Risque de cancer après exposition aux rayonnements ionisants au cours d’examens
par scanner durant l’enfance
Hélène BAYSSON
Commentaire
Cette étude australienne sur la survenue de cancer après
exposition aux radiations ionisantes par scanographie durant
l’enfance ou l’adolescence montre un excès de risque de
cancer, notamment de leucémies et de tumeurs cérébrales.
Les estimations de risque obtenues sont concordantes avec
celles publiées par Pearce en 2012 (1). Pour les leucémies et
myélodysplasies, l’excès de risque relatif (ERR) par mGy était
alors de 0,036 [0,005 - 0,120]. Pour les tumeurs cérébrales, l’ERR
par mGy était alors de 0,023 [0,007 - 0,026] après un examen
du cerveau.
Les résultats obtenus demandent cependant à être confirmés.
En effet, les données de l’étude australienne n’ont pas permis de
prendre en compte un certain nombre de facteurs de confusion,
en particulier la nature de la pathologie ayant nécessité un
examen par scanographie, pathologie pouvant être associée
à un risque accru de cancer. On peut aussi noter une durée de
suivi relativement courte (moins de 10 ans en moyenne) et un
âge en fin de suivi jeune puisque l’âge atteint maximum est de
41 ans. Or certains cancers peuvent survenir 30 à 40 années après
l’exposition.
Une autre limite de cette étude réside dans la difficulté pour
les auteurs à reconstituer la dose reçue. Aucune information
individuelle concernant les doses n’était connue : les calculs de
doses ont été réalisés à partir d’estimations de dose efficace
moyenne faisant l’objet de consensus et publiées dans la
littérature nationale et internationale. De ce fait, l’analyse de
la relation dose-effet reste limitée et les analyses principales
n’ont pas pris en compte les doses cumulées aux organes. Le
projet européen EPI-CT1, qui intègre la cohorte britannique, la
cohorte française ainsi que sept autres cohortes européennes,
permettra d’analyser l’incidence de cancers parmi un million
d’enfants ayant bénéficié d’examens par scanographie. Les
premiers résultats sont attendus à l’horizon 2016. Le projet
EPI-CT se focalise particulièrement sur l’estimation précise des
doses reçues au niveau individuel (2).
Estimation du risque de cancer associé
à l’exposition aux rayonnements ionisants
au cours des examens par scanner en pédiatrie
Miglioretti DL, Johnson E, Williams Andrew, Greenlee RT, Weinmann
S, Solberg L, Feigelson HS, Robin D, Flynn MJ, Vanneman N, Smith-
Bindman R. The use of computed tomography in pediatrics and
the associated radiation exposure and estimated cancer risk. JAMA
Pediatr 2013;167(8):700-7.
Résumé
Afin d’étudier l’évolution dans le temps du nombre de scanners
réalisés en pédiatrie et d’estimer le nombre de cancers
attribuables à l’exposition aux radiations ionisantes qui en
résulte, la totalité des scanners réalisés chez des enfants de
moins de 15 ans entre 1996 et 2010 issus de six systèmes de
santé américains, soit près de 4,85 millions d’enfants-année ont
été étudiés. Jusqu’en 2005, le nombre d’examens par scanners
réalisé a doublé pour les enfants âgés de moins de cinq ans et a
triplé pour les enfants âgés de cinq à 14 ans. Après une stagnation
en 2005-2007, ce nombre a commencé à décliner à partir de 2007.
Entre 1996 et 2010 les scanners les plus réalisés ont été ceux de
la tête dont le nombre a doublé, suivis des scanners abdomino-
pelviens qui ont quintuplé chez les enfants âgés de cinq à 14
ans. Les doses à l’organe ont été calculées pour 744 examens
scanners pédiatriques de la tête, de la poitrine, de l’abdomen et
de la colonne vertébrale, réalisés entre 2001 et 2011. Les résultats
montrent une large variation des doses délivrées selon le type
de localisation. En se basant sur les modèles issus des études
portant sur les survivants d’Hiroshima et Nagazaki (3) et ceux
publiés par Berrington de Gonzalez en 2009 (4), les auteurs
estiment un nombre de cas de cancers solides attribuables aux
scanners plus élevé pour les patients jeunes et pour les filles
comparativement aux patients plus âgés et aux garçons. Ils
estiment un nombre de cas de leucémies attribuables plus élevé
pour les patients de moins de cinq ans ayant eu un scanner de
la tête. Les auteurs estiment que 4 870 futurs cas de cancers
(intervalle de confiance à 95 % = [2 640 – 9 080]) pourraient être
induits par les 4,2 millions d’examens par scanner pédiatriques
réalisés chaque année aux États-Unis. En réduisant les doses se
situant dans le quartile le plus élevé, les auteurs estiment que
43 % de ces 4 870 cancers pourraient être évités. Cette réduction
est de 33 % en limitant d’un tiers le nombre de scanners réalisés.
En combinant ces deux stratégies (réduction des doses et
limitation du nombre de scanners), les auteurs estiment que 62 %
de ces cancers seraient évités.
Commentaire
Des évaluations de risque avaient déjà montré que l’exposition
aux radiations ionisantes au cours d’examens scanners réalisés
durant l’enfance pouvait être associée à une augmentation du
risque de cancer à long terme (5). Cette étude aboutit à une
estimation du nombre de cancers attribuables plus élevée que
celle publiée par Berrington de Gonzalez en 2009 (4) qui estimait
à 4 350 cas de cancers attribuables aux examens scanners réalisés
chaque année aux États-Unis. Cependant, dans l’étude publiée
par Berrington de Gonzalez, la variabilité autour de la dose
n’était pas prise en compte. Dans l’analyse de Miglioretti et
coll., les paramètres techniques ont été relevés pour différentes
installations et machines afin d’estimer une distribution des
doses à l’organe, et en tenant compte également de la taille
et du sexe du patient. Les estimations de risque obtenues sont
néanmoins basées sur les modèles de risque établis à partir
des données du suivi des survivants de Hiroshima-Nagasaki,
avec toutes les incertitudes que cela implique quant à leur
transposition sur d’autres populations. Cependant, les résultats
obtenus par Miglioretti et coll., montrent clairement l’impact
positif des stratégies visant à réduire les doses et le nombre
des examens radiologiques dans l’enfance, en respectant
notamment le principe ALARA2 en imagerie pédiatrique.
Pathologies
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Anses • Bulletin de veille scientifique n° 22 • Santé / Environnement / Travail • Décembre 2013