Maladies infectieuses - Schweizerischer Versicherungsverband

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2000/2
Bulletin des
assureurs Vie destiné aux
médecins suisses
Maladies infectieuses
Supplément du Bulletin des médecins suisses • No 51/52 20.12.2000
2
Sommaire
Maladies infectieuses
tropicales
4
VIH: aspect médical –
progrès et perspectives
10
VIH et Assurance vie
18
Maladies infectieuses:
une nouvelle menace
22
Chaque hiver, une épidémie
de grippe – mais à quand
la prochaine pandémie?
28
Le cas pratique
35
Impressum
Editeur
ASA
Association Suisse
d’Assurances
1941 – 1998:
édité par les assureurs Vie
La commission responsable
de la parution du «Bulletin»
se compose comme suit:
• Josef Kreienbühl, PAX,
président
• Karl Ehrenbaum, Zurich
• Udo Hohmann, Bâloise
• Michel Janiaud,
Swiss Re
• Dr méd. Thomas Mall,
Bâloise
• Dr méd. Jan von Overbeck,
Swiss Re
• Dr méd. Emile Simon,
La Suisse
• Dr méd. Walter Sollberger,
Bernoise
• Peter Suter, Winterthur
• Dr méd. André Weissen,
PAX
Rédaction
Dr Jörg Kistler
C. F.-Meyer-Strasse 14
8022 Zurich
Téléphone 01- 208 28 28
E-mail [email protected]
Imprimerie
Dürrenmatt Druck AG
3074 Muri -Berne
Tirage
5500 exemplaires
3
Editorial
Dr Phil. Jörg Kistler
Chère lectrice, cher lecteur,
Les maladies infectieuses appartiennent-elles au passé?
C’est ce que l’on croyait encore au début des années septante.
Aujourd’hui, cette croyance a disparu. Non seulement les maladies
infectieuses ne sont pas éradiquées, mais en raison des voyages beaucoup plus fréquents, même des maladies infectieuses qui, chez nous,
étaient inconnues auparavant sont apparues. Et à cet égard se pose
la question de savoir si un jour, une vague de grippe comme celle
de l’an 1918 ne pourrait pas se répandre extrêmement rapidement
à travers toute la planète.
Nos articles répondent à ces questions. Ils n’ont pas pour but de créer
l’ambiance mais, au contraire, ils analysent objectivement le point de
savoir quelle menace représentent les maladies infectieuses. Ils traitent
de la question de l’apparition possible d’une pandémie et étudient
l’importance des maladies tropicales qui menacent de vastes régions
d’Afrique.
A l’appui du virus VIH, il est également examiné comment les thérapies
ou les associations de divers traitements permettent avec le temps
une lutte plus efficace d’une maladie initialement indomptable.
Et la question est posée: une augmentation de l’espérance de vie de
personnes souffrant d’une telle affection peut-elle avoir des effets
sur leur assurabilité et si oui, comment?
L’écho rencontré par notre dernière édition a été extrêmement positif.
Je suis persuadé que ce numéro vous intéressera également.
4
Maladies infectieuses
tropicales
Dr méd.
Johannes Blum,
Institut tropical suisse,
Bâle
Plus de 1 200 000 de suisses ont
voyagé en 1999 dans des pays
tropicaux ou sub-tropicaux (1). On
estime que 50% des voyageurs
souffrent pendant ou après le voyage de troubles de la santé. Environ
10% recourent à l’assistance de
médecins après leur retour en
Suisse (2). Des compte-rendus
spectaculaires des médias à propos
de maladies virales mortelles importées et de l’augmentation des
maladies dans les régions tropicales endémiques telles que la maladie du sommeil, la tuberculose ou la
fièvre rouge déstabilisent médecins
et voyageurs. Ceci se manifeste
d’abord par le fait que les patients
Etiologie de maladies fébriles après des voyages sous les tropiques (en %)
Indications de cliniques spécialisées dans la médecine des tropiques (3)
Diagnostic
Mc Leaqn et al
(n = 582)
Doherty et al
(n = 195)
Malaria
32
42
Hépatite
06
03
Infections des voies respiratoires
11
02,5
Infections des voies urinaires
04
02,5
Dengue
02
06
Typhus
02
02
Diarrhées
04,5
06,5
EBV (Mononucléose)
02
00,5
Pharyngite
01
02
Rickettsiose
01
00,5
Abcès amibien du foie
01
00
Tuberculose
01
02
Méningite
01
01
Affection VIH aiguë
00,3
01
Divers
06,3
05
Pas de diagnostic
25
24,5
5
qui ont de la fièvre après un séjour
dans les tropiques craignent de
souffrir d’une maladie grave.
Pour le médecin, il est important de savoir quelles sont les maladies fébriles fréquentes et quelles
sont celles, plus rares, qu’il ne peut
absolument pas ignorer parce
qu’un diagnostic et un traitement
tardifs pourraient avoir des conséquences fatales.
Les maladies dysentériques
atteignent plus de 50% des voyageurs qui se rendent aux Indes ou
au Kenya (4) et peuvent s’accompagner de fièvre. Il s’agit le plus
souvent d’infections dues à des
agents pathogènes gastro-intestinaux n’exigeant pas de traitement
par antibiotiques. Mais dans de
rares cas, qui frappent avant tout
les enfants, il peut y avoir une
dysenterie fébrile dans le cadre
d’une affection extraintestinale
telle que la malaria ou le typhus.
Les infections des voies respiratoires supérieures et les «refroidissements» sont également fréquents dans des zones climatiques
très chaudes. Les maladies bactériennes focales comme la pneumonie, la pyélonéphrite, les infections
dans le domaine ORL, la dysenterie,
la méningite ou une tuberculose
doivent être recherchées systématiquement. La découverte d’une
infection précoce VIH a des conséquences pour les patients concernés et pour leurs partenaires.
Manquer le diagnostic d’une
malaria, d’une septicémie à germes Gram négatif telle que le
typhus, d’un abcès amibien du foie
ou d’une méningite peut avoir des
conséquences fatales pour le patient.
Malaria
La présence de fièvre au retour des
tropiques exige toujours un examen urgent pour exclure la malaria. Le délai entre une infection
contractée pendant un voyage sous
les tropiques et l’apparition d’une
maladie fiévreuse peut varier, dans
le cas de la malaria, entre une
semaine et un an. L’évolution typique de la fièvre, avec des intervalles sans symptômes, ne se retrouve
que chez un cinquième des malades. Il est important de savoir
qu’une chémoprophylaxie exécutée de manière fiable peut réduire
le risque de malaria dans plus de
90% des cas, mais ne saurait
l’empêcher à coup sûr. Lorsque la
situation est défavorable, le diagnostic de malaria dans le sang
sera rendu plus difficile par une
prophylaxie prise pour se prémunir
contre une telle maladie ou par un
antibiotique ingéré préalablement
parce qu’alors, il n’est pas toujours
possible de trouver les parasites
dans le sang périphérique. Les
autres examens entrepris pour
dépister des plasmodia tels que la
goutte épaisse ou le frottis sanguin
sont complétés à l’heure actuelle
par lesdits tests rapides. Les deux
produits disponibles dépistent,
avec une sensitivité et une spécificité de plus de 90%, un antigène
spécifique (HPR2) de P. falciparum
6
Maladies infectieuses tropicales
et P. vivax. Dans des cas de parasitémie basse ou très élevée, il est
arrivé qu’on décrive à tort de tels
cas comme négatifs. Les deux
autres sortes de paludisme pathogène pour les humains ne sont pas
(encore) révélées par ces tests.
Le développement de résistances exige un traitement différencié de la malaria. La chloroquine
est comme auparavant la thérapie
de choix en cas de P. vivax, ovale et
malariae. Les souches résistantes à
la chloroquine de «P. vivax» d’Asie
du sud-est, sont traitées avant tout
avec de la méfloquine. Dans le cas
de P. vivax et ovale, on administre
encore ensuite de la Primaquin
pour éradiquer les formes hépatiques (hypnozoites), après exclusion d’un déficit en glucose- 6phosphate- deshydrogénase (5).
Pour une malaria falciparum, l’indication d’hospitaliser doit être
posée largement. En cas d’évolution sans complications, il suffit
souvent d’une hospitalisation pour
surveillance pendant les 24 premières heures. Une hospitalisation
doit toujours avoir lieu lorsque des
fonctions vitales sont atteintes, si le
patient est somnolent, s’il y a une
anémie importante, une insuffisance rénale, une hémoglobinurie,
une hypoglycémie, un ictère ou des
maladies concomitantes, ou lorsque le patient vomit. Une parasitémie de 2% ou plus (ou si la parasitémie n’est pas connue), est une
indication d’hospitalisation, même
si le patient est dans un bon état
général (6).
Avec de l’Artemether/Lumefantrin
et de l’Atovaquon/Proguanil, nous
avons aujourd’hui des médicaments efficaces pour le traitement
de la malaria tropica multirésistante non compliquée.
Typhus / septicémie
Pour tout état fébrile dont la genèse n’est pas éclaircie au retour d’un
voyage sous les tropiques, il faut
penser à la possibilité d’un typhus
et il est recommandé de faire des
hémocultures. Typiquement la consultation médicale intervient alors
que les douleurs ont commencé il y
a quelques jours déjà et qu’elles ont
augmenté de jour en jour. Hormis
la fièvre, les maux de tête sont le
symptôme le plus fréquent. Les
signes connus du typhus tels que la
bradycardie relative, la splénomégalie, la roséole et la leucopénie
sont souvent absents. Au stade
initial, la constipation est plus fréquente que les diarrhées qui, de
manière caractéristique, n’apparaissent que plus tard. Le nombre
des leucocytes n’est généralement
pas élevé et une éosinopénie importante peut intervenir au cours de
l’évolution. Des symptômes SNC
tels que la perte de tout intérêt et
l’hébétude n’apparaissent qu’en
cours de maladie également. Les
autres symptômes décrits sont les
myalgies, la toux, la conjonctivite
et l’épistaxis. Des complications
potentiellement létales sont redoutées, comme des hémorragies
gastro-intestinales ou une perforation, une pneumonie, des mani-
7
festations neuro-psychiatriques rénales ou cardio-vasculaires.
Abcès amibien du foie
La triade fièvre, douleurs dans l’hypochondre droit et l’hépatomégalie, doit faire penser à la possibilité
d’un abcès amibien du foie, la
fièvre pouvant également être le
symptôme dominant. Le diagnostic
se fonde sur une sérologie positive
des amibes ainsi que sur la mise en
évidence par ultrasons d’un abcès
du foie, étant précisé que durant les
premiers jours de la maladie, tant
la sérologie que les ultrasons peuvent présenter un constat négatif.
Dengue
Ces derniers temps, nous avons été
confrontés à de grandes épidémies
de dengue en Amérique centrale,
dans les Caraïbes ainsi qu’en Asie
du sud-est, épidémies qui ont
touché entre 50 et 100 millions
de personnes. La dengue est transmise par des moustiques diurnes,
de l’espèce Aedes aegypti. Les
symptômes principaux sont une
forte fièvre, des céphalées (avant
tout rétroorbitaires), des douleurs
aux membres et une éruption cutanée. L’examen clinique montre,
quelques jours après le début de la
maladie, des adénopathies, une
éruption cutanée morbilliforme et
une hyperesthésie. Une leucopénie
marquée et une thrombopénie
dans les examens de laboratoire.
Les anticorps sont positifs dans le
90% des cas après une semaine.
Dans de rares cas, la dengue peut
se développer en une dengue
hémorragique: hémorragies cutanées, hémorragies internes et en
un transfert liquidien dans le troisième secteur. Les salicylates peuvent aggraver la symptomatique,
en raison de leur effet anti-aggrégant plaquettaire et ne peuvent
donc en aucun cas être administrés
comme analgésiques ou comme
fébrifuges (7).
Fièvre hémorragique virale
(VHF p. ex. Ebola)
Parmi les fièvres hémorragiques
virales, c’est avant tout le groupe
des virus transmissibles entre individus de l’espèce humaine qui a fait
sensation dans les médias. Derrière ce phénomène se cache la
crainte théoriquement fondée
qu’un virus ne soit introduit en
Europe depuis le plus profond de la
forêt vierge et qu’il ne conduise à
une épidémie non maîtrisable.
Comme il n’est guère possible de
différencier les symptômes initiaux
de cette fièvre hémorragique virale
d’une infection grippale «banale»
et vu qu’il est impossible d’isoler
toute personne fiévreuse rentrant
des tropiques dans une chambre
hypobare, le premier médecin-traitant éprouve une grande incertitude. Les directives de l’OMS, du
CDC et de l’OFSP nous donnent des
indications concernant les patients
qui doivent être hospitalisés et isolés (8):
Patient fébrile avec ou sans
autres symptômes, qui a
8
Maladies infectieuses tropicales
séjourné durant les 3 dernières
semaines dans une région dans
laquelle sont apparus des cas
confirmés ou présumés de VHF
sous forme épidémique ou
en rapport avec des animaux.
Patients fébriles ayant eu
contact avec des malades VHF
ou avec leurs éléments
corporels liquides.
Patients fébriles avec diathèse
hémorragique ou choc non
éclairci.
Fièvre de Katayama
en cas de biharziose
(schistosomiase)
Le premier symptôme d’une bilharziose, la dermatite cercaire, n’est
que rarement remarquée par les
patients: en cas de contact avec de
l’eau douce, des cercaires envahissent la peau et peuvent engendrer
des éruptions cutanées le plus souvent de courte durée, provoquant
des démangeaisons légères et
maculopapuleuses.
Pendant la phase suivant le
développement du vers, le patient
n’éprouve aucune douleur subjective. 4 à 6 semaines après l’exposition, ladite fièvre de Katamaya peut
survenir en partie avec une forte
fièvre, de l’urticaire, le sentiment
d’être malade, des céphalées et des
membres douloureux ainsi que des
maux de ventre. Il y a généralement une éosinophilie. Comme
étiologie, on admet une réaction
immunologique en rapport avec
l’expulsion des œufs. Des complications en cas de non-traitement de
bilharziose n’apparaissent que des
années après, dans le système urogénital ou hépatosplénique.
Une éosinophilie dans la formule sanguine ainsi qu’une exposition positive à l’eau douce renvoient à ce type de maladie. Le diagnostic se fait par examens sérologiques et, plus tard, également par
la preuve de l’agent pathogène
dans l’urine ou les selles.
Encéphalite japonaise
L’encéphalite japonaise est une
maladie virale (flavivirus), qui est
transmise par des moustiquesculex nocturnes. La maladie est
répandue dans des régions agricoles d’Asie du sud-est (plus de
35 000 cas et10 000 décès par an) et
représente là-bas la cause essentielle des encéphalites chez les
enfants. Une infection engendre
une maladie manifeste dans moins
de 5% des cas. La maladie a un
début soudain, avec fièvre, céphalées, photophobie, fatigue, méningisme. Ultérieurement peuvent
survenir des paralysies, des désorientations, des crises d’épilepsie
et des troubles des réflexes.
Contrairement à ce que l’on
observe auprès de la population
dans les régions endémiques, l’encéphalite japonaise n’est que très
rarement constatée chez les voyageurs en provenance d’Europe ou
des USA.
Hépatite virale
Les hépatites A et B sont devenues
plus rares depuis que des vaccins
9
efficaces sont disponibles. En cas
de fièvre et de transaminases élevées, il y a lieu de penser, s’agissant
d’une personne revenant des tropiques et vaccinée contre l’hépatite A
et B, à l’hépatite E. Cette maladie
est spécialement redoutée chez les
femmes enceintes, en raison de
leur mortalité élevée (jusqu’à 20%).
Rickettsiose (R. conori, R. africae)
Après une piqûre de tique se manifestent un chancre avec adénopathies satellites, de la fièvre, des
céphalées, douleurs aux membres
ainsi qu’une éruption cutanée
maculopapulaire. Le nombre des
leucocytes est généralement normal, celui des thrombocytes peut
être réduit. En cas de soupçon clinique, le traitement devrait se faire
encore avant la confirmation du
diagnostic au moyen d’une sérologie.
Leishmaniose viscérale
La triade fièvre, hépatomégalie et
pancytopénie, doit faire penser au
tableau clinique de la leishmaniose
viscérale. Depuis l’épidémie VIH,
cette maladie a gagné en importance. Hormis les grandes régions
endémiques d’outre-mer (p. ex.
Indes, Brésil, Soudan), des pays
du sud de l’Europe comme
l’Italie, la France ou l’Espagne sont
également touchés. La sérologie
n’est positive que pour 50% des
patients immunosupprimés alors
qu’elle l’est généralement pour ce
qui concerne les patients immunocompétents.
Trypanosomiase humaine
africaine (maladie du sommeil)
Au premier stade, se manifestent
surtout de la fièvre, des céphalées
et des adénopathies, avant tout
cervicales. Au deuxième stade, s’y
ajoutent des troubles neurologiques tels que l’inversion du sommeil, des troubles psychiques et des
troubles de la marche et, ultérieurement, des troubles de la conscience. Elucider de tels cas est
l’affaire de spécialistes.
Littérature
1. Office fédéral de la statistique: Voyages des suisses
à l’étranger 1999, 2000.
2. Steffen R., Rickenbach M., Wilhelm U et al.:
J. Infect Dis. 158, 84 – 91, 1987.
3. Sonnenburg F., Tornieporth N., Wayaki P., Lowe B.,
Peruski L., Du Pont H., Mathewson J., Steffen R:
Risk and aetiology of diarrhoea at various tourist
destinations, Lancet Vol 356, 133 – 134, 2000.
4. Humar A, Keystone J.: Evaluating fever in returning
travellers from tropical countries, BMJ, 312, 953 – 56,
1996.
5. Blum J., Tichelli, Hatz Ch. Diagnostische und therapeutische Probleme der Malaria tertiana Schweiz
Rundschau Med (Praxis), 88; 985 – 991,1999.
6. Markwalder K., Hatz Ch., Malariatherapie 1998,
Schweiz. Med. Wochenschrift,128, 1313 – 27, 1998.
7. Rigaux-Perez J., Clark G, Gubler D., Reiter P., Sanders
E., Vorndarm A., Dengue and Dengue haemorrhagic
fever, Lancet, Vol 352, 971 – 977, 1998.
8. Update: Management of patients with suspected
Viral Hemorrhagic Fever, United States, MMWR 44,
475 – 479, 1995
10
VIH: aspect médical –
progrès et perspectives
Prof. Dr méd.
Manuel Battegay,
Polyclinique de
médecine universitaire,
Hôpital universitaire
de Bâle
Introduction
Depuis l’introduction des inhibiteurs des protéases 1995 /1996, qui
permettent des thérapies combinées hautement efficaces, le pronostic de l’infection par le Virus de
l’Immunodéficience Humaine (VIH)
a drastiquement changé. Alors
qu’à la fin des années 80, des monothérapies et, au début des années
90, les premières thérapies combinées sans inhibiteurs des protéases
avaient apporté certaines améliorations concernant l’empêchement
d’infections opportunistes, des thérapies combinées relativement récentes ont réduit de façon durable,
soit pour plusieurs années, les taux
de morbidité et de mortalité de 80 à
90%. En dépit de cela, l’infection
VIH demeure une maladie chronique qui est liée aux problèmes les
plus divers. Dans l’article qui suit
sont discutés les succès, mais aussi
les problèmes, tels que les atteintes
à la qualité de vie, l’apparition de
résistances et les effets secondaires
à long terme. Les perspectives y
sont également présentées.
Apparition de la maladie/
évolution
L’infection VIH évolue en fonction
de divers facteurs, très différents
selon la personne atteinte. En
moyenne, une infection VIH dure
jusqu’à l’apparition de la maladie
du SIDA, si elle n’est pas traitée,
soit 7 à 10 ans. La durée d’incubation varie selon les forces de
défense, l’infectiosité des cellules
hôtes ainsi que les sous-types de
virus. Chez 50% des êtres humains
infectés survient une primoinfection VIH qui s’accompagne de
fièvre, de malaises, de pharyngites
et souvent, d’adénopathies. Durant
cette phase, la quantité de virus est
généralement très élevée jusqu’à
ce que les défenses immunitaires
interviennent. Ensuite, la quantité
de virus varie, selon les défenses et
la dynamique, à un niveau qui peut
se situer entre plusieurs centaines
de millle comme quelques cent ou
mille copies de virus par millilitre
de sang (figure 1). Le niveau de la
charge virale par millilitre de sang,
qui doit être mesuré au moins à
deux moments différents et, ultérieurement, à intervalles réguliers
d’au moins 6 mois, est un facteur de
pronostic important pour établir la
dynamique de l’infection. Les cellules CD4-T renseignent sur la situation des défenses; ces cellules sont
des coordinateurs importants de la
défense immunitaire.
Sans traitement, la quantité
de virus augmente généralement
après plusieurs années (figure1) et,
ensuite, s’installe une défense immunitaire réduite. Celle-ci comporte le risque de contracter des infections dites opportunistes. La figure 2 montre les diverses infections et maladies pouvant apparaître selon le degré de défense. En
font partie avant tout les agents
pathogènes dit opportunistes qui,
par ex. entraînent des pneumonies
ou des abcès cérébraux.
11
Figure 1: Infection VIH – Réponse immunitaire et paramètres
sérologiques dans l’évolution de la maladie
Réponse immunitaire
Nombre de lymphocytes CD4+
RNA viral dans le plasma
Génome viral dans le sang
Années
Mois
Symptômes
Symptômes
Thérapie anti-rétrovirale
La thérapie anti-rétrovirale peut
enrayer l’apparition du déficit
immunitaire ou, si celui-ci existe
déjà, le faire régresser dans une
large mesure. C’est la raison pour
laquelle il est important d’entreprendre une thérapie avant le
début d’un tel déficit afin que le
patient n’encoure pas le risque de
voir apparaître des maladies opportunistes. La figure 3 montre où
la thérapie anti-rétrovirale s’applique. D’abord, les inhibiteurs de
la reverse transcriptase peuvent
arrêter l’enzyme reverse transcriptase, de sorte que l’on évite une
multiplication des virus. D’autre
part, les inhibiteurs des protéases
arrêtent la partition des protéines
virales qui sont nécessaires à la
composition (assembly) du virus.
En raison de la grande dynamique
des virus et de la nécessité de contenir le plus possible la multiplication de ceux-ci, une prise régulière
des médicaments est extrêmement
importante. Le patient doit être
prêt à entreprendre une longue
thérapie, autrement dit à absorber
quotidiennement ses comprimés.
Nous savons d’autre part que le
patient répond le mieux à une première thérapie. En cas d’échec
d’une thérapie, toute thérapie ultérieure a de moins bonnes chances
de réprimer la multiplication des
virus.
Depuis 1995 /1996, de nombreuses études prospectives, randomisées ont été publiées, qui montrent que la réponse thérapeutique
sur le plan viral à une thérapie
combinée avec deux inhibiteurs de
la reverse transcriptase et un inhibiteur des protéases s’élève à envi-
12
VIH: aspect médical – progrès et perspectives
ron 50 à 80%. Le cas échéant, la
quantité de virus peut être réduite
à moins de 500 copies. Grâce à de
nouvelles méthodes de mesure,
l’on sait qu’une limitation en dessous de 50 copies est également
possible. Environ 50% des patients
ainsi traités présentent un succès
durable de la thérapie pendant des
années. De plus, et c’est le paramètre le plus important dans la
perspective d’une réduction du
risque d’être atteint de SIDA, les
valeurs de CD4 augmentent dans
le sang de sorte que souvent une
défense immunitaire presque normale apparaît pour lutter contre les
agents pathogènes infectieux les
plus divers. De nombreuses études
documentent l’effet impressionnant de ces médicaments, avec une
réduction de plus de 80% obtenue
jusqu’ici sur les taux de morbidité
et de mortalité depuis maintenant
cinq ans déjà. Les patients ont pu
rétablir une qualité de vie (prise de
poids, régression de symptômes généraux tels que la fatigue et la perte
d’énergie, et le retour d’une capacité de travail au moins partielle).
Figure 2: Evolution de l’infection VIH: en général
750
Maladie VIH aiguë (dans 30 à 70% fièvre, lymphadénopathie, pharyngite, exanthème)
700
650
Tuberculose pulmonaire, Zona, Candidiase orale, Sarcome de Kaposi,
Lymphome non hodgkinien
600
550
CD4 / Zellzahl / µl)
500
450
400
350
Pneumonie bactériennes
Diarrhées bactériennes
300
Pneumonie à pneumocyte carinii,
Démence SIDA, Wasting syndrome
250
Rétinite CMV,
Toxoplasmose cérébrale,
Cryptococcose
200
150
100
Mycobactériose non tuberculeuse, cryptospondiose,
Leucoencéphalophatie, progressive multifocale,
Lymphome primaire SNC
50
0
Années
13
Figure 3: Thérapie anti-rétrovirale – Points d’attaque dans le cycle
de réplication
Cycle
de réplication
Reverse
transcriptase
Monate
Médicaments
anti-rétroviraux
Inhibiteurs
de la reverse transcriptase
– Analogues
nucléosides
– Non
nucléosides
Provirus
ARN
Inhibiteurs
des protéinases
Polyprotéine
Protéine
Points d’attaque
Médicaments
Actuellement, une large palette
d’inhibiteurs de la reverse transcriptase (Zidovudin, Zalzitabin,
Didanosin, 3TC, Abacavri, Stavudin), d’inhibiteurs des protéases
(Indinavir, Ritonavir, Saquinavir,
Nelfinavir, Amprenavir) ainsi que
des inhibiteurs non nucléosides de
la reverse transcriptase (Nevirapine, Efavirenz) sont disponibles.
Dans les thérapies combinées, on
associe le plus souvent deux inhibiteurs de la reverse transcriptase
avec soit un inhibiteur des protéases, soit un inhibiteur non
nucléoside de la reverse transcriptase. En cas d’échec de la thérapie,
14
VIH: aspect médical – progrès et perspectives
il faut généralement l’intensifier,
afin de pouvoir réduire encore la
quantité de virus.
Problèmes de la thérapie
anti-rétrovirale
Adhérence
Compte tenu de la multiplication le
plus souvent énorme des virus
(jusqu’à 10 milliards de virus par
jour), il est nécessaire que les médicaments soient constamment présents en concentration suffisamment élevée dans le sang. Ceci
nécessite une ingestion très fiable
des médicaments (plus de 95%).
Voilà qui pose de très hautes exigences aux patients. Surtout lesdits
«drug holidays» engendrent des
concentrations médicamenteuses
insuffisantes qui, à leur tour, conduisent à un blocage insuffisant de
la multiplication des virus et, par
conséquent, à des résistances.
Résistances
Dans les trois classes de médicaments, autrement dit les inhibiteurs de la reverse transcriptase,
les inhibiteurs des protéases ainsi
que les inhibiteurs de la reverse
transcriptase non nucléoside, l’apparition de résistances est très bien
documentée. En présence de résistances déterminées, certains médicaments perdent pratiquement
toute efficacité. Il est vrai que de
nouvelles études montrent qu’un
virus résistant n’endommage pas
dans la même mesure le système de
défense, de sorte que les thérapies,
en dépit de l’apparition de nom-
breuses résistances, sont efficaces
comme auparavant sur le plan clinique et que la survenance de
maladies opportunistes est très
rare. En cas d’échec de la thérapie,
il est également possible, et ceci est
nouveau, d’analyser le génome du
virus (mesure de résistance) ainsi
que le comportement du virus dans
des cellules de culture, pour que
la prochaine thérapie puisse être
adaptée en conséquence, de manière optimale.
Effets secondaires
Les effets secondaires à court
terme d’une thérapie combinée
sont avant tout les nausées, les douleurs abdominales et d’autres douleurs non spécifiques. Généralement, ces effets secondaires initiaux diminuent après quelques
jours, ou il est possible de trouver
un traitement efficace des effets
secondaires au moyen d’une autre
thérapie associée. Sont plus problématiques les effets secondaires
à long terme, et il y a lieu de mentionner en premier lieu la lipodystrophie (modification de répartition des graisses) et des valeurs
élevées de cholestérol. Ces effets
secondaires sont encore peu compris sur le plan physiopathologique. En fait, on admet que les inhibiteurs des protéases et, possiblement aussi, les inhibiteurs de la
nucléoside reverse transcriptase
agissent sur certaines enzymes
hépatiques et influencent le métabolisme lipidique. La lipodystrophie qui apparaît chez environ 30%
15
des patients traités (le plus souvent
sous forme modérée), est caractérisée par une accumulation des
graisses au niveau du ventre (abdomen) ainsi que par une perte de
graisses au niveau des fesses, des
bras et des jambes ainsi qu’au visage. Parfois, on constate également une telle accumulation au
niveau de la nuque. Cet effet secondaire représente pour les patients
une surcharge psychique considérable. Il n’est pas encore établi si un
changement de thérapie peut supprimer complètement de tels effets
secondaires.
Qualité de vie
Nous avons pu montrer dans des
études que la qualité de vie, en
dépit d’une amélioration sensible
des perspectives de vie, est sensiblement réduite chez 30% des
patients et plus. Il convient de mentionner en premier lieu les dépressions et les états anxieux documentés. Ceci montre également que
l’infection VIH est le plus souvent
vécue par les patients comme une
maladie grave et chronique. A la
différence d’autres maladies chroniques, comme le diabète sucré ou
les maladies rhumatismales, il ne
faut pas oublier, dans le cas de l’infection VIH, que la durée d’efficacité des thérapies n’est pas connue, si
bien qu’il y a là un facteur d’insécurité lourd à supporter.
Grossesse
Un très grand progrès a été accompli dans le traitement de femmes
enceintes infectées par le VIH.
Dans les pays occidentaux et en
particulier en Suisse, la transmission de la mère à l’enfant non encore né a été réduite à presque 0%
lorsqu’une thérapie est administrée dans les règles de l’art. Cette
thérapie comprend le traitement de
la femme enceinte, un traitement
intensif pendant la naissance y
compris la césarienne ainsi qu’un
traitement précoce du nouveau-né
au moyen d’un sirop anti-rétroviral.
Coûts
Dans une enquête que nous avons
effectuée nous-mêmes dans le
cadre de l’Etude suisse sur les
cohortes VIH, enquête réalisée sur
plus de 3500 patientes et patients,
nous avons pu constater qu’en raison de la réduction massive des
hospitalisations, de la diminution
des complications et de la capacité
de gain retrouvée, ces thérapies
sont très efficaces du point de vue
des coûts. Ont été pris en considération divers scénarios, un optimiste, un pessimiste et un dit
«Base-Case». Dans tous les scénarios, même dans l’hypothèse du
pronostic le plus pessimiste, la thérapie anti-VIH a été efficace sur les
coûts, aussi en comparaison avec
d’autres maladies chroniques.
Perspectives
D’autres améliorations de la thérapie anti-rétrovirale n’ont été obtenues que récemment. Celles-ci concernent en particulier le nombre
16
VIH: aspect médical – progrès et perspectives
des tablettes à prendre ainsi que la
fréquence de leur ingestion (actuellement deux fois par jour). D’autres
progrès dans les trois classes de
médicaments susmentionnées sont
à prévoir, en particulier des médicaments qui agissent également
sur les virus résistants. De plus,
seront développés au cours de ces
prochaines années des remèdes qui
n’influencent pas le métabolisme
lipidique.
Alors que les inhibiteurs de
la reverse transcriptase bloquent
pour ainsi dire la machine à copier
les virus et les inhibiteurs des protéases la composition du virus, de
nouveaux médicaments interviennent au niveau de la fixation du
virus sur la cellule. Ainsi, dès le
début, l’infection d’une cellule est
empêchée et par conséquent, ultérieurement, est également évité le
mauvais usage d’une cellule en tant
que machine à copier les virus.
D’autres progrès touchent
aux stratégies en matière de thérapie, visant à fixer le moment optimal de l’engagement d’une thérapie. De même, diverses études sont
en cours à l’échelon planétaire
pour vérifier si une interruption du
traitement est possible. La base de
ces études réside dans le fait que les
défenses ont été améliorées et stabilisées sous traitement. Dans l’espoir que cette stabilisation soit possible au moins pour des mois ou
quelques années sans thérapie
également, on examine actuellement si une interruption de thérapie est possible. Malheureusement,
malgré de grands progrès réalisés
au cours de ces dernières années, il
s’est avéré qu’une éradication du
virus, autrement dit une guérison,
n’est pas possible.
Manifestement, le virus peut
être intégré dans le noyau cellulaire, mais peut aussi continuer à
exister dans des cellules qui sont au
repos. Ces virus ne sont pas accessibles à une thérapie, même avec
les médicaments les plus récents.
En résumé, on peut dire que
le pronostic de l’infection VIH s’est
radicalement amélioré par l’introduction de nouvelles thérapies
combinées dès 1995 /1996. En raison de la thérapie complexe, des
effets secondaires et des infections
opportunistes qui apparaissent
comme par le passé (même si c’est
en quantité massivement réduite),
l’infection VIH demeure une maladie infectieuse chronique, voire
sévère. La qualité de vie varie nettement en fonction de la réponse au
traitement et des maladies subies
jusqu’alors. La recherche dans ce
domaine est toujours très dynamique, et laisse présumer de nouveaux développements.
17
Références
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Flepp M, Malinverni R. Discontinuation of primary
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1998; 12(2): 205 – 210
Ledergerber B, Egger M, Opravil M, Telenti A, Hirschel
B, Battegay M, Vernazza P, Sudre P, Flepp M, Furrer Hj,
Francioli P, and Weber R, for the Swiss HIV Cohort
Study. Clinical progression and virological failure on
highly active antiretroviral therapy in HIV-1 patients:
a prospective cohort study. The Lancet 1999; 353:
863 – 868
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Sendi PP, Bucher HC, Harr T, Craig BA, Schwietert M,
Pfluger D, Gafni A, and Battegay M, for the Swiss HIV
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AIDS 1999; 13: 1115 – 1122
Weisser M, Rudin Ch, Battegay M, Pfluger D, Kully Ch,
Egger M, and the Swiss HIV Cohort Study.
Does pregnancy influence the course of HIV infection?
Evidence from two large Swiss Cohort Studies.
J. Acquir. Immune Defic. Syndr. Hum. Retrovirol.
1998; 17: 404 – 410
18
VIH et Assurance vie
Jan van Overbeck
Chief Medical Officer,
Swiss Re Life & Health
Les progrès scientifiques dans le
domaine de l’infection par le VIH
sont considérables. L’article du Dr
Battegay présente un résumé très
précis de l’impact de ces progrès
sur la prise en charge clinique des
patients. Grâce aux nouvelles combinaisons thérapeutiques (triple
thérapie), la survie des patients est
sensiblement améliorée, de même
que la qualité de vie de ces derniers. Du point de vue de l’assurance vie, ces développements permettent, à juste de titre, de poser la
question de l’assurabilité de ces
personnes VIH positives. Cet article
ne vise pas à donner des critères
d’acceptation ou d’assurabilité,
mais à proposer des éléments afin
d’initier un débat constructif.
Principes généraux
L’assureur se doit de comparer la
mortalité du groupe avec une affection donnée par rapport à la population dite normale, en fonction de
l’âge et du sexe. Ceci permet de calculer un taux de surmortalité et
ainsi de fixer une prime d’assurance adéquate. Ce principe est sousjacent à l’évaluation de toute demande d’assurance, s’appliquant
aussi bien aux affections cardiovasculaires, oncologiques ou à l’infection VIH. L’infection par VIH
touche avant tout une population
jeune et, sans traitement, le décès
survient en moyenne entre 7 et 10
ans. Ainsi si l’on compare l’espérance de vie de ce groupe avec une
population standard, la «surmortalité» du groupe VIH positif est
extrêmement élevée et ne permet
pas d’offrir des assurances à un
prix acceptable.
Une compagnie d’assurance
ne peut atteindre son objectif fondamental, à savoir offrir à un maximum de personnes une couverture
d’assurance au meilleur prix possible, que si les primes proposées
sont adaptées aux risques. En assurance vie, où la prestation assurée
doit être versée en cas de décès de
l’assuré, c’est la mortalité de l’assuré qui constitue la probabilité de
survenance du sinistre. A travers
les recensements de population et
l’analyse des registres d’état civil
(naissances, décès), l’office des
statistiques d’un pays donné peut
déterminer la probabilité de décès
de la population sur une année, en
fonction de l’âge et du sexe, pour
établir ensuite une table de mortalité. Si, par exemple, sur 100 000
hommes âgés de 43 ans, on enregistre 300 décès au cours
d’une année (les défunts n’ayant
donc pas atteint l’âge de 44 ans), il
en résulte une mortalité de 0,003
ou de 3 pour mille pour les hommes
âgés de 43 ans.
Ainsi, si une compagnie d’assurance accepte des personnes
ayant un risque de décès plus élevé
(ou, en d’autres termes, une espérance de vie réduite), elle doit leur
demander des primes plus élevées.
Dans le domaine de l’assurance
privée, il serait inadéquat de faire
supporter par la grande majorité
des assurés en bonne santé la totalité des frais additionnels occasion-
19
nés par les personnes qui, dès le
départ, présentaient un risque de
décès plus élevé. Les preneurs
d’assurance en bonne santé chercheraient alors une autre forme de
couverture de risque (par ex. placements en titres ou immobiliers),
l’assureur se retrouvant uniquement avec des risques accrus et
dans l’impossibilité de les compenser lors de sinistres.
Les données cliniques récentes montrent clairement une
amélioration sensible de l’espérance de vie des patients VIH positif.
Mis à part une amélioration de la
qualité de vie, les triples thérapies
ont permis une réduction jusqu’à
80% de la mortalité à 5 ans avec en
particulier une diminution très
importante des infections opportunistes. Du point de vue de l’assurance vie, cette amélioration est
clairement reconnue, mais comparée à une population normale, celle-ci reste néanmoins très inférieure. En dépit des progrès réalisés,
cette différence ne permet actuellement pas de proposer des assurances vie de longue durée aux personnes infectées par le VIH. Cependant, la possibilité de proposer, par
exemple, des couvertures à durée
limitée (5 ans), pourrait être considérée par les assureurs. En effet, ce
type de contrat permettrait de couvrir un besoin social tout en respectant les principes fondamentaux d’un produit d’assurance
«sain» (permettant le paiement
des prestations assurées).
Critères pour évaluer
l’assurabilité
L’appréciation d’une demande
d’assurance doit reposer sur des
critères simples, fiables et ayant
une valeur statistique reconnue.
Pour l’infection par le VIH, les
paramètres les plus importants
sont la durée d’évolution de l’infection, la valeur des CD4 et de la virémie, ainsi que l’histoire clinique du
proposant VIH positif, en particulier les interventions thérapeutiques et la présence d’infection
opportuniste.
La durée de l’infection clinique est souvent difficile à estimer
précisément, car la primo-infection
est généralement asymptomatique
ou oligosymptomatique (syndrome
grippal). La connaissance du dernier test VIH négatif et du premier
test positif permettent souvent une
estimation suffisante. Du point de
vue pratique, des mesures répétées
des CD4 permettent d’estimer le
degré d’immunosuppression et la
durée de l’infection. De larges
études cliniques ont clairement
montré que le déclin des CD4 au
cours du temps est constant. En raison de la variabilité des mesures
individuelles, une estimation fiable
nécessite au moins deux valeurs de
CD4 ainsi qu’un profil des CD4 au
cours du temps. Une valeur unique
de CD4 ne permet pas de conclusion.
La virémie, ou mesure de
charge virale, est une estimation
du nombre de particules virale circulant dans le sang, et reflète le
20
VIH et Assurance vie
degré de réplication du VIH. Chez le
patient non traité, cette mesure de
virémie a une valeur prognostique
très importante et celle-ci est indépendante de la valeur des CD4. Plus
la valeur est basse, meilleur est le
prognostic. Ainsi les valeurs de CD4
et de virémie permettent d’estimer
l’état de l’équilibre entre le VIH et
le système immunitaire d’un individu. La médication anti-virale a un
impact important sur la virémie,
ainsi lors de l’évaluation d’un patient il est impérieux de connaître
également les valeurs avant traitement.
L’histoire clinique d’un patient est essentielle, en particulier
l’apparition d’infections opportunistes. Le diagnostic d’une de ces
infections indique en général une
immunsuppression modérée à sévère. Une assurabilité n’est en
général pas possible. L’évaluation
du proposant nécessite le recours à
un médecin-conseil ayant une
expérience pratique avec le traitement des patients VIH positif.
L’histoire thérapeutique détaillée est importante. L’expérience
actuelle montre clairement que les
patients traités d’emblée par une
triple combinaison présentent les
résultats les plus impressionnants.
Cependant, le recul n’est que de 5
à 7 ans seulement, selon la taille
des études cliniques. La résistance
du VIH aux antiviraux est le principal problème de ces thérapies au
long court. En effet, le traitement
doit être poursuit indéfiniment, car
les médications actuelles ne per-
mettent pas l’éradication du virus.
Dans ce contexte, les résistances
sont très importantes ainsi que le
problème d’adhérence au traitement. Il faut se souvenir qu’une
triple combinaison comporte, selon
les régimes, la prise de 10 à 15
tablettes par jour, ainsi que des
effets secondaires non négligeables. Lors de l’évaluation d’un
éventuel proposant, il est essentiel
de disposer des valeurs de CD4 et
de virémie avant le traitement.
Celles-ci permettent de placer l’invidu sur la «courbe» de l’évolution
naturelle et d’estimer le stade de la
maladie avant traitement. En effet,
un patient jamais traité avec des
CD4 de 400 n’est pas «identique» à
un patient traité par triple combinaison ayant remonté ces CD4
de 200 à 400 cellules/ml. Sachant
qu’au moins 50% des patients traités vont interrompre leur traitement, il est indispensable pour l’assureur potentiel de disposer d’une
estimation de l’évolution naturelle.
Dans ce contexte, l’expérience
montre que les patients suivis dans
des centres spécialisés ou par des
médecins spécialistes ont des évolutions plus favorables.
Conclusions et suggestions
Avec les données actuelles, le développement de produit expérimentaux pour personne VIH positif
devient une option possible. Une
demande sociale existe dans différents pays et devrait être adressée
précocément afin que cette évolution puisse prendre place dans un
21
contexte professionnel et constructif. Un manque de réponse à cette
demande pourrait évoluer vers la
«politisation» du débat et ceci
sera probablement au détriment
des companies d’assurances. Les
études thérapeutiques et l’amélioration de la survie permettraient
de considérer une durée contractuelle limitée à 5 ans dans des cas
selectionnés.
Les informations médicales
indispensables avant de considérer
une proposition sont les suivantes:
histoire clinique précise, si possible
dernier test négatif et premier test
positif, virémie et CD4 avant traitement, profil des CD4 au cours du
temps, combinaison thérapeutique
utilisée et médecin-traitant. Dans
un premier temps, des individus
avec des CD4 supérieurs à 500 et
sans histoire d’infection opportuniste devraient être considérés
individuellement. Il est essentiel
qu’un médecin-conseil avec une
expérience dans le domaine soit
consulté afin d’acquérir une expérience pour le futur.
22
Maladies infectieuses:
une nouvelle menace
Prof. Dr med.
Werner Zimmerli,
FMH Médecine
interne et maladies
infectieuses,
Médecin-chef de la
clinique universitaire
de l’Hôpital cantonal,
4410 Liestal
Jusqu’au début du 20e siècle, les
maladies infectieuses étaient de
loin la cause la plus fréquente de
décès. A la fin des années septante
encore, on croyait que ces maladies
étaient vaincues. Les mesures
prophylactiques et thérapeutiques
contre les microorganismes étaient
si prometteuses que l’on pensait
que les infections allaient perdre
de leur importance et de leur caractère effrayant. De cet enthousiasme, il n’est resté que l’élimination de la variole en 1977.
Principales causes de décès
Le décès par suite de maladies infectieuses est devenu rare dans les
pays industrialisés. Alors qu’il y a
cent ans, la tuberculose était en
Suisse la principale cause de décès,
ce sont depuis 60 ans les maladies
circulatoires, les maladies tumorales et les accidents/actes de violence qui représentent les trois
causes essentielles de décès.
Entre 1980 et 1997, cette tendance s’est à nouveau inversée
quelque peu. Alors qu’un quart des
Suisses – et cela ne constitue pas un
changement – meurt des suites de
tumeurs, la mortalité due aux
Principales causes de décès des 120 dernières années
Personnes décédées pour 100 000 habitants
450
400
Maladies cardio-vasculaires
350
Tuberculose
300
250
Cancer
200
150
Mort violente
100
50
Pneumonie
Maladies infectieuses
à caractère épidémique 1
0
1875
1
1885
1895
1905
1915
1925
1935
1945
Variole, rougeole, scarlatine, diphtérie, coqueluche, typhus
1955
1965
1975
1985
1995
23
affections cardio-circulatoires a
régressé de 6,9% pour se situer à
41,4%. Ceci est sans doute imputable aux possibilités multiples et
nouvelles en matière de prophylaxie et de thérapie dans le domaine des maladies du cœur et de la
circulation. La mortalité en raison
de maladies des voies respiratoires
et des infections a par contre légèrement augmenté. Cette hausse est
certes modeste en valeur absolue,
puisqu’elle est de 1,4% pour un
total de 7,1% en ce qui concerne les
maladies des organes respiratoires
et de 0,5% pour un total de 1,2%
s’agissant des infections. Ces modifications correspondent toutefois
à une hausse relative évidente de
27%, resp. 71%.
Cette augmentation n’est pas
le fruit du hasard. Pour la plus
grande part, il faut en rechercher la
cause dans les déficiences immunitaires SIDA qui, en 1995, étaient
responsables de 635 décès en
Suisse. Comparé au total des cas
de décès qui s’élève à 62 839, ceci
est certes minime, mais ce sont
presque exclusivement des jeunes
qui ont été touchés. Au cours des
15 ans qui se sont écoulés depuis
son apparition en Suisse, l’infection VIH est devenue en 1995 la
deuxième cause de décès la plus
fréquente pour la tranche d’âge 25
à 44 ans. Trente-deux hommes sur
100 000 et douze femmes sur
100 000 de cette classe d’âge sont
décédés du SIDA. Cette tendance ne
s’est inversée à nouveau que depuis
la fin des années 90, lorsqu’une
Principales causes de décès
Causes de décès 1980 en %
(100% = 59 097 cas de décès)
Causes de décès 1997 en %
(100% = 62 839 cas de décès)
4,7%
0,4%
0,7%
1,4%
2,7%
2,7%
3,8%
5,6%
Autres
Psychique
Infections
Système nerveux
Suicides
Métabolisme et sang
Appareil digestif
Accidents et actes de violence
5,6%
Organes respiratoires
5,7%
3,8%
1,2%
3,3%
2,1%
3,3%
3,7%
3,6%
7,1%
24,1%
Tumeurs
24,8%
48,3%
Cœur-circulation
41,4%
Source: Statistique de causes de décès 1980,
1997. Office fédéral de la statistique,
Neuchâtel
thérapie combinée hautement active et anti-rétrovirale a été disponible. Selon des statistiques américaines aussi, les infections ont augmenté à titre de cause de décès de
1980 à 1992, à savoir de 41 à 65
pour 100 000 habitants. Chez les
personnes âgées de 25 à 44 ans, le
taux de mortalité due à des infections a même augmenté de 6,3 fois.
24
Maladies infectieuses: une nouvelle menace
Vieilles menaces
Avant que les antibiotiques ne
soient disponibles, nombre d’infections bactériennes étaient mortelles. Alors que certaines infections telles que la sinusite, l’otite
moyenne, la pneumonie ou les
infections cutanées guérissaient
grâce à une défense immunitaire
intacte dans la plupart des cas,
même en l’absence de substances
antimicrobiennes, la méningite, la
septicémie ou l’endocardie aiguë
finissaient pratiquement toujours,
à défaut d’antibiotiques, par entraîner la mort. Antérieurement, le
décès était généralement imputable, dans ces maladies, à l’infection incontrôlée. Au contraire, les
patients meurent aujourd’hui non
plus en raison directe de l’infec-
179,6
226,2
0,9
1,3
5,6
4,2
11,7
7,9
2,6
2,0
0
35,1
20,9
50
78,2
82,6
100
91,7
150
124,8
153,6
200
188,8
250
272,2
266,9
300
Fréquence des cas de décès dus à la tuberculose
pour 100 000 habitants
1900 ’10 ’20 ’30 ’40 ’50 ’60 ’70 ’80 ’90 ’97
Source: Office fédéral de la statistique, Neuchâtel
tion, mais des suites de leur défense immunitaire incontrôlée. Celleci peut endommager l’organisme
de manière irréversible par une
inflammation exhubérante. La
mortalité liée à la méningite était
d’environ 33% il y a 25 ans de cela,
en dépit d’antibiotiques efficaces,
et aujourd’hui, 15 à 20% des patients meurent encore. L’amélioration est due avant tout à un diagnostic, et donc à une thérapie plus
rapides ainsi qu’aux progrès de la
médecine intensive («supportive
care»). Une réduction analogue de
la mortalité a pu être obtenue en
cas d’endocardite aiguë. En l’occurrence, l’amélioration est surtout imputable à une thérapie cardio-chirurgicale plus rapide et
meilleure (prothèses valvulaires en
stade aigu).
A l’heure actuelle encore, 40
à 50% des patients meurent d’un
choc septique. Ce mauvais pronostic ne s’est pas vraiment amélioré
depuis l’introduction des antibiotiques, en dépit de substances toujours meilleures. En cas de septicémie aussi, la majorité des patients
décèdent d’une inflammation incontrôlée et non influençable efficacement jusqu’ici (défaillance
multiorganique) ou de la maladie
de base mais non pas de l’infection
elle-même. Aucun des nouveaux
concepts de thérapie comme les
anticorps anti-endotoxine, les anticytokines ou les récepteurs-cytokine solubles n’a pu réduire de
manière significative et reproductible la mortalité élevée. C’est la
25
Le tableau présente les principaux microorganismes nouveaux des 25 dernières années
Année
Microorganisme
Maladie
1975
Parvovirus B19
Anémie aplasique
1976
Cryptosporidium parvum
Entérocolite
1977
Virus Ebola
Fièvre hémorragique
1977
Legionella pneumophila
Pneumonie à legionella
1981
Générateur de toxines S. aureus
Syndrome de choc toxique
1982
Escherichia coli 0157:H7
Syndrome hémolytique-urémique,
colite hémorragique
1982
Borrelia burgdorferi
Borreliose
1983
VIH
SIDA
1983
Helicobacter pylori
Ulcère duodénal ou gastrique
1988
Humanes Herpesvirus-6
Fièvre de 3 jours des jeunes enfants
1989
Ehrlichia chaffeensis
Ehrlichiose humaine
1992
Bartonella henselae
Maladie des griffes de chat,
angyomatose bacillaire
1993
Virus Sin Nombre
Syndrome pulmonaire Hanta
1994
Virus Humanes Herpes-8
Sarcome de Kaposi
1996
Prions
Nouvelle variante de la maladie
Creutzfeld-Jacob
1997
Influenza A H5N1
Influenza à Hong Kong
1999
Virus Nipah
Encéphalite
raison pour laquelle, même en cas
de septicémie, seuls le diagnostic et
l’antibiothérapie plus rapides peuvent apporter une amélioration du
pronostic.
Contrairement à ces maladies
qui enregistrent toujours un haut
degré de mortalité, la situation
s’est nettement améliorée en ce qui
concerne la tuberculose. Au début
du siècle, la tuberculose était une
maladie très redoutée et très souvent mortelle. Grâce à l’amélioration des conditions sociales (habi-
26
Maladies infectieuses: une nouvelle menace
tat, hygiène, alimentation) et depuis les années 50, grâce à la thérapie antimycobactérielle, il a été
possible de réduire les cas mortels
dus à la tuberculose de 272 à 0,9
pour 100 000 habitants. La tuberculose a de nouveau pris de l’essor
à l’échelle mondiale avec l’apparition de la pandémie VIH. En Suisse,
cette tendance n’a pas été observée. L’explication de ce phénomène
réside dans le fait que la co-infection (avec le VIH et le mycobactérium tuberculosis) est plus rare que
dans les pays du tiers-monde ou
que dans les grandes villes américaines.
Agents pathogènes nouvellement découverts
Durant les 25 dernières années, de
nombreux nouveaux agents pathogènes ont été découverts et décrits.
Quelques-uns d’entre eux ont permis de tirer au clair l’étiologie d’infections connues depuis longtemps
(par ex. legionella spp., bartonella
henselae), alors que d’autres ont
élucidé la cause d’infections nouvellement observées et incomprises (par ex. Human Immunodeficiency Virus) ou de maladies
qui jusqu’ici n’étaient pas considérées comme des infections (par ex.
helicobacter pylori).
Cette longue liste d’agents
pathogènes (page 25) nouvellement
découverts montre que les maladies infectieuses n’ont rien perdu
de leur dangerosité, même au
20e siècle, et que l’on doit encore
s’attendre à de nouvelles sur-
prises. L’exemple de l’infection VIH
montre cependant aussi qu’aujourd’hui, il s’écoule peu d’années
entre la reconnaissance d’une nouvelle maladie et la découverte de
l’agent pathogène.
Nouvelles menaces du fait
d’anciens agents pathogènes
Hormis les nouveaux agents pathogènes et maladies, ont été observés
au cours des dix dernières années
d’anciens agents pathogènes également qui, soit apparaissent désormais sous forme épidémique,
avec de nouveaux aspects de maladie, soit sont devenus plus dangereux en raison de leur résistance
aux antibiotiques. A titre d’exemples de nouvelles épidémies, citons
la fièvre hémorragique Ebola, qui a
été observée au Zaïre en 1995, ou la
diphtérie qui est réapparue en Russie en 1993 en raison de la vaccination insuffisante de la population. A
la fin des années 80 et dans les
années 90, on a constaté de nouvelles manifestations ou des recrudescences de manifestations mortelles de l’infection par les streptocoques du groupe A, notamment le
choc toxique et la streptomyosite.
Une nouvelle menace réside également dans les bactéries multirésistantes qui laissent supposer qu’une
ère postantibiotique est possible si
nous ne manions pas les antibiotiques avec soin. Des exemples de
ces agents pathogènes observés à
l’échelle mondiale sont les entérocoques résistant à la vancomycine,
les pneumocoques résistant à la
27
Causes de nouvelles menaces créées par des maladies infectieuses
Facteurs
Exemples (maladies / agents pathogènes)
Technique médicale plus invasive
Infections des cathéters avec entérocoques
et staphylocoques résistants
Voyages internationaux
Choléra en Amérique du nord, dengue
Programmes de vaccinations négligés
Diphtérie en Russie
Antibiotiques dans l’alimentation animale
Entérocoques résistant à la vancomycine,
campylobacters résistants aux quinolones
Comportement sexuel (promiscuité)
Infection VIH, gonocoques résistants
Construction des grands barrages
Fièvre de Rift Valley en Afrique orientale
Abus d’antibiotiques
Infections avec agents pathogènes multirésistants
Transplantation, suppression immunitaire
Agents pathogènes opportunistes
(par ex. CMV, Pneumocystis carinii)
Drogues intraveineuses
Infection VIH, HCV, HBV
Détention de volailles/porcs dans des espaces restreints Nouveaux virus influenza
pénicilline et aux macrolides ainsi
que les S. aureus résistant à la
méthicilline et finalement à la vancomycine et, par conséquent, à tous
les antibiotiques.
Causes des nouvelles menaces
créées par des maladies
infectieuses
Pour quelques-uns des nouveaux
problèmes mentionnés, il y a des
explications et également des solutions potentielles (voir tableau).
Quelques-uns des nouveaux
problèmes décrits sont le prix payé
pour des progrès de la médecine et
donc inhérents à la nouvelle tech-
nologie. D’autres problèmes sont à
résoudre soit par la modification du
comportement humain («Safer
Sex»), par une amélioration collective de la prescription des antibiotiques, par une retenue dans des
projets envahissants sur le plan
écologique (lacs d’accumulation,
défrichements) ou par des normes
étatiques (interdiction d’antibiotiques dans l’engraissement d’animaux). La prise de conscience de
la nouvelle menace constituée par
les maladies infectieuses est la
meilleure protection contre la future croissance de la morbidité et de
la mortalité dues aux infections. 28
Chaque hiver, une épidémie
de grippe –
mais à quand la prochaine pandémie?
Prof. Dr sc. nat.
Werner Wunderli,
Laboratoires centrales
de virologie, Genève
Introduction
Chaque année, la presse consacre
de nombreux articles au thème de
la grippe. Régulièrement, elle pose
également la question de la prochaine pandémie. Le problème présente de nombreux aspects et bien
que la science ait fait de grands
progrès ces derniers temps, personne ne peut faire des prévisions
précises à ce sujet. Si de nombreux
phénomènes sont mieux compris, il
n’est pas encore possible de les
expliquer définitivement. Tout porte à penser que l’apparition d’endémies et de pandémies repose
principalement sur des propriétés
particulières des virus de la grippe.
Epidémies
Les épidémies causées par le virus
influenza apparaissent chez nous
avec une certaine régularité en
hiver. En général, on observe des
épidémies générées par l’influenza
A dans la période de décembre à
janvier, alors que les virus influenza B sont le plus actifs durant
les mois de février et mars.
Mais pourquoi y a-t-il des épidémies? Les raisons de ce phénomène sont essentiellement imputables à quelques caractéristiques
spéciales des virus influenza. Ceuxci sont des virus dits ARN, dont le
génome est constitué de segments
ARN. Lors de la réplication de ces
segments de génome ARN, apparaissent des erreurs qui ne sont
pas corrigées; autrement dit, des
mutations se produisent. Par l’accumulation de telles mutations
dans les génomes qui, pour certains, codent des protéines de surface, les virus de la grippe réussissent à modifier constamment leur
surface. On observe surtout ces
modifications structurelles au niveau de deux protéines de surface,
l’hémagglutinine et la neuraminidase. Ces modifications sont dénommées «antigenic drift». Comme les anticorps protecteurs visent
avant tout cette protéine, il est aisé
de comprendre que par la modification de la surface de ces virus, les
anticorps existants, qui circulent,
perdent peu à peu de leur efficacité
et que les individus ne sont plus
suffisamment protégés contre les
nouvelles variantes. La transmission des virus de grippe est en outre
très facile, car elle s’opère essentiellement par des gouttelettes.
Manifestement, les conditions
d’une telle transmission sont
essentiellement favorables chez
nous durant le semestre hivernal,
de sorte qu’une propagation épidémique de l’infection peut alors se
produire.
Pandémies
Par contre, les causes de pandémies sont à rechercher dans une
autre propriété spéciale du virus
de la grippe. Les virus influenza
possèdent, comme déjà mentionné,
un génome segmenté. En cas d’infections doubles avec deux virus
d’origines diverses chez un hôte
commun, les segments peuvent
être divisés à volonté chez les «successeurs». Ainsi peuvent apparaî-
29
Tableau 1: Résumé des différences essentielles entre les virus influenza épidémiques
et pandémiques.
Genre de mutation
Cause
Immunité
dans la population
Conséquences
Virus épidémique
Provient d’un virus
connu par l’accumulation de mutations
(«antigenic drift»).
Des anticorps à réactions
croisées sont présents
dans la plus grande
part de la population.
Taux d’infection
différents qui conduisent
à des manifestations
sporadiques, locales ou
régionales de la maladie.
Virus pandémique
Naît de l’«antigenic
shift». Le virus influenza
A apparaît avec de
l’hémagglutinine et/ou
de la neuraminidase
inconnues jusqu’ici,
dans un hôte commun.
Peu ou pas d’immunité
dans la population.
Normalement, taux
élevés d’infection
avec forte morbidité
et mortalité.
tre des virus avec des combinaisons
tout à fait nouvelles.
Mais d’où proviennent ces
virus d’un autre type? Dans le
monde animal existe un très grand
réservoir de divers types de virus
grippaux. Chez les oiseaux surtout,
il y a pratiquement tous les types de
virus influenza A. Mais les virus
ne peuvent pas passer sans autre
adaptation d’une espèce à une
autre (par ex. du canard à l’homme). Il faut à cet effet une adaptation au nouvel hôte. Diverses observations montrent qu’une telle
adaptation est possible dans un
hôte commun. Un hôte de ce genre
est le porc. Celui-ci peut s’infecter
avec des souches qui proviennent
des oiseaux et de l’homme. Si une
double infection a lieu, l’échange –
décrit plus haut – de génomes
d’origines différentes est possible.
Si, maintenant, se manifestent des
virus avec des protéines de surface
d’un genre tout nouveau, qui peuvent atteindre les êtres humains, il
est aisé de voir qu’il n’y a aucune
immunité contre ces virus. On en
arrive à une propagation de l’infection à l’échelle mondiale. Cette
modification porte le nom d’«antigenic shift». Contrairement à
l’«antigenic drift», ce sont là des
événements évidemment rares et
qui supposent des conditions spéciales. Les pandémies ont lieu irrégulièrement et il n’y a aucun pronostic possible à leur sujet. Cette
assertion est également vérifiée
par la fréquence des pandémies au
cours du siècle passé. 1918, 1957 et
1977 ont connu des pandémies avec
des effets très différents.
30
Chaque hiver, une épidémie de grippe – mais à quand la prochaine pandémie?
Dans le tableau 1 sont résumées
une fois encore les caractéristiques
principales des virus qui provoquent des épidémies ou des pandémies.
Conséquences d’une maladie
grippale
Des observations épidémiologiques
ont montré que les épidémies, et de
façon plus marquée encore les pandémies, entraînent de lourdes conséquences:
Taux de décès: les épidémies
de grippe et les pandémies ont une
influence prouvable sur le nombre
des cas de décès. Ce phénomène est
appelé «excess mortality». Lors
d’une épidémie, ce sont principalement les personnes d’un certain
âge et les gens frappés de maladies
chroniques qui sont touchés. Cette
situation peut cependant, dans
l’hypothèse d’une pandémie, se
révéler totalement différente et
concerner non seulement des gens
issus de groupes de risques, mais
également des personnes en bonne
santé.
Morbidité: pendant une épidémie, et bien plus encore en cas
de pandémie, un grand nombre de
personnes peuvent tomber malades presque en même temps. Il en
résulte une charge considérable
pour le médecin et l’ensemble du
domaine de la santé. Et ce – également – parce que de plus en plus de
personnes doivent être hospitalisées en raison de complications.
Ceci peut conduire, en cas de pandémie essentiellement, à des crises
passagères dans le secteur de la
santé, qui sont difficiles à
maîtriser.
Le fort absentéisme dû à la
maladie peut créer des problèmes
sérieux pour l’économie et l’approvisionnement, car en cas de pandémie, 20 à 25% de la population
peuvent être touchés. Des absences
dans une telle proportion entraîneront forcément des difficultés,
car le fonctionnement des entreprises ne peut plus être assuré.
Prévisions de pandémies
Comme déjà mentionné, des vagues de grippe ont lieu à un rythme
relativement régulier. Mais l’apparition de souches totalement nouvelles avec des caractéristiques
pandémiques n’est pas prévisible.
A partir du grand réservoir de virus
influenza A que constituent les
animaux, il y aura toujours une
transmission d’infections d’autres
genres, transmission qui touchera
également les êtres humains. Les
virus pathogènes pour les animaux
d’origines différentes sont sans
cesse susceptibles d’infecter l’homme. Un exemple typique en a été le
virus influenza A H5N1 à Hongkong, qui a pu passer directement
des poules à l’homme. Six individus
sont morts de cette infection. Heureusement, aucune chance n’a été
donnée à ce virus de s’adapter à
l’homme, car le réservoir a été
détruit en éliminant les poules. Ceci
montre à l’évidence qu’une pandémie n’aura lieu qu’à condition
que le virus puisse suffisamment
31
Tableau 2: Plan d’action en cas de pandémies
Echelon
Procédure
Echelon 0: mesures préparatoires en trois degrés
de priorité
Surveillance de l’activité de la grippe à l’échelle
planétaire, afin de pouvoir déterminer si
un nouveau virus est dangereux. (Cas normal
du système de surveillance)
Echelon 1: début d’une pandémie
Déclaration de la pandémie par la «task force» de
l’OMS après que soit établie la preuve qu’un nouveau virus circule et cause des atteintes à la santé
Echelon 2: atteintes régionales et interrégionales
Coordination des activités de prévention entre
les pays, par l’OMS
Echelon 3: affaiblissement de la première vague
dans les régions initiales et, simultanément,
propagation au niveau mondial
Coordination des activités de prévention entre
les pays, par l’OMS
Echelon 4: autres vagues dans un intervalle
de 3 à 9 mois
Mesures de prévention contre d’autres vagues
Echelon 5: fin de la pandémie
Déclaration de la fin de la pandémie, par l’OMS
(normalement après 2 à 3 ans)
s’adapter aux hommes et qu’il commence ainsi à circuler dans la
population.
Plan d’action en cas
de pandémies
Pour les motifs mentionnés plus
haut, une prévision de la prochaine
pandémie est impossible. Le danger de voir se propager très rapidement un virus modifié est cependant très grand, vu l’augmentation
constante de la population mondiale et de sa grande mobilité. Les
conséquences seraient graves dans
un tel cas de figure. Pour cette raison, l’OMS a élaboré un plan d’ac-
tion ayant pour but de mieux maîtriser ce genre de situations. Il ne
s’agit pas là d’un plan modèle, mais
d’un moyen auxiliaire pour les
autorités sanitaires nationales. Son
but peut être décrit de la manière
suivante:
Il représente un moyen
auxiliaire pour les autorités
sanitaires nationales afin
que celles-ci puissent élaborer
un plan adapté à leurs besoins.
Il définit le rôle de l’OMS et
des autorités sanitaires en cas
de pandémies. Ceci est particulièrement important,
car dans cette hypothèse, des
32
Chaque hiver, une épidémie de grippe – mais à quand la prochaine pandémie?
problèmes surgissent qui ne
peuvent pas se résoudre uniquement au plan national.
Le plan doit aider à régler la
distribution de vaccins et
de médicaments. Ceci surtout
parce qu’une pandémie peut
conduire à des impasses.
Eviter la panique dans la population est un objectif important
lié à toutes les mesures.
Cela n’est pas une tâche facile
car dans ce genre de crises,
des réactions de panique
se produisent très facilement.
Le plan d’action de l’OMS est divisé
en diverses phases. Ceci est une
nécessité car lorsqu’apparaissent
de nouvelles souches, il est très
difficile de prédire si la souche en
question a le potentiel nécessaire
pour déclencher une pandémie.
Se fondant sur les recommandations de l’OMS, la Suisse a également élaboré un plan d’action. Sa
structure est analogue à celui de
l’OMS. Le plan est en ce moment en
consultation auprès des divers
milieux intéressés. Il poursuit différents buts et doit également aider à
mieux maîtriser des situations
difficiles. Sous ces objectifs sont
rangés les points suivants:
Les effets d’une pandémie
doivent être réduits par des
mesures de prévoyance,
ainsi que par des vaccinations
ciblées de groupes de personnes
ou de patients. Il est donc
important que déjà dans des
situations épidémiques,
on attache une grande importance à la prévention, surtout
en ce qui concerne des groupes
à risques.
Il s’agit de diminuer la morbidité grâce à une vaccination
en masse. Celle-ci nécessite
cependant de disposer à temps
des vaccins en quantité suffisante.
Le plan doit également régler
les crises passagères dans
le domaine de la santé. En effet,
le grand nombre de maladies
peut créer une surcharge totale
de certains services sanitaires
et ceux-ci peuvent donc se
retrouver bloqués.
L’approvisionnement de base
de la population doit être
garanti. Suite à une vague de
maladies, il se peut que les services publics ne puissent plus
fonctionner qu’en partie. Le
plan doit parer à cette situation
par des mesures appropriées.
Garantie de la sécurité.
Il est absolument évident que tous
les problèmes ne sauraient être
réglés par avance. Le paquet de
mesures entend cependant donner
aussi des pistes de réflexion, afin
que des découvertes relativement
récentes puissent être intégrées
également.
Vaccination et possibilités
de traitement
Dans tous les plans, une grande
importance est attachée à la prévention sous forme de vaccination
33
contre la grippe. Divers travaux et
études, entrepris surtout aux USA,
ont clairement montré qu’une vaccination antigrippale est efficace
et qu’elle est essentiellement en
mesure de réduire drastiquement
le taux de complications. En premier lieu, c’est le nombre des cas de
grippe à évolution difficile qui est
réduit très considérablement, d’où
une décharge déterminante pour le
domaine de la santé. Les absences
au travail sont également moindres
du fait de la vaccination à titre préventif. De ce point de vue, le vaccin
est la solution avantageuse, même
si un rappel doit être effectué chaque année.
Il y a aujourd’hui divers types
de vaccins qui, sous l’angle de leur
efficacité, présentent des résultats
comparables. On distingue les
types suivants:
Vaccins parentéraux: «Split
vaccines» sont des vaccins qui
contiennent un virus fragmenté.
«Subunit vaccines» sont des
vaccins contenant des protéines
de surface du virus qui ont été
purifiées.
Les vaccins virosomaux contiennent des protéines de surface
purifiées, intégrées dans des
liposomes.
Vaccin nasal: Vaccin par
application nasale, qui contient
les protéines virales sous forme
de liposomes.
Comme cela a déjà été évoqué plus
haut, les divers vaccins sont comparables du point de vue de leur
efficacité. Par contre, ils présentent
certaines différences en ce qui concerne les effets secondaires.
En cas de pandémie, il y aura
toujours une phase durant laquelle
aucun vaccin ne sera disponible.
Les nouveaux médicaments (inhibiteurs de la neuraminidase), arrivés il y a peu sur le marché, permettront de traiter spécifiquement
la maladie grippale. Mais ceci à
condition que le traitement commence dans les 48 heures après
l’apparition des premiers symptômes. L’efficacité de ces médicaments a pu être prouvée cliniquement dans diverses études. C’est
principalement la durée de la
maladie, l’absence au travail, la
fréquence des complications et le
taux des infections secondaires qui
sont réduits. Un des médicaments
peut aussi être utilisé à titre préventif. Les inhibiteurs de neuraminidase ne remplacent pas la vaccination, mais aident dans certaines
situations spéciales, ainsi dans des
EMS lorsque des cas se déclarent et
que l’on veut protéger d’autres
résidents. Cependant, la protection
ne dure qu’aussi longtemps que le
médicament est administré.
Problèmes
En dépit d’une planification minutieuse, il est impossible de régler à
l’avance, et à satisfaction, certains
problèmes. Il ne sera pas aisé non
plus d’éviter tout mouvement de
panique. Ceci essentiellement pour
les raisons suivantes:
34
Chaque hiver, une épidémie de grippe – mais à quand la prochaine pandémie?
Les fabricants de vaccins ne
peuvent, pour des motifs
d’ordre technique, fournir sur
le marché des vaccins en quantité suffisante qu’avec un retard
de 4 à 6 mois. En effet, la production ne peut commencer que
lorsque le feu vert a été donné
pour la production de la souche.
Durant ce laps de temps, il n’est
donc pas possible de protéger
des personnes de manière
ciblée par une vaccination. C’est
pourquoi cette période de transition doit faire l’objet d’un
recourt à d’autres moyens, par
ex. à de nouveaux médicaments. Toutefois, lorsque leur
utilisation n’a pas été prévue
à l’avance, ils ne sont pas non
plus disponibles en quantité
suffisante dans les cas d’urgence, pour couvrir le besoin
qui augmente vertigineusement
à l’échelle planétaire.
Si l’on veut être armé pour faire
face à une telle situation, il y a encore bien à faire. Le but est d’avoir
sur le moment un instrument
efficace, car dans notre système,
tout ne fonctionnera plus comme
d’habitude.
35
Le cas pratique
Proposition
Un coiffeur indépendant, 37 ans,
marié, nous a proposé l’assurance
vie avec âge-terme à 65 ans:
Assurance-mixte de 144 000
CHF, en cas de décès ou de vie.
Rente annuelle en cas d’incapacité de gain de 12 000 CHF avec
un délai d’attente de 24 mois.
Libération du paiement des
primes en cas d’incapacité
de gain avec délai d’attente
de 24 mois pour tout le contrat.
Il ressortait de la déclaration de
santé, que ce coiffeur avait séjourné à l’hôpital il y a trois ans pour
une hernie discale. A l’heure actuelle, le traitement des douleurs
vertébrale est terminé et tout est en
ordre. Le proposant mesure 172 cm
et pèse 65 kg.
Appréciation du point de vue
médico-actuariel
Pour nous, le problème de la colonne vertébrale passe maintenant au
second plan. Ce qui nous importe
avant tout, c’est d’évaluer les suites
éventuelles d’une hépatite virale C
(HCV), du point de vue de l’assureur. En outre, il s’agissait dans ce
cas d’une violation évidente de
l’obligation de déclarer de la part
du proposant.
Comme dans ce dossier, l’hépatite C chronique agressive avait
été confirmée par une biopsie de
foie, nous avons admis que le cas
finirait très vraisemblablement,
pendant la durée du contrat de 28
ans, en une cirrhose du foie ou en
carcinome hépatocellulaire (HCC);
ceci étant, nous avons dû refuser
cette proposition.
Constat médical
Après cette auto-déclaration, nous
avons demandé des informations
supplémentaires au sujet de la
colonne vertébrale, au moyen d’un
questionnaire médical et de questions spéciales adressées au médecin-traitant. S’agissant du syndrome lomboradiculaire avec hernie discale médiane L4/5, une amélioration a pu être obtenue au
moyen d’un traitement conservateur. Mais nous avons pu découvrir
en même temps, incidemment, une
hépatite C chronique agressive peu
active, confirmée par une biopsie
hépatique. Le patient n’a pas réagi
à un essai de traitement à l’Interféron.
Commentaire
Avec l’infection par l’HCV, nous
avons affaire à une grave maladie
avec, éventuellement, des conséquences notables sur la tarification
dans le domaine de l’assurance vie.
Depuis 1990, tous les donneurs de
sang sont régulièrement testés au
sujet des anticorps hépatite-C, et
les nouvelles infections sont en net
recul. Aujourd’hui, la contamination a lieu par des seringues infectées et par des contacts sexuels non
protégés, avec des partenaires qui
changent fréquemment. La campagne «safer-sex» et la distribution
de seringues stériles sont à l’heure
actuelle les mesures de prévention
primaires les plus importantes.
Peter Suter,
Winterthur
36
Le cas pratique
Les infections HCV évoluent le plus
souvent de façon inaperçue sur le
plan clinique ou sont accompagnées de symptômes non spécifiques. Seul un quart de tous les cas
d’infections présente l’aspect clinique d’une hépatite virale. C’est
précisément dans cette évolution
«muette» de la majorité des maladies que réside d’une part la difficulté de base d’une évaluation
exacte des suites à long terme de
l’hépatite C. D’autre part, il en
résulte pour l’assureur un potentiel
général de risques, car de nombreux proposants ne sont pas du
tout conscients de leur infection
HCV.
Conclusion
Dans quelle mesure notre décision
était correcte dans le cas d’espèce
est impossible à vérifier après coup
au moyen d’un contrôle de l’évolution, car un proposant qui n’a pas
été accepté ne se trouve plus dans
notre portefeuille d’assurés et nous
ne recevons donc pas de nouvelles
informations à son sujet.
Schweizerischer Versicherungsverband
Association Suisse d’Assurances
Associazione Svizzera d’Assicurazioni
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