Le film « De plus Belle » évoque l’après-cancer, mais c’est quoi au juste
l’après cancer ?
Communiqué de presse Valérie Sugg, Psycho-oncologue.
Le 7 Mars 2017 - Le nouveau film « De plus Belle » d’Anne-Gaëlle Daval avec Florence Foresti aborde
l’après cancer, un sujet tout aussi tabou que le cancer lui-même encore en 2017.
En tant que psycho-oncologue en milieu hospitalier, c’est tous les jours que des personnes ayant subi
l’épreuve du cancer avec toutes ses étapes difficiles viennent évoquer la difficulté très peu abordée
de l’après cancer et pourtant c’est une nouvelle étape à affronter, encore une
« Bien sûr, dans un premier temps, c’est un immense soulagement que de finir les traitements, de dire
au revoir à l’équipe soignante côtoyée pendant plusieurs mois, d’atteindre l’objectif tant espéré, la
possible rémission (parce qu’aucun médecin n’ose évoquer alors la guérison). Mais ceux qui ont
traversé l’épreuve du cancer ont ensuite souvent du mal à se raisonner parce que surgissent après,
parfois pendant quelques semaines voire quelques mois, des angoisses, des peurs pas toujours très
cartésiennes, mais c’est ainsi. Le cancer a fragilisé l’espoir de chacun en sa solidité, en sa santé « pas
moi, plus tard, trop jeune… ».
Le vécu du cancer touche jusqu’à l’estime de soi-même, de la confiance en soi, comme si plus rien
n’était sûr et surtout cet avenir. Même si le médecin avait évoqué un « petit cancer », dans petit
cancer, il y a cancer, de quoi douter de tout, de quoi nourrir les peurs de chacun. Basculer du monde
des biens portants dans celui des malades a été un traumatisme, pas si simple d’en sortir. Comme je
l’explique dans « Cancer : sans tabou ni trompette » aux Ed Kawa : « Possiblement guéri(e), mais ça
ne se voit pas, d’une maladie que vous n’avez pas forcément vue (les tumeurs ne sont pas toujours
visibles à l’oeil nu) avec une opération qui a été bien réelle puisque vous en avez une cicatrice, mais
des traitements pas forcément palpables et avec une consultation de fin de traitement sans bilan
puisqu’on ne voit rien. Aucun appareil ne permet de détecter s’il reste une cellule cancéreuse ou pas
dans votre organisme. Alors, avoir du mal à se sentir guéri(e) semble une évidence parce que vous
savez bien que rien n’est sûr et que, me si vous faites confiance aux soignants qui ont pris soin de
vous, vous allez devoir apprendre ou réapprendre à vous faire confiance, à vous ».
Pour bon nombre, la fin des traitements c’est un peu comme la fin d’un marathon certains
s’effondrent après la ligne d’arrivée, et c’est normal de le ressentir, de le vivre, le dire. Les proches ne
comprennent pas toujours, veulent vite tourner la page mais les effets secondaires de certains
traitements continuent à se faire sentir, comme une immense fatigue envahit souvent de longs mois
après la fin des traitements.
Certains vont devoir ou choisir de reprendre très vite le travail d’autres auront besoin de temps pour
retrouver petit à petit des forces et se remettre de ces mois de soins si intenses. Et puis, petit à petit,
chacun s’autorise plus ou moins à repenser non plus au quotidien mais à se projeter un peu dans
l’avenir, vouloir y croire. Chacun apprend, à son rythme à oser prévoir un mois à l’avance les
vacances d’hiver, savoir qui inviter à Noël, recevoir les cousins, aller chez des amis au printemps…..
Toutes ces choses que les personnes en cours de traitement n’osaient parfois plus faire par
superstition, par « au cas ». Ce sont de nouveaux repères qu’il faut trouver, les cheveux
repoussent, le corps se remet doucement, il est parfois meutri par les cicatrices des opérations,
parfois une ablation d’un sein, toutes ces choses qui font dire que rien ne sera jamais plus comme
avant mais différent. Ce n’est pas grave c’est normal et la société elle voudrait oublier, que ce passé
de malade ne se voit pas, ne se parle pas parce que cela fait peur, le cancer. Parce qu’en 2017
certains parlent encore de « longue maladie » pour éviter de prononcer ce mot cancer.
Je dirai que, dans l’après cancer, se sentir guéri(e) ça s’apprend et ça prend du temps. Certains
prétendent parvenir à oublier mais pour la plupart, chacun y pense au moment des bilans, des
contrôles, puis à chaque date anniversaire, puis heureusement de moins en moins.
Ce que réclament les personnes qui ont traversé cette épreuve c’est que la société les aide à
retrouver des repères, que le droit à l’oubli ne soit pas au bout de dix ans mais bien avant pour
pouvoir emprunter justement pour acheter une voiture pour travailler, pour s’acheter un logement,
pour toutes ces choses pour lesquelles les banques, les assurances leur font payer des surprimes et
qui fait perdurer une marginalisation dont ils se passeraient bien, eux qui continuent malgré tout à
payer leurs impôts, comme tout le monde.
Ce film « De plus belle » est un hymne à la vie, la vie différente, la vie avec ses cicatrices mais
démontre s’il fallait encore le dire, le courage de tous ces combattants de l’ombre qu’il est temps de
mettre dans la lumière.
Valérie Sugg,
Psycho-oncologue
Auteur de « Cancer : sans tabou ni trompette » aux Ed Kawa
Tél : 06/86/28/17/78 email : v.sugg69@gmail.com.
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