Une remarque sur le spectre des nombres de Pisot

C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 347 (2009) 5–8
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Théorie des nombres
Une remarque sur le spectre des nombres de Pisot
Toufik Zaïmi
Département de mathématiques, Université Larbi-Ben-M’hidi, Oum El Bouaghi 04000, Algérie
Reçu le 3 août 2008 ; accepté après révision le 12 novembre 2008
Disponible sur Internet le 13 décembre 2008
Présenté par Jean-Pierre Serre
Résumé
Soit θun nombre de Pisot inférieur à 2, mun entier rationnel positif, et Aml’ensemble des nombres réels P(θ)pour Pdécrivant
l’ensemble des polynômes à coefficients dans {0,1,...,m}. On donne un minorant de la limite supérieure des pas de la progression
constituée des éléments de Am.Pour citer cet article : T. Zaïmi, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 347 (2009).
©2008 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
A remark on the spectra of Pisot numbers. Let θbe a Pisot number less than 2, ma positive rational integer, and Amthe set
of the polynomials with coefficients in {0,1,...,m}evaluated at θ. We give a lower bound for the greatest limit point of common
differences of consecutive elements of Am.To cite this article: T. Zaïmi, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 347 (2009).
©2008 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction
Soit θ=1+5
2et A(θ) =A1) ={εnθn+εn1θn1+···+ε0,nN,εi∈{0,1}},oùNest l’ensemble des
entiers rationnels non négatifs. Muni de l’ordre usuel de la droite réelle, l’ensemble A(θ) est une sorte de progression
arithmétique à deux pas : la différence de deux éléments consécutifs de A(θ) ne peut valoir que 1 ou θ1[7].
Généralement, pour tout nombre réel θ∈]1,2[et tout entier rationnel positif m,soit
a0,m =0<a
1,m =1<a
2,m =θ<a
3,m <···
le réarrangement croissant des éléments de l’ensemble
Am=Am) =εnθn+εn1θn1+···+ε0,nN
i∈{0,1,...,m}
et soit
Pm=Pm) ={ak+1,m ak,m,kN}
l’ensemble des « pas ». Il est clair que PmBm,où
Adresse e-mail : toufi[email protected].
1631-073X/$ – see front matter ©2008 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.crma.2008.11.010
6T. Zaïmi / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 347 (2009) 5–8
Bm=Bm) =Am) Am).
En considérant le bêta-développement en base θd’un nombre réel positif [8], on voit immédiatement que Pm
]0,1](voir aussi [11] ; une autre preuve de ce résultat se trouve dans [3]). Il s’ensuit que PmBm∩]0,1]et en
particulier Pmest fini lorsque Bmest discret. Dans leur étude des ensembles Amet Bm, plusieurs auteurs (voir par
exemple [1,7] et [9,11]) ont considéré les quantités
lm=lm) =inf
bBm)∩]0,∞[b
et
Lm=Lm) =lim sup
bPm)
b.
Il est bien évident que 0 lmLm1, et lm>0 si et seulement si Amest uniformément discret ; de plus on a
d’après [4], lm=infbPmb=lim infbPmb. L’équivalence :
m1,l
m) > 0⇐⇒ θest un nombre de Pisot,(1)
a été prouvée dans [2]. Notons que les propositions : « Tous les ensembles Bm ) sont discrets », ou bien « Tous les en-
sembles Bm) sont uniformément discrets », sont aussi équivalentes à celles figurant dans (1). Les deux implications :
B1) est discret θest un nombre de Pisot, et (B1 ) A1 )) est discret θest un nombre de Pisot, montrées
respectivement dans [6] lorsque θ1+5
2, et dans [11] quand θ1+5
2, sont actuellement les meilleurs raffinements
de (1). Comme l2) > 0B1) uniformément discret B1 ) discret, la relation l2) > 0θest un nombre
de Pisot, montrée dans [5] pour θ1+5
2, est moins fine que la relation correspondante ci-dessus. En fait l’un des
problèmes concernant les ensembles Bmest le suivant. L’implication B1) discret B1 ) uniformément discret
demeure-t-elle vraie pour θ>1+5
2sans l’hypothèse θnombre de Pisot. De même les nombres de Pisot sont-ils les
seuls nombres réels pour lesquels 0 n’est pas point limite de l’ensemble B1 ) (resp. vérifiant l1) > 0)? Par ailleurs,
il existe un algorithme simple pour déterminer les quantités lm), lorsque θest un nombre Pisot et m1[1].
Rappelons enfin les résultats concernant les applications Lm:
(a) Si θ1+5
2,alorsL1) =1[3],L2) max1,2θ)< 1[2],etL4) =0 quand θn’est pas un nombre
de Pisot [6].
(b) Si θ<1+5
2,alorsL1) max2θ,1+θθ2)<1[2],etL3 ) =0 quand θn’est pas un nombre de Pisot
[6].
(c) Si θ21/4alors L1) =0 sauf peut être lorsque θ2est un nombre de Pisot [6].
(d) Si θest un nombre de Pisot de degré dsur le corps des rationnels Q,alorsLm ) θ(log(2d2)log(1A))/ log A
2θ,où
m=1etAest le maximum des modules des conjugués de θsur Q, autres que θ[4].
Dans cette Note on montre :
Théorème 1.1. L’ensemble Bmest discret si et seulement si Pmest fini. Si Bmest discret, alors Card(Cm)l2mLm,
CmPmet chaque élément de Cmest une différence de termes consécutifs de la suite (an,m)n0une infinité de
fois.
De ce résultat on déduit facilement :
Corollaire 1.2. Soit θun nombre de Pisot de degré dsur Q.Alorsdl2m) Lm ).
Remarque 1.3. Il est clair que la dernière inégalité donne une minoration de Lm) en fonction de l2m ) pour tout
m1 (la quantité l2m ) est déterminée par l’algorithme de [1]). En outre, on peut montrer dans le cas où m=1 que
cette minoration est meilleure que celle du (d) ci dessus. Dans [10], l’auteur a montré que 1
2est le plus grand point
limite de l’ensemble {lm),θ∈]1,2[} lorsque m=1.
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Du corollaire ci-dessus on déduit aussi :
Corollaire 1.4. Si m2,alors0est le seul point limite de l’ensemble des quantités lm ) lorsque θparcourt l’en-
semble des nombres de Pisot inférieurs à 2.
2. Preuve du Théorème 1.1 et de ses corollaires
De l’inclusion PmBm∩]0,1], on déduit que Pmest fini si Bmest discret. Inversement, supposons l’ensemble
Pmfini et soit bBm∩]0,∞[. Alors, il existe deux éléments auet avAmtels que b=auav,oùu>v,et bpeut
donc s’écrire
b=(auau1)+(au1au2)+···+(av+1av)
=n1p1+n2p2+···+nsps,(2)
{p1,p
2,...,p
s}=Pm,et{n1,n
1,...,n
s}⊂N. Il s’ensuit que si bBm∩]0],oùαest un réel positif quel-
conque, alors chaque nidans (2) vérifie 0 nin1+n2+···+nsα
min Pmet bne prend qu’un nombre fini de
valeurs ; donc Bm∩]0]est fini, et comme Bm=−Bmon déduit que Bmest discret.
Supposons toujours Pmfini, et soit Cm={p1,p
2,...,p
t}l’ensemble des pas communs de la suite (an,m)n0:
chaque pi,i∈{1,2,...,t}, est différence d’éléments consécutifs de Amune infinité de fois. Sans perte de géné-
ralité, on peut aussi supposer p1<p
2<···<p
t. Dans ce cas p1=lm ),pt=Lm ) et 2 ts. En réécrivant
l’élément bBm∩]0,∞[ sous la forme b=au+θN(av+θN),oùNest un entier rationnel suffisamment grand
pour que l’on ait au:= au+θNAm,av:= av+θNAmet {auau1,a
u1au2,...,a
v+1av}⊂Cm,
on obtient alors
b=k1p1+k2p2+···+ktpt,(3)
{k1,k
2,...,k
t}⊂N. De (3), on déduit que l’ensemble Bmest contenu dans le groupe additif G:= Zp1+
Zp2+···+Zpt,oùZest l’anneau des entiers rationnels. Comme B2m=Bm+BmG, une simple réccurence
montre que B2kmG,kN. Il s’ensuit que le groupe additif Z[θ]engendré par les puissances de θ, vérifie
Z[θ]⊂k0B2kmG, et donc Z[θ]=G. Fixons une représentation dans Bmpour chaque pi,oùi∈{1,2,...,t},et
soit nla plus grande puissance de θfigurant dans ces représentations. Alors d’après (3), il existe {k
1,k
2,...,k
t}⊂N
tel que θn+1=k
1p1+k
2p2+···+k
tpt, et donc θest un entier algébrique. Si dest le degré of θsur Q,alorsZ[θ]
est un groupe libre de rang det par suite
dt. (4)
Posons p0=0. Par le principe des tiroirs, il existe i∈{0,1,...,t 1}tel que pi+1pipt
tet donc
l2m) pi+1pipt
t=Lm)
t;(5)
ceci acheve la preuve du théorème.
Supposons maintenant que θsoit un nombre de Pisot. Alors, d’après l’introduction, tous les ensembes Bmsont
discrets. Soit encore dle degré de θsur Q. Par les relations (4) et (5) on a
dl2m) Lm),
et en particulier l2) 1
d. De cette dernière inégalité on déduit lm) 1
dpour tout m2, et le deuxième corollaire
suit immédiatement.
Références
[1] P. Borwein, K.G. Hare, Some computations on the spectra of Pisot and Salem numbers, Math. Comp. 71 (2002) 767–780.
[2] Y. Bugeaud, On a property of Pisot numbers and related questions, Acta Math. Hungar. 73 (1996) 33–39.
[3] P. Erdös, I. Joó, V. Komornik, Characterization of the unique expansion 1 =i1qniand related problems, Bull. Soc. Math. France 118
(1990) 377–390.
[4] P. Erdös, I. Joó, V. Komornik, On the sequence of the numbers of the form ε0+ε1q+···+εnqn,εi∈{0,1}, Acta Arith. 83 (1998) 201–210.
8T. Zaïmi / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 347 (2009) 5–8
[5] P. Erdös, I. Joó, F.J. Schnitzer, On Pisot numbers, Annales Univ. Sci. Budapest 39 (1996) 95–99.
[6] P. Erdös, V. Komornik, Developments in non integer bases, Acta Math. Hungar. 79 (1998) 57–83.
[7] D.J. Feng, Z.Y. Wen, A property of Pisot numbers, J. Number Theory 97 (2002) 305–316.
[8] W. Parry, On the β-expansions of real numbers, Acta Math. Acad. Sci. Hungar. 11 (1960) 401–416.
[9] T. Zaïmi, On an approximation property of Pisot numbers, Acta Math. Hungar. 96 (4) (2002) 309–325.
[10] T. Zaïmi, On an approximation property of Pisot numbers II, J. Théor. Nombres Bordeaux 16 (2004) 239–249.
[11] T. Zaïmi, Approximation by polynomials with bounded coefficients, J. Number Theory 127 (2007) 103–117.
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