enteroceles

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ENTEROCELES
Pascal RISCHMANN
ConStat, 1995,2, 20-21
Les entérocèles sont le plus souvent secondaires à une altération des éléments de soutien
postérieur du vagin. Le diagnostic est essentiellement clinique, mais il n'est pas toujours aisé.
L'utilisation de la défécographie est préconisée par certaines équipes. Les nombreuses
techniques cbirurgicales décrites, qu'elles soient réalisées par abord vaginal ou par abord
rétropubien, reposent toutes sur les mêmes principes : dissection et résection du sac herniaire,
cloisonnement du cul-de-sac de Douglas. Les résultats sontglobalement très satisfaisants
puisque le taux de récidive ne dépasse pas 5 % à long terme.
Définition - Incidence - Pathogénie
L'entérocèle (ou "élytrocèle".) est une hernie intestinale intra-vaginale comportant un
véritable sac péritonéal avec un collet. Il s'agit d'une pathologie relativement rare: son
incidence réelle n'est pas précisée dans la population féminine en général, néanmoins une
entérocèle est constatée chez 0,1 à 15 % des femmes devant subir une intervention
gynécologique selon les séries, avec une prédominance après hystérectomie vaginale ou
abdominale. Nichols et Randall (9) ont proposé une classiflcation des élythrocèles en 4
étiologies:
- congénitale, sans prolapsus associé,
- par poussée accompagnant un prolapsus,
- par traction avec déficit principal du plancher pelvien et protrusion postérieure
prédominante,
- iatrogène, après chirurgie première ayant altéré l'axe et les moyens de suspension du
vagin.
Dans tous les cas, I'augmentation de pression abdominale est un facteur aggravant. Au plan
anatomique, on sait depuis Nichols que l'entérocèle postérieure est de loin la plus fréquente,
comparée aux formes antérieure et latérale. Elle est due, en résumé, à des défects touchant les
supports adjacents à la partie haute du vagin et les faces antérieure et latérale du rectum. Ces
défects sont, au moins en partie, liés à des lésions obstétricales ou chirurgicales touchant ces
fascias et les éléments suspenseurs tels les ligaments utéro-sacrés et cardinaux. En outre, le
septum recto-vaginal aux dépens duquel l'entérocèle va se développer, n'est pas très adhérent
à la paroi antérieure du rectum dans sa partie haute, ce qui constitue un élément de faiblesse.
La longueur de ce segment augmente avec la parité (6). L'étude des grandes séries
d'entérocèles souligne l'effet délétère de la multiparité, de l'âge, de la ménopause et de
l'augmentation chronique de la pression abdominale. En résumé, la plupart des entérocèles est
secondaire à des défects des éléments de soutien postérieur du vagin..
Diagnostic
Dans un article de revue, Holley (4) rappelle que le diagnostic d'entérocèle est suspecté
cliniquement sur la notion de pesanteur ou de réplétion rectale anormale, de gêne intravaginale, parfois douloureuse, accentuée à la station debout. Le diagnostic est confirmé par
l'examen physique comportant un toucher bimanuel effectué (fig. 1), soit en position
gynécologique avec examen au spéculum couplé au toucher rectal pour faire la part d'une
éventuelle rectocèle, soit en position debout avec l'index intra-rectal et le pouce en intravaginal pour percevoir une réplétion anormale du septum recto-vaginal. La sensibilité de cet
examen diminue avec la taille de l'entérocèle. Pour cette raison, Mellgren (8) a souligné
l'intérêt de la défécographie: son approche est plus "entérologique", ainsi dans son expérience
18 % des patientes consultant pour troubles de la défécation et 30 % de celles présentant un
prolapsus rectal ont une entérocèle coexistante. La technique de défécographie recommandée
par ces auteurs est celle de Broden et Snellman (1): elle associe un transit baryté à des
opacifications rectale et vaginale, sans opacification vésicale, avec enregistrement vidéo de la
poussée et de la défécation. A défaut, le diagnostic est fait en per-opératoire à l'occasion du
traitement d'une cystocèle par exemple, à condition d'explorer le cul-de-sac de Douglas par
voie vaginale, avec l'index recourbé dès l'ouverture du péritoine.
Figure 1: Le toucher bimanuel permet de différencier cliniquement la rectocèle de l'entérocèle. (A): cloison
recto-vaginale sans hernie digestive (B): entérocèle palpable au niveau de la cloison recto vaginale
Traitement
La prévention et la réparation d'une entérocèle ont fait l'objet de nombreuses descriptions
techniques. La voie vaginale est la plus classique et la technique de Mac Call ("posterior
culdeplasty") fait référence (7): le cul-de-sac de Douglas en excès doit être plicaturé
progressivement jusqu'au niveau des ligaments utéro-sacrés qui seront réunis sur la ligne
médiane et serviront de support. Pour Given (2), rapportant les résultats de 68 patientes
opérées et suivies avec un recul de 2 à 22 ans, le taux de succès a été de 97 %. La technique
de Mac Call reste avantageuse dans les cas de volumineuse entérocèle avec importante
colpocèle postérieure chez des patientes voulant préserver leur vie sexuelle. Lorsque
l'entérocèle est de taille modérée, la technique de Torpin (16) donne de bons résultats à long
terme: résection cunéiforme de l'excès de péritoine et du dôme vaginal avec suture
longitudinale incluant les ligaments utéro-sacrés, puis le vagin.
En cas d'association d'une élytrocèle avec un prolapsus du dôme vaginal après hystérectomie,
Nichols et Randall (10) ont rappelé l'intérêt de la voie vaginale qui permet la réparation
simultanée des différents prolapsus et la restauration de l'axe postérieur du vagin en utilisant
par la même voie la spinofixation selon Richter (13). Richardson (12) a souligné la possibilité
d'utiliser la spino fixation, même chez des patientes jeunes souhaitant conserver leur utérus,
ce qui paraît bien préférable à la fixation à la paroi abdominale antérieure: cette dernière
technique modifie l'axe de la partie supérieure du vagin et aggrave la surpression au niveau
du cul-de-sac de Douglas. Lorsque le vagin est trop court pour atteindre le petit ligament
sacro-sciatique, ou même un point postérieur du plan des releveurs, le choix existe entre deux
possibilités: Symmonds de la Mayo Clinic, propose l'oblitération du cul-de-sac par la face
antérieure du recto-sigmoïde, celle-ci étant rapprochée de la face postérieure de la vessie avec
suspension du dôme vaginal au moignon des ligaments cardinaux et utéro-sacrés, par voie
vaginale: 160 patientes ont été suivies avec cette technique, avec un taux de succès atteignant
30 % (15); I'approche abdominale est une deuxième solution.
La voie abdominale est une option qui permet à la fois le traitement de l'entérocèle et la
fixation du dôme vaginal au sacrum et éventuellement le traitement d'une intussusception,
d'un prolapsus rectal ou d'une rectocèle sus-lévatorienne associée. Elle peut être également
séduisante en cas d'entérocèle très volumineuse ou de vagin étroit et dans la crainte d'une
dyspareunie secondaire. En 1994, Wall (17) signalant que le risque d'entérocèle semble
identique après hystérectomie abdominale ou vaginale, a rappelé la possibilité de réaliser
systématiquement une plastie "type Mc Call" au décours de l'hystérectomie menée par voie
abdominale. Enfin, le risque d'entérocèle lui paraît augmenté si l'on associe à l'hystérectomie
une colposuspension pour le traitement ou la prévention d'une incontinence urinaire. Sa
technique est basée sur le repérage des ligaments utéro-sacrés pendant l'hystérectomie, le
cloisonnement du Douglas et la suspension du dôme par des sutures appuyées sur la berge
postérieure de la tranche vaginale, les ligaments cardinaux, les utéro-sacrés et éventuellement
la séreuse rectale. Cet article de technique est purement descriptif et ne fournit pas de
résultats, mais le bien-fondé de la démarche est aussi louable que classique.
L'approche de Mellgren (8) est plus discutable: il affirme dès son titre, que les entérocèles
peuvent être corrigées par une rectopexie selon Ripstein: certes, la défécographie postopératoire a confirmé la disparition de la poche chez 21 patientes opérées avec un recul
moyen de 4,6 ans. Néanmoins, trois remarques peuvent être faites: d'une part, le
cloisonnement du Douglas n'est pas un objectif spécifiquement recherché de cette technique,
il est seulement consécutif à la présence de la bandelette synthétique entraînant une fibrose
dont l'intensité et donc l'efficacité peuvent varier d'un malade à l'autre. D'autre part, il ne
précise ni l'importance des entérocèles constatées en pré-opératoire, ni le moment de la
défécographie post-opératoire, dont il ne rapporte que 16 résultats sur 21 interventions; enfin,
le principe de la rectopexie utilisant une bandelette circulaire est discutable.
Complications
Les complications sont exceptionnelles: Guttman et Afilalo (3) ont retrouvé 49 cas
d'éviscération vaginale spontanée rapportés dans la littérature. La survenue de cette
complication est plus fréquente après les voies vaginales et Svendsen (14) note un délai
moyen d'apparition de 4 ans. Kambouris (5) considère que, dans ces cas, l'abord abdominal
est préférable pour un meilleur contrôle de l'intestin et du lavage péritonéal. Enfin, Ott (11) a
décrit récemment une occlusion due à l'incarcération d'iléon au travers d'un pessaire, ayant
motivé une laparotomie urgente avec résection intestinale. L'usage du pessaire doit donc être
prudent et limité lorsqu'il y a une entérocèle. Les complications du traitement chirurgical des
entérocèles sont également rares, représentées essentiellement par des incarcérations d'anses
intestinales dans les cloisonnements (4).
Références
1.
BRODÉN B, SNELLMAN B. Procidentia of the rectum studied with cineradiography: a contribution to
the discussion of causative mechanism. Dis Colon Rectum 1968;11:330.
2.
GIVEN FT. Posterior culdeplasty: revisited. Am J Obstet Gynecol 1985;153:135
3.
GUTTMAN A, AFILALO M. Vaginal evisceration. Am J Emerg Med 1990;8:127.
4.
HOLLEY RL. Enterocele: A Review. Obstetrical and Gynecological Survey 1994;49:284.
5.
KAMBOURIS AA, DRUKKER BH , BARRON J. Vaginal evisceration. Arch Surg 1981;116:949.
6.
KUHN RPJ, HOLLYOCK VE. Observation on the anatomy of the rectovaginal pouch and septum.
Obstet Gynecol 1982;59:445.
7.
MC CALL MH. Posterior culdeplasty. Obstet Gynecol 1957;10:595.
8.
MELLGREN A, DOLK A, JOHANSSON C, BREMMER S, ANZEN B, HOLMSTRÖM B. Enterocele
is correctable using the Ripstein rectopexy. Dis Colon Rectum 1994;37:800.
9.
NICHOLS DH. Types of enterocele and principales underlying choice of operation for repair. Obstet
Gynecol 1972;40:257.
10.
NICHOLS DH, RANDALL CL. “Vaginal Surgery”, 3rd edition; Williams & Wilkins Eds Baltimore
1989; 313-327.
11.
OTT R, RICHTER H, BEHR J, SCHEELE J. Small bowel prolapse and incarceration caused by a
vaginal ring pessary. Br J Surg 1993;80:1157.
12.
RICHARDSON DA, SCOTTI RJ, OSTERGARD DR. Surgical management of uterine prolapse in
young women . J Reprod Med 1989;34:388.
13.
RICHTER K, ALBRICH W. Long-term results following fixation of the vagina on the sacrospinal
ligament by the vaginal route. Am J Obstet Gynecol 1981;141:811.
14.
SVENDSEN JH, GALATIUS H, HANSEN PK. Spontaneous rupture of the vaginal enterocele. Ann
Chir Gynaecol 1985; 74:43.
15.
SYMMONDS RE, WILLIAMS TJ, LEE RA. Posthysterectomy enterocele and vaginal vault prolapse.
Am J Obstet Gynaecol 1981;140:852.
16.
TORPIN R. Excision of the cul-de-sac of Douglas. J Int Coll Surg 1955;24:322.
17.
WALL L. A technique for modified Mc Call Culdeplasty (vaginal) at the time of abdominal
hysterectomy. J Am Coll Surg 1994;178:507.
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