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16 juillet 2008 Revue Médicale Suisse
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16 juillet 2008 1679
Schrader, à savoir le tabun (1936), le
sarin (1938), puis le soman (1944). Ces
armes ne seront pas utilisées lors du
conflit, mais la technologie sera récupé-
rée par les Etats-Unis et l’URSS après la
défaite de l’Allemagne. Quelques années
plus tard, les Anglais développeront un
nouveau neurotoxique, l’agent VX, avant
que soient inventés et produits d’autres
agents chimiques en nombreet en
quantité pendant la guerre froide.3,5 Leur
utilisation récente au cours des guerres
Egypte-Yémen, Iran-Irak ou Russie-
Afghanistan, ainsi que la non-signature
par certains pays de la convention de
1997 sur l’interdiction et la destruction des
armes chimiques, ainsi que les attentats
au sarin du Japon et les événements du
11 septembre 2001 ne peuvent que for-
cer à la réflexion sur les moyens de faire
face à de tels actes.
Le tableau 2 résume les particularités
des principales armes chimiques de
guerre, ainsi que leurs conséquences mé-
dicales potentielles. Les caractéristiques
générales de ces armes chimiques, y
compris pour les produits les plus an-
ciens, sont leur extrême dangerosité, la
présence de stocks considérables n’ayant
pu être détruits en raison des coûts de
destruction considérables de ces pro-
duits, nécessitant dès lors «un entrepo-
sage semi-sécurisé», ainsi que le risque
élevé de contamination des intervenants
lors des opérations de secours d’un at-
tentat ou d’un accident impliquant de
tels produits.
LES PRODUITS CHIMIQUES
INDUSTRIELS COMME ARMES
DE DESTRUCTION MASSIVE :
LE TOP 5
Qui se souvient encore de l’accident
de l’usine AZF à Toulouse, fin 2001 ?
Trois cents tonnes de nitrate d’ammo-
nium,soit l’équivalent de plusieurs wagons
d’engrais, explosent de manière acciden-
telle et provoquent la destruction de
l’ensemble d’un site industriel, le décès
de plusieurs dizaines de personnes, 3000
blessés environ et une onde de choc res-
sentie jusqu’à 100 kilomètres à la ronde.
Sans aucun doute, cet engrais industriel,
largement utilisé et stocké dans les pays
occidentaux, est un des candidats des
produits chimiques potentiellement utili-
sés comme arme de destruction.6Son
potentiel explosif est énorme, mais, si l’on
peut se consoler,le produit, lorsqu’il ex-
plose, libère des agents toxiques très vo-
latils et dès lors peu contaminants.
Le chlore et son utilisation extrême-
ment fréquente et abondante consti-
tuent également un des produits chimi-
ques les plus dangereux en cas d’utilisa-
tion criminelle. Rappelons pour exemple
l’explosion d’un wagon-citerne de chlore
àMissisauga, au Canada, en 1979, pro-
duisant un nuage caustique de chlore
ayant nécessité l’évacuation d’une popu-
lation de 240 000 habitants.
On ne saurait parler de produits chi-
miques comme arme de destruction mas-
sive sans mentionner le cyanure,en rai-
son de son effet toxique extrêmement
sévère, de sa fréquente utilisation dans
l’industrie chimique et des métaux, ainsi
que de sa relative facilité d’utilisation com-
me contaminant de l’eau ou de la chaîne
alimentaire.
Enfin, le phosgène et l’ammoniac re-
présentent encoredeux produits au po-
tentiel destructif et toxique considérable.
Le tableau 3 résume les caractéristi-
ques de ces produits chimiques à haut
risque de désastre collectif lors d’une
utilisation criminelle.
MAÎTRISE D’UN ÉVÉNEMENT
CHIMIQUE ET PRINCIPES
D’ACTION
En cas d’attentat (ou d’accident) col-
lectif avec suspicion ou certitude d’une
composante toxique (ou chimique), les
principes de base suivants devraient être
respectés dans tous les cas, y compris
dans leur séquence d’action :
1. Bouclement sécuritairede la zone
contaminée (par les sapeurs-pompiers
et la police, dans le but d’éviter l’exten-
sion du risque de contamination). Et de
retenir les individus contaminés ?
2. Protection des intervenants (tenue de
protection pour les intervenants pom-
piers, éloignement de la zone contami-
née pour les intervenants sanitaires).
3. Décontamination des victimes (intoxi-
quées et/ou blessées) et des personnes
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Tableau 2. Principales caractéristiques physico-chimiques et toxiques des
armes chimiques «classiques» (toxiques chimiques militaires ?)
(Adapté de réf. 1,3,7-9).
Vésicants Organophosphorés (gaz nervins)
Agent Ypérite Léwisite Sarin Soman Tabun Agent VX
(gaz (GB) (GD) (GA)
moutarde)
Odeur Moutarde Géranium Sans Fruité Fruité Sans
ou ail ou camphré
Pénétration dans 3-5 min 10-15 min 10-15 min 5-7 min
la peau
Persistance dans Plusieurs Plusieurs Plusieurs Plusieurs Plusieurs Plusieurs
l’environnement jours heures heures jours jours semaines
Mécanisme toxique Epidermolyse avec irritation Inhibiteurs irréversibles de l’acétylcholinestérase,
et formation de vésicules et provoquant un syndrome cholinergique
de bulles
Premiers symptômes Conjonctivite, dégâts Troubles oculaires (trouble de l’accommodation avec
cornéens, vésicules et bulles myosis), dyspnée, toux, nausées, céphalées, douleurs
cutanées, toux, dyspnée oculaires
Signes cliniques Vésicules et bulles cutanées DUMBBBLESS syndrom: diarrhea, urination, miosis,
et cause de décès étendues, broncho- bradycardia, bronchorrhea, bronchospasm, lacrimation,
constriction, sibilances, emesis, salivation, sweeting
œdème laryngé, stridor Ainsi que : fasciculations, paralysies flasques,
insuffisance respiratoire sur dépression SNC, convulsions et décès par hypoxie
œdème pulmonaire et collapsus cardio-respiratoire
Premiers soins (après Oxygène et assistance respiratoire
décontamination !) Soutien des fonctions vitales diazépam ou midazolam en cas de convulsions
Traitement spécifique Aucun British anti- Atropine
(antidotes) lewisite-BAL Oximes (pralidoxime, obidoxime)
(dimercaprol)
Risques de séquelles Cécité, Cécité, Séquelles neuro-psychologiques
insuffisance insuffisance
respiratoire, respiratoire
carcinogène