitiel par microdialyse (d’après Nielsen JK, 2005) (23).
SNC
Muscle
Tissu adipeux
46,9 ± 9,8
56,6 ± 16,9
56,2 ± 10,0
85,0 ± 12,8 *
97,8 ± 25,2 *
84,0 ± 14,4 *
20 g glucose
88,6 ± 9,3 *
100,7 ± 20,1 *
115,1 ± 15,2 *
50 g glucose
123,0 ± 11,3 *§
206,0 ± 54,0 *
238,0 ± 20,2 *
Valeur initiale (mg/dl)
Hyperglycémie
10 g glucose
Hypoglycémie
10 IU insuline
36,4 ± 8,3
38,3 ± 11,9 *
37,0 ± 11,0
30 IU insuline
30,0 ± 7,0
30,5 ± 8,3 *
29,9 ± 4,5
50 IU insuline
32,5 ± 2,5
34,0 ± 2,8
33,3 ± 4,6
Données exprimées en moy. ± DS
* p < 0.05 vs valeur initiale
§ p < 0.01 SNC vs tissu adipeux
86
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
La mesure du glucose en continu
Ces éléments positifs ne doivent
pas faire oublier que, pour certains
patients, la MCG est au contraire
synonyme de contraintes, difficultés d’interprétation des résultats, altération de la qualité de vie
(alarmes fréquentes, système encombrant, etc.) et problématique
dans la prise en charge financière
(Tab. 3) (30). Il est indispensable
d’anticiper la question de l’observance au port du capteur pour ne
pas méconnaître d’éventuelles
difficultés dans l’utilisation du
système sur le long terme, comme
l’étude EVADIAC l’a récemment
mis en évidence avec 23 % des
patients qui ne souhaitaient pas
poursuivre l’utilisation de la MCG
après une phase probatoire de
10 jours rendue obligatoire par
le protocole d’étude (32). Il faut
également anticiper la réaction
du patient en termes d’adaptation de son insulinothérapie en
lui apportant certaines “recettes”
sur l’interprétation des résultats
(33).
Conclusion
La mesure du glucose en continu
est devenue aujourd’hui incontournable dans les approches
diagnostique et thérapeutique
du diabète. Les outils à notre
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
300
CNS
Muscle
SC adipose tissue
250
DOSSIER
L’impact de la MGC sur la réduction des épisodes hypoglycémiques, en tant qu’objectif primaire, est, de façon surprenante,
une préoccupation finalement
assez récente des investigateurs
(30). Il s’agit bien souvent d’un
cercle vicieux entre peur de l’hypoglycémie, inertie clinique (rejet
de l’insulinothérapie intensive),
dégradation de l’équilibre glycémique et de la qualité de vie, et, à
terme, risque de majoration des
complications dégénératives liées
au diabète (Fig. 5) (31).
Tissu adipeux
Muscle
200
Injection IV
de glucose
Glucose
interstitiel
mg/dl
150
Injection IV
de glucose
Injection IV
de glucose
100
SNC
50
Injection IV
d’insuline
0
00:00
Injection IV
d’insuline
02:00
04:00
Injection IV
d’insuline
06:00
Temps - heures
Figure 4 - Amplitude des variations de concentrations de glucose dans le tissu inter­
stitiel du muscle, du tissu adipeux et du SNC mesurées par microdialyse sur une série
de 9 cochons. Séries d’hyperglycémies et d’hypoglycémies après injection de doses
croissantes de glucose et d’insuline (23).
Les constantes de la variabilité glycémique
• Le MAGE rend NECESSAIRE l’adaptation des doses d’insuline
• le MODD rend DIFFICILE cette adaptation
Variabilité
glycémique
Rejet de
l’insulinothérapie
intensive
Peur de
l’hypoglycémie
Qualité de vie
HbA1c élevéé
Hypoglycémie
sévère
Complication
(morbidité/
mortalité)
Figure 5 – Les conséquences cliniques de la variabilité glycémique et de l’inertie
qui en découle (31).
disposition sont plus nombreux,
peut-être plus performants, mais
restent complexes dans l’analyse
que l’on peut en faire. En effet, la
pertinence clinique de la mesure
du glucose interstitiel nécessite à
terme de redéfinir les standards
utilisés pour l’ASG. Une éducation des patients est indispensable pour un bon usage de ces
techniques et une organisation
des cliniciens apparaît tout aussi
nécessaire pour affiner les modalités d’utilisation et d’interprétation des données. Ces techniques
sont essentiellement réservées à
des patients motivés, entraînés
à l’insulinothérapie intensive et
disposés à prendre en compte la
somme d’informations fournie
par les capteurs. A terme, couplée
à un système performant de perfusion de l’insuline, la mesure du
glucose en continu devrait per87
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
mettre d’aboutir à la “boucle fermée” ou “hybride” avec l’aide de
systèmes experts d’algorithmes
d’ajustement des doses d’insuline.
n
Tableau 3 – Contraintes vécues par le patient (série de 150 patients
diabétiques de type 1) lors de l’utilisation de la mesure du glucose
en continu sur le long terme en pratique clinique (hors protocole)
(30).
Cause d’arrêt
%
« N’a pas “fonctionné” à hauteur des attentes »
44 %
Problème d’adhésif, de tolérance cutanée
33 %
Trop encombrant
30 %
Alarmes trop bruyantes/trop fréquentes
30 %
Mots-clés : Mesure du glucose en
Trop difficile à utiliser
15 %
continu, Liquide interstitiel, Glycémie,
Coût *
93 %
Autosurveillance, Capteurs
* Seule cause pour 30 % des patients
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Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
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