Infarctus cérébral du sujet jeune : quel bilan étiologique ?

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Le xiqu e I co m m e…
N e urol og i e . com 20 1 1 ; 2 (9-10) : 259- 61
Infarctus cérébral
du sujet jeune :
quel bilan étiologique ?
Stroke in young adults: what etiologic examination?
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Annabelle Kazadi
François Rouanet
Igor Sibon
Pôle de neurosciences cliniques,
Hôpital Pellegrin, Place Amélie
Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex
<[email protected]>
Deux à 12 % des patients victimes d’un infarctus
cérébral (IC) ont moins de 45 ans. Leur pronostic
vital et fonctionnel est considéré comme meilleur
que celui des sujets plus âgés avec une survie et
un pronostic fonctionnel favorable à 5 ans évalués respectivement à 95 % et 90 % [1]. Le risque
de récidive est néanmoins élevé (3,6 % l’année
suivant l’IC puis 1,7 % par an) et justifie une
enquête étiologique exhaustive pour adapter la
stratégie de prévention secondaire [2]. La réalisation d’un bilan étiologique stratifié en fonction
de la probabilité des affections causales et des
possibilités de stratégies thérapeutiques est
déterminante. Une proposition de bilan standardisé a été établie sous l’égide de la Société française neurovasculaire (SFNV) en 2009 [3]. Ces
recommandations s’appliquent principalement
à des patients pour lesquels l’évaluation clinique
neurologique et systémique (peau, œil, articulation…) et les circonstances de survenue n’apportent pas d’orientation étiologique forte justifiant
la réalisation d’examens spécifiques.
Évaluations de première intention
L’imagerie cérébrale IRM constitue un outil
déterminant de l’orientation étiologique initiale de part son apport dans la détermination
de la localisation, de la taille, de l’âge et du
nombre des lésions ainsi que l’évaluation de la
substance blanche. Cet examen permet souvent
d’orienter le diagnostic étiologique vers des
causes cardioemboliques, macroangiopathiques
ou microangiopathiques.
Environ 15 % des patients de moins de 45 ans
victimes d’un IC présentent une dissection d’une
artère cervicale [4]. L’exploration des artères
extra- et intracrâniennes par angio-IRM et
T1-spir ou angio-TDM et écho-Doppler des TSA
est donc déterminante dans cette enquête étiologique. Ces explorations permettent en outre
d’identifier des sténoses ou dilatations artérielles, pouvant entrer dans le cadre d’athéro­
sclérose précoce, de vascularites ou de syndromes
de vasoconstriction réversibles.
Les cardiopathies emboligènes, dominées par les
myocardiopathies dilatées et la fibrillation auriculaire, rendent compte d’environ 20 % des
étiologies des IC dans cette population [4]. Cela
justifie la réalisation d’une exploration cardio­
logique morphologique et fonctionnelle dès la
phase aiguë (tableau 1).
L’évaluation biologique initiale a pour objectif
d’identifier une cause directe d’IC (hémopathie,
trouble de l’hémostase…), d’apprécier une dysfonction d’organe ou de dépister une infection
pouvant orienter l’enquête étiologique et l’existence de facteurs de risque cardiovasculaires
(tableau 1). Un dosage des toxiques est également
recommandé car 12 % des jeunes patients victimes d’IC consommeraient régulièrement ou
occasionnellement des drogues, lesquelles sont
potentiellement responsables de vasospasmes
ou de troubles du rythme (tableau 1). L’élimination rapide de ces drogues impose leur dosage
dès la phase aiguë.
Au terme de ce premier bilan, plus de la moitié
des étiologies les plus fréquentes d’IC sont
exclues.
En cas de bilan initial
non contributif
Infarctus cérébral du sujet jeune :
quel bilan étiologique ?
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) surviennent essentiellement chez les sujets âgés
en raison de l'accumulation de
facteurs de risque (diabète,
DOI : 10.1684/nro.2010.0246
Le bilan cardiologique sera complété par une
échographie transœsophagienne afin de ne pas
méconnaître des anomalies morphologiques
plus discrètes (tableau 1). En l’absence de
monitoring initial du rythme cardiaque, un
holter-ECG sera réalisé à la recherche d’une
FA paroxystique. Plus la durée de cet enregistrement sera prolongée, plus la probabilité d’identifier une anomalie sera élevée.
neurologie.com | vol. 2 n°9-10 | novembre-décembre 2010 259
Tableau 1. Explorations complémentaires devant un infarctus du sujet jeune à visée étiologique
Examens de première
intention
IRM cérébrale1
Infarctus : localisation, taille, nombre, ancienneté.
Etat de la substance blanche
Imagerie des artères cervicales et cérébrales2
Dissection, athérosclérose précoce, artérite, vasospasme
ECG 12 dérivations
Ischémie aiguë, trouble du rythme, trouble de conduction…
Monitoring du rythme cardiaque
FA, flutter…
Biologie
Hémopathies, allongement du TCA, dysfonction d’organe
Dosage de toxiques (sang + urine)4
Vasospame et/ou trouble du rythme induit
Echographie cardiaque trans-thoracique
Cardiomyopathies, thrombus du ventricule gauche,
trouble de la cinétique segmentaire, lésion valvulaire
Echographie cardiaque trans-œsophagienne
Athérome de la crosse aortique, FOP/ASIA, thrombus de l’auricule
gauche, lésion valvulaire (endocardite, tumeur)
Holter-ECG5
FA, flutter
Ponction lombaire6
Méningite septique ou aseptique, inflammation
(synthèse intrathécale d’immunoglobuline)
Bilan auto-immun7
SAPL, vascularite systémique
Electrophorèse de l’hémoglobine
Hémoglobinopathies (drépanocytose ++)
Fond d’œil
Angiopathies cérébro-rétiniennes génétiquement déterminées,
syndrome de SUSAC…
Artériographie
Vascularite, dissection…
Mutation JACK2
Polyglobulie, thrombocytémie
Homocystéinémie
Hyperhomocystéinémie
Dosage de l’alpha-galactosidase
Maladie de Fabry
Lactate/pyruvate
Mitochondriopathies
Chromatographie des acides aminés sanguins
et urinaires et Ammoniémie
Maladies métaboliques
Spectro-IRM
Mitochondriopathie
Biopsie cutanée
Syndrome de Sneddon, vascularite
Biopsie musculaire
Mitochondriopathie, vascularite
Biopsie lepto-méningée
Vascularite
Biologie moléculaire
CADASIL, COL4A1
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3
Examens de deuxième
intention
Examens de troisième
intention
Séquences FLAIR, diffusion, ADC, FFE
2
Angio-IRM TSA et T1 spir ou angio-TDM et échodoppler TSA
3
NFS, plaquettes, coagulation, ionogramme, bilan hépatique, fonction rénale, troponine, VS, CRP, protéinurie, sérologies VIH, hépatites B et C, TPHA/VDRL.
4
Cannabis, cocaïne.
5
En l’absence de monitoring cardiaque à la phase initiale ou très forte suspicion d’origine cardioembolique
6
En première intention en cas de contexte septique inexpliqué par ailleurs (Chimie, Cytobactériologie, Sérologies, PCR, immunoelectorphorèse).
7
Anticorps antiphospholipides, anticorps anti-β-2GP1, anticorps anticardiolipine, anticorps anti-ADN natif, anticorps anti-SSa et anti-SSb, ANCA.
1
Bien que rare les vascularites cérébrales constituent une
étiologie d’IC avec un traitement spécifique. Cela justifie la
réalisation d’une ponction lombaire (PL) (tableau 1). Elle sera
à réaliser en première intention devant tout IC survenant
dans un contexte septique en l’absence d’endocardite.
La suspicion clinico-radiologique de vascularite conduit à
la réalisation d’un bilan immunologique exhaustif
(tableau 1). Le bilan biologique s’attachera à éliminer un
état prothrombotique lié à la présence d’anticorps antiphospoholipides (positifs chez 8 % des sujets jeunes victimes
d’IC), notamment en présence d’accidents thrombotiques
veineux ou artériels multiples et de fausses couches répétées. Par ailleurs, une anémie sévère ou une origine africaine
du patient justifieront la réalisation d’une électrophorèse
de l’hémoglobine à la recherche d’une drépanocytose.
Le fond d’œil à la recherche de tortuosités artériolaires,
d’infarctus rétiniens ou de rétinopathie pourra être proposé
pour étayer des étiologies plus rares (tableau 1).
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À la recherche des maladies rares…
Certaines explorations permettent d’identifier des pathologies rares mais potentiellement accessibles à une stratégie thérapeutique. Ces examens seront à réaliser en
présence d’arguments cliniques ou paracliniques forts.
Une artériographie pourra être proposée à la recherche
d’une vascularite ou pour la caractérisation d’une lésion
artérielle de nature indéterminée selon les techniques
non invasives. En biologie, la mutation JACK 2 pourra être
recherchée en cas de polyglobulie ou de thrombocytémie.
Des maladies métaboliques telles que l’hyperhomo­
cystéinémie, la maladie de Fabry ou les mitochondrio­
pathies pourront être recherchées par dosages biologiques.
La réalisation d’une spectro-IRM cérébrale et/ou de biopsies orientées (peau, muscles, leptoméninges) pourront
être envisagées en fonction des orientations étiologiques
(tableau 1).
Par ailleurs, des évaluations en biologie moléculaire à la
recherche d’angiopathies génétiquement déterminées
(CADASIL, HERNS, Col4A1) seront proposées en cas d’histoire familiale et personnelle compatible.
eXamens nÉcessItant une vaLIdatIon
compLÉmentaIre ou non recommandÉs
L’apport du dosage des facteurs de coagulation (actuellement non recommandé en dehors d’une thrombose veineuse), de l’imagerie moléculaire (TEP-18F-FDG,
scintigraphies de perfusion), de l’IRM cardiaque ou du
holter implantable est encore en cours d’évaluation.
À l’inverse, des évaluations telles que les explorations
endocavitaires n’ont pas d’indication dans ce contexte.
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concLusIon
Malgré une stratégie d’investigation bien établie, la proportion d’IC d’étiologie indéterminée reste importante
(30 %) chez les patients de moins de 45 ans [5]. Le développement de nouveaux outils technologiques permettant
notamment de mieux apprécier l’état de la paroi artérielle,
d’explorer les artères de petits calibres ou de dépister
des troubles du rythme paroxystique devrait permettre de
réduire cette proportion. La place de vasospasmes ou d’états
prothombotiques transitoires contextuels d’éléments
environnementaux reste par ailleurs à déterminer.
conflits d’intérêts
aucun
Références
1. Marini C, et al. Long-Term Prognosis of
Cerebral Ischemia in Young Adult. Stroke
1999 ; 30 ; 2320-5.
5. Ferro JM, et al. Aetiological diagnosis
of ischaemic stroke in young adults.
Lancet Neurol 2010 ; 9 : 1085-96.
2. Varona JF, et al. Long-term prognosis
of ischemic stroke in young adults. Study
of 272 cases. J Neurol 2004 ; 251 : 1507-14.
3. Rouanet F, et al. Etiological assessment of cerebral infarct in the young.
Proposals from the working group of the
French Neuro-vascular Society. Rev
Neurol 2009 ; 165 (Suppl. 4) : F283-8.
4. Putaala J, et al. Analysis of 1008
consecutive patients aged 15 to 49 with
first-ever ischemic stroke : The Helsinki
young stroke registry. Stroke 2009 ; 40 :
1195-203.
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