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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no261 - mars 2001
découverte d’une dilatation de l’aqueduc du vestibule (DAV) ou
d’une hypoplasie cochléaire (Mondini) oriente vers une cause
génétique (9).
Le scanner est indispensable devant toute surdité mixte à réflexe
stapédien aboli, afin de distinguer otospongiose et “oreille gey-
ser”. Cette dernière est caractérisée par une dilatation ampullaire
du conduit auditif interne, et une fistule entre conduit auditif
interne et tour basal de la cochlée (10).
En cas de malformation de l’oreille externe associée à un kyste
ou à une fistule branchiale, il est prudent de réaliser une écho-
graphie rénale à la recherche d’une malformation liée au syn-
drome branchio-oto-rénal.
GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE
Le caryotype est sans intérêt en l’absence d’un syndrome mal-
formatif et d’un retard mental, car il ne permet d’identifier que
les anomalies chromosomiques (trisomie 21, syndrome de Tur-
ner, translocations, etc.), qui s’accompagnent d’une surdité dans
certains cas.
L’analyse du gène de la connexine 26 peut être proposée quand
la surdité est isolée (sans syndrome), congénitale, quel que soit
son degré, et si la généalogie évoque une surdité récessive (parents
normo-entendants). En effet, les mutations de ce gène semblent
responsables de près de 50 % des surdités récessives isolées (11).
Il est donc intéressant d’analyser ce gène, même quand il n’y a
pas d’antécédent familial. En revanche, si l’analyse de la
connexine 26 ne met pas en évidence de mutation, comme plus
de 50 gènes sont impliqués dans les surdités, une cause génétique
ne peut être exclue (12, 13).
En cas d’association surdité et diabète de transmission mater-
nelle, la recherche d’une mutation de l’ADN mitochondrial peut
être réalisée dans certains laboratoires hospitaliers de biochimie
ou biologie moléculaire.
Actuellement, il s’agit des seuls gènes analysables en routine,
bien que d’autres gènes soient identifiés (tableau III). Les gènes
impliqués dans les syndromes présentés dans le tableau II sont
pour la plupart identifiés ; l’analyse n’est pas réalisée couram-
ment, mais comme ces données évoluent rapidement, nous
conseillons de consulter le serveur Orphanet (14).
Enfin, les familles dans lesquelles le diagnostic de surdité géné-
tique est bien établi (nombreux sujets atteints, élimination d’une
cause acquise, mode de transmission caractérisé) peuvent par-
ticiper à l’identification de gènes de surdité encore inconnus,
et aider à évaluer la répartition des divers gènes dans la popu-
lation française. Les familles atteintes doivent donc être réfé-
rées aux centres pratiquant ces recherches, indiqués sur le site
Orphanet (14).
GÉNÉTIQUE DANS LE SUIVI DES SURDITÉS
Conseil génétique et détection des porteurs sains
Le diagnostic de surdité génétique permet de proposer aux
familles un conseil génétique, avec estimation du risque pour un
autre membre de la famille d’être sourd. Il ne s’agit que d’une
estimation, car le Comité national d’éthique a recommandé de ne
pas pratiquer de diagnostic anténatal pour les surdités. Les argu-
ments contre le diagnostic anténatal sont qu’une même mutation
peut provoquer des degrés de surdité très divers (11), et qu’un
enfant sourd peut bénéficier d’une prise en charge précoce per-
mettant de compenser son handicap, en particulier par implanta-
tion cochléaire.
Le risque de transmission de la surdité aux enfants varie de 100 %
pour une femme atteinte de surdité mitochondriale, à 25 % pour
deux parents porteurs d’un gène récessif.
Pour un patient atteint d’une surdité récessive, le risque d’avoir un
enfant sourd dépend du conjoint, et l’analyse de la connexine 26
est alors conseillée. En effet, la fréquence des gènes de surdité dans
la population est très élevée : une personne sur huit (15 % de la
population) serait porteuse d’un gène de surdité récessive, et une
personne sur trente (2,5 à 4 %) d’une mutation récessive de la
connexine 26 (15).
Enfin, lorsque l’on détecte une mutation de la connexine 26, le
généticien peut proposer l’analyse génétique aux frères et sœurs
des sujets atteints et des porteurs sains, pour déterminer s’ils sont
également porteurs de la mutation.
Pronostic évolutif et règles hygiéno-diététiques
Le diagnostic de surdité génétique permet dans certains cas
typiques d’apprécier le risque évolutif, en fonction des données
connues concernant chaque forme de surdité génétique
(tableau III). Toutefois, l’évolutivité peut varier selon les
patients, et la surveillance audiométrique annuelle du patient
concerné est le meilleur moyen d’établir le pronostic pour lui.
Comme devant toute surdité de perception potentiellement évo-
lutive, on prendra en compte tout facteur pouvant accélérer la
perte auditive : diabète, hypertension, troubles lipidiques, trau-
matismes sonores, barotraumatismes, médicaments ototoxiques,
etc. En cas de dilatation de l’aqueduc du vestibule, les activités
présentant un risque de traumatisme crânien et les efforts vio-
lents seront déconseillés.
Par ailleurs, l’appareillage auditif précoce permettra de limiter
la dégénérescence nerveuse et la détérioration de l’intelligibilité
de la parole. Enfin, il faut conseiller aux patients de consulter en
urgence si une perte auditive brusque se produit, afin de mettre
en route rapidement un traitement corticoïde et vasodilatateur.
Compréhension de la physiopathologie
des surdités génétiques
L’identification des gènes responsables de surdité a permis de
découvrir des protéines jouant un rôle important dans la struc-
ture et la fonction de la cochlée (tableau III). Une surdité géné-
tique peut ainsi être due aussi bien à une dysfonction des cellules
sensorielles qu’à un déficit du recyclage du potassium dans
l’endolymphe (en cas d’atteinte de la connexine 26) ou à une ano-
malie de la membrane tectoriale.
L’identification des gènes de surdités génétiques a apporté de
nouvelles preuves que la transmission familiale et les symptômes
ne dépendent pas seulement du gène impliqué, mais de la muta-
tion que porte ce gène : en effet, un même gène peut être res-
ponsable, selon les mutations, d’une surdité récessive ou domi-