56 57 THÉÂTRE « Le geste sportif est artistique » Actrice parisienne de 32 ans, Maryse Meiche pratique l’athlétisme à un niveau régional depuis l’enfance. Avec la pièce Heptathlon, à l’affiche du théâtre d’Alfortville (94) fin janvier, elle conjugue deux de ses grandes passions : le sport et le théâtre. Découverte. ATHLÉTISME MAGAZINE : Comment est née l’idée d’une pièce de théâtre consacrée à l’athlétisme ? MARYSE MEICHE : J’avais ce projet en tête depuis quelques années. Le travail d’acteur, pour moi et les personnes avec lesquelles je travaille, ce n’est pas jouer un personnage mais être soi-même à travers un engagement. Un engagement dont, en ce qui me concerne, l’athlétisme fait partie. ATHLÉTISME MAGAZINE : Votre spectacle est une performance d’actrice mais aussi sportive avec la mise en pratique des sept épreuves de l’heptathlon... pas se blesser. Je me donne et je m’engage à fond dans le spectacle. Dans l’athlétisme, il y a des entraînements et des compétitions. Dans le théâtre, il y a des répétitions et des représentations. Et à chaque fois, le trac est le même. ATHLÉTISME MAGAZINE : Heptathlon ne s’adresse pas pour autant uniquement aux spécialistes... Ce spectacle est un partage avec le public, pour l’amener à voir le sport autrement. Des gens du milieu du théâtre, qui ne connaissent pas de tout l’athlétisme, étaient un peu inquiets avant la première représentation. Ils se disaient : « Qu’est-ce que ça va être ? Une glorification du sport ? ». En fait, ce n’est pas du tout un hommage à la pratique sportive. C’est plus une histoire personnelle, une passion et une humanité que j’ai envie de voir circuler. Je me mets quand même à nu, avec notamment un texte inspiré de souvenirs d’enfance. « Ce spectacle est un partage avec le public, pour l’amener à voir le sport autrement. » Dans Heptathlon, le sport n’est pas un thème, c’est l’acte. Ça ne parle pas d’athlétisme, c’est de l’athlétisme. J’aime éviter les catégories. On oppose souvent le sport à l’art alors que le geste sportif est très artistique. L’objectif était donc de sortir des stéréotypes. J’ai choisi de mettre en scène un heptathlon car les épreuves combinées, c’est ce que je trouve le plus beau. Les spécialistes du décathlon et de l’hepta, ce sont les dieux du stade. Ils incarnent une forme de perfection, un équilibre entre l’effort, la force physique, la souplesse… Il y a un côté héroïque ! ATHLÉTISME MAGAZINE : Comment vous préparez-vous avant d’entrer en scène ? Même si j’adapte les gestes sportifs à un plateau de théâtre, un échauffement est nécessaire pour ne ATHLÉTISME MAGAZINE : Dans quel état avezvous fini les trois premières représentations ? J’ai terminé épuisée, comme à la fin d’un heptathlon ! Je ne m’arrête jamais pendant le spectacle, sauf à mi-parcours avec une sorte de faux entracte, qui symbolise la fin de la première journée de compétition. À l’exception de ce moment, je suis tout le temps à fond. C’est vraiment quelque chose de physique, de la performance sportive au théâtre. Le 800 m (extrait) RÉDACTEUR FLORIAN GAUDIN-WINER PHOTOS DROITS RÉSERVÉS « Te voilà au dernier virage et tu sais que c’est là qu’il va falloir accélérer, tout donner, se battre. Alors tu commences à tirer sur les bras, à allonger ta foulée. Les clameurs, tu ne les entends plus. Les visages, tu ne les vois plus. C’est le lactique, l’acide lactique que tu sens remonter comme un poison mortel par tes mollets, tes cuisses, ton ventre, tes bras, tes épaules, ton cou. La souffrance pour quelques mètres encore. La ligne, tu la vois se rapprocher à mesure que tu foules lamentablement le tartan, t’écrasant, te désunissant, tes bras dessinant une courbe de plus en plus saccadée, fragmentée, tes genoux ne parvenant plus à s’élever, trajectoire inexorable vers le sol tandis que ton visage, livide, se crispe de rage, mâchoire et dents serrées, joues creusées et regard déjà inanimé ». Heptathlon, une sacrée performance Heptathlon : au petit Studio d’Alfortville (94), du 24 au 26 janvier. Tél. 01 43 76 86 56 Il faut la voir harassée et à la limite de la chute lors du 800 m, dernière épreuve de l’heptathlon et de son spectacle, pour comprendre que Maryse Meiche ne s’économise pas sur scène. Son Heptathlon, un récit qui met chronologiquement à l’honneur les sept épreuves de cette discipline réservée aux athlètes les plus complets, aborde l’athlétisme sous divers angles. Démonstration technique sur les haies, histoire du saut en hauteur avec une impressionnante énumération de records, chorégraphie dansante autour du lancer du poids : le sport apparaît sous toute sa richesse, sa diversité et son universalité. De quoi susciter la curiosité tant des novices que des passionnés d’athlétisme. Passées les premières minutes qui peuvent un peu surprendre, Heptathlon, écrit avec finesse, trouve très vite son rythme. Maryse Meiche vit son spectacle, interpelle et joue avec le public, et suscite aussi bien le rire (une comparaison osée autour du lancer du javelot qui ne tombe jamais dans le graveleux) que les larmes (un émouvant souvenir d’enfance). La pratique de l’athlétisme dans un lieu restreint est enfin un vrai défi, particulièrement réussi grâce à une utilisation ingénieuse de l’espace scénique. Alors, courez voir Heptathlon !