O S S I E R T H É M A T I Q U E Mi s e a u p o i nt D Intérêt de la coprescription psychothérapie et traitement médicamenteux dans la prise en charge des troubles anxieux Psychotherapy and medication combined treatment for anxiety disorders: advantages or not? ● A. Pélissolo* R R É É S S U U M M Il existe aujourd’hui des stratégies médicamenteuses et psychothérapeutiques bien codifiées pour les formes simples de troubles anxieux, et les deux modalités peuvent être utilisées de manière souvent équivalente dans ces indications. Pourtant, les praticiens ont souvent recours à des associations médicaments + psychothérapies, pour augmenter l’efficacité et/ou l’acceptation des traitements. Il s’agit, en général, de solutions pragmatiques dans les formes complexes et sévères de troubles anxieux, par exemple dans les formes associant plusieurs diagnostics différents ou lorsqu’un état dépressif coexiste. Les effets des médicaments, et notamment des antidépresseurs, sont souvent complémentaires des effets des thérapies comportementales et cognitives (TCC), avec des cibles d’action différentes et des cinétiques d’efficacité également complémentaires. Pourtant, très peu d’études contrôlées ont pu mettre en évidence une efficacité supérieure de l’association TCC + médicament par rapport à chaque stratégie utilisée seule. Ce décalage avec les pratiques cliniques est difficile à expliquer, même si des aspects méthodologiques peuvent être en partie en cause. Il faut cependant en conclure que les combinaisons thérapeutiques ne doivent pas être proposées de manière systématique et sont plutôt à réserver aux formes complexes, comorbides, et plus clairement après l’échec des monothérapies initiales. De nouveaux agents pharmacologiques et de nouvelles modalités thérapeutiques pourront peut-être, dans l’avenir, être associés de manière encore plus complémentaire, sur la base de mécanismes d’action spécifiques et avec une démonstration d’efficacité plus rigoureuse. Mots-clés : Thérapies comportementales et cognitives (TCC) – Antidépresseurs – Combinaisons – Troubles anxieux. * Service de psychiatrie d’adulte et CNRS UMR 7593, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 10 É É SUMMARY SUMMARY Drug therapy and psychotherapeutic strategies are now well codified for the simple forms of anxiety disorders, and both methods can be used in an equivalent way in these indications. However, specialists often propose combined strategies, to increase the effectiveness and/or the acceptance of the treatment. These are generally empiric solutions in the complex and severe forms of anxiety disorders, for example when they associate several different diagnoses or when a depressive state coexists. The effects of the drugs, and in particular of the antidepressants, are often complementary of the cognitive behavioral therapies (CBT), with different targets and also complementary kinetics of effectiveness. However, very few studies could highlight a higher effectiveness of the CBT-drug combination compared to either treatment alone. This discrepancy with clinical practices is difficult to explain, even if methodological points can be made partly responsible. However, it must be concluded that the therapeutic combinations should not be proposed in a systematic way and should rather be applied for the complex and comorbid forms, and more clearly if monotherapy fails. Perhaps new pharmacological agents and new psychotherapeutic methods will be developed in the future, with more complementary mechanisms of action, and with a more rigorous demonstration of superior effectiveness. Keywords: Antidepressants – Anxiety disorder – Cognitive behavioral therapies (CBT) – Combined treatment. es troubles anxieux peuvent être traités, d’après les recommandations classiques, aussi bien par des traitements médicamenteux que par des psychothérapies. En pratique, il est fréquent de proposer l’association des deux stratégies. Est-ce légitime, et que peut-on en attendre ? L La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 Tableau. Principales indications des psychothérapies et des médicaments, utilisés séparément, dans les troubles anxieux. Thérapies cognitivo-comportementales Chimiothérapie Trouble panique Relaxation Exposition intéroceptive Restructuration cognitive Certains antidépresseurs (paroxétine, citalopram, clomipramine) Indication : prévention des attaques de panique avec ou sans agoraphobie Agoraphobie Désensibilisation, exposition graduée Phobies spécifiques Désensibilisation, exposition graduée Phobies sociales Restructuration cognitive Exposition en groupe Entraînement aux compétences sociales Paroxétine, venlafaxine LP, escitalopram Indication : trouble anxiété sociale caractérisé lorsqu’il perturbe de manière importante les activités professionnelles ou sociales Trouble anxiété généralisée Relaxation Restructuration cognitive Exposition cognitive Benzodiazépines (1 à 4 semaines) ; buspirone ; paroxétine, venlafaxine LP Troubles obsessionnels compulsifs Restructuration cognitive Exposition avec prévention de la réponse ritualisée Antidépresseurs sérotoninergiques (paroxétine, fluoxétine, sertraline, clomipramine) États de stress post-traumatique Exposition Restructuration cognitive EMDR (eyes movement desensitization and reprocessing) Paroxétine Autres troubles anxieux Gestion du stress Relaxation Affirmation de soi Hydroxyzine (manifestations mineures de l’anxiété) ; propranolol (manifestations fonctionnelles cardiaques à type de tachycardie et de palpitations au cours de situations émotionnelles transitoires) La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 11 a u p o i nt Les stratégies thérapeutiques des troubles anxieux sont relativement simples à définir quand on se limite aux cas de figure suivants : – diagnostics typiques et formes peu complexes ; – absence de comorbidité sur l’axe I (un seul trouble anxieux, sans trouble de l’humeur, sans addiction, etc.) ; – absence de comorbidité sur l’axe II (absence de trouble de la personnalité) ; – apparition récente du trouble sans modification ni complication évolutive ou iatrogène ; – sujets adultes non âgés ; – moyens thérapeutiques classiques disponibles, sans restriction liée au patient ou au contexte. De telles situations cliniques existent, mais ne représentent qu’une part limitée des sujets qui consultent : on estime qu’elles concernent environ la moitié des patients consultant en médecine générale, un tiers des patients suivis en psychiatrie ambulatoire, et une proportion probablement encore moindre (20 % environ) pour les patients suivis en psychiatrie hospitalière. La comorbidité et les formes complexes sont très fréquentes dès que le niveau de sévérité et de handicap augmente, ce qui est souvent le cas des patients adressés en psychiatrie. Les formes simples et typiques, incluses dans les études thérapeutiques, sont probablement plus représentées chez les sujets demandeurs de prises en charge moins stigmatisantes, comme les thérapies proposées par des psychologues par exemple. Ce rappel étant fait, le tableau résume les indications reconnues des chimiothérapies et des thérapies comportementales et cognitives (TCC) dans les différentes catégories de troubles anxieux (1). Pour les médications, n’y figurent que les recommandations des autorisations de mise sur le marché (AMM), mais il existe naturellement des données en faveur de l’efficacité d’autres molécules dans certains troubles. Concernant les prises en charge psychologiques, ne sont mentionnées que les techniques de TCC, car ce sont les psychothérapies les plus étudiées et les plus validées. Mais d’autres approches ont pu également faire la preuve d’une certaine efficacité, comme la thérapie non directive de Rogers dans le trouble anxiété généralisée (2, 3). Les thérapies analytiques, souvent proposées en France aux patients souffrant de troubles anxieux, sont peu étudiées et éprouvées en ce qui concerne les pathologies anxieuses elles-mêmes, mais elles peuvent trouver leur intérêt sur des dimensions associées, comme des traits de personnalité dysfonctionnels ou des questionnements de nature existentielle. À la lecture du tableau, on constate que la plupart des pathologies anxieuses peuvent faire l’objet de traitements médicamenteux ou de TCC. Seules les phobies sans complication (phobies spécifiques, agoraphobie sans trouble panique, et phobies sociales non généralisées) ne relèvent quasiment jamais d’une prescription médicamenteuse, car cette dernière est soit inefficace, soit considérée comme trop “lourde” dans ces indications. Dans les autres cas, le patient et les praticiens doivent choisir entre médicament et psychothérapie, et ce choix est souvent basé sur une conjonction de facteurs difficiles à formaliser complètement : – les préférences du patient lui-même, qui s’exprime parfois de manière catégorique pour l’une ou l’autre option ; Mi s e INDICATIONS RESPECTIVES DES PSYCHOTHÉRAPIES ET DES CHIMIOTHÉRAPIES O S S I E R T H É M A T I Q U E Mi s e a u p o i nt D – les possibilités matérielles de prise en charge (disponibilité des thérapeutes, possibilité de paiement, éventuelle contre-indication des médicaments, etc.) ; – certains éléments cliniques pouvant orienter vers l’une ou l’autre des stratégies (nature des symptômes prévalents, fonctionnement de personnalité, comorbidité, etc.), même s’il s’agit le plus souvent d’indices plus intuitifs que systématiques, car il n’existe pas de critères pronostiques de réponse suffisamment étayés. La position du patient est, finalement et évidemment, décisive, même si le médecin peut tenter de discuter certaines réticences lorsqu’il les juge dommageables. Des choix intermédiaires sont souvent adoptés en cas d’incertitude, avec notamment une stratégie séquentielle programmée en fonction des préférences initiales du patient : médicament puis TCC en cas d’échec, ou l’inverse. recommandé d’associer, par exemple, un régime alimentaire particulier, des règles d’hygiène de vie et un traitement médicamenteux, ou encore une chimiothérapie et une radiothérapie, on peut considérer la combinaison psychothérapie + médicament comme un garant de meilleure efficacité dans les cas les plus graves de troubles anxieux. Les trois arguments que nous développerons en faveur de cette association sont les suivants : – les mécanismes d’action et les cibles des deux approches n’étant pas les mêmes, il est possible que leurs actions soient complémentaires ; – les cinétiques d’action sont également différentes, et leur combinaison peut élargir le spectre d’efficacité du traitement ; – une action synergique des deux approches peut enfin être envisagée, sous la forme d’une potentialisation d’un traitement par l’autre. INTÉRÊTS CLINIQUES D’UNE APPROCHE COMBINÉE En faveur de la complémentarité, on peut rappeler que la rémission et plus encore la guérison d’un trouble anxieux passe par le retour à un fonctionnement normal dans plusieurs domaines : les modes de pensée (les cognitions), les émotions, les sensations physiques et les comportements. Même si ces quatre dimensions influent les unes sur les autres et n’ont pas toujours de délimitations claires, certains traitements agissent plus directement sur l’une ou l’autre, comme cela est indiqué dans la figure 1. Par exemple, les traitements médicamenteux, qu’ils soient antidépresseurs ou anxiolytiques, agissent plus spécifiquement sur la production et/ou la régulation des émotions (en réduisant les affects négatifs notamment) et sur les Même si, comme nous le nous verrons plus loin, beaucoup de choses restent encore à étudier et à démontrer dans ce domaine, des arguments cliniques et thérapeutiques peuvent plaider en faveur du choix d’une stratégie double, combinant psychothérapie et traitement médicamenteux. Le point de repère important est ici la sévérité et l’ancienneté des troubles. Les résultats thérapeutiques étant souvent déterminés par ces éléments, il peut paraître logique de mettre en œuvre le plus de moyens possibles pour faire face aux formes les plus graves et les plus difficiles à traiter (4). Comme dans d’autres affections médicales où il est Thérapies d’exposition Médicaments Comportements Environnement Émotions – production – régulation Pathologie anxieuse Schémas cognitifs Distorsions cognitives Stock mnésique Restructuration cognitive 12 Sensations physiques Relaxation Figure 1. Schématisation des différents mécanismes psychobiologiques des troubles anxieux et des cibles thérapeutiques potentielles. La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 Enfin, les effets synergiques de l’addition des deux stratégies peuvent tenir au fait, d’une part, que les traitements médicamenteux rendent possibles certains éléments des TCC (réduction de l’anxiété autorisant le début d’une thérapie, et notamment les efforts d’analyse, d’exposition et de changements en profondeur du comportement et des modes de pensée), et, d’autre part, que certains aspects des psychothérapies ont parfois un effet bénéfique sur la chimiothérapie. Il peut s’agir des aspects psycho-éducatifs sur les médicaments, susceptibles d’augmenter la compliance au traitement, et d’éléments de thérapie cognitive ou de relaxation apprenant au patient à gérer les éventuels effets secondaires des médicaments dans le but également d’augmenter la compliance (4, 5). Les objectifs spécifiques d’une TCC associée à une médication peuvent être la bonne gestion des prises du traitement, la facilitation de la période d’arrêt du médicament, et la prévention des risques de rechute. En plus de ces facteurs généraux pouvant justifier les traitements combinés et intégratifs, il existe naturellement des justifications spécifiques, comme la plupart des situations de comorbidité. La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 ÉTUDES D’EFFICACITÉ D’une manière générale, la démonstration de la supériorité de l’association chimiothérapie et psychothérapie par rapport à chacun des traitements pris isolément n’est pas réellement faite en ce qui concerne les troubles anxieux. On peut s’en étonner en raison de l’argumentaire présenté ci-dessus et surtout de la fréquence du recours à une telle association dans la pratique clinique. Cependant, différents problèmes méthodologiques peuvent en partie expliquer ce résultat. Tout d’abord, les études portant sur de telles associations sont difficiles à concevoir et à mener si l’on veut garantir une rigueur suffisante dans la réalisation des traitements et des évaluations : randomisation en plusieurs groupes (traitement A, traitement B, association A + B, groupe contrôle), donc nombre élevé de sujets à inclure, procédure de double aveugle complexe à réaliser pour les psychothérapies, nécessité d’un suivi à long terme, etc. Par ailleurs, les patients inclus dans les essais cliniques sont, en général, sélectionnés sur la base de troubles relativement purs et simples, avec des chances élevées de réponse aux monothérapies. Cela réduit d’autant plus la probabilité de constater un effet bénéfique pour l’association des deux stratégies. De fait, ces combinaisons sont, en pratique clinique, plutôt réservées aux formes sévères, complexes et/ou comorbides. Les données de la littérature relatives au trouble panique sont les plus nombreuses, mais leurs résultats sont délicats à interpréter, et la plupart des molécules étudiées jusqu’à présent sont des benzodiazépines et des antidépresseurs imipraminiques alors qu’il ne s’agit plus des classes les plus utilisées. Les études les plus anciennes portent notamment sur l’association alprazolam + TCC. Elles concluent à l’absence de supériorité à long terme de cette association comparativement à la TCC seule, en particulier dans les formes de trouble panique avec agoraphobie, voire à une perte d’efficacité. Un résultat similaire, ou légèrement meilleur, est obtenu pour la combinaison imipramine + TCC (6). Une étude plus récente, menée chez 313 patients souffrant de trouble panique, confirme ces conclusions décevantes en montrant que la combinaison imipramine + TCC n’est pas plus efficace à long terme, voire est moins efficace, que la TCC utilisée seule, qui permet d’obtenir jusqu’à 41 % de guérison stable six mois après l’arrêt des traitements, contre 20 % pour l’imipramine seule (7). Les études d’efficacité des traitements combinés sont moins nombreuses dans les autres troubles anxieux. Un essai compara13 a u p o i nt Des aspects chronologiques et cinétiques peuvent également justifier l’association d’une chimiothérapie à une psychothérapie. Les traitements médicamenteux ont, en effet, un délai d’action court pour ce qui est des benzodiazépines (quelques jours) et moyen pour ce qui est des antidépresseurs (quelques semaines). Les psychothérapies, en revanche, sont à l’origine d’une amélioration progressive qui devient consistante en quelques mois et qui persiste en général à long terme, alors que l’effet des médicaments disparaît rapidement après leur arrêt si une phase de guérison stable n’a pas été obtenue. Le schéma logique est alors de compter sur l’effet précoce des médicaments pour obtenir un soulagement rapide des symptômes les plus gênants, et sur l’effet retardé mais plus durable de la psychothérapie pour consolider le résultat obtenu à long terme. Même si des TCC peuvent être parfaitement indiquées pour le traitement, par exemple, d’une phobie sociale ou d’un trouble obsessionnel compulsif, la coexistence de plusieurs troubles anxieux différents et surtout d’un état dépressif significatif incitent à la prescription en parallèle d’un antidépresseur actif sur ces cibles. De même, l’existence d’un trouble de la personnalité peut conduire à la mise en place d’une psychothérapie alors que le trouble anxieux au premier plan peut faire l’objet d’un traitement médicamenteux qui aurait été suffisant en cas de forme isolée. Mi s e sensations physiques, et seulement de manière indirecte sur le comportement ou les cognitions. Les thérapies cognitives visent, elles, à modifier certaines modalités de pensée, avec un impact secondaire sur les émotions et les comportements. Dans les formes simples et peu sévères, une approche univoque par un médicament seul ou une psychothérapie seule suffisent probablement à améliorer toutes les dimensions par la mobilisation de ressources internes que l’on pourrait qualifier d’autothérapie, dépassant l’effet propre de l’agent thérapeutique utilisé. Les changements cognitifs, par exemple, facilités par l’amélioration émotionnelle induite par le médicament, se font d’eux-mêmes sans thérapie spécifique si des ressources de compréhension et d’analyse sont disponibles (concept “d’efficacité personnelle perçue”). En revanche, chez les patients plus fragiles, plus immatures, ou souffrant de formes plus graves et extensives, on peut comprendre qu’un traitement à “large spectre” soit nécessaire pour prendre en compte différentes cibles simultanément (4). O S S I E R T H É M A T I Q U E Mi s e a u p o i nt D tif de ce type a été mené dans les phobies sociales, qui ne montre pas de supériorité de l’association fluoxétine et TCC par rapport aux deux traitements isolés, même si la fluoxétine n’est pas le produit reconnu à ce jour comme le plus efficace dans cette indication (8). De même, l’étude de E.B. Foa et al. (9), qui porte sur le traitement des troubles obsessionnels compulsifs par les TCC (exposition intensive avec prévention de la réponse) et par la clomipramine, ne retrouve pas d’effet supérieur de la combinaison des deux traitements (70 % d’efficacité) par rapport à la TCC utilisée seule (62 %) ; la clomipramine en monothérapie donne cependant des résultats inférieurs (42 %), même si tous les traitements sont supérieurs au placebo (8 %). De manière générale, il faut constater que la combinaison TCC + médicament ne semble pas apporter de bénéfice franc à long terme par rapport à la TCC utilisée seule, même si les résultats sont meilleurs qu’avec le médicament utilisé seul (notamment après son arrêt). Rappelons cependant que les études effectuées portent sur des populations de patients sélectionnées, probablement plus pures et moins “complexes” que celles rencontrées en pratique clinique. Par ailleurs, la plupart des études portent sur des antidépresseurs tricycliques, différents de ceux qui sont utilisés aujourd’hui couramment dans le traitement des troubles anxieux. Des études seraient donc nécessaires avec les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine ou avec la venlafaxine. RECOMMANDATIONS PRATIQUES ET PERSPECTIVES Pour la pratique, il faut retenir que l’association psychothérapie et médicament n’est pas une garantie d’efficacité et qu’il faut en peser les indications au cas par cas. En l’absence de certitude sur des effets thérapeutiques généraux, il est nécessaire de prendre en compte le coût et les inconvénients potentiels de cette association, qui expose, d’une part, aux effets secondaires des chimiothérapies et, d’autre part, à la complexité d’une prise en charge psychothérapeutique. Aussi, il convient d’envisager différents paramètres cliniques et pragmatiques, résumés dans l’arbre de décision présenté en figure 2. Les combinaisons TCC + médicaments seraient à réserver aux formes les plus complexes en première intention, et à n’appliquer aux formes plus classiques qu’en seconde intention, en cas de résultat insuffisant avec l’un ou l’autre des traitements initiaux. Des travaux de recherche sont encore nécessaires pour déterminer dans quelles indications des combinaisons peuvent être justifiées et efficaces, en se rapprochant le plus possible des situations cliniques. D’autre part, des perspectives nouvelles seront probablement apportées par la mise à disposition de stratégies thérapeutiques innovantes : déclinaisons des thérapies comportementales et des thérapies cognitives, thérapies en réalité virtuelle, molécules ayant des modalités d’action différentes, etc. Diagnostic initial Trouble anxieux simple – sans dépression – sans attaques de panique fréquentes – sans anxiété permanente – avec réticence aux médicaments Psychothérapie (TCC) Trouble anxieux simple – avec dépression – ou avec attaques de panique fréquentes – ou avec anxiété permanente – sans demande d’approche psychothérapeutique Trouble anxieux complexe – très sévère, comorbide – ancien – avec attaques de panique – ou avec anxiété permanente Traitement médicamenteux (antidépresseur) Traitement médicamenteux (antidépresseur) + Efficace Insuffisamment efficace Insuffisamment efficace Mauvaise tolérance Efficace TCC seule TCC + Traitement médicamenteux (antidépresseur) TCC seule Médicament seul TCC (après délai éventuel de mise en place du médicament) Figure 2. Arbre de décision pour le choix des stratégies thérapeutiques devant un trouble anxieux. 14 La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 p o i nt CONCLUSION 7. Barlow DH, Gorman JM, La question des cothérapies est probablement une des plus importantes actuellement pour l’amélioration des soins en pratique psychiatrique, dans les troubles anxieux mais aussi dans la plupart des autres pathologies. Les difficultés relevées ici confirment l’intérêt d’un dialogue permanent et de réflexions communes entre chercheurs, d’une part, dont les apports méthodologiques et fondamentaux sont indispensables, et praticiens, d’autre part, pour leur connaissance de la réalité des prises en charge et de la psychopathologie individuelle. ■ La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Pélissolo A, Cohen-Salmon C. Le cerveau anxieux. Paris : PIL, 2003. 2. Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. 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(10) est très démonstrative de potentialités nouvelles : l’administration de doses uniques d’un agent facilitateur de l’apprentissage, la D-cyclosérine, dont l’action passe par les récepteurs au NMDA, avant seulement deux séances de thérapie en réalité virtuelle pour une phobie des hauteurs permet d’améliorer considérablement les résultats obtenus, et cela de manière durable sur plusieurs mois. Ces observations ouvrent de nouvelles perspectives sur une utilisation plus raisonnée des combinaisons psychothérapie + médicaments, peut-être dès les stades précoces de développement des nouvelles molécules, pour se rapprocher des situations cliniques réelles mais sans le caractère très empirique des procédures utilisées couramment aujourd’hui.