Le xiqu e I co m m e… N e urol og i e . com 20 1 1 ; 2 (9-10) : 259- 61 Infarctus cérébral du sujet jeune : quel bilan étiologique ? Stroke in young adults: what etiologic examination? Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Annabelle Kazadi François Rouanet Igor Sibon Pôle de neurosciences cliniques, Hôpital Pellegrin, Place Amélie Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex <[email protected]> Deux à 12 % des patients victimes d’un infarctus cérébral (IC) ont moins de 45 ans. Leur pronostic vital et fonctionnel est considéré comme meilleur que celui des sujets plus âgés avec une survie et un pronostic fonctionnel favorable à 5 ans évalués respectivement à 95 % et 90 % [1]. Le risque de récidive est néanmoins élevé (3,6 % l’année suivant l’IC puis 1,7 % par an) et justifie une enquête étiologique exhaustive pour adapter la stratégie de prévention secondaire [2]. La réalisation d’un bilan étiologique stratifié en fonction de la probabilité des affections causales et des possibilités de stratégies thérapeutiques est déterminante. Une proposition de bilan standardisé a été établie sous l’égide de la Société française neurovasculaire (SFNV) en 2009 [3]. Ces recommandations s’appliquent principalement à des patients pour lesquels l’évaluation clinique neurologique et systémique (peau, œil, articulation…) et les circonstances de survenue n’apportent pas d’orientation étiologique forte justifiant la réalisation d’examens spécifiques. Évaluations de première intention L’imagerie cérébrale IRM constitue un outil déterminant de l’orientation étiologique initiale de part son apport dans la détermination de la localisation, de la taille, de l’âge et du nombre des lésions ainsi que l’évaluation de la substance blanche. Cet examen permet souvent d’orienter le diagnostic étiologique vers des causes cardioemboliques, macroangiopathiques ou microangiopathiques. Environ 15 % des patients de moins de 45 ans victimes d’un IC présentent une dissection d’une artère cervicale [4]. L’exploration des artères extra- et intracrâniennes par angio-IRM et T1-spir ou angio-TDM et écho-Doppler des TSA est donc déterminante dans cette enquête étiologique. Ces explorations permettent en outre d’identifier des sténoses ou dilatations artérielles, pouvant entrer dans le cadre d’athéro­ sclérose précoce, de vascularites ou de syndromes de vasoconstriction réversibles. Les cardiopathies emboligènes, dominées par les myocardiopathies dilatées et la fibrillation auriculaire, rendent compte d’environ 20 % des étiologies des IC dans cette population [4]. Cela justifie la réalisation d’une exploration cardio­ logique morphologique et fonctionnelle dès la phase aiguë (tableau 1). L’évaluation biologique initiale a pour objectif d’identifier une cause directe d’IC (hémopathie, trouble de l’hémostase…), d’apprécier une dysfonction d’organe ou de dépister une infection pouvant orienter l’enquête étiologique et l’existence de facteurs de risque cardiovasculaires (tableau 1). Un dosage des toxiques est également recommandé car 12 % des jeunes patients victimes d’IC consommeraient régulièrement ou occasionnellement des drogues, lesquelles sont potentiellement responsables de vasospasmes ou de troubles du rythme (tableau 1). L’élimination rapide de ces drogues impose leur dosage dès la phase aiguë. Au terme de ce premier bilan, plus de la moitié des étiologies les plus fréquentes d’IC sont exclues. En cas de bilan initial non contributif Infarctus cérébral du sujet jeune : quel bilan étiologique ? Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) surviennent essentiellement chez les sujets âgés en raison de l'accumulation de facteurs de risque (diabète, DOI : 10.1684/nro.2010.0246 Le bilan cardiologique sera complété par une échographie transœsophagienne afin de ne pas méconnaître des anomalies morphologiques plus discrètes (tableau 1). En l’absence de monitoring initial du rythme cardiaque, un holter-ECG sera réalisé à la recherche d’une FA paroxystique. Plus la durée de cet enregistrement sera prolongée, plus la probabilité d’identifier une anomalie sera élevée. neurologie.com | vol. 2 n°9-10 | novembre-décembre 2010 259 Tableau 1. Explorations complémentaires devant un infarctus du sujet jeune à visée étiologique Examens de première intention IRM cérébrale1 Infarctus : localisation, taille, nombre, ancienneté. Etat de la substance blanche Imagerie des artères cervicales et cérébrales2 Dissection, athérosclérose précoce, artérite, vasospasme ECG 12 dérivations Ischémie aiguë, trouble du rythme, trouble de conduction… Monitoring du rythme cardiaque FA, flutter… Biologie Hémopathies, allongement du TCA, dysfonction d’organe Dosage de toxiques (sang + urine)4 Vasospame et/ou trouble du rythme induit Echographie cardiaque trans-thoracique Cardiomyopathies, thrombus du ventricule gauche, trouble de la cinétique segmentaire, lésion valvulaire Echographie cardiaque trans-œsophagienne Athérome de la crosse aortique, FOP/ASIA, thrombus de l’auricule gauche, lésion valvulaire (endocardite, tumeur) Holter-ECG5 FA, flutter Ponction lombaire6 Méningite septique ou aseptique, inflammation (synthèse intrathécale d’immunoglobuline) Bilan auto-immun7 SAPL, vascularite systémique Electrophorèse de l’hémoglobine Hémoglobinopathies (drépanocytose ++) Fond d’œil Angiopathies cérébro-rétiniennes génétiquement déterminées, syndrome de SUSAC… Artériographie Vascularite, dissection… Mutation JACK2 Polyglobulie, thrombocytémie Homocystéinémie Hyperhomocystéinémie Dosage de l’alpha-galactosidase Maladie de Fabry Lactate/pyruvate Mitochondriopathies Chromatographie des acides aminés sanguins et urinaires et Ammoniémie Maladies métaboliques Spectro-IRM Mitochondriopathie Biopsie cutanée Syndrome de Sneddon, vascularite Biopsie musculaire Mitochondriopathie, vascularite Biopsie lepto-méningée Vascularite Biologie moléculaire CADASIL, COL4A1 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 3 Examens de deuxième intention Examens de troisième intention Séquences FLAIR, diffusion, ADC, FFE 2 Angio-IRM TSA et T1 spir ou angio-TDM et échodoppler TSA 3 NFS, plaquettes, coagulation, ionogramme, bilan hépatique, fonction rénale, troponine, VS, CRP, protéinurie, sérologies VIH, hépatites B et C, TPHA/VDRL. 4 Cannabis, cocaïne. 5 En l’absence de monitoring cardiaque à la phase initiale ou très forte suspicion d’origine cardioembolique 6 En première intention en cas de contexte septique inexpliqué par ailleurs (Chimie, Cytobactériologie, Sérologies, PCR, immunoelectorphorèse). 7 Anticorps antiphospholipides, anticorps anti-β-2GP1, anticorps anticardiolipine, anticorps anti-ADN natif, anticorps anti-SSa et anti-SSb, ANCA. 1 Bien que rare les vascularites cérébrales constituent une étiologie d’IC avec un traitement spécifique. Cela justifie la réalisation d’une ponction lombaire (PL) (tableau 1). Elle sera à réaliser en première intention devant tout IC survenant dans un contexte septique en l’absence d’endocardite. La suspicion clinico-radiologique de vascularite conduit à la réalisation d’un bilan immunologique exhaustif (tableau 1). Le bilan biologique s’attachera à éliminer un état prothrombotique lié à la présence d’anticorps antiphospoholipides (positifs chez 8 % des sujets jeunes victimes d’IC), notamment en présence d’accidents thrombotiques veineux ou artériels multiples et de fausses couches répétées. Par ailleurs, une anémie sévère ou une origine africaine du patient justifieront la réalisation d’une électrophorèse de l’hémoglobine à la recherche d’une drépanocytose. Le fond d’œil à la recherche de tortuosités artériolaires, d’infarctus rétiniens ou de rétinopathie pourra être proposé pour étayer des étiologies plus rares (tableau 1). 260 neurologie.com | vol. 2 n°9-10 | novembre-décembre 2010 À la recherche des maladies rares… Certaines explorations permettent d’identifier des pathologies rares mais potentiellement accessibles à une stratégie thérapeutique. Ces examens seront à réaliser en présence d’arguments cliniques ou paracliniques forts. Une artériographie pourra être proposée à la recherche d’une vascularite ou pour la caractérisation d’une lésion artérielle de nature indéterminée selon les techniques non invasives. En biologie, la mutation JACK 2 pourra être recherchée en cas de polyglobulie ou de thrombocytémie. Des maladies métaboliques telles que l’hyperhomo­ cystéinémie, la maladie de Fabry ou les mitochondrio­ pathies pourront être recherchées par dosages biologiques. La réalisation d’une spectro-IRM cérébrale et/ou de biopsies orientées (peau, muscles, leptoméninges) pourront être envisagées en fonction des orientations étiologiques (tableau 1). Par ailleurs, des évaluations en biologie moléculaire à la recherche d’angiopathies génétiquement déterminées (CADASIL, HERNS, Col4A1) seront proposées en cas d’histoire familiale et personnelle compatible. eXamens nÉcessItant une vaLIdatIon compLÉmentaIre ou non recommandÉs L’apport du dosage des facteurs de coagulation (actuellement non recommandé en dehors d’une thrombose veineuse), de l’imagerie moléculaire (TEP-18F-FDG, scintigraphies de perfusion), de l’IRM cardiaque ou du holter implantable est encore en cours d’évaluation. À l’inverse, des évaluations telles que les explorations endocavitaires n’ont pas d’indication dans ce contexte. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. concLusIon Malgré une stratégie d’investigation bien établie, la proportion d’IC d’étiologie indéterminée reste importante (30 %) chez les patients de moins de 45 ans [5]. Le développement de nouveaux outils technologiques permettant notamment de mieux apprécier l’état de la paroi artérielle, d’explorer les artères de petits calibres ou de dépister des troubles du rythme paroxystique devrait permettre de réduire cette proportion. La place de vasospasmes ou d’états prothombotiques transitoires contextuels d’éléments environnementaux reste par ailleurs à déterminer. conflits d’intérêts aucun Références 1. Marini C, et al. Long-Term Prognosis of Cerebral Ischemia in Young Adult. Stroke 1999 ; 30 ; 2320-5. 5. Ferro JM, et al. Aetiological diagnosis of ischaemic stroke in young adults. Lancet Neurol 2010 ; 9 : 1085-96. 2. Varona JF, et al. Long-term prognosis of ischemic stroke in young adults. Study of 272 cases. J Neurol 2004 ; 251 : 1507-14. 3. Rouanet F, et al. Etiological assessment of cerebral infarct in the young. Proposals from the working group of the French Neuro-vascular Society. Rev Neurol 2009 ; 165 (Suppl. 4) : F283-8. 4. Putaala J, et al. Analysis of 1008 consecutive patients aged 15 to 49 with first-ever ischemic stroke : The Helsinki young stroke registry. Stroke 2009 ; 40 : 1195-203. neurologie.com | vol. 2 n°9-10 | novembre-décembre 2010 261