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Tribune libre
Le président et le prix Nobel
d’économie
Yann Coatanlem, président du Club Praxis, un think tank
transatlantique, est aussi directeur de la recherche au sein d’une
grande banque américaine à New York
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Publié le lundi 10 février à 19h26
Par Contributeurs .
Par Yann Coatanlem (@YannCoatanlem)
Entre la vision économique d’un président, quel qu’il soit, rudement soumise à une myriade d’impérati-
fs parfois contradictoires, et la rigueur conceptuelle, la brillance supposées d’un prix Nobel, le combat
semble comme perdu d’avance. Et pourtant, quand un grand économiste tel que Paul Krugman se per-
met de juger la France de façon aussi cavalière que dans un éditorial récent du New York Times intitulé
Scandale en France, on se dit que l’orthodoxie économique n’est pas toujours où on l’attend.
Dans un brûlot en effet assez outrancier, le prix Nobel d’économie de 2008 accuse François Hollande
d’embrasser une politique de rigueur et des « doctrines libérales discréditées ». Comme Larry Sum-
mers, Krugman souhaite la relance à tout prix, et considère que le problème de la dette américaine se
résoudra pour l’essentiel sans trop d’efforts. C’est bien-sûr oublier que la France ne dispose pas du pri-
vilège exorbitant d’une monnaie de référence comme le dollar. C’est ignorer que pour la France, laisser
filer davantage les déficits ne peut conduire qu’à un renchérissement du coût du crédit pour l’Etat et les
entreprises, sans parler d’une nouvelle déstabilisation de l’euro.
Krugman semble confondre les ajustements conjoncturels indispensables (et ils ont été importants en
France puisque la dette est passée de 64% du PIB en 2008 à 94% aujourd’hui !) avec le besoin de ré-
formes structurelles. Il ne réalise pas l’état de faiblesse exceptionnelle de beaucoup de nos entreprises.
En réduisant le débat économique à plus ou moins de dépense publique, en qualifiant le tournant du
président Hollande de « dégringolade intellectuelle », il ne propose pas de véritable alternative au re-
dressement de la France, il n’est que l’avocat des intérêts purement égoïstes des Etats-Unis.
La réalité est que la position sociale-démocrate du gouvernement français est tout sauf dogmatique et
certainement pas, comme Paul Krugman le suggère, une application naïve de la Loi de Say, autrement
dit une croyance aveugle que l’offre crée la demande. Afin de réduire la dépense publique et de rendre
ainsi confiance dans la stabilité du pays, clé au retour des investisseurs, et pour rendre de l’oxygène aux
entreprises, le président a clairement proposé une « harmonisation avec nos plus grands voisins à l’ho-
rizon 2020 ».
Nous proposons de décliner cette politique dans un engagement précis : faire converger nos
dépenses sociales vers le niveau allemand de 27,5% du produit intérieur brut d’ici 2020
et dans le même temps faire baisser les charges des entreprises de 100 milliards, au
moins à titre temporaire.
Cette proposition n’est pas incompatible avec la première étape de 50 milliards d’économies d’ici 2017
avec une réduction totale de 30 milliards des charges des entreprises (en incluant le CICE). Mais le
risque lorsqu’on utilise des objectifs exprimés en termes de progression d’une année sur l’autre, est
d’identifier trop tard les dérapages, de manquer d’une vision globale. Un objectif fixe de pourcentage
du PIB nous paraît plus à même d’encourager la transparence et de permettre des comparaisons perti-
nentes dans le temps et entre pays.
Il faudra en outre s’interroger sur les modalités d’allègement des charges. Clairement, s’ils concernent
tous les salaires, ils seront moins efficaces que s’ils sont concentrés sur les bas salaires. C’est déjà le dé-
faut du CICE.
Par ailleurs, la notion de « contreparties » est surprenante. Pourquoi aussi ne pas compenser les entre-
prises pour la détérioration du climat compétitif français depuis plus de dix ans ? L’Etat est au service
de ses citoyens et de ses entreprises, non l’inverse. Au-delà de ses fonctions régaliennes, il assure un
cadre légal et réglementaire de l’économie juste et incitatif, et une compétition saine. Il est supposé
veiller à l’équilibre des finances publiques et à la stabilité de la fiscalité. Pourquoi aller plus loin et vou-
loir micro-manager, une fois de plus, les entreprises ? Ce sont les entreprises florissantes qui génèrent
la croissance et l’emploi. Historiquement on observe une forte corrélation entre profitabilité des entre-
prises et niveaux d’emploi et de salaires.
Est-ce à dire que la seule baisse des charges, même aussi importante que nous le proposons, pourra
guérir l’économie française de tous ses maux, de ses archaïsmes, et de son marasme ? Mille fois non. Il
faudra prendre garde au contraire à ne pas trop vite décourager les bonnes volontés par de nouveaux
carcans. Promouvoir encore davantage la flexibilité, les incitations à reprendre un travail plutôt qu’à
dépendre des aides sociales. Et laisser les entrepreneurs entreprendre, c’est-à-dire prendre les risques
individuels qui produiront la prospérité de tous. Moins de commissions, plus de libertés !
Les moyens politiques de la réforme social-démocrate voulue par le président Hollande ? Un conseil
posthume de Max Weber : il faut canaliser la bureaucratisation et l’autonomie toujours plus grandes de
l’administration et ne pas hésiter à faire valider certains grands choix par référendum.
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