Un esprit aigu
Tronte épopoïétique
-- Non, mais attendez. Posons d’abord les questions essentielles.
Pourquoi donc est-ce les oiseaux qui chantent, par exemple, et pas les
lézards ?
Le seul barbu de l’assemblée, Professeur au Collège de France, prit
alors la parole.
-- En effet, voila bien une question essentielle, et grave. A cette question,
il existe maintenant réponse possible, non moins essentielle. Les
oiseaux furent ceux des reptiles qui échappèrent à la contrainte des
pieds sur terre, disons, la contrainte chtonienne, prouesse qui ne dut pas
être sans conséquences ; dont celle qu’ils purent du même coup, soit
préserver (voire développer) la faculté de communication sonore
nommée « chant », si, et là où, elle existait déjà chez les reptiles
terrestres, soit l’inventer s’ils n’en disposaient pas auparavant.
Et il dut y avoir des situations intermédiaires. Il est remarquable que le
chant du coq, oiseau peu porté, ni habile, au vol, est beaucoup moins
complexe que le chant du merle ou du rossignol. Claironnant certes, et
porté à saluer l’aurore, mais rudimentaire au regard de celui des
espèces aux ailes plus porteuses.
Un autre point peut être important. Les oiseaux chanteurs virtuoses ne
chantent pas en vol, mais posés. Certes, l’alouette est capable de vol et
de chant simultanés, l’un et l’autre remarquables, extatiques, et très
remarqués dans notre passé. Mais son essor vertical mélodieux est une
sorte de sur-place aérien exceptionnel, et le jacassement des oies
sauvages et autres grands voyageurs volant en formation relève du
langage et non du chant.
Il se tut, sa barbe eut un mouvement d’assentiment à sa voix, et
l’assemblée pesait ces fortes paroles. L’objet nouveau était là, dans
l’amphi, posé sur la table de dissection, et le réservoir des cerveaux en
sondait les formes et les forces.