Terrorisme et médecins de premier recours : le risque chimique*

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médecine et terrorisme
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Terrorisme et médecins de premier
recours : le risque chimique*
Cet article décrit, à l’intention des mé-
decins de premier recours, les princi-
pes de base d’une action de secours
lors d’un attentat (ou d’un accident)
chimique impliquant de nombreuses
victimes intoxiquées et/ou contami-
nées. Il est essentiel que les méde-
cins, ainsi que tous les intervenants,
connaissent et respectent de manière
rigoureuse ces principes de base, à
savoir :
1. Le bouclement de la zone contami-
née.
2. La protection individuelle des inter-
venants.
3. La décontamination des victimes
et des personnes impliquées conta-
minées.
4. La protection de la population rési-
dente (par confinement ou, occasion-
nellement, par évacuation).
5. La prise en charge médicale des
victimes, des impliqués si nécessaire
et de la population résidente (si éva-
cuée).
6. L’identification du (des) toxique(s)
dès que possible.
Lors de tels événements, le rôle des
médecins de premier recours devrait
être de s’occuper des patients impli-
qués, non blessés, après la phase de
décontamination, procéder à la sur-
veillance clinique de ces patients, voire
au retriage de certains d’entreeux de-
vant être acheminés dans des struc-
tures hospitalières.
En raison de la dimension commu-
nautaire de tels événements et du ris-
que d’une évacuation partielle de po-
pulation, les médecins de premier re-
cours devraient également jouer un
rôle prépondérant de soutien à ces
populations. Ce soutien communau-
taire est particulièrement essentiel en
raison du choc psycho-traumatique
induit par des événements aussi tor-
pides que celui d’un attentat chimique
(comportant un risque de contamina-
tion et de toxicité).
Unmatin de mars 1995, à 8 h
28, une premièrevictime se
présenta d’elle-même aux
urgences de l’hôpital Saint-Luc à
Tokyo, douze minutes après qu’un
accident de natureinconnue se fut
produit dans le métro. Le patient se
plaignait de douleurs oculaires et de
diplopie.
Au cours de l’heure qui suivit, 500
patients environ se présentèrent ou
furent acheminés dans cet hôpital
de Tokyo, dont trois en arrêt cardio-
respiratoire. Sur ces 500 patients, 64
seulement furent acheminés par am-
bulance et 35 par minibus des sa-
peurs-pompiers. Les autres 541 vic-
times se présentèrent d’elles-mêmes
aux urgences, en raison de douleurs
oculaires, troubles visuels, dyspnée,
toux, nausées, vomissements, cépha-
lées, faiblesse.
Ce n’est qu’à 11 heures du matin
que la police annoncera, via les mé-
dias, que l’agent toxique était du sa-
rin. Les hôpitaux, ayant suspecté ra-
pidement une intoxication de masse
par des organo-phosphorés, furent
confrontés à un évident défaut de
connaissances, de moyens de pro-
tection, d’antidotes et d’entraînement
àde tels événements. Au total, 5000
personnes environ furent intoxiquées,
dont 135 professionnels des servi-
ces de secours et de soins, dont le
quart nécessita une hospitalisation.
Au total, douze personnes décédè-
rent, alors que plusieurs autres dé-
veloppèrent des séquelles neurolo-
giques définitives.1
INTRODUCTION
Attentat au sarin en Suisse ? Scénario
improbable? Bien sûr, mais…
Sans aucun doute, l’attentat terroriste
au sarin du métro de Tokyo semble peu
probable en Suisse. Peut-on vraiment en
être si sûr? Ne doit-on pas rappeler à
notre mémoire le «suicide collectif» de
Salvan et de Cheiry par le Temple Solai-
re? Ne doit-on pas non plus se remé-
morer les actes criminels collectifs tels
que la fusillade du Parlement de Zoug,
ou la tentative d’attaque à la grenade d’un
commissariat du canton de Vaud ?
Il y a donc lieu de réfléchir sur notre
niveau d’information, de préparation, voire
même de formation pour les profession-
nels des secours et de la sécurité. En va-
t-il de même pour la communauté et ses
B.Yersin
P.-N. Carron
H. Rollier
M. Potin
PrBertrand Yersin,
Drs Pierre-Nicolas Carron
etMathieu Potin
Centre interdisciplinaire des urgences
CHUV, 1011 Lausanne
Pierre-Nicolas.Carron@chuv.ch
Henri Rollier
Service de l’environnement et de
l’énergie (SEVEN)
1066 Epalinges
Dr Mathieu Potin
Plan ORCA sanitaire
Service de la Santé publique
1014 Lausanne
Mathieu.Potin@chuv.ch
Rev Med Suisse 2008; 4 : 1677-81
* Cet article est le sixième d’une série de sept consacrés à la
place de la médecine dans un contexte de terrorisme.
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acteurs de soins tels que les médecins
de premier recours ? Comme on le lit à
travers le descriptif de l’attentat de Tokyo,
quelques conclusions doivent être tirées:
1. L’identification de la nature d’une in-
toxication chimique collective est souvent
tardive.
2. La plupart des victimes se rendent
d’elles-mêmes dans des centres de soins,
certes hospitaliers, mais également chez
les médecins praticiens de la commu-
nauté.
3. Un nombre appréciable de soignants
peuvent être intoxiqués secondairement
par contact avec des personnes non dé-
contaminées («évacuations sauvages»).
Ceci impose donc aux professionnels
de la santé, quels qu’ils soient, de pos-
séder une information de base sur ce
type d’événement ou du moins sur ses
conséquences et sur les grands principes
d’action, ces principes étant similaires
pour un attentat chimique, ou pour un
accident chimique collectif de type civil.
Les armes chimiques sont connues
de longue date, présentent de réels dan-
gers et sont souvent évoquées dans
l’hypothèse d’attentats chimiques. Il ne
faut cependant pas oublier que les pro-
duits chimiques industriels, dans des sites
fixes ou mobiles (transports routiers ou
ferroviaires) représentent aussi de véri-
tables «armes de destruction massive»
très facilement utilisables par qui souhai-
terait s’en servir. Nul n’est besoin de pen-
ser au sarin, à l’ypérite (gaz moutarde), ou
àl’agent VX pour imaginer un désastre
chimique (produit volontairement). Une
«simple» citerne de chlore, une cuve de
phosgène ou un réservoir de cyanure est
àmême de produire un désastre similaire.
Il est donc indispensable de décrire
ici, à l’intention des professionnels de la
santé et en particulier des médecins de
premier recours, les principes de base
d’une action de secours lors d’un atten-
tat (ou d’un accident) chimique collectif
impliquant de nombreuses victimes in-
toxiquées et/ou contaminées. De plus,
les spécificités d’une catastrophe chimi-
que par rapport aux autres accidents
collectifs (tableau 1) impliquent une stra-
tégie d’action particulière.
PASSÉ ET PRÉSENT
DU RISQUE DATTENTAT
CHIMIQUE
L’attentat perpétré le 20 mars 1995
par la secte Aoum Shinri Kyo dans le
métrode Tokyo est certes unique, mais
est-ce si vrai ? N’oublie-t-on pas un peu
vite qu’une année avant, à Matsumoto,
au Japon également, la secte avait per-
pétré un premier attentat au sarin, tuant
sept personnes et en intoxiquant 200 au-
tres.3N’oublie-t-on pas que certains pro-
duits chimiques facilement accessibles
comme le nitrate d’ammonium, engrais
ubiquitaire du monde occidental, mais
aussi explosif puissant, ont permis l’at-
taque du camp des marines US à Bey-
routh en octobre 1983, occasionnant 234
morts et 112 blessés. Ce même nitrate
d’ammonium fut utilisé en 1995 comme
agent explosif pour la destruction du Fe-
deral Building à Oklahoma City, faisant
162 morts et plusieurs centaines de bles-
sés.4De même, de manière plus ancienne,
la contamination volontaire d’un réser-
voir d’eau en Caroline du Nord à l’aide
de substances toxiques, la contamina-
tion de fruits destinés à l’exportation de-
puis le Moyen-Orient dans la fin des an-
nées 70 et du Chili en 1989 ou encore
l’intoxication des forces de l’ordre philip-
pines en 1987, produisant 19 décès et
140 intoxiqués, doivent être rappelées.
Dans notre pays, l’industrie chimique
est prolifique, de même que l’industrie
des machines, des métaux ou des texti-
les, qui toutes utilisent un nombre impor-
tant de produits chimiques. Ce n’est pas
moins de 2300 sites industriels ayant des
caractéristiques qui les classent dans les
sites à risque selon l’OPAM (Ordonnance
fédérale pour la protection contreles ac-
cidents majeurs), dont 170 dans le can-
ton de Vaud. De plus, ne serait-ce que par
transport ferroviaire, ce n’est pas moins
de 2 millions de tonnes de matières dan-
gereuses qui sont transportées dans notre
pays chaque année. Comme exemple, on
peut citer le transport ferroviaire du chlore
qui représente environ 500 wagons de
50 tonnes par an dans le canton de Vaud
uniquement.
L’utilisation d’une arme chimique, volée
ou fabriquée de manièresemi-artisanale,
ou l’utilisation dérivée d’un produit chimi-
que comme arme d’agression collective
est donc un risque bien réel dans un pays
comme la Suisse.
LES ARMES CHIMIQUES,ÉTAT
DES LIEUX
Dès l’Antiquité, les fumées d’incendie
furent utilisées comme des armes chimi-
ques. Ce n’est que lors de la Première
Guerre mondiale que l’utilisation de pro-
duits chimiques dédiés débuta, avec l’uti-
lisation massive du cyanure, du chlore et
du phosgène, remplacés ensuite dès
1918 par l’ypérite (gaz moutarde). C’est
au cours de la Seconde Guerre mondia-
le que furent découverts les agents neu-
rotoxiques par le chimiste allemand G.
...
...
Attentat conventionnel Attentat chimique
(type explosion)
Fréquence Elevée Rare
Gravité potentielle (étendue Moyenne Extrême
géographique)
Gravité potentielle (mortalité, morbidité, Moyenne Extrême
nombrede victimes)
Cinétique du danger En principe ponctuelle Evolutive
Naturedu danger En principe connue Connue tardivement
Pathologies observées Immédiatement évidentes Peuvent apparaître
tardivement (lésions
pulmonaires)
Difficultés d’intervention Moyennes Elevées
Dangers potentiels pour les équipes En principe faibles Elevés
de secours
Dangers potentiels pour les intervenants Absents Elevés
hospitaliers
Impact communautaire psychologique Important Extrême
Impact communautaire (environnement) Faible Extrême
Tableau 1. Caractéristiques comparatives d’un attentat chimique majeur et
d’un attentat conventionnel majeur (type explosion)
(Adapté de réf.2).
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Schrader, à savoir le tabun (1936), le
sarin (1938), puis le soman (1944). Ces
armes ne seront pas utilisées lors du
conflit, mais la technologie sera récupé-
rée par les Etats-Unis et l’URSS après la
défaite de l’Allemagne. Quelques années
plus tard, les Anglais développeront un
nouveau neurotoxique, l’agent VX, avant
que soient inventés et produits d’autres
agents chimiques en nombreet en
quantité pendant la guerre froide.3,5 Leur
utilisation récente au cours des guerres
Egypte-Yémen, Iran-Irak ou Russie-
Afghanistan, ainsi que la non-signature
par certains pays de la convention de
1997 sur l’interdiction et la destruction des
armes chimiques, ainsi que les attentats
au sarin du Japon et les événements du
11 septembre 2001 ne peuvent que for-
cer à la réflexion sur les moyens de faire
face à de tels actes.
Le tableau 2 résume les particularités
des principales armes chimiques de
guerre, ainsi que leurs conséquences mé-
dicales potentielles. Les caractéristiques
générales de ces armes chimiques, y
compris pour les produits les plus an-
ciens, sont leur extrême dangerosité, la
présence de stocks considérables n’ayant
pu être détruits en raison des coûts de
destruction considérables de ces pro-
duits, nécessitant dès lors «un entrepo-
sage semi-sécurisé», ainsi que le risque
élevé de contamination des intervenants
lors des opérations de secours d’un at-
tentat ou d’un accident impliquant de
tels produits.
LES PRODUITS CHIMIQUES
INDUSTRIELS COMME ARMES
DE DESTRUCTION MASSIVE :
LE TOP 5
Qui se souvient encore de l’accident
de l’usine AZF à Toulouse, fin 2001 ?
Trois cents tonnes de nitrate d’ammo-
nium,soit l’équivalent de plusieurs wagons
d’engrais, explosent de manière acciden-
telle et provoquent la destruction de
l’ensemble d’un site industriel, le décès
de plusieurs dizaines de personnes, 3000
blessés environ et une onde de choc res-
sentie jusqu’à 100 kilomètres à la ronde.
Sans aucun doute, cet engrais industriel,
largement utilisé et stocké dans les pays
occidentaux, est un des candidats des
produits chimiques potentiellement utili-
sés comme arme de destruction.6Son
potentiel explosif est énorme, mais, si l’on
peut se consoler,le produit, lorsqu’il ex-
plose, libère des agents toxiques très vo-
latils et dès lors peu contaminants.
Le chlore et son utilisation extrême-
ment fréquente et abondante consti-
tuent également un des produits chimi-
ques les plus dangereux en cas d’utilisa-
tion criminelle. Rappelons pour exemple
l’explosion d’un wagon-citerne de chlore
àMissisauga, au Canada, en 1979, pro-
duisant un nuage caustique de chlore
ayant nécessité l’évacuation d’une popu-
lation de 240 000 habitants.
On ne saurait parler de produits chi-
miques comme arme de destruction mas-
sive sans mentionner le cyanure,en rai-
son de son effet toxique extrêmement
sévère, de sa fréquente utilisation dans
l’industrie chimique et des métaux, ainsi
que de sa relative facilité d’utilisation com-
me contaminant de l’eau ou de la chaîne
alimentaire.
Enfin, le phosgène et l’ammoniac re-
présentent encoredeux produits au po-
tentiel destructif et toxique considérable.
Le tableau 3 résume les caractéristi-
ques de ces produits chimiques à haut
risque de désastre collectif lors d’une
utilisation criminelle.
MAÎTRISE DUN ÉVÉNEMENT
CHIMIQUE ET PRINCIPES
DACTION
En cas d’attentat (ou d’accident) col-
lectif avec suspicion ou certitude d’une
composante toxique (ou chimique), les
principes de base suivants devraient être
respectés dans tous les cas, y compris
dans leur séquence d’action :
1. Bouclement sécuritairede la zone
contaminée (par les sapeurs-pompiers
et la police, dans le but d’éviter l’exten-
sion du risque de contamination). Et de
retenir les individus contaminés ?
2. Protection des intervenants (tenue de
protection pour les intervenants pom-
piers, éloignement de la zone contami-
née pour les intervenants sanitaires).
3. Décontamination des victimes (intoxi-
quées et/ou blessées) et des personnes
...
...
Tableau 2. Principales caractéristiques physico-chimiques et toxiques des
armes chimiques «classiques» (toxiques chimiques militaires ?)
(Adapté de réf. 1,3,7-9).
Vésicants Organophosphorés (gaz nervins)
Agent Ypérite Léwisite Sarin Soman Tabun Agent VX
(gaz (GB) (GD) (GA)
moutarde)
Odeur Moutarde Géranium Sans Fruité Fruité Sans
ou ail ou camphré
Pénétration dans 3-5 min 10-15 min 10-15 min 5-7 min
la peau
Persistance dans Plusieurs Plusieurs Plusieurs Plusieurs Plusieurs Plusieurs
l’environnement jours heures heures jours jours semaines
Mécanisme toxique Epidermolyse avec irritation Inhibiteurs irréversibles de l’acétylcholinestérase,
et formation de vésicules et provoquant un syndrome cholinergique
de bulles
Premiers symptômes Conjonctivite, dégâts Troubles oculaires (trouble de l’accommodation avec
cornéens, vésicules et bulles myosis), dyspnée, toux, nausées, céphalées, douleurs
cutanées, toux, dyspnée oculaires
Signes cliniques Vésicules et bulles cutanées DUMBBBLESS syndrom: diarrhea, urination, miosis,
et cause de décès étendues, broncho- bradycardia, bronchorrhea, bronchospasm, lacrimation,
constriction, sibilances, emesis, salivation, sweeting
œdème laryngé, stridor Ainsi que : fasciculations, paralysies flasques,
insuffisance respiratoire sur dépression SNC, convulsions et décès par hypoxie
œdème pulmonaire et collapsus cardio-respiratoire
Premiers soins (après Oxygène et assistance respiratoire
décontamination !) Soutien des fonctions vitales diazépam ou midazolam en cas de convulsions
Traitement spécifique Aucun British anti- Atropine
(antidotes) lewisite-BAL Oximes (pralidoxime, obidoxime)
(dimercaprol)
Risques de séquelles Cécité, Cécité, Séquelles neuro-psychologiques
insuffisance insuffisance
respiratoire, respiratoire
carcinogène
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impliquées (personnes indemnes simple-
ment contaminées).
4. Protection de la population résidente
(par confinement et éventuellement par
évacuation).
5. Prise en charge médicale des victi-
mes, des impliqués si nécessaire et de la
population résidente (lors d’évacuation).
6. Identification du (des) toxique(s) dès
que possible.
En fonction de ces principes fonda-
mentaux, des schémas d’application pra-
tique ont été proposés par les nombreu-
ses instances nationales ou régionales,
démontrant en l’occurrence une grande
concordance des concepts stratégiques
(figure 1).9,11-14
Le schéma conceptuel permet de po-
sitionner géographiquement les principes
mentionnés ci-dessus, avec la sécurisa-
tion du site par bouclage policier, le con-
finement ou l’évacuation de la population
résidente, l’extraction des victimes et leur
décontamination primaire par du person-
nel protégé (sapeurs-pompiers ou sécu-
rité civile), le triage et la prise en charge
médicale au poste médical avancé, la
mise en condition de transport et l’éva-
cuation des victimes décontaminées par
ordrede priorité vers les hôpitaux.
Malheureusement, les rares événe-
ments survenus au cours des dernières
années en matièred’accident ou d’at-
tentat chimique ont largement démontré
l’insuffisance de ce schéma conceptuel
àassurer une décontamination précoce
des patients, une totale sécurité des in-
tervenants, ainsi qu’une protection des
lieux hospitaliers de traitement définitif.
La cause de cet échec relatif est princi-
palement liée à l’impossibilité d’un bou-
clage complet et immédiat de la zone
contaminée favorisant la fuite des per-
sonnes impliquées, contaminées, voire
blessées. De plus, l’identification souvent
tardive du caractère toxique d’un événe-
ment et la contamination des intervenants
engagés dans les secours ou des hôpi-
taux non avertis, non préparés et rapide-
ment confrontés à une contamination in-
terne des personnes et des locaux par
l’arrivée de patients accentuent la diffi-
culté de gestion de ce type d’événe-
ments. Lors de l’attentat au sarin du métro
de Tokyo, près de 150 soignants, ambu-
lanciers, infirmiers ou médecins, furent
contaminés au contact des patients, nom-
bre d’entre eux devant cesser toute acti-
vité et, pour certains, êtrehospitalisés à
leur tour.1,14
...
...
Agent Nitrate Chlore Cyanure Phosgène Ammoniac
d’ammonium (ac. cyanidrique)
Utilisation(s) Engrais Désinfection Traitement des Pesticide, Appareils ou
civile(s) et nettoyage métaux (chromage) chimie des installations
usuelle(s) colorants réfrigérants
et métaux,
synthèse
de résines
Forme physique Poudre Liquide ou Liquide ou gaz Gaz Gaz
usuelle vapeur
Mécanisme Aucun (explosif Caustique et Blocage de la chaîne Suffocant Suffocant
toxique puissant) suffocant respiratoire cellulaire
Premiers Irritation Dyspnée, agitation Irritation Irritation
symptômes oculaire et puis troubles de oculaire et oculaire et des
des voies l’état de conscience des voies voies respira-
respiratoires respiratoires toires
Signes cliniques Blast et poly- Œdème Collapsus cardio- Œdème Œdème
etcause de traumatisme, pulmonaire respiratoire, pulmonaire pulmonaire
décès brûlures lésionnel convulsions lésionnel lésionnel avec
tardif (R48 tardif (R72 insuffisance
heures) avec heures) avec respiratoire,
insuffisance insuffisance coma
respiratoire respiratoire
Premiers soins Principes ATLS Oxygène et Oxygène et assis- Oxygène et Oxygène et
(après déconta- assistance tance respiratoire assistance assistance
mination !) respiratoire, respiratoire, respiratoire,
broncho- broncho- broncho-
dilatateurs dilatateurs dilatateurs
Traitement Aucun Aucun Hydroxocobalamine, Corti- Aucun
spécifique 4-diméthylamino- costéroïdes ?
(antidotes) phénol (DMAP),
nitrite de sodium +
thiosulfate de sodium
Risques de Séquelles Insuffisance Neurologiques Insuffisance Insuffisance
séquelles traumatiques respiratoire respiratoire, respiratoire,
et brûlures lésions lésions
oculaires oculaires
Tableau 3. Caractéristiques physico-chimiques et toxiques des principaux
produits chimiques industriels à risque de catastrophe collective
(Adapté de réf. 2,4,7-10 ).
Figure 1. Schéma théorique d’organisation des secours et des soins en cas
d’attentat ou d’accident chimique comportant un risque de contamination
des victimes et/ou des personnes impliquées
Zone de
bouclage
Décontamination
systématique
Poste médical
avancé
Evacuations
Hôpitaux
Vent
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De manière à minimiser ce risque de
«sur-accident» toxique pour les interve-
nants, il est indispensable d’essayer d’ap-
pliquer les principes énoncés ci-dessus
àl’entrée de chaque structure de soins,
qu’elle soit hospitalière ou ambulatoire.
Lafigure 2 constitue dès lors une répon-
se au moins théorique à ce risque.
Il ne fait cependant pas de doute qu’en
situation réelle, il est probable qu’un cer-
tain nombre de structures de soins, con-
frontées à un risque toxique non connu,
soient rapidement contaminées et inca-
pables d’assumer leurs missions.
RÔLES SPÉCIFIQUES
DES MÉDECINS DE PREMIER
RECOURS
En tant qu’intervenant potentiel de pre-
mier recours, que ce soit au cabinet mé-
dical, ou comme témoin lors d’un tel
événement ou encore recruté pour exer-
cer dans les dispensaires de soins ad
hoc, il est essentiel que les médecins de
premier recours connaissent et respec-
tent de manièrerigoureuse les principes
de base énoncés ci-dessus.
Il y a fort à parier que lors de telles
situations, leur rôle devrait êtrede s’oc-
cuper des patients impliqués, non bles-
sés, après une phase de décontamina-
tion et de procéder à la surveillance cli-
nique de ces patients, voire au retriage
de certains d’entre eux devant être ache-
minés dans des structures hospitalières.
En raison de la dimension commu-
nautairede tels événements et du risque
d’une évacuation partielle voulue, voire
«sauvage» de population (souvent plus
dangereuse que le confinement en raison
du moindredegré d’exposition pour une
personne au repos dans un local fermé
qu’une personne fuyant et exposée au
toxique), les médecins de premier re-
cours doivent jouer un rôle prépondérant
de soutien à ces populations. Ce soutien
communautaireest particulièrement es-
sentiel en raison du choc psycho-trau-
matique induit par des événements aussi
torpides que celui d’un accident chimique
comportant un risque de contamination
et de toxicité. Ceci est d’autant plus vrai
lorsqu’il s’agit d’un acte criminel.
...
...
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Implications pratiques
Un attentat chimique collectif (ou un accident civil chimique) est un événement à haut
potentiel de gravité, d’évolutivité et de traumatisme communautaire
Un certain nombre de principes de base minimisant le risque de contamination secon-
daire, en particulier des intervenants sanitaires et des institutions de soins, doivent être
connus et respectés par tous les professionnels de la santé
Le soutien communautaire des victimes impliquées mais non blessées, ainsi que des
populations confinées ou évacuées,fait partie des tâches du médecin de premier recours
>
>
>
Figure 2. Schéma adapté d’organisation des secours et des soins en cas
d’attentat ou d’accident chimique collectif, prévoyant le bouclage préventif
des hôpitaux (ou dispensaires) et la décontamination des personnes («éva-
cuations sauvages») et des patients avant leur admission
Bouclage
incomplet
Décontamination
Evacuations sauvages
Hôpitaux
protégés avec
décontamination
Vent
Evacuations
sanitaires
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