Victor - Cliniques universitaires Saint-Luc

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n°
Vignette d’Information du Centre de Transplantation d’Organes
MAI
4
2014
Édito, un merveilleux cadeau
Chers lecteurs,
Le 3 décembre 1967, Christian Barnard effectuait la première greffe cardiaque en Afrique du Sud, rapidement
suivi par les équipes des Prs Shumway à Stanford et Cabrol à Paris. Les résultats plutôt décevants ont longtemps
confiné la transplantation cardiaque dans ces trois centres. La technique ne s’est réellement développée qu’après
la découverte de la ciclosporine, fin des années 70, permettant de prévenir le rejet.
A l’UCL, les recherches des Prs Ponlot et Chalant avaient abouti à une greffe de cœur sur un veau en 1967. Mais
c’est en 1981, lors de la transplantation d’un patient de Saint-Luc par le Pr Cabrol à Paris, que nous avons été
convaincus de devoir importer la greffe cardiaque aux Cliniques Saint-Luc. Les contacts se sont multipliés avec
l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Chirurgiens, cardiologues et intensivistes se sont formés, débouchant sur la première greffe cardiaque
à Saint-Luc le 18 mars 1985. A l’époque, il s’agissait d’une véritable aventure. Les receveurs étaient exclusivement des patients hospitalisés aux soins intensifs et nous ne pouvions compter que sur nos propres donneurs. Les délais d’attente demeuraient, heureusement,
plus courts. Les dysfonctions précoces de greffons étaient fréquentes ; les mécanismes de la dysfonction primaire du greffon ou de
la défaillance ventriculaire droite n’étaient pas encore connus. Les patients séjournaient facilement trois à quatre semaines aux soins
intensifs. Peu nombreux, nous étions souvent présents au chevet des patients, même si nous n’étions pas de garde. Il y avait un manque
d’infrastructure pour les patients greffés.
Aujourd’hui, entre quinze et vingt patients par an bénéficient d’une transplantation cardiaque à Saint-Luc. Beaucoup de choses ont évolué. Certaines dans le bon sens : la mortalité a diminué ; les traitements immunosuppresseurs permettent de mieux maîtriser le rejet ;
mieux connues, les complications sont aussi mieux traitées ; pluridisciplinaire, l’équipe s’est étoffée et comprend des infirmiers-coordinateurs, des cardiologues, des chirurgiens, des intensivistes, des infirmières ressources en insuffisance cardiaque, des assistantes
sociales ou encore des psychologues. D’autres choses ont changé dans le mauvais sens : de plus en plus de patients sont référés en vue
d’une greffe, le nombre de patients en liste d’attente a augmenté, tout comme les temps d’attente. Le délai d’attente moyen pour une
greffe cardiaque en Belgique est actuellement de 18 mois… Ceci souligne encore une fois toute l’importance de la promotion du don
d’organes, afin qu’un maximum de patients bénéficient de ce merveilleux cadeau.
Pr émérite Martin Goenen
Ancien chef du Service des soins intensifs
Un passage vers la transplantation
En attendant la transplantation ou à défaut de cette
dernière, l’assistance cardiaque apparaît comme la
dernière chance pour certains patients, aussi bien pour
le court que le long terme. Le Pr Luc Jacquet, chef du
Service de pathologies cardiovasculaires intensives,
explique les tenants et les aboutissants de l’assistance.
A QUI EST DESTINÉE L’ASSISTANCE CARDIAQUE ?
Elle est destinée aux patients souffrant d’une insuffisance cardiaque
très avancée. Il existe deux profils principaux. Le premier concerne
les personnes en attente d’une transplantation ; c’est le cas le
plus fréquent pour les assistances à long terme. Le second vise
les patients hospitalisés suite à un infarctus du myocarde ou à une
infection du muscle cardiaque (myocardite par exemple). Comme
une grande partie de leur cœur est détruite, on remplace la fonction
cardiaque mécaniquement, soit à court terme, soit à long terme.
Le sang est oxygéné dans un oxygénateur
externe puis renvoyé dans le cœur via
une deuxième canule placée dans l’artère
fémorale du côté opposé et puis de là, diffusé
dans tout l’organisme. Le patient reste connecté au circuit jusqu’à ce que son
cœur ait récupéré ou qu’une solution alternative soit possible
(assistance à long terme ou transplantation). Une vingtaine de
patients sont traités annuellement de cette façon dans notre
hôpital.
COMMENT PROCÈDE-T-ON ?
L’assistance cardiaque à court terme concerne les patients hospitalisés suite à une insuffisance cardiaque aiguë pour lesquels
on espère une récupération rapide de la fonction cardiaque.
Concrètement, nous employons une pompe à centrifugation extérieure qui va chercher le sang dans la cavité droite du cœur via
une canule insérée dans la veine fémorale.
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Poumon
POUR LES PATIENTS TRANSPLANTABLES, L’ASSISTANCE POURRAIT-ELLE DEVENIR
UN JOUR UNE ALTERNATIVE À LA TRANSPLANTATION ?
Oui, plusieurs recherches visent à améliorer les techniques et
ce, en vue d’arriver à des résultats aussi bons que la transplantation.
Pancréas
Rein
SELON VOUS, L’ASSISTANCE EST-ELLE UN PASSAGE VERS LA TRANSPLANTATION OU
UNE ALTERNATIVE À CETTE DERNIÈRE ?
Pour le moment, l’assistance est clairement un passage vers
la transplantation. Chez le patient transplantable, la greffe est
indétrônable. Cela dit, pour les patients ne rassemblant pas les
critères pour être transplantés (un âge trop élevé par exemple),
elle peut aussi être envisagée comme une véritable alternative.
Foie
Coeur
Ce serait une manière de contourner la pénurie des organes. Les
Les critères spécifiques du donneur
cardiaque
études explorent
trois voies :
QU’EN EST-IL DE L’ASSISTANCE AU LONG TERME ?
C’est plus complexe car cela nécessite une intervention chirurgicale à thorax ouvert. Les chirurgiens connectent une pompe à la
pointe du ventricule gauche pour drainer le sang et le renvoyer
dans l’aorte ascendante. La pompe est elle-même connectée
vers l’extérieur via un câble percutané, de manière à rendre accessibles les informations liées au fonctionnement de l’appareil
et à transmettre l’énergie nécessaire. Il s’agit d’une intervention
particulièrement lourde qui s’adresse surtout aux patients en
attente d’une transplantation et dont on estime qu’ils pourraient
ne pas survivre jusqu’à la greffe.
1. au niveau du matériel : le but est de rendre l’intervention
moins lourde et moins invasive, soit en élaborant des machines
plus petites et plus faciles à implanter, soit en concevant d’autres
techniques.
2. au niveau du câble percutané : cause d’infections liées au
passage cutané, il reste un problème. Les chercheurs se penchent
sur des alternatives transcutanées par induction électrique.
3. au niveau de la biocompatibilité : pour éviter la formation
de caillot dans les pompes constituées de matériel principalement
étranger, les patients doivent prendre des anticoagulants, ce qui
risque aussi de provoquer des saignements. Ces deux risques
sont toujours en balance et il serait bienvenu de pouvoir les éviter.
DES CHIFFRES INQUIÉTANTS…
Dans le monde, près de quatre mille transplantations cardiaques sont réalisées tous
les ans ; or, le nombre de personnes qui en auraient besoin oscille entre 6.000 et 8.000.
Aux USA, sans tenir compte des critères de limite d’âge et autres, on considère que
10 millions de personnes se trouveraient en état d’insuffisance cardiaque et nécessiteraient dès lors d’être transplantées ou assistées.
Les critères spécifiques du donneur cardiaque
Pour que la transplantation cardiaque puisse fonctionner, il est nécessaire que le donneur respecte plusieurs
critères spécifiques. Le Pr Olivier Gurné, du Service de
pathologie cardiovasculaire, nous parle de ces critères
de sécurité qui, s’ils ne sont pas remplis, peuvent faire
annuler la transplantation.
¬­
­La localisation : comme le délai entre le prélèvement et la
transplantation ne peut excéder quatre heures, Eurotransplant
référencera prioritairement des centres hospitaliers à proximité
géographique. Comme la Belgique est un pays relativement petit,
cinq des sept centres belges se sont regroupés pour former un
centre unique, avec la même liste d’attente afin de pouvoir bénéficier de cette priorité locale.
¬­Le groupe sanguin
­
¬­
­La compatibilité immunologique : dans le cas où le receveur
aurait déjà été immunisé suite à une opération ou encore une
transfusion.
DES CRITÈRES POUR LE RECEVEUR ÉGALEMENT
Le receveur doit également remplir des critères spécifiques pour être inscrit sur la
liste d’attente. « Si le nombre de cœurs à disposition reste relativement constant, la
liste de personnes en attente de transplantation ne cesse d’augmenter, insiste le Pr Gurné. Dès lors, il convient de faire le meilleur usage possible de l’organe que l’on reçoit. »
Aussi, chaque inscription de patient à la liste d’attente constitue une décision difficile.
« Chaque cas est discuté lors de réunions pluridisciplinaires rassemblant des médecins, des
assistants sociaux, des psychiatres, des infirmiers, etc. De cette manière, nous nous partageons la responsabilité – morale notamment – d’une telle décision. » L’équipe tiendra
compte de critères objectifs (critères vitaux, limite d’âge, surcharge pondérale, hygiène
de vie, etc.) mais également subjectifs. « Nous devons considérer l’aspect psychologique
du receveur; la transplantation peut s’avérer être une véritable épreuve tant pour le patient
que pour sa famille. » Autre élément à estimer, le comportement du patient par rapport à
son traitement : « Va-t-il le suivre correctement, se rendre régulièrement aux consultations
et avoir une bonne hygiène de vie? Pour toutes ces raisons, la décision finale sera prise en
équipe multidisciplinaire », conclut le Pr Gurné.
¬­
­L’âge: plus le donneur est âgé, plus les risques cardiovasculaires, d’hypertension, de diabète, etc. seront élevés.
¬­
­La qualité de l’organe : pour déterminer la qualité d’un cœur,
les médecins se basent sur les résultats d’échographies cardiaques ou de l’électrocardiogramme. Au besoin, une coronarographie sera réalisée afin de vérifier l’état des coronaires. Autre
point à prendre compte : si une trop grande quantité de médicaments intraveineux stimulant le cœur est nécessaire pour que le
cœur fonctionne normalement, cela signifie que l’organe est déjà
en souffrance et ne pourra dès lors faire l’objet d’une transplantation.
¬­
­L’environnement du cœur : il y a des précautions à prendre afin
de préserver l’organe des donneurs en état de mort cérébrale. Par
exemple, après la mort cérébrale, le taux de sodium dans le corps
du patient a parfois tendance à augmenter, ce qui pourrait endommager le cœur.
« Si ces critères de contrôle ne sont pas remplis, ils peuvent annuler
la transplantation et ce, à n’importe quel moment du déroulement »,
explique le Pr Gurné.
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Cœur : la préservation de l’organe
VERS D’AUTRES MODES DE PRÉSERVATION
Il existe d’autres modes de préservation du cœur par perfusion.
Deux possibilités sont testées :
Perfusion en normothérapie (37°) : entre le prélèvement
et la transplantation, le cœur est placé dans une machine stérile dans laquelle il est perfusé avec le propre sang du donneur.
« Cette technique est impressionnante car le cœur continue à battre
dans la machine. L’avantage est de pouvoir évaluer la fonction du
cœur. D’un autre côté, les inconvénients résident dans le fait de
devoir prélever du sang du donneur afin de perfuser le greffon. En
outre, cette technique présente un coût important. »
•
Perfusion en hypothermie : également dans une machine
stérile, le cœur est perfusé à froid avec une solution de préservation classique.
•
Lors du processus de transplantation, le cœur souffre
particulièrement de l’ischémie, période durant laquelle
l’organe est privé de flux sanguin. Afin de le préserver
au maximum, différentes techniques ont été élaborées.
Le Dr Olivier Van Caenegem, du Service de pathologies
cardiovasculaires intensives, nous parle de ces techniques et des recherches en cours destinées à améliorer la préservation des organes.
Le cœur est l’organe qui supporte le moins bien l’ischémie.
Aussi, le laps de temps entre le prélèvement et la greffe ne peut
excéder quatre heures, au risque de voir le greffon se détériorer
irrémédiablement. Pour éviter cela, les soignants emploient une
solution de préservation. « Juste avant le prélèvement, l’organe est
perfusé avec ce liquide. Ensuite, l’organe prélevé sera placé dans
un container contenant une solution de préservation et ce, jusqu’à
la transplantation, explique le Dr Van Caenegem. Actuellement, il
s’agit de la méthode classique de préservation. »
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Les laboratoires de cardiologie et de chirurgie expérimentale
de l’UCL étudient plus particulièrement les perfusions en hypothermie. « Nous sommes en train de terminer une étude de faisabilité de cette technique dans des conditions extrêmes : donneur
de moins bonne qualité, ischémie plus longue, donneur après arrêt
cardiaque, etc. Nous mettons également en évidence les avantages et les inconvénients de la méthode. » Les résultats de cette
recherche ont été publiés à l’ESOT (European Society for Organ
Transplantation) en septembre 2013.
D’autres recherches s’interrogent sur les possibilités de rallonger le temps de l’ischémie, d’accepter des greffons refusés
actuellement ou encore de rendre plus efficaces les solutions
de conservation. Le but reste le même : augmenter le nombre
de greffes cardiaques et par conséquent, sauver plus de vies.
« En matière de préservation, le cœur est à la traîne par rapport
aux autres organes ; mais cela se développe progressivement », se
réjouit le Dr Olivier Van Caenegem.
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Résultats en post-transplantation cardiaque
Depuis quelques années, les résultats en posttransplantation cardiaque sont en évolution. Le Pr Alain
Poncelet, du Service de chirurgie cardiovasculaire et
thoracique, nous en parle.
QUE PEUT-ON DIRE DES RÉSULTATS EN POST-TRANSPLANTATION CARDIAQUE ?
Ils sont globalement bons. Tous patients confondus, la survie au
terme de la première année est de 85 à 87% et il y a 10 % de
décès hospitaliers. Par rapport aux années 90, nous avons gagné
5 à 6% de survie. C’est un gain important.
COMMENT EXPLIQUER CETTE AUGMENTATION DE LA SURVIE ?
Il y a plusieurs raisons : en postopératoire immédiat, l’amélioration des techniques chirurgicales ; la limitation de la zone de
prélèvement à la Belgique qui diminue le temps d’ischémie du
greffon ; l’amélioration de la prévention des infections opportunistiques durant les premiers mois de la greffe ; et le recours à
l’assistance cardiaque temporaire. Cette dernière intervient pour
les patients dont le greffon ne fonctionne pas suffisamment et
les aide à passer un cap difficile.
QUELLES SONT LES COMPLICATIONS AUXQUELLES IL FAUT ENCORE FAIRE FACE ?
En postopératoire, les saignements nécessitent parfois une
nouvelle intervention. Dans certains cas, la transplantation cardiaque peut être suivie d’une insuffisance rénale (nécessitant
une dialyse temporaire). Endéans les premières semaines, on
redoute la survenue d’infections bactériennes ou virales. Par ailleurs, le rejet reste une complication tout au long du suivi, avec
un risque maximal lors des six premiers mois.
QUELLES SONT LES PERSPECTIVES EN MATIÈRE DE TRANSPLANTATION CARDIAQUE ?
Les perspectives majeures sont d’une part l’optimalisation des
médicaments par rapport au patient greffé. Actuellement, tous
les médicaments anti-rejets que nous employons comportent
des effets secondaires. La recherche de « biomarqueurs » du
rejet nous aidera à individualiser au maximum le traitement.
D’autre part, l’amélioration de la préservation de l’organe pourrait autoriser une allocation encore plus personnalisée d’un
point de vue immunologique.
Supervision : Thomas De Nayer
Comité de rédaction : Denis Dufrane, Olivier Van Caenegem, Dominique Van Deynse et Sylvain Bayet
Rédaction : Sylvain Bayet, Service communication des Cliniques universitaires Saint-Luc
Maquette/Mise en page : Centre audiovisuel des Cliniques universitaires Saint-Luc – Rudy Lechantre
Photographe : Centre audiovisuel des Cliniques universitaires Saint-Luc – Hugues Depasse
Editeur responsable : Jan Lerut
Parution : Mai 2014
Centre de transplantation de l’UCL / Service communication des Cliniques universitaires Saint-Luc et du CHU Mont-Godinne
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