Alma troublée par l’image du père qu’il représente, par le compositeur
virtuose, et par son « charisme érotique » que semblait dégager sa
laideur, semble lui rendre son amour et une amitié passionnée les réunit.
Elle l’extravertie, et lui l’introverti qui détestait les vanités mondaines
qu’elle incarnait. On ne sait jusqu’où est allée leur liaison. On en vient à
parler de fiançailles. A l’automne 1900 tout semblait possible, mais
Mahler apparaît, directeur de l'Opéra, dominateur, et il épouse Alma dès
1902.
Zemlinsky est anéanti par cela. Il est persuadé que c’est que sa laideur
physique qui a fait fuir Alma, il ne s’en remettra jamais, et son identité
sera brisée. D’ailleurs Alma, fort délicate, va le décrire ainsi : un affreux
gnome, un nabot sans menton et sans dents, les yeux protubérants.
Il faut savoir cela pour comprendre son œuvre, la Symphonie lyrique,
véritable catharsis de cette épreuve, et quête de l'identité, de
l’accomplissement à recréer.
Il faut aussi noter sa conversion au protestantisme en 1899 et son
mariage en 1907 avec Ida Guttmann.
La démission forcée de Mahler en 1907 l’accable et il part à Weimar dès
1908, mais revient à l’Opéra populaire de Vienne. Mais l’antisémitisme
délirant et l’étroitesse d’esprit qui montait, lui font fuir sa chère ville
natale. Et c’est la glorieuse et longue époque de Prague au théâtre
allemand, qui déjà avait su consoler et accueillir Mozart et Mahler. De
1911 à 1927 ce sera son âge d’or, aussi bien en tant que chef
d’orchestre où il ose créer les œuvres nouvelles (Erwartung de
Schoenberg, Bartók, Berg, Webern, Janacek, entre autres), diriger
magnifiquement Mozart et Wagner, et composer intensément.
Ses chef-d’œuvre datent de ce temps heureux : Une tragédie florentine
(1917), Le Nain (1922), ses quatuors à cordes 2, 3,4, des cycles de
lieder, et surtout cette Symphonie lyrique op 18.
Puis, isolé, se sentant un peu oublié par Vienne malgré l’hommage
d’Alban Berg, et un peu perdu dans la multitude des courants musicaux
de ces années vingt (dodécaphonisme, néoclassicisme, nouvelle
objectivité, réalisme socialisant…), il commet la grande erreur d’aller
s’installer à Berlin en 1927, sous la terrible férule d’Otto Klemperer à
l’opéra Krolll lieu des nouvelles innovations qu’il ne peut comprendre. Et
puis Klemperer n’est pas un exemple de générosité mais d’ambition
dévorante. Sa femme Ida meurt de maladie en 1929 et moins d’un an
plus tard il se remarie avec une chanteuse Louise Sachsel, déjà aimée
et rencontrée dès 1915 à Prague.
Rabaissé au rang de subalterne, et devient professeur à l’Académie de
musique en 1931. Il voit la montée du nazisme qui lui interdit toute
profession.