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Alexander von Zemlinsky
La symphonie lyrique opus18, le chant d’amour fantasmé du malaimé
Introduction
« Alexander von Zemlinsky est celui à qui je dois presque toutes mes
connaissances de la technique et des problèmes compositionnels. J’ai
toujours cru fermement qu’il était un grand compositeur, et je le crois
toujours aussi fermement. Son temps viendra peut-être plus tôt qu’on ne
le pense. Pour moi, une chose, cependant, ne fait pas de doute : je ne
connais aucun compositeur postwagnérien qui a pu satisfaire avec
autant de noblesse aux exigences du théâtre. Ses idées, sa forme, sa
sonorité ainsi que chaque tournure viennent directement de l’action, de
la scène et de la voix du chanteur, avec une netteté et une précision de
la plus haute qualité ». (Schoenberg en 1949)
Et pourtant ce temps n’est toujours pas venu, du moins en France.
Et quand Alexandre Zemlinsky meurt anonymement en 1942 dans les
environs de New York, nul ne s’en émeut vraiment, et n’y prête attention.
Un anonyme rejoint la terre, lui qui n’osait pas regarder les étoiles.
Personne d’important ne semblait être disparu. Un pauvre, un étranger,
un émigré, un pauvre bougre sans plus. Et le monde de la musique
passa pour profits et pertes celui qui fut l’un des plus grands chefs
d’orchestre de son temps, le meilleur professeur de composition
(Schoenberg et d’autres furent ses élèves), un compositeur original et
puissant. Non personne n’était mort ce jour-là. Un entrefilet dans un
journal, le New York Times, et chacun vaqua à ses angoisses ou ses
joies en ces temps de guerre. Certes en Europe son nom était maudit
comme tous ceux de « la musique dégénérée » et sa musique interdite,
mais plus tard elle ne sera même pas jouée après l’anéantissement du
fascisme nazie après 1945. Zemlinsky rejoignait la fosse de l’oubli, avec
cet échec qui lui collait à la peau.
Pourtant à Vienne, à Prague, à Berlin, il avait été durant les années
1900-1930 plus que célèbre. Ses très proches amis Gustav Mahler et
Arnold Schoenberg l’admiraient. Et sans lui Schoenberg n’aurait sans
doute jamais été compositeur, tant lui l’autodidacte doit tout à son maître
Zemlinsky. Dissous dans le souvenir, lui qui voulait tant se cacher de
tous les miroirs du monde, de tous les visages des femmes, tant il se
croyait être d’une horrible laideur.
Plus que cette effarante timidité physique, il y avait chez Zemlinsky une
résignation à l’insignifiance, à l’effacement, un vœu d’oubli, une
fascination de l’effacement.
Il se savait grand compositeur, mais il se croyait à jamais exclu de
l’amour des femmes. Dans son opéra Le Nain (l’anniversaire de l’infante)
c’est lui qui se découvre dans le miroir tendu par la perverse infante
lasse de son jouet vivant, de sa triste figure qui ne l’amuse plus et qui en
meurt. Se sachant irrémédiablement laid, comme son personnage qui
meurt quand son image lui est enfin révélée, Zemlinsky semble mourir
doucement de l’amour impossible, de la beauté maudite donnée aux
autres et à lui refusée.
Zemlinsky semble s’être laissé maudire par « cette disgrâce » et s’être
assommé de travail, de dévouement aux autres (il donnera beaucoup de
créations de ses collègues). Mais depuis le refus dédaigneux d’Alma
Schindler (plus tard Alma Mahler) ses ressorts intérieurs étaient cassés,
et ses élans rouillés. Terrassé par un manque ontologique de confiance
en lui-même en lui-même, Zemlinsky emporte ses passions sur son dos
nu et son deuil éternel de se jeunesse, de cette beauté à lui à jamais
refusé. Comme il ne pouvait se savoir aimer il restera cet étranger qui
passe et se construit sa musique dans sa tête. Mais il ne lui cherche
point à s ‘anéantir mais à se reconstruire, à s’accomplir intérieurement et
tisser encore et toujours les éclats de sa musique.
Il est resté en friche des amours et quand par admiration une femme lui
souriait il ne pouvait croire qu’à des hivers qui tremblent et des
perversités disjointes sous les années qui se groupent contre lui.
Alors tout cassé, avec le poison de son intelligence qui corrode son
existence, il ne sait toucher que la chair de la musique dans l’harmonie
finale de notes torturées.
Doublement rejeté par l’histoire de la musique et par sa propre histoire, il
terminera dans la pauvreté et l’indifférence du monde, lui le professeur
sans égard, le compositeur fécond et il faudra attendre la fin des années
1970 pour le réenregistrer et un peu le redécouvrir. Il reste encore fort à
faire, mais la Symphonie Lyrique, son œuvre la plus passionnée peut y
contribuer amplement. Car si elle est le miroir où il se contemple, il en
sort transfiguré, apaisé, reconstruit.
L’homme et sa vie
Alexander von Zemlinsky est né à Vienne le 4 octobre 1871. Sa famille
est représentative du métissage viennois : Son père est un authentique
Viennois issu d'une bonne famille catholique d'origine slovaque mais sa
mère elle vient d'une famille bosniaque issue d'un mariage judéomusulman. Par amour pour sa mère, le père de Zemlinsky s'était
converti au judaïsme. Zemlinsky aura donc une étoile jaune dans l’âme.
Il a vécu dans le quartier de Leopoldstadt, à forte population juive et sera
élevé dans la tradition juive séfarade, lui l’homme d’Europe Centrale !
Cette époque à Vienne, est celle du basculement du monde austrohongrois, des arts et des vies qui se mettait en marche avec les
prémices de la première guerre mondiale en sourdine au milieu du son
des valses.
Il aura grandi dans cette époque effervescente où le monde nouveau
semblait se créer à Vienne dans la plupart des arts et des sciences
(Sécession, opéra, musique, architecture, psychanalyse et surtout
littérature). Dans ce lieu unique, mais en fait étroit, les plaques
tectoniques du conservatisme et de l’innovation se heurtent et de
nouvelles terres émergent. On se bat, on s’insulte, on intrigue pour être
dominant. Et Zemlinsky le tendre n’est pas fait pour ces combats.
Mais si grand sont ses dons qu’il devient vite enfant prodige et à 13 ans
il est déjà inscrit dans une grande école de musique. Après le
conservatoire de Vienne (études brillantes de piano, de contrepoint et de
composition), il reçoit lui en 1897 le prestigieux prix Beethoven que
Mahler en 1881 s’était vu refusé pour le Chant Plaintif. Il s’agissait de sa
symphonie écrite à 26 ans. Car Zemlinsky n’effrayait pas le grand
Brahms qui estimait ses premières œuvres.
Sa carrière de chef d’orchestre est lancée, pas celle lui permettant de
vivre de sa musique : Carl-Theatrer de Vienne en 1899 à 1903 où on le
contraint à ne jouer que des opérettes. Il a cette phrase : Tout serait
merveilleux ici-bas s’il n’y avait point d’opérettes. De 1903 à 1907 il
dirige le Théâtre populaire de Vienne, et enfin sur invitation de Mahler en
1907, il devient premier chef d’orchestre de l’opéra de cour de Vienne.
Entre-temps Il dirige bénévolement des ensembles amateurs, et dans un
de ceux-ci, l’ensemble Polyhymnia fondé en 1895, où il fait la
connaissance d’un pitoyable violoncelliste, mais habité d’un feu
intérieur : Arnold Schoenberg. Il le prend comme élève dès 1895 et lui
apprend tout. Schoenberg tombe amoureux de la sœur de Zemlinsky,
Mathilde, et l’épouse en 1901 resserrant encore plus les liens quasiment
filiaux entre Zemlinsky et lui.
Pour Zemlinsky les histoires d’amour tournent plutôt au drame. En
février 1900 il rencontre parmi ses élèves la très belle et très rayonnante
du haut de ses 21 ans, Alma Schindler. Zemlinsky en tombe éperdument
amoureux ( je vous veux avec tous les atomes de mes sentiments !) et
Alma troublée par l’image du père qu’il représente, par le compositeur
virtuose, et par son « charisme érotique » que semblait dégager sa
laideur, semble lui rendre son amour et une amitié passionnée les réunit.
Elle l’extravertie, et lui l’introverti qui détestait les vanités mondaines
qu’elle incarnait. On ne sait jusqu’où est allée leur liaison. On en vient à
parler de fiançailles. A l’automne 1900 tout semblait possible, mais
Mahler apparaît, directeur de l'Opéra, dominateur, et il épouse Alma dès
1902.
Zemlinsky est anéanti par cela. Il est persuadé que c’est que sa laideur
physique qui a fait fuir Alma, il ne s’en remettra jamais, et son identité
sera brisée. D’ailleurs Alma, fort délicate, va le décrire ainsi : un affreux
gnome, un nabot sans menton et sans dents, les yeux protubérants.
Il faut savoir cela pour comprendre son œuvre, la Symphonie lyrique,
véritable catharsis de cette épreuve, et quête de l'identité, de
l’accomplissement à recréer.
Il faut aussi noter sa conversion au protestantisme en 1899 et son
mariage en 1907 avec Ida Guttmann.
La démission forcée de Mahler en 1907 l’accable et il part à Weimar dès
1908, mais revient à l’Opéra populaire de Vienne. Mais l’antisémitisme
délirant et l’étroitesse d’esprit qui montait, lui font fuir sa chère ville
natale. Et c’est la glorieuse et longue époque de Prague au théâtre
allemand, qui déjà avait su consoler et accueillir Mozart et Mahler. De
1911 à 1927 ce sera son âge d’or, aussi bien en tant que chef
d’orchestre où il ose créer les œuvres nouvelles (Erwartung de
Schoenberg, Bartók, Berg, Webern, Janacek, entre autres), diriger
magnifiquement Mozart et Wagner, et composer intensément.
Ses chef-d’œuvre datent de ce temps heureux : Une tragédie florentine
(1917), Le Nain (1922), ses quatuors à cordes 2, 3,4, des cycles de
lieder, et surtout cette Symphonie lyrique op 18.
Puis, isolé, se sentant un peu oublié par Vienne malgré l’hommage
d’Alban Berg, et un peu perdu dans la multitude des courants musicaux
de ces années vingt (dodécaphonisme, néoclassicisme, nouvelle
objectivité, réalisme socialisant…), il commet la grande erreur d’aller
s’installer à Berlin en 1927, sous la terrible férule d’Otto Klemperer à
l’opéra Krolll lieu des nouvelles innovations qu’il ne peut comprendre. Et
puis Klemperer n’est pas un exemple de générosité mais d’ambition
dévorante. Sa femme Ida meurt de maladie en 1929 et moins d’un an
plus tard il se remarie avec une chanteuse Louise Sachsel, déjà aimée
et rencontrée dès 1915 à Prague.
Rabaissé au rang de subalterne, et devient professeur à l’Académie de
musique en 1931. Il voit la montée du nazisme qui lui interdit toute
profession.
Et le 27 septembre 1933 il retourne… à Vienne, sa ville tant aimée, avec
Louise. Mauvais choix, malgré le temps laissé libre à la composition,
mais en 1938 l’annexion de l’Autriche par l’autrichien Hitler est réalisée.
Il a du moins, comme Alma Mahler, le temps de fuir à l’automne 1938, le
10 septembre, aux États-Unis, presque sans bagages. Là il végète, ne
trouve pas de travail gratifiant ni la moindre reconnaissance ou
commande.
Il est un homme brisé et compose très peu.
Autant oublié que sa musique il sombre dans la pauvreté et après
plusieurs attaques, il meurt le 15 mars 1942 dans son humble maison à
Larchmont, près de New York en 1942, ignoré, anonyme.
« Je ne voudrais pas être enterré en terre étrangère, ici loin de Vienne ».
Ce fut pourtant le cas.
Lui aussi sera basculé par l’histoire et brisé par le bon ton des modes. Il
est l’image de la défaite en musique. Ses idoles Gustav Mahler, Franz
Schreker, Richard Strauss, Arnold Schoenberg, Alban Berg… il les
servait avec amour.
Certains le lui rendaient (Mahler, Schoenberg) la plupart des autres ne
se servaient que de lui qu’en tant que chef d’orchestre, et lui allait sans
mots dans sa nuit en dérive et sans amour, et ses églises de sons
sonnaient vides et tissaient sa solitude. L’autodestruction était une de
ses vertus cardinales. Et puis le couperet de l’histoire s’abat souvent sur
les tièdes, sur les faibles, ou sur ceux qui restent au milieu du gué et
refusent les modes dominantes.
Le compositeur et sa musique
L’ombre des grands comme Brahms ou Richard Strauss, ou des
« frères » en musique comme Mahler ou Schoenberg planent sur sa
musique. Et il mena même une sorte de compagnonnage avec son élève
et disciple Schoenberg, faisant des œuvres parallèles (mise en musique
des poèmes de Richard Dehmel) et des soutiens constants :, conseils
essentiels, corrections, initiation au chromatisme, cours sur l’évolution du
langage musical et les soubassements du monde tonal…).
Mais lui reste tatoué de la marque infamante de « romantique tardif »
alors que la gloire de Mahler explose maintenant et celle de Schoenberg
s’estompe.
Non Zemlinsky n’est pas le maillon faible de cette histoire de la musique
autour des révolutions des années 1920, il en est le témoin, et sa voix
est singulière, originale quand tant d’œuvres d’avant-garde se sont
perdues.
Zemlinsky semble être le stigmatisé, le crucifié dans le pressoir
impitoyable de l’histoire, pris entre les ombres voraces de Mahler et
celles de Berg et de Schoenberg.
Tous ces amis les plus intimes, et qui le défendirent becs et ongles,
contre son propre destin ne purent rien contre l’oubli : celui de
l’interdiction nazie, puis plus curieusement celui d’après 1945, sa
musique quoique qualifiée de dégénérée n’était pas celle d’une victime
de la Shoah. Il avait survécu, était mort de mort naturelle lui. Drossé par
les mers contraires de Wagner et de Brahms, il va se trouver à la croisée
des chemins, sans pouvoir choisir, et la mer se retira sous ses pieds.
Il ne voulait, il ne pouvait point prendre ces nouvelles routes de la
musique atonale, athématique puis sérielle. Pourtant il en fut le meilleur,
et de loin, interprète en tant que génial chef d’orchestre entièrement
dévoué à la musique des autres, en particulier de celle de son beau-frère
Schoenberg pour qui il créa fondation, association, concert de
bienfaisance, aides substantielles et plus encore. Ce fut lui le créateur
d’Erwartung en 1924 à Prague et sans doute le précurseur de cette
fameuse « deuxième école de Vienne » ! Créateur aussi de la Salomé
de Strauss et d’Ariane et Barbe-bleue de Dukas.
Il savait tous les méandres, toutes les clés initiatiques des « initiés » de
la seconde école de Vienne. Mais croyant, non pratiquant, il refusa
d’entrer dans cette religion rigoriste et contraire à ses effusions lyriques.
Il avait dans son second quatuor poussait fort loin les bornes frontières
de la tonalité, les houles chromatiques, mais l’inconnu qui s’ouvrait sous
ses pieds le firent reculer. Lui le plus grand professeur de composition
de Vienne (Korngold, Schoenberg, Berg… comme élèves ce n’est pas
rien !), ne pouvait faire s ‘écrouler sous lui le temple tant adoré et tant
servi.
Il est donc toujours oublié. Dans les pays européens sous la botte nazie,
ses œuvres étaient interdites, et la presse ignora sa disparition en pleine
guerre. Ce compositeur et chef d'orchestre, qui connut durant les années
1900-1930 une très importante célébrité, était tout simplement tombé
dans l'oubli total. Et cet oubli dure encore.
Après 1945 se décrète « le progrès en musique » et donc le rejet absolu
de tout ce qui n’obéit pas aux techniques sérielles ou post-sérielles sur
tous les paramètres du son. Zemlinsky avec son langage tonal sera
balayé, comme d’autres, non pas maudit comme Sibelius mais
simplement oublié comme détail insignifiant de l’histoire en marche. Une
impasse sympathique, mais une impasse ! Pourtant il était allé aux
frontières ultimes de la tonalité et avait conscience que les fondements
du temple tonal s’effondraient.
Mahler admirait la technique extraordinaire du compositeur mais
critiquait le poids du passé : La musique de Zemlinsky est remplie de
réminiscences de tous genres. C’est cruel, mais vrai.
Pourtant la musique de Zemlinsky est étonnante. Elle est ample,
opulente, sensuelle souvent, raffinée. Une musique de serres exotiques
parfois capable d’élans violents et de douceurs capiteuses. Tous les
fantômes de Wagner, Brahms, Mahler, Schoenberg, Schreker, Richard
Strauss passent en courant.
Et de sa musique monte une intense force émotionnelle. Ce qu’il ne
dédie pas à l’innovation à tout prix, il le consacre à l’approfondissement
expressif. Ce n’est pas Moïse au seuil d’une terre promise interdite, car
tout le lait et le miel de cette terre se trouvent dans sa musique.
Vers la fin des années 1970 certains de ses étonnants opéras furent
remontés, et sa musique timidement rejouée. Il y a encore bien du
chemin à faire, car le purgatoire semble ne pas avoir de fin et les
malentendus toujours présents. On se demande toujours qui était donc
cet étrange Zemlinsky.
Et bien un grand bonhomme écartelé entre « un modernisme agressif et
un conservatisme rassurant », un compositeur aux mille facettes, donc
déconcertant, un homme dévoué aux autres créant les grandes œuvres
révolutionnaires de son temps, enfin le compositeur inspiré de la
Symphonie Lyrique. Tout cela fait un être attachant et à redécouvrir.
La symphonie lyrique
La Symphonie lyrique op. 18, écrite par Alexander von Zemlinsky en
1922, est l'œuvre la plus connue de son compositeur. La première eut
lieu le 4 juin 1924 à Prague, ville d’accueil et de reconnaissance de
Zemlinsky. La forme en est novatrice.
Il s'agit d'une suite symphonique en sept parties, pour baryton et
soprano, chacune débutant par une partie orchestrale, suivie d'un chant
basé sur un texte de Rainurant Tagore (1861-1941), immense poète
bengali. Ses poèmes avaient été traduits en allemand à partir du bengali
par Hans Effenberg et faisaient partie d’un cycle Le Jardinier dont
Zemlinsky reprend les séquences 5, 7,30, 29, 48, 51, 61. Il recrée donc
un déroulement dramatique personnel, évitant les poèmes d’amour
heureux et le dernier sur la mort. Encadré par deux chants
« philosophiques », le premier et le dernier, il s’agit d’un voyage vers la
séparation inéluctable, car la plénitude ne peut pas s’accomplir dans
l’amour, mais dans la plongée en soi-même. Pour montrer la boucle du
voyage le dernier chant reprend la plupart des thèmes du cycle. Tout est
accompli.
Bien sûr le rapprochement avec Le Chant de la Terre (1909 mais créé
en 1911) de Gustav Mahler qui avait tant frappé Zemlinsky est évident,
mais plus encore il faudrait se tourner vers les Gurrelieder (1913) de
Schoenberg pour trouver bien des ressemblances, des affinités
frappantes.
Alban Berg s'en inspira aussi dans sa Suite lyrique, pour mieux masquer
son amour interdit avec Hanna Fuchs. Mais ce qui est chant d’amour
sensuel chez Berg, adieu aux beautés du monde et dissolution dans
l’éternité chez Mahler, épopée tristanesque et défi à Dieu chez
Schoenberg, devient méfiance et fuite devant l’amour chez Zemlinsky.
Il semble avoir voulu répondre post mortem à Mahler et à son Chant de
la terre, qu’il connaissait par cœur suite à la création à Vienne par Bruno
Walter le 20 novembre 1911. Si au travers de l’alibi de poèmes orientaux
chaque compositeur exprime son sens du monde, les perspectives ont
forts différentes entre les œuvres. Mahler chante un chant d’adieu
imprégné de l’Amour profond de la vie toujours renaissante et aussi d’un
pessimisme aussi profond sur la vanité du monde, où Mahler fait œuvre
de recherche ardente de l’absolu et aussi de la résignation de cette folle
quête avec cette dissolution dans l’Éternité. Zemlinsky lui fantasme un
amour fou qui ne peut se résoudre que par la séparation douce et
acceptée, car toute proximité amoureuse semble blasphématoire. C’est
une quête de l’accomplissement personnel, et cette obsession en lui que
tout est mensonge dans les apparences, dans la beauté même, à lui à
jamais inaccessible.
Mahler est tragique, Zemlinsky est pathétique et poignant. L’ouvre de
Mahler est disjointe, fermée, celle de Zemlinsky est ouverte avec des
liens entre chaque chant : interludes, thèmes repris, allusions d’un chant
à l’autre, volonté de s’ancrer sur le schéma de la symphonie…
Zemlinsky a voulu non pas une musique de raréfaction, mais une
musique haute en couleurs, ardente, passionnée.
Il a écrit en 1924 (Pult und Taktstock, Podium et baguette) :
La cohésion interne des sept chants avec leurs préludes et interludes,
qui possèdent tous un seul et même ton foncier profondément grave et
passionné, doit parfaitement être mise en valeur avec une conception et
une exécution adéquates de l'œuvre. Le prélude et le premier chant
présente le sentiment fondamental de toute la symphonie. Toutes les
autres parties… doivent être imprégnées de la couleur du premier chant.
Ainsi par exemple, le second chant qui pourrait occuper la position d’un
scherzo… ne doit surtout pas être abordé comme quelque chose de gai,
léger, ou manquant de gravité ; encore moins le troisième chant - qui est
l’adagio de la symphonie - comme un chant d’amour languide et
complaisant… C’était ma volonté de choisir ainsi ces sept poèmes et de
les ordonner dans cette succession particulière qui leur donne leur
affinité intérieure ; c’est ainsi que se livre leur interprétation voulue sur
chacun d’entre eux, assemblés avec une sorte de traitement de
leitmotivs (motifs qui reviennent), de certains des thèmes, et cela bien
sûr exalte l’unité de l’œuvre, et c’est cette unité qui doit être au tout
premier rang de l’interprétation de tout chef d’orchestre.
On ne saurait mieux décrire cette symphonie. Donc juste quelques
touches complémentaires.
Il est étonnant que sur des poèmes si odorants de douceur et parfois de
caresses orientales, Zemlinsky traduise cela par une musique si
mouvante, si postwagnérienne.
Les poèmes de Rabindranath Tagore (1861-1941) étaient connus en
Occident depuis l’attribution de son prix Nobel de littérature. Leur
exotisme, leur sensualité fervente et douce fascinaient au début du
vingtième siècle autant les écrivains que les musiciens. Janacek qui le
rencontra en19921, et le mit en musique Le Fou errant a bien décrit l’état
d’esprit « Nous ne connaissions pas le sens de ses paroles, mais leur
mélodie nous racontait la douleur profonde de son âme »
Ainsi pour Zemlinsky qui à partir des traductions de l’anglais fait par
Hans Effenberger entra dans ce « jardin » si en résonance avec la
propre douleur de son âme. De plus la traduction allemande, plus rude,
moins souple que le bengali, donnait un caractère dramatique, avec une
autre notion du temps qui devient alors narratif, évolutif. ce sont sur ses
bases que Zemlinsky bâtit son œuvre en y projetant ses pensées
exaltées et désespérées sur l’amour. Schopenhauer est ici plus près que
Tagore. Zemlinsky ne met en exergue que l’histoire d’une passion qui
bien entendu, de part ses propres expériences, ne conduit qu’à la
séparation.
Son histoire avec Alma Schindler (Alma Mahler) est en filigrane. Éternel
fiancé de l’amour sans pouvoir l’accomplir, éternel vaincu qui se retire
pour l’autre, amoureux courtois, Zemlinsky est le musicien du
renoncement en amour et de sa transfiguration en dépassement vers
l’absolu.
Musique enfiévrée, débordante de pulsions avec des tendresses
inavouables car conduites à l’échec. La voix de l’homme est demande,
espoir crié, la voix de la femme est apaisement, douceur, résignation et
disparition. Cela pourrait être un dialogue, mais il n’en est rien. Ce qui
importe n’est pas l’amour décrit, ses péripéties, mais le profond désir de
lointain, d’accomplissement, de séparation. Aussi les voix suivent des
chemins qui ne pourront jamais se rejoindre.
Le premier chant et le dernier, tous deux chantés par le baryton, se
ressemblent et ne sont aucunement des chants d’amour mais
d’aspiration vers l’ailleurs : Point de repos ne trouve, j’ai tant soif de
choses lointaines, mon âme vagabonde vers la lointaine nostalgie, afin
d’effleurer la bordure du sombre monde. dit le premier auquel répond
ceci : Sois en paix, mon cœur, laisse le temps s’accomplir pour la
séparation pour qu’elle soit douce. Ne la laisse point être une mort, mais
un accomplissement. Laisse l’amour se fondre en souvenirs et les
douleurs en chants.
Le fait qu’il y ait des élans d’amour entre ces textes ne changent en rien
le sens profond ici révélé. D’ailleurs les paroles dites par les amants ne
se répondent pas. C’est non pas la réalité des baisers, des odeurs, de
l’amour, qui importe, mais le rêve que l’on se fait de l’amour.
Zemlinsky travailla longtemps sur cette œuvre et n’en vit le presque
achèvement que vers août 1923. Une grande partie du travail fut
l’agencement des poèmes pour l’impact dramatique souhaité. Et surtout
leur appartenance profonde au même projet. La musique, les ponts
nombreux entre les chants, la notion de cycle de lieder, les quelques
rares tonalités utilisées, le tissu harmonique, font de la Symphonie
Lyrique un tout indissociable.
Sept mouvements composent cet hymne si introspectif sur sa vie, et
chaque mouvement est très précisément indiqué par le compositeur pour
restituer son atmosphère particulière. L’œuvre fait environ 45 minutes.
1- Langsam- mit ernst-leidenschaftlichen Ausdruck (lentement avec une
expression sérieuse et passionnée)
- :Ich bin friedlos, ich bin durstig nach fernen Dingen (Point de repos ne
trouve, j’ai tant soif de choses lointaines)
2-Lebhaft (animé)
- O Mutter, der junge Prinz muß an unserer Türe vorbeikommen (Mère,
le jeune prince doit passer devant notre porte)
3- Sehr ruhig und mit innigen, ernsten AAusdruck –Adagio ((très calme
et avec une expression fervente et grave) Adagio :
Du bist die Abendwolke, die im Himmel meiner Traüme hinzieht (Tu es le
nuage du soir qui dans le ciel traîne de mes rêves.)
4- Langsam –schwebend, sehr ruhig ( lent - flottant, très calme):
Sprich zu mir Geliebter ! Sag mit Worten, was du sangsest (O mon
amour, parle-moi ! Redis-moi les mots que tu chantais.)
5- Feurig und kraftwoll ( fougueux et plein de force) :
Befrei mich von den Banden deiner Süße, Lieb ! (Libère-moi de tes
baisers des liens de ta douceur, amour !)
6- Sehr mässige Viertel (extrêmement modéré) - Andante :
Vollende denn das letzte Lied und laß uns auseinandergehn. (Finis donc
ta dernière chanson et laisse nous partir chacun de notre côté.)
7- Molto adagio :
Friede, mein Herz, laß die Zeit fûr das Scheiden süß sein. (Sois en paix,
mon cœur, laisse le temps s’accomplir pour la séparation pour qu’elle
soit douce.)
En alternance et jamais ensemble les personnages ( Le Prince et la
jeune fille) croient se parler mais s’ignorent, le baryton chante les parties
1,3,5,7 et la soprano les parties 2,4,6.
On peut ramener ces indications à celles d’une symphonie en 7
mouvements proche des découpages d’un Mahler :
1- Premier mouvement ; lent puis passionné
2 - Second mouvement scherzo
3- Troisième mouvement adagio
4- Quatrième mouvement adagio 2, musique de nuit
5- Cinquième mouvement rondo
6- Sixième mouvement Andante
7- Septième mouvement Final adagio conclusif
Premier chant : Climat dramatique, angoissant, avec une entrée
violente de l’orchestre et une grande envolée, et qui se tait presque pour
laisser la voix s’élever et dire sa soif d’infini sur les mots « ich bin
friedlos », sans repos. Il reprend son dramatisme sur l’appel à l’au-delà,
puis vient le sentiment d’être prisonnier de la terre.
la deuxième strophe est plus fuyante, moins dramatique, sauf pour
l’appel au grand inconnu. Et vient l’impuissance de la délivrance.
On est comme au début d’un opéra dramatique Et même l’appel de la
flûte se noie dans les mystères de l’infini.
Ce morceau est le pilier de l’œuvre presque en forme sonate, il est
l’appel vers la transcendance. Musicalement c’est le long lever de
rideau, commençant presque brutalement. Puis vient une sorte d’extase
sur les mots » », et puis tombe le rideau. Il s’ancre sur les strophes
initiales, puis se ramifie en deux autres thèmes mouvants et complexes.
Le thème principal sera celui qui va parcourir tout le cycle.
Second chant : Le changement est radical, annoncé par l’interlude
jouant le poignant appel de la flûte. C’est une sorte de chanson populaire
naïve, suivant une forme strophique qui décrit l’émoi d’une jeune fille. On
pense bien sûr au quatrième chant « De la Beauté » du Chant de la
Terre de Mahler. Il est découpé en quatre parties avec l’alternance entre
le thème principal, celui de l’attente passionnée du Prince, et du thème
secondaire, sorte d’adieu inavouable à peine murmuré. Moment de
grâce printanière dans cette œuvre sombre. Ce prince désiré ne viendra
jamais, et la musique est attente passionnée avec des élans de violons.
Puis vient la résignation et la musique oscille, hésite et le don de la jeune
fille est dissous « jeté sur le chemin ».
Les espoirs, les poussées de passion sont traduits par une musique
indécise, tournoyante jusqu’à sa résignation.
L’interlude prépare le chant d’amour suivant.
Troisième chant : Zemlinsky rejoint Tagore pour qui l’amour doit
dépasser le charnel, mais la projection vers la nostalgie des désirs. Cet
adagio est le cœur secret de l’œuvre. Il est composé de trois parties
s’éloignant de la tonalité de base, donc du monde incertain de l’amour.
Tout est raffinement extrême, dentelle sonore, évocation lointaine.
C’est le plus étonnant au niveau de l’orchestration, fort complexe,
magique. De notes en notes passent des sentiments fugitifs.
Un interlude permet le passage en fondu enchaîné au quatrième chant.
Long arioso d’amour se mêlant aux rêves. Tout est effleurement et
tendresse dans l’orchestre. Mais déjà perce l’idée d’une illusion malgré
la volonté de possession plusieurs fois affirmée. Un violon solo dans
l’aigu fait la transition avec le chant suivant.
Quatrième chant : Ce chant est le pivot du cycle. Il déborde de
tendresse, de caresses musicales. Du brillant du chant précédent on
passe à la fumée des sons. « Parle-moi mon amour » dit ce chant. C’est
un véritable arioso d’opéra, une prière amoureuse, un instant suspendu,
intériorisé, tendre et plus léger que l’amour lui-même.
Lentement monte une sorte d’extase amoureuse que le violon solo
accentue. Harpes caressantes comme le vent de la nuit, cette musique
est l’une des plus sensuelles et extatiques qui soient. Les cheveux se
dénouent, la musique aussi. Les mêmes vers finaux que ceux du début
reprennent cette musique de magie. Ultime nuit d’amour avant les
chemins différents.
Cinquième chant : Il est très contrasté, presque violent. L’homme veut
se libérer des sortilèges de l’amour, qui est ensevelissement des
libérations de l’âme, noyade dans le réel, faiblesse et naufrage de
l’homme pur « Libère moi des liens » dit le texte. Il est essentiellement
rythmique, véhément. Ce chant veut briser la prison de l’amour. On est
presque dans Erwartung, avec même du parlé chanté, des cris
expressionnistes, de l’atonalisme. La musique est scandée, heurtée,
presque criée. Il s’agit d’un acte de désenvoûtement que les timbales
accentuent.
Sixième chant :
Tout a été rompu et se prépare l’adieu. La musique devient presque
funèbre, en tout cas timide, résignée. La jeune fille semble un instant se
révolter contre la déchirure, puis tout s’efface.
Ce chant fait de l’amour une illusion, une représentation rêvée et
mensongère. « Finis donc ta chanson et laisse nous partir ». Les mains
ne peuvent se resserrer que sur du vide. La musique totalement
fluctuante, car tout glisse entre les doigts. L’amour et les notes aussi. Ce
chant d’adieu atteint des sommets d’expressivité. Le thème initial est
repris, car tout est bouclé. Une flûte s’éloigne et vient le dernier chant.
Septième chant : C’est la justification de l’œuvre, son final : la
séparation inéluctable douce et assumée. On s’aime donc on se quitte.
Ce n’est pas un adieu au monde, ni une tentation d’éternité, mais
Zemlinsky n’est pas Mahler, mille profondeurs les séparent. Lui cherche
une rédemption par la connaissance de lui-même, très freudienne.
« Que ceci ne soit pas une mort, mais un accomplissement ».
Ce cycle se termine apaisé, presque heureux. La musique se dissout
peu à peu, en reprenant les fils conducteurs des thèmes des autres
chants. C’est presque un adagio conclusif à la manière de Mahler.
La musique de Zemlinsky atteint des sommets de délicatesse, de
suggestions, et l’orchestration est d’une infinie complexité. Le silence
s’instille dans les notes, et la consolation, le murmure, presque sourdent
des notes conclusives. La dernière illumination de l’orchestre est pour
montrer le chemin de l’adieu.
L’épilogue orchestral ramasse tous les lambeaux de musique déjà
entendus et puis s’éteint après une dernière péroraison.
Tout est redevenu nuit, mais nuit apaisée.
Comme il existe des poèmes continus, voici l’exemple d’un poème
symphonique continu, où chaque interlude lie chaque chant. Cette
œuvre au-delà de sa cohérence, son homogénéité, est une œuvre
majeure, poignante, fondamentale.
Pour finir quelques hommages :
« Pour moi, une chose, cependant, ne fait pas de doute : je ne connais
aucun compositeur post-wagnérien qui a pu satisfaire avec autant de
noblesse aux exigences du théâtre. Ses idées, sa forme, sa sonorité
ainsi que chaque tournure viennent directement de l’action, de la scène
et de la voix du chanteur, avec une netteté et une précision de la plus
haute qualité » (Schoenberg 1949).
« Je serais contraint d’avouer n’avoir rien de plus qu’une idée des
beautés incommensurables que contient votre partition. Ceci ne peut en
aucun cas influencer mon amour pour celle-ci, car ce grand, grand
amour, je ne l’éprouve que pour très peu d’œuvres et je le ressens ici
parce que cette œuvre me touche très personnellement. Oui j’aimerais
vous dire que mon amour, datant de quelques décennies pour votre
musique a trouvé son accomplissement dans cette œuvre… » (Alban
Berg 1924) ;
« Il venait des profondeurs les plus intimes de la musique » Franz
Werfel.
« Musique : haleine des statues.
Peut-être :
Silence des images. Tu es parole là où les paroles
finissent. Toi temps
planté à la verticale de la direction des cœurs passants ». (Rilke)
Ainsi est souvent la musique de Zemlinsky.
Gil Pressnitzer
Œuvres principales
Œuvres orchestrales
Symphonie n°2 en si bémol majeur (1897)
Die Seejungfrau, fantaisie d'après Hans Christian Andersen (1902-03,)
Sinfonietta, op. 23 (1934)
Opéras
Es war einmal ... (Il était une fois...), en trois actes, livret de Maximilian
Singer d'après Holger Drachmann (1897–99, révisé en 1912, première à
Vienne en 1900 dirigée par Gustav Mahler)
Der Traumgörge, en deux actes, livret de Leo Feld (1904–06, première à
Nuremberg en 1980)
Kleider machen Leute, (les habits font l’homme) en trois actes, livret de
Leo Feld d'après Gottfried Keller (trois versions, 1908-1909/1910/1922)
Eine florentinische Tragödie (Une tragédie florentine), en un acte, op. 16,
livret d'Oscar Wilde et Max Meyerfeld (1915/16)
Der Zwerg, (Le nain) en un acte, op. 17, livret de Georg C. Klaren
d'après lœuuvre d'Oscar Wilde (1919–21)
Der Kreidekreis, (Le cercle de craie) en trois actes, op. 21, livret du
compositeur d'après Klabund (1930–32)
Der König Kandaules, en trois actes, op. 26, livret du compositeur
d'après André Gide (1935/36, orchestration complétée par Antony
Beaumont en 1992–96, première à Hambourg en 1996)
Œuvres pour voix et orchestre
Sechs Gesänge, d'après des poèmes de Maurice Maeterlinck, op. 13
(1913, orchestré de 1913 à 1921)
Symphonie lyrique, pour soprano, baryton et orchestre, op. 18, d'après
des poèmes de Rabindranath Tagore (1922-23)
Symphonische Gesänge, pour baryton ou alto et orchestre, op. 20
(1929)
Chants pour voix et piano
Sechs Gesänge, d'après des poèmes de Maurice Maeterlinck, op. 13
(1913)
Sept lieder, op. 22 (1934)
Deux lieder, op. 27 (1937)
Trois lieder (1939)
Musique de chambre
Quatuor à cordes n°1 en la majeur, op. 4 (1896)
Quatuor à cordes n°2, op. 15 (1913–15)
Quatuor à cordes n°3, op. 19 (1924)
Deux mouvements pour quatuor à cordes (1927)
Quatuor à cordes n°4, op. 25 (1936)
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