sensations physiques, et seulement de manière indirecte sur le
comportement ou les cognitions. Les thérapies cognitives
visent, elles, à modifier certaines modalités de pensée, avec un
impact secondaire sur les émotions et les comportements. Dans
les formes simples et peu sévères, une approche univoque par
un médicament seul ou une psychothérapie seule suffisent pro-
bablement à améliorer toutes les dimensions par la mobilisa-
tion de ressources internes que l’on pourrait qualifier d’auto-
thérapie, dépassant l’effet propre de l’agent thérapeutique
utilisé. Les changements cognitifs, par exemple, facilités par
l’amélioration émotionnelle induite par le médicament, se font
d’eux-mêmes sans thérapie spécifique si des ressources de
compréhension et d’analyse sont disponibles (concept “d’effi-
cacité personnelle perçue”). En revanche, chez les patients plus
fragiles, plus immatures, ou souffrant de formes plus graves et
extensives, on peut comprendre qu’un traitement à “large
spectre” soit nécessaire pour prendre en compte différentes
cibles simultanément (4).
Des aspects chronologiques et cinétiques peuvent également
justifier l’association d’une chimiothérapie à une psychothé-
rapie. Les traitements médicamenteux ont, en effet, un délai
d’action court pour ce qui est des benzodiazépines (quelques
jours) et moyen pour ce qui est des antidépresseurs (quelques
semaines). Les psychothérapies, en revanche, sont à l’origine
d’une amélioration progressive qui devient consistante en
quelques mois et qui persiste en général à long terme, alors
que l’effet des médicaments disparaît rapidement après leur
arrêt si une phase de guérison stable n’a pas été obtenue. Le
schéma logique est alors de compter sur l’effet précoce des
médicaments pour obtenir un soulagement rapide des symp-
tômes les plus gênants, et sur l’effet retardé mais plus durable
de la psychothérapie pour consolider le résultat obtenu à long
terme.
Enfin, les effets synergiques de l’addition des deux stratégies
peuvent tenir au fait, d’une part, que les traitements médicamen-
teux rendent possibles certains éléments des TCC (réduction de
l’anxiété autorisant le début d’une thérapie, et notamment les
efforts d’analyse, d’exposition et de changements en profondeur
du comportement et des modes de pensée), et, d’autre part, que
certains aspects des psychothérapies ont parfois un effet béné-
fique sur la chimiothérapie. Il peut s’agir des aspects psycho-édu-
catifs sur les médicaments, susceptibles d’augmenter la com-
pliance au traitement, et d’éléments de thérapie cognitive ou de
relaxation apprenant au patient à gérer les éventuels effets secon-
daires des médicaments dans le but également d’augmenter la
compliance (4, 5). Les objectifs spécifiques d’une TCC associée
à une médication peuvent être la bonne gestion des prises du trai-
tement, la facilitation de la période d’arrêt du médicament, et la
prévention des risques de rechute.
En plus de ces facteurs généraux pouvant justifier les traitements
combinés et intégratifs, il existe naturellement des justifications
spécifiques, comme la plupart des situations de comorbidité.
Même si des TCC peuvent être parfaitement indiquées pour le
traitement, par exemple, d’une phobie sociale ou d’un trouble
obsessionnel compulsif, la coexistence de plusieurs troubles
anxieux différents et surtout d’un état dépressif significatif inci-
tent à la prescription en parallèle d’un antidépresseur actif sur ces
cibles. De même, l’existence d’un trouble de la personnalité peut
conduire à la mise en place d’une psychothérapie alors que le
trouble anxieux au premier plan peut faire l’objet d’un traitement
médicamenteux qui aurait été suffisant en cas de forme isolée.
ÉTUDES D’EFFICACITÉ
D’une manière générale, la démonstration de la supériorité de
l’association chimiothérapie et psychothérapie par rapport à cha-
cun des traitements pris isolément n’est pas réellement faite en ce
qui concerne les troubles anxieux. On peut s’en étonner en raison
de l’argumentaire présenté ci-dessus et surtout de la fréquence du
recours à une telle association dans la pratique clinique. Cepen-
dant, différents problèmes méthodologiques peuvent en partie
expliquer ce résultat. Tout d’abord, les études portant sur de telles
associations sont difficiles à concevoir et à mener si l’on veut
garantir une rigueur suffisante dans la réalisation des traitements
et des évaluations : randomisation en plusieurs groupes (traite-
ment A, traitement B, association A + B, groupe contrôle), donc
nombre élevé de sujets à inclure, procédure de double aveugle
complexe à réaliser pour les psychothérapies, nécessité d’un suivi
à long terme, etc. Par ailleurs, les patients inclus dans les essais
cliniques sont, en général, sélectionnés sur la base de troubles
relativement purs et simples, avec des chances élevées de réponse
aux monothérapies. Cela réduit d’autant plus la probabilité de
constater un effet bénéfique pour l’association des deux stratégies.
De fait, ces combinaisons sont, en pratique clinique, plutôt réser-
vées aux formes sévères, complexes et/ou comorbides.
Les données de la littérature relatives au trouble panique sont
les plus nombreuses, mais leurs résultats sont délicats à interpré-
ter, et la plupart des molécules étudiées jusqu’à présent sont des
benzodiazépines et des antidépresseurs imipraminiques alors
qu’il ne s’agit plus des classes les plus utilisées. Les études les
plus anciennes portent notamment sur l’association alprazolam +
TCC. Elles concluent à l’absence de supériorité à long terme de
cette association comparativement à la TCC seule, en particulier
dans les formes de trouble panique avec agoraphobie, voire à une
perte d’efficacité. Un résultat similaire, ou légèrement meilleur,
est obtenu pour la combinaison imipramine + TCC (6). Une
étude plus récente, menée chez 313 patients souffrant de trouble
panique, confirme ces conclusions décevantes en montrant que la
combinaison imipramine + TCC n’est pas plus efficace à long
terme, voire est moins efficace, que la TCC utilisée seule, qui per-
met d’obtenir jusqu’à 41 % de guérison stable six mois après l’ar-
rêt des traitements, contre 20 % pour l’imipramine seule (7).
Les études d’efficacité des traitements combinés sont moins
nombreuses dans les autres troubles anxieux. Un essai compara-
La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006
Mise au point
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