Pathologies mammaires et cancer du sein

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Deuxième partie
Pathologies mammaires et cancer du sein
TABLE DES MATIÈRES
Mammectomies sous-cutanées et reconstruction mammaire
immédiate : indications et résultats ................................................ 137
G. BODY, L. OULDAMER (Tours)
Quelles sont les patientes pouvant bénéficier d’un traitement
anti-hormonal au-delà de 5 ans ? .................................................... 161
E. CHÉREAU, R. ROUZIER, J. GLIGOROV, S. ZILBERMAN,
C. BEZU, S. UZAN, E. DARAÏ (Paris, Marseille)
Discordance du statut HER entre tumeur primitive et
métastases : implications thérapeutiques .......................................... 175
C. DUBOT, F. SELLE, J. GLIGOROV, A. KHALIL,
J.P. LOTZ (Paris)
Tumeurs triple négatives du sein : facteurs pronostiques et
prédictifs .................................................................................................. 187
S. ZILBERMAN, M. BALLESTER, C. BEZU, E. DARAÏ,
R. ROUZIER (Paris)
Classification moléculaire (Oncotype DX). Quand y avoir
recours ? Résultats, coût et implications thérapeutiques .............. 209
Y. DELPECH, G. BOUSQUET, J.P. BROULAND, E. BARRANGER
(Paris)
Place de la radiothérapie postopératoire après mastectomie
pour adénocarcinome mammaire pN0 ............................................ 221
E. TOUBOUL *, F. HUGUET, L. MONNIER, S. HABERER,
C. DELIMANN, E. BAMOGHO, F. DELUEN (Paris)
7
Les néoplasies lobulaires : lesquelles opérer ? .............................. 237
C. BEZU, S. ZILBERMAN, E. CHÉREAU-EWALD, R. ROUZIER,
E. DARAÏ, S. UZAN (Paris, Marseille)
Quelles indications aux analogues de la GnRH en situation
non métastatique ? ................................................................................ 247
C. MATHELIN, J. OHL, C.Y. AKLADIOS
(Strasbourg, Schiltigheim)
Place des thérapies antiangiogéniques dans le cancer du sein .. 263
I. DESMOULINS, S. GUIU, B. COUDERT, P. FUMOLEAU (Dijon)
La mammoscintigraphie à l’aide d’une caméra dédiée................ 285
I. THOMASSIN-NAGGARA, J. CHOPIER, S. BALOGOVA,
P. CHAUCHAT, V. NATAF, J.N. TALBOT (Paris)
Une nouvelle technique d’exploration du sein :
la tomosynthèse ...................................................................................... 297
N. PERROT, C. RIBEIRO-CREUZE, I. THOMASSIN-NAGARRA
(Paris)
Actualités sur les tumeurs phyllodes du sein non
métastatiques .......................................................................................... 307
M.C. VOLTZENLOGEL, L. VANDENBROUCKE, V. LAVOUÉ,
A. KIANI, P. TAS, F. FOUCHER, J. LEVÊQUE (Rennes)
Prise en charge des papillomes.......................................................... 325
A. KANE, E. VINCENS, C. FREY, C. DEHGHANI,
D. SALET LIZÉE, P. GADONNEIX, R. VILLET (Paris)
One Step Nucleic Acid Amplification (OSNA) pour l’analyse des
ganglions sentinelles des patientes opérées d’un cancer du sein.
Expérience du CRLCC Eugène Marquis ........................................ 343
F. GODEY, J. LEVÊQUE, P. TAS, G. GANDON, P. POREE,
H. MESBAH, V. LAVOUÉ, V. QUILLIEN, C. BENDAVID ATHIAS
(Rennes)
Index des matières (2002-2011) .................................................... 621
Index des auteurs (2002-2011) ...................................................... 627
Tableau des niveaux de preuve et grades selon la HAS ........
8
3
COLLÈGE NATIONAL
DES GYNÉCOLOGUES ET OBSTÉTRICIENS FRANÇAIS
Président : Professeur F. Puech
Deuxième partie
Pathologies mammaires
et cancer du sein
36ES JOURNÉES NATIONALES
Paris, 2012
135
Mammectomies sous-cutanées et
reconstruction mammaire immédiate :
indications et résultats
G. BODY *, L. OULDAMER
(Tours)
Résumé
La chirurgie prophylactique mammaire, abordée ici sous l’angle des femmes
présentant une prédisposition génétique, concerne deux types de patientes : d’une part les
femmes mutées indemnes de cancer du sein, pour lesquelles la chirurgie peut être
considérée comme une « vraie » prophylaxie ; d’autre part les femmes mutées non
indemnes, déjà atteintes d’un cancer du sein, pour lesquelles le rôle de la chirurgie dite
prophylactique est plus complexe.
Les deux principaux types de mammectomie réalisée dans ce cadre sont la
mammectomie avec conservation de l’étui cutané (skin sparing mastectomy) et la
mammectomie avec conservation de l’étui cutané et de la PAM (nipple sparing mastectomy).
Le type de reconstruction le plus couramment utilisé repose sur les implants prothétiques.
L’utilisation des lambeaux libres reste rare, restant une option possible pour le choix d’une
reconstruction bilatérale, essentiellement chez les patientes ayant une exigence esthétique très
importante et/ou refusant la perspective de corps étrangers prothétiques. La mammectomie
CHRU - Hôpital Bretonneau - Centre Olympe de Gouges - Pôle de gynécologieobstétrique, médecine fœtale, reproduction et génétique - Boulevard Tonnellé 37044 Tours cédex 01
* Correspondance : [email protected]
137
BODY
&
OULDAMER
bilatérale prophylactique reste la mesure la plus efficace de prévention du risque de cancer
du sein chez une femme indemne de cancer du sein porteuse d’une mutation BRCA1/2. Par
contre, pour ce qui est de la mammectomie controlatérale prophylactique, il n’existe pas de
preuve qu’elle permette une réduction du risque de décès, ce qui pourrait faire considérer
celle-ci comme une « fausse » chirurgie mammaire prophylactique. Dans tous les cas les
indications doivent être bien posées, en dehors de tout contexte d’urgence, après concertation
pluridisciplinaire, la place du chirurgien et de l’onco-généticien étant essentielle ; le rôle de
la patiente, après avoir reçu une information complète et, le cas échéant, avoir bénéficié
d’une préparation psychologique adaptée, est primordiale, car dans tous les cas la décision
finale relève de son choix personnel.
Mots clés : chirurgie prophylactique, cancer du sein, reconstruction mammaire
Déclaration publique d’intérêt
Je déclare ne pas avoir d’intérêt direct ou indirect (financier ou en
nature) avec un organisme privé, industriel ou commercial en relation
avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
La question soulevée ici est celle de la mammectomie bilatérale,
qu’elle soit d’emblée bilatérale, et dans ce cas le plus souvent prophylactique (MBP), ou qu’il s’agisse d’une mammectomie controlatérale
prophylactique (MCP) chez une femme ayant ou ayant eu un cancer
du sein. Cette chirurgie prophylactique, radicale et mutilante, connaît
aux États-Unis un développement considérable sur lequel il est légitime
de s’interroger.
Concernant la MBP, le nombre croissant de familles mutées
dépistées a multiplié les indications de la chirurgie prophylactique.
Malgré l’amélioration de la surveillance grâce à la résonance magnétique nucléaire (IRM) tous les 6 mois, celle-ci ne permet pas de réduire
le risque d’apparition d’un cancer du sein souvent grave chez des
138
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
femmes jeunes. Les données récentes qui font état d’une réduction de
l’ordre de 95 % du risque de cancer du sein pour les femmes bénéficiant d’une chirurgie prophylactique ont entraîné une multiplication
des indications de la chirurgie prophylactique.
Pour ce qui est de la MCP, dans la base de données du Surveillance,
Epidemiology, and End Results (SEER) Cancer Registry comportant 142 755
femmes traitées chirurgicalement pour un cancer du sein de stades I à
III, on observe une augmentation du taux de MCP de plus de 150 %
entre 1998 et 2003 [1]. Selon Arrington [2], 55,9 % des femmes qui
subissent une mammectomie pour cancer du sein entre 2006 et 2007
choisissent une MCP. Pour Jones [3], le pourcentage de femmes optant
pour la MCP est passé de 6 ,5 % en 1997 à 16,1 % en 2007. Cette
tendance observée outre-Atlantique ne semble pas atteindre l’Europe :
une étude multicentrique compare les pratiques entre les pays
américains et européens : dans une population de 927 femmes mutées
BRCA1 ou 2 traitées pour un cancer du sein unilatéral, 253 (27,3 %) ont
subi une MCP. Les taux de MCP sont très différents selon les pays :
28 % au Canada et 49,3 % aux États-Unis, contre 0 % en Norvège, 4,4 %
en Pologne, 5,9 % en Italie, 10 % en France et 15,8 % en Autriche [4].
Une autre étude confirme cette approche différente entre le continent
nord-américain et l’Europe : dans une étude suisse [5] portant sur
881 patientes d’âge ≤ 80 ans, opérées pour un cancer du sein de stades
I à III entre 1995 et 2009, traitées par chirurgie conservatrice dans
62,5 % des cas et par mammectomie dans 37,5 %, une MCP n’a été
pratiquée que 23 fois soit 2,6 % sur l’ensemble de la population étudiée
(7,0 % dans le groupe des patientes traitées par mammectomie), sans
changement de la tendance au cours de la période étudiée. Pour
expliquer ces différences observées entre les pratiques aux États-Unis et
en Europe, les auteurs évoquent des facteurs médico-sociaux et culturels
de la part du public ainsi que des approches chirurgicales différentes
donnant une place plus grande à la chirurgie plastique.
S’agissant d’une problématique se posant essentiellement chez les
femmes à risque génétique, c’est donc essentiellement sur cette
population que nous centrerons ce travail. Environ 25 % des femmes
atteintes de cancer du sein ont un antécédent familial de cancer du
sein. Dans 10 % des cas, un syndrome héréditaire est très probable [6].
Les moins rares concernent BRCA1 et BRCA2 dont les mutations
rendent compte d’environ 2 à 5 % des cancers du sein. Nous considérerons ici essentiellement les mutations BRCA1 et BRCA2 qui
représentent la grande majorité des indications de chirurgie préventive.
Deux grandes situations très différentes doivent être bien individualisées :
139
BODY
&
OULDAMER
– les femmes mutées indemnes de cancer du sein pour lesquelles la
chirurgie peut être considérée comme une « vraie » prophylaxie ;
– les femmes mutées non indemnes déjà atteintes d’un cancer du
sein, pour lesquelles le rôle de la chirurgie dite prophylactique
est plus complexe. Il n’existe en effet pas de preuve de la
réduction du risque de décès par la MCP, ce qui pourrait faire
considérer celle-ci comme une « fausse » chirurgie mammaire
prophylactique.
Ce texte s’est très largement inspiré des recommandations professionnelles de l’Institut national du cancer sur ce sujet, publiées en 2009 [7].
I. TECHNIQUES
I.1. Quel bilan préalable à la chirurgie prophylactique ?
I.1.a. L’IRM
Le taux de lésions malignes occultes découvertes sur pièces de
mammectomie prophylactique varie dans les études publiées de 0 à
10 % [8-11]. Cette variabilité s’explique par l’hétérogénéité des populations retenues, mutées ou non, indemnes ou non de cancer.
La réalisation de cette chirurgie prophylactique doit impérativement être précédée d’un bilan comportant une IRM mammaire :
il ne semble pas utile de la refaire si elle date de moins de 4 à 6 mois.
Dans le cas où l’IRM est positive, il est recommandé de réaliser si
possible une biopsie sous IRM. Une échographie ciblée suivie d’une
biopsie (en cas de lésions retrouvées) peut être une alternative.
I.1.b. Faut-il faire une procédure de prélèvement du ganglion sentinelle ?
Dans toutes les séries, les lésions malignes sont majoritairement
(au moins 2/3 des cas [12]) des carcinomes intracanalaires, le reste étant
des canalaires invasifs de taille inférieure à 5 mm et donc à risque
extrêmement faible d’atteinte ganglionnaire. La mammectomie totale
serait donc le traitement suffisant de ce type de lésions. En cas de
carcinome infiltrant, une exploration chirurgicale axillaire secondaire
devrait néanmoins être discutée (ganglion sentinelle ± curage axillaire).
Au total, l’excellent pronostic des rares lésions découvertes sur les
pièces de mammectomie prophylactique ne justifie pas la réalisation
systématique d’une procédure de ganglion sentinelle [10, 13], tout
particulièrement si l’IRM est normale.
140
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
I.2. Mammectomie bilatérale prophylactique (MBP)
I.2.a. La mammectomie
Quelle que soit la technique utilisée, la mammectomie doit
permettre l’ablation du maximum de tissu glandulaire. Cela peut
paraître évident mais, en pratique, les limites anatomiques chirurgicales
par rapport aux structures voisines qui assureraient l’exhaustivité de
cette exérèse glandulaire ne sont pas bien définies, qu’il s’agisse des
limites latérales (en particulier dans le quadrant supéro-externe) ou des
limites superficielles (sous-cutanées) ; le seul plan anatomique net est le
plan postérieur, constitué par le plan des muscles de la paroi thoracique. Concernant la dissection par rapport à la peau, celle-ci se fait
dans le plan dit des crêtes de Duret et l’épaisseur de la peau et du tissu
sous-cutané laissé en place ne devrait pas excéder 5 mm [14], de façon
régulière sur toute l’étendue du décollement sous-cutané.
La MBP peut se faire selon trois techniques :
– mammectomie avec résection de peau et de la plaque aréolomamelonnaire (PAM) : cette technique est exclue du sujet abordé ici ;
– mammectomie avec conservation de l’étui cutané (skin sparing
mastectomy) : la PAM est enlevée en monobloc avec le reste de la
glande. L’étui cutané est ainsi préservé soit dans sa totalité, soit
en le réduisant (incision elliptique péri-aréolaire, ou incision en T
inversé suivant un schéma de mammoplastie type Wise) lorsque
le sein est très ptosé et/ou très large (pour limiter les risques
vasculaires sur ce lambeau cutané « au hasard ») pour adapter
l’étui cutané au volume que l’on souhaite reconstruire ;
– mammectomie avec conservation de l’étui cutané et de la PAM
(nipple sparing mastectomy) : encore parfois appelée mammectomie
sous-cutanée, la dissection en arrière de la PAM se fait dans un plan
laissant en place le moins de tissu glandulaire possible tout en
préservant la vascularisation (épaisseur de 5 mm ?). Ces
prélèvements rétro-PAM sont remis séparément du reste de la pièce
pour une étude histologique ciblée, l’existence de lésions atypiques,
voire malignes faisant réviser a posteriori (pas d’examen
extemporané) la conservation de la PAM ou du cône mamelonnaire.
– Il faut ajouter que la technique de conservation de la PAM ne peut
être proposée que si la reconstruction associée peut remplacer
« volume pour volume » le sein naturel (sans nécessité de réduction
importante de l’étui cutané pour l’adapter au volume reconstruit).
Au total, le geste chirurgical doit s’efforcer de trouver un équilibre
entre les trois paramètres suivants :
141
BODY
&
OULDAMER
– la crainte de laisser du tissu glandulaire en place, susceptible de
faire le lit d’un cancer ultérieur ;
– la crainte d’une exérèse trop poussée vers la peau, menaçant sa
vascularisation et pouvant être responsable d’une nécrose cutanée
qui aurait des conséquences extrêmement préjudiciables sur les
suites d’une reconstruction mammaire faite dans le même temps
opératoire (de plus réalisée le plus souvent à l’aide d’un implant
prothétique) ;
– le souci du meilleur résultat esthétique et « fonctionnel » possible,
lié lui à la qualité, l’épaisseur et l’étendue des tissus cutanés et
sous-cutanés préservés.
Pour faire le choix de la technique chirurgicale dans le contexte de
la chirurgie prophylactique, il n’y a jamais urgence. En conséquence il
faut prendre le temps de bien expliquer à la patiente les risques
inhérents à la technique chirurgicale choisie :
– il existe un risque résiduel de cancer après MBP, vraisemblablement très faible, mais qu’on ne peut pas exclure en
particulier en cas de préservation cutanée et surtout en cas de
conservation de la PAM ;
– les résultats esthétiques varient selon le type de mammectomie
envisagé : ainsi les mammectomies avec conservation de l’étui
cutané donnent de meilleurs résultats que les mammectomies
conventionnelles, et les mammectomies préservant la PAM
donnent de meilleurs résultats que celles ne conservant que l’étui ;
– aucun bénéfice fonctionnel (sensibilité, facilité d’intégration de la
reconstruction au schéma corporel, etc.) n’a été clairement
démontré pour un type de mammectomie par rapport à un autre.
I.2.b. La reconstruction mammaire
La très grande majorité des MBP sont associées à une reconstruction, le plus souvent immédiate et le plus souvent par implants
prothétiques. La décision d’une reconstruction relève du choix de la
patiente après exposé des différentes possibilités (reconstruction ou
non, immédiate ou différée, techniques de reconstruction possibles,
avantages et inconvénients des différentes situations). Cette information
doit être complète et objective, ce qui implique une durée et un
nombre de consultations adaptées à chaque situation particulière.
I.2.b.i. La reconstruction par prothèse
Soixante-dix à 80 % des reconstructions sont effectuées par
prothèse [15-17].
142
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
La technique consiste à mettre en place une prothèse située au
moins en partie en position rétro-musculaire (rétro-pectorale). Ces
prothèses sont constituées d’une enveloppe de silicone et d’un
contenant pouvant être soit du sérum physiologique, soit un gel de
silicone (préféré le plus souvent en reconstruction pour éviter les effets
de vagues (plissement) visibles des prothèses « salines »). Dans certains
cas, la mise en place de cette prothèse préremplie est précédée par la
mise en place d’une prothèse d’expansion (expander), prothèse qui peut
être gonflée progressivement après sa mise en place par injections
répétées transcutanées de sérum physiologique. Cette technique
d’expansion peut être proposée lorsque le chirurgien estime que la
qualité des tissus qui entoureront la prothèse ne permet pas d’avoir
d’emblée le volume mammaire souhaité.
En période préopératoire précoce, les effets secondaires et complications sont dominés par les douleurs, les hématomes, l’infection, la
nécrose, la luxation de prothèse, plus à distance par la contracture
capsulaire et la rupture. Ces « complications » surviennent dans les séries
ne s’intéressant qu’aux mammectomies prophylactiques bilatérales [8, 15,
17] dans 30 à 66 % des cas, le chiffre le plus bas correspondant aux
complications ayant nécessité une réintervention précoce ou tardive.
L’équipe de la Mayo Clinic [17] insiste particulièrement sur la nécessité
d’informer les patientes du risque de réintervention (52 % de leurs
opérées ayant au moins une réintervention, 27 % au moins 2). Le risque
de perte définitive de prothèse par complications ne dépasse pas 5 %.
Enfin, les dernières revues et études de cohorte [18, 19] ont confirmé
l’absence de sur-risque de maladies inflammatoires (connectivite,
fibromyalgie) chez les porteuses de prothèse à gel de silicone.
I.2.b.ii. La reconstruction par lambeau musculo-cutané
C’est l’utilisation de tissus autologues transférés sur le site de
mammectomie en conservant leur vascularisation d’origine (lambeaux
pédiculés) ou après section du pédicule d’origine, rebranché (microanastomose) sur un pédicule local (lambeaux libres).
Les lambeaux musculo-cutanés bilatéraux pédiculés (grand dorsal,
TRAM) [20, 21] sont peu étudiés dans la littérature voire pas si l’on ne
s’intéresse qu’aux reconstructions dans le cadre des prophylaxies pour
risque génétique. Les lambeaux musculo-cutanés les plus utilisés
actuellement pour une chirurgie prophylactique bilatérale sont les
lambeaux libres (avec anastomoses microchirurgicales) permettant une
épargne musculaire et limitant donc les séquelles du site donneur.
La morbidité spécifique est constituée par le risque de nécrose du
lambeau, partielle dans 2 à 9 % des cas [22, 23], totale dans moins de
143
BODY
&
OULDAMER
1 % des cas [22-24]. La nécrose peut également survenir au niveau du
site des prélèvements (4,2 % des sites abdominaux pour les DIEP [25]).
À plus long terme, la morbidité semble surtout celle du site de prélèvement : 0,7 à 6,6 % de hernie ou déhiscence de la paroi abdominale
après DIEP [22, 25, 26]. Sur une série de 1 195 lambeaux libres [27],
le taux de complications est estimé à 27,9 %, avec 7,7 % de complications majeures, 3 % de complications jugées irréversibles dans une
autre série [15]. Le taux de réinterventions pour complications varie de
6 à 21 % [15, 23, 24].
I.2.b.iii. Au total
La reconstruction par implants prothétiques est la technique la
plus « simple » de reconstruction qui ne nécessite pas d’autre abord ni
cicatrice que celui de la mastectomie et évite donc la morbidité propre
des sites donneurs. Pour cette raison, cette technique est celle qui doit
être privilégiée. Néanmoins, la présence des prothèses, corps étrangers
non sensibles, peu ou pas mobiles notamment lors des changements de
position, nécessite un temps d’adaptation plus ou moins long pour les
femmes. Cette technique permet de reconstruire des seins de volume
petit ou moyen, de forme plus ou moins ronde, non ou peu ptosés,
d’aspect « figé », mais ne permettant pas d’obtenir des seins de très
grande taille et/ou très ptosés.
Les lambeaux libres (DIEP, fessiers...) donnent un résultat plus
proche du sein naturel : volume, degré de ptose, consistance, mobilité,
évolution à long terme, voire sensibilité permettant le plus souvent
d’éviter la mise en place d’un corps étranger prothétique et ses
inconvénients. En revanche, il s’agit d’une chirurgie lourde en moyens
humains et matériels pour sa réalisation, nécessitant des équipes rompues
à la microchirurgie, avec souvent un recours à deux équipes chirurgicales
pour limiter le temps opératoire qui reste long, de 7 à 10 heures en
moyenne [22, 25, 28, 29]. Pour la patiente, c’est accepter un site
cicatriciel supplémentaire et des risques opératoires plus importants.
En conclusion, la reconstruction est le plus souvent immédiate et
par implants prothétiques. L’utilisation des lambeaux libres reste rare. Il
s’agit cependant d’une option possible pour le choix d’une
reconstruction bilatérale. La reconstruction par lambeaux libres peut
être un choix technique retenu notamment pour des patientes ayant une
exigence esthétique très importante et/ou refusant la perspective de
corps étrangers prothétiques. Si cette option intéresse ou est retenue par
la patiente, il faut alors savoir la référer, au moins pour avis, aux (rares)
équipes spécialisées qui réalisent actuellement ce type de chirurgie.
144
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
I.3. La mammectomie controlatérale prophylactique (MCP)
Le risque controlatéral est souvent l’objet d’une inquiétude
majeure de la part de la patiente qui a eu l’expérience d’un cancer du
sein. Le risque accru de cancer controlatéral constitue la différence la
plus significative du risque de rechute entre les cancers du sein
BRCA1/2 et les formes sporadiques.
Il n’y a actuellement pas d’étude dans la littérature s’intéressant
spécifiquement aux problèmes techniques de la chirurgie mammaire
(particulièrement sur le plan de la reconstruction) pour les femmes ayant
déjà eu un traitement pour cancer du sein et chez lesquelles se pose le
problème d’un geste « prophylactique » contro-, voire bilatéral pour les
patientes ayant bénéficié initialement d’un traitement conservateur. Le
choix de la ou des techniques de reconstruction, si cette dernière est
souhaitée par la patiente, va tenir compte de la situation différente des
deux seins (déjà traités ou non) pour essayer d’obtenir un résultat aussi
symétrique que possible alors que la situation de départ est différente.
Deux types de situation se présentent selon que la question de la
chirurgie prophylactique se pose chez une patiente ayant un antécédent
de cancer du sein ou chez une patiente venant de se voir découvrir un
cancer du sein.
1. La patiente a déjà eu un traitement complet de son cancer du
sein et se trouve dans une situation de demande prophylactique uni (si
le traitement initial n’était pas conservateur ou si le choix se porte
uniquement sur le sein indemne) ou bilatérale. Le choix de la
technique de conservation dépend bien sûr des différentes situations :
– traitement antérieur radio-chirurgical conservateur d’un côté que
l’on ne souhaite pas modifier et mammectomie prophylactique de
l’autre en sachant alors que la technique de reconstruction devra
être choisie pour donner un résultat morphologique aussi proche
que possible du sein traité, car il est déconseillé de réaliser une
symétrisation sur sein conservé irradié (risque de complications
cicatricielles et glandulaires, techniques de plastie glandulaire
difficiles à réaliser du fait de la mauvaise plasticité de la glande
irradiée, risque de sein « pierreux » après ces plasties, et donc
mauvais résultats esthétiques) ;
– sein traité ayant déjà eu une reconstruction, la solution « idéale »
est de proposer la même technique de reconstruction pour la
chirurgie prophylactique controlatérale, en sachant qu’elle n’est
pas toujours souhaitée par la patiente, notamment quand la
reconstruction initiale a été faite par lambeau musculo-cutané et
que la patiente juge ce geste « trop lourd » en termes fonctionnels ;
145
BODY
&
OULDAMER
– sein traité ayant eu une mammectomie totale avec ou sans
irradiation, ou totalisation demandée également du côté du
traitement radio-chirurgical antérieur : les choix techniques
devront prendre en compte le manque de tissu cutané du côté
déjà traité, ainsi que des résultats différents que pourraient donner
une même technique de reconstruction sur un sein irradié d’un
coté et indemne de l’autre.
2. La patiente à contexte héréditaire chez laquelle vient de se voir
découvrir un cancer du sein. Si celui-ci relève d’un traitement conservateur, il semble raisonnable de lui proposer la chirurgie conservatrice
dans un premier temps, permettant ainsi d’obtenir les facteurs
nécessaires aux traitements adjuvants et au pronostic (pertinence ou
non du geste controlatéral selon l’importance du risque métastatique du
cancer qui vient d’être découvert). La chirurgie conservatrice réalisée
et les facteurs histologiques obtenus, se pose alors le problème
d’intégrer la discussion du risque héréditaire. Dans l’idéal, la stratégie
après chirurgie (en particulier le fait d’en rester à un traitement
conservateur) devrait être décidée avant la réalisation de la
radiothérapie. Le contexte anxiogène du diagnostic récent de cancer et
de sa prise en charge, les délais nécessaires pour préciser le risque
génétique rendent cette solution « idéale » difficilement réalisable en
pratique. Il s’agit d’une situation nouvelle dont les acteurs de la prise
en charge d’un cancer du sein doivent être avertis afin d’intégrer
d’emblée le contexte héréditaire voire génétique, avec ses possibles
retombées sur le traitement local, dès la première discussion stratégique
de prise en charge de ces patientes. Dans une revue récente, Zacharia
et al. [9] relèvent le fait qu’il n’y a pas d’étude s’intéressant spécifiquement aux suites et à la morbidité spécifique de la chirurgie
prophylactique chez les patientes ayant déjà eu un cancer du sein. Une
seule étude [8] relève des taux de complications comparables après
reconstruction chez des patientes indemnes ou ayant eu un cancer avec
un taux global de complications et effets secondaires de 50 %, dont
70 % avaient nécessité une réintervention. À noter dans cette étude,
pour les complications précoces (infection, nécrose, saignement,
luxation de prothèse) un taux d’infections plus élevé (26 versus 13 %)
dans le groupe des patientes ayant déjà eu un cancer, alors que les taux
étaient moindres pour les autres complications. Les taux de complications tardives (coque, luxation de la prothèse, mauvais résultats
esthétiques) sont comparables dans les deux groupes.
En conclusion, si l’augmentation du risque de cancer controlatéral en
cas de mutation BRCA est acquise, le bénéfice éventuel sur la survie de
la chirurgie préventive ou d’un diagnostic précoce du cancer controlatéral
146
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
n’est pas documenté. Les résultats publiés sont d’interprétation limitée par
la petite taille des populations étudiées, le caractère rétrospectif de
presque toutes les séries [30]. Enfin, ces études rétrospectives ne prennent
pas en considération, du fait de la petite taille de l’échantillon, le gène en
cause (BRCA1 ou BRCA2) qui n’est probablement pas indépendant du
bénéfice du tamoxifène ou de la castration.
II. INDICATIONS
On ne saurait trop insister sur le fait que la MBP comme la MCP
relèvent d’un choix personnel de la patiente et que le médecin doit
s’efforcer de ne pas influencer ce choix par ses propres convictions.
Cette position est d’autant plus importante que la chirurgie prophylactique ne s’appuie pas sur des certitudes absolues : pour Kurian [31],
si la mammectomie prophylactique à l’âge de 25 ans associée à
l’ovariectomie bilatérale prophylactique à l’âge de 40 ans entraîne une
amélioration importante de la probabilité de survie, le dépistage par
mammographie associée à l’IRM semble apporter une survie
comparable à celle de la mammectomie prophylactique.
II.1. Mammectomie bilatérale prophylactique (MBP)
II.1.a. Femmes mutées porteuses d’une mutation BRCA1/2, indemnes
Malgré son caractère mutilant, la mammectomie bilatérale
prophylactique reste la mesure la plus efficace de prévention du risque
de cancer du sein chez une femme indemne porteuse d’une mutation
BRCA1/2.
La mammectomie bilatérale prophylactique peut être envisagée
sur demande de la patiente à condition toutefois qu’elle ait été
correctement informée.
Tout geste de mammectomie prophylactique doit être discuté après
concertation du chirurgien et de l’onco-généticien impliqués dans la prise
en charge de la patiente. Une consultation avec un psychologue doit
systématiquement être proposée à la patiente. On veillera à ce qu’une
période de réflexion pour la patiente soit respectée : les décisions ne
doivent jamais être prises dans un contexte d’urgence. La mammectomie
comme la reconstruction seront d’autant mieux acceptées que la patiente
aura pris une place décisive dans les choix thérapeutiques.
147
BODY
&
OULDAMER
II.1.b. Femmes non porteuses d’une mutation BRCA1/2, à risque
génétique probable
Une mammectomie bilatérale peut être envisagée dans le cas où il
existe une volonté d’attitude préventive de la part de la femme et une
forte présomption de prédisposition génétique, notamment en cas
d’antécédents personnels de cancer.
Compte tenu de la complexité de cette situation, la décision relève
d’une approche multidisciplinaire avec au minimum le chirurgien et
l’onco-généticien impliqués dans la prise en charge de la patiente.
II.2. Mammectomie controlatérale prophylactique (MCP)
Une revue Cochrane a répertorié en 2004 huit études incluant
1 708 patientes qui ont eu une MCP [30]. Les auteurs concluent que
cette chirurgie diminue le risque de cancer controlatéral d’environ
95 % mais sans modifier la survie. Dans cette revue systématique les
reculs sont variables, les indications dépassent le cadre de l’hérédité, les
analyses moléculaires n’ont pas été faites, les modalités du geste
chirurgical sont variables et ne répondent plus aux « standards »
actuels. En particulier, les anciennes mammectomies « sous-cutanées »
conservant la PAM laissaient en place une partie substantielle de la
glande [1].
Il n’y a pas d’études randomisées, elles n’ont pas été faites et ne le
seront sans doute jamais. Nous n’avons donc pas les moyens d’éviter le
biais de sélection inévitable qui amène à la chirurgie controlatérale les
patientes qui ont un pronostic favorable. Dans la série de Metcalfe (491
patientes atteintes de cancer du sein stades I et II, mutées BRCA1 ou
BRCA2) [32] avec un suivi médian de 9,2 ans, une seule rechute sur la
cicatrice est survenue parmi 146 femmes qui avaient eu une mastectomie bilatérale d’emblée ou une mastectomie préventive controlatérale secondaire, alors que dans le groupe des 336 femmes qui ont
gardé le sein controlatéral, on compte 97 cancers controlatéraux (HR
0,03 ; p = 0,0005). Dans l’étude de Van Sprundel [33], 148 patientes
mutées BRCA1/2 atteintes d’un cancer du sein de stades I à IIIa ont
été suivies pendant 3,5 ans (suivi moyen) : une patiente a fait un cancer
invasif du sein controlatéral dans le groupe MCP contre 6 dans le
groupe des patientes ayant gardé leur sein controlatéral et bénéficiant
d’une simple surveillance. La MCP réduit le risque de cancer du sein
controlatéral de 91 %, indépendamment de l’effet de l’ovariectomie
bilatérale prophylactique. L’étude ne permet pas d’analyser l’impact de
la MCP sur la survie. Dans la série de Rotterdam (181 patientes,
148
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
environ la moitié sont mutées BRCA1/2), aucune n’a eu de cancer du
sein controlatéral à 4,5 ans, mais 16 sont décédées du premier cancer
du sein [8].
Le nombre de femmes atteintes qui s’orientent secondairement
vers une chirurgie préventive controlatérale est important mais varie
selon les séries (18 % à Washington [34], 53 % aux Pays-Bas [33]). Il
varie aussi selon le moment où la mutation est connue [35]. Les études
récentes confirment les différences de taux de chirurgies préventives
controlatérales en fonction du pays [4, 36]. Ce taux varie de 0 en
Norvège à quasiment 50 % aux États-Unis, et 5 % en Europe. Les
facteurs prédictifs de mammectomie controlatérale en Amérique du
Nord sont le jeune âge, le type de chirurgie initiale (15 % en cas de
chirurgie conservatrice et 63 % en cas de mastectomie). Les femmes qui
ont eu une annexectomie sont plus susceptibles d’avoir une mammectomie controlatérale (33 versus 18 %) [99]. D’autres facteurs peuvent
influencer l’indication de MCP, tels qu’une histoire familiale de cancer
du sein ou un cancer de type lobulaire retrouvés de signification plus
fréquente [5]. Guerra et al. [37] a décrit une importante variation en
fonction de la région du taux de chirurgies préventives faites dans son
pays (le Canada) suggérant que la part de différence de « culture » n’est
sans doute pas la seule à expliquer les variations connues entre les pays
[38]. Il est vraisemblable que les différences de la relation médecinpatient expliquent aussi une partie de ces divergences. Dans la série de
Montgomery [39], l’avis du médecin vient en premier lieu comme
déterminant du choix de la chirurgie controlatérale. À noter que dans
cette importante enquête internationale (n = 927), le taux de reconstruction mammaire immédiate (RMI) n’est pas mentionné et le cancer
du sein était connu au moment du test génétique [36].
Lorsque la recherche de mutation est faite lors du diagnostic du
cancer du sein, l’étude de Schwartz et al. rapporte que sur 31 femmes,
pratiquement la moitié de celles qui ont une mutation choisissent la
mastectomie bilatérale [40] et 7 sur 7 ont également fait ce choix dans
l’étude de Weitzel et al. [41].
Les motivations amenant une femme à demander ou à accepter
une MCP sont variées : dans l’étude de Han [42], qui n’est pas limitée
aux seules indications génétiques, la principale motivation est
représentée par la peur d’avoir un autre cancer dans 81 % des cas, loin
devant l’âge au moment du diagnostic (40 %) et l’anxiété générée par
la surveillance (37 %) , alors que l’influence de la famille ou des amis
et le contexte familial ne représentent respectivement que 16 et 10 %
[42].
149
BODY
&
OULDAMER
Quatre situations peuvent être envisagées :
1). Patiente mutée (BRCA1/2) chez laquelle est diagnostiqué un cancer
Le traitement du cancer, l’évaluation de son pronostic et le risque
controlatéral lié à la mutation doivent être pris en charge
conjointement. Les risques de rechute et de décès à 10 ans peuvent être
estimés par des logiciels (le plus utilisé est Adjuvant Online) selon les
caractéristiques de la tumeur, mais il n’est pas acquis que les facteurs
pronostiques traditionnels (taille tumorale, grade histopronostique)
s’appliquent de la même façon en cas de mutation BRCA1 [43]. La
plupart des femmes dans ces situations seront vraisemblablement
surveillées par IRM, qui vont permettre des diagnostics plus nombreux
[44, 45]. L’information sur le risque controlatéral fait partie de
l’information sur les risques futurs (récidive locale, métastase à distance,
rechute controlatérale).
Les facteurs qui vont influencer le choix d’une chirurgie
préventive controlatérale sont liés au risque de rechute du premier
cancer et à la perception de ce risque par la patiente. La discussion doit
prendre en compte d’une part les risques de récidive et le pronostic qui
en découle, d’autre part le contexte personnel.
Les facteurs qui influencent les risques de récidive et le pronostic
qui en découle sont les suivants :
– l’âge de survenue du cancer ;
– le pronostic du cancer du sein (mesuré par la taille, l’atteinte
ganglionnaire, le caractère invasif de la tumeur, le grade histologique, les récepteurs stéroïdiens, l’expression d’HER2-neu) ;
– les traitements systémiques éventuellement associés (chimiothérapie, traitements à visée hormonale (tamoxifène, antiaromatase chez les femmes ménopausées, chirurgie préventive
des annexes).
Quant au contexte personnel, il est fonction de paramètres de
plusieurs ordres :
– la perception de la maladie à travers le vécu familial (nombre de
cas de cancers du sein/ovaire, proximité des personnes touchées,
nombre de décès par cancer dans la famille) ;
– la présentation par les soignants des risques et des options ;
– le type de chirurgie du sein atteint (mammectomie ou conservation possible) ;
– les conditions de la reconstruction mammaire immédiate (RMI)
uni- ou bilatérale ;
– désir de symétrie en cas d’obésité.
150
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
2). Cancer du sein survenant chez une femme non testée mais appartenant
à une famille ayant une mutation connue
Si la plupart des femmes appartenant à une famille dont le risque
a été documenté par une mutation sont informées, elles ne consultent
pas toujours [46]. Il se peut aussi que l’appartenance à une famille à
risque ne soit reconnue que lors de l’apparition du cancer du sein.
Lorsque la mutation familiale est identifiée, le laboratoire de biologie
moléculaire est capable de confirmer rapidement (en quelques jours) la
présence (ou l’absence plus rarement) de la mutation chez la personne
atteinte. Il est préférable de s’assurer de la présence de la mutation
familiale vu la possibilité de phénocopies (6 % pour Meijers-Heiboer
[35]). Dans ce cas on en revient à la situation précédente d’un cancer
du sein avec mutation BRCA1/2. La différence est dans la connaissance d’une mutation dans le contexte aigu de la prise en charge du
cancer du sein.
3). Cancer du sein survenant chez une femme appartenant à une famille à
risque héréditaire non encore testée
Il s’agit d’une situation fréquente. La famille n’a peut être pas fait
la démarche ou c’est la tumeur supplémentaire qui vient d’être
diagnostiquée qui fait que la famille entre dans le cadre des analyses
moléculaires à la recherche d’une mutation. Il peut s’agir aussi d’un
cancer du sein survenant de façon apparemment isolée mais dont les
caractéristiques (âge de survenue, phénotype basal/triple négatif) font
évoquer une mutation BRCA1/2. Il est possible d’envisager une
recherche de mutation BRCA1/2, en sachant que le délai nécessaire
actuellement n’est pas compatible avec l’organisation habituelle du
traitement.
Ce délai est variable selon les laboratoires, mais l’analyse peut être
demandée en priorité si elle influence le traitement resté en attente.
L’importance des conséquences de la découverte d’une mutation
BRCA peut sans doute légitimer de temporiser quelque temps avant de
décider du traitement définitif [47], en particulier dans la discussion
entre traitement conservateur radio-chirurgical associé à une
surveillance controlatérale et mammectomie bilatérale, d’autant que les
informations sur le risque controlatéral et ses possibles conséquences
peuvent être lourdes à gérer au moment du diagnostic et pendant les
traitements initiaux [48]. Le fait de commencer par un traitement
systémique (chimiothérapie ou traitement à visée hormonale), si les
circonstances cliniques (âge, taille de la tumeur) le justifient, peut
permettre d’attendre les résultats des analyses moléculaires et de laisser
le temps de la réflexion avant des décisions pour certaines irréversibles.
151
BODY
&
OULDAMER
Il peut être judicieux de proposer une consultation d’oncogénétique dès la consultation initiale pour cancer du sein lorsque le
contexte est évocateur d’une hérédité BRCA1/2. Ceci peut permettre
d’adapter le traitement local en fonction des conclusions de la
consultation d’oncogénétique, voire en fonction du résultat des analyses
génétiques si les circonstances permettent d’obtenir le résultat avant la
discussion sur le traitement local. En particulier, comme ce sont
souvent des femmes jeunes avec une tumeur palpable, une chimiothérapie néo-adjuvante peut permettre d’obtenir la consultation
d’oncogénétique, le résultat du séquençage des deux gènes et le temps
de la réflexion avant de s’engager sur le traitement local du ou des
seins. La majorité de ces femmes n’auront pas de mutation délétère
identifiée, mais l’alternative chirurgie conservatrice/radiothérapie
associée à une surveillance du sein controlatéral versus mammectomie
bilatérale, avec éventuelle reconstruction immédiate pour celles qui ont
une mutation, mérite probablement le passage sans retard par la
consultation d’oncogénétique. Il est bon de rappeler pour le clinicien
qui prend en charge la patiente que l’entretien avec un consultant en
génétique n’est évidemment pas un engagement à faire les analyses.
4). Femme porteuse d’une mutation ayant un antécédent de cancer du sein traité
Si les experts sont unanimes à recommander de faire le maximum
pour identifier la mutation avant le diagnostic de cancer [49], de
nombreuses patientes auront leur diagnostic de mutation en même
temps ou après le cancer du sein. Actuellement, la consultation d’oncogénétique initiale se situe en effet le plus souvent à distance du
traitement. Les recommandations de surveillance des cancers du sein
donnent désormais les indications des consultations d’oncogénétique
[50].
Les données de la littérature ne mentionnent pas toujours le délai
entre le traitement du cancer du sein et la mammectomie controlatérale. Dans la série de Herrinton, un peu plus de la moitié des
femmes ont eu l’intervention dans les 4 mois qui ont suivi le traitement
initial, donc comme traitement de première intention [51]. On imagine
que la proportion des femmes qui choisiront la mammectomie
controlatérale comme traitement radical initial sera plus importante
que celles qui s’orienteront secondairement vers le même geste.
Néanmoins, les données de la littérature sur ce sujet restent limitées.
5). Conclusions
Les situations sont extrêmement différentes selon que le cancer du
sein vient d’être diagnostiqué ou est surveillé, selon que la famille a été
152
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
testée ou non, selon qu’une mutation familiale a été identifiée ou non,
selon que la patiente est connue pour avoir ou pas une mutation.
La mammectomie controlatérale immédiate, ou retardée par
rapport au traitement du premier cancer, est une option envisageable
en cas de mutation documentée BRCA1/2. Les situations sont
complexes et particulières, les décisions doivent être réfléchies et
discutées au cas par cas.
Si la mutation n’est pas connue mais l’histoire familiale évocatrice
d’un contexte héréditaire, une consultation d’oncogénétique peut être
envisagée « en urgence » dans le but d’éclaircir l’histoire familiale et si
nécessaire dans le but d’obtenir les résultats du test avant le traitement
local de la tumeur mammaire, en particulier avant la radiothérapie en
cas de possibilité de traitement conservateur (accord professionnel).
L’information et la décision du geste chirurgical uni- ou bilatéral
devront s’appuyer sur l’évaluation des risques à l’aide d’algorithmes ou
de nomogrammes d’aide à la décision (Adjuvant Online pour le risque
évolutif général du cancer, tufts-nemc.org/ibtr pour le risque de récidive
locale après traitement conservateur du côté atteint, ces risques étant à
mettre en balance avec le risque de 25 à 30 % à 10 ans d’atteinte du
côté sain).
II.3. Reconstruction mammaire (RM)
II.3.a. Dans le contexte d’une MBP
Les indications de la RM dans ce contexte sont très larges, voire
quasi systématiques, cette chirurgie s’adressant à des femmes jeunes et
indemnes de cancer.
II.3.b. Dans le contexte d’une MCP
Le contexte est ici différent car la femme a ou a eu un cancer du
sein. Le pronostic est en conséquence très différent et, de ce fait, les
priorités pour la femme également.
La demande de reconstruction mammaire semble moins importante, ce qui paraît intuitivement peu surprenant. Dans la série de Han
[42], le taux de RM n’est que de 52 %, avec une proportion plus
importante chez les femmes de moins de 50 ans. La RM est très
majoritairement réalisée par implant prothétique (93,5 %), et seulement
près de la moitié (49,6 %) ont fait reconstruire la PAM.
153
BODY
&
OULDAMER
III. RÉSULTATS
Les complications liées à la conservation de l’étui cutané +/- de la
PAM sont de divers ordres :
III.1. Risques carcinologiques
Le risque résiduel de cancer après mammectomie bilatérale
prophylactique est vraisemblablement très faible. Il existe, quel que soit
le type de mammectomie réalisée, mais ne semble pas dépendre (pour
l’instant) du type de mammectomie choisie [52, 53]. Il est cependant
difficile d’affirmer actuellement l’absence de sur-risque lié à la préservation cutanée et surtout à la préservation de la PAM, compte tenu de
la rareté de l’événement considéré (1 récidive mamelonnaire pour
7 récidives locales chez 575 patientes [52], aucune récidive mamelonnaire sur 2 récidives locales sur 124 mammectomies prophylactiques
[53]), du recul variable des études, de l’hétérogénéité des patientes
incluses, mutées ou non, des techniques employées... et de l’absence
d’étude prospective comparative. L’hypothèse d’un sur-risque lié à la
préservation de l’étui cutané ou à la préservation de l’étui cutané et de
la PAM n’a pas été confirmée ou infirmée jusqu’à maintenant.
III.2. Conséquences esthétiques
III.2.a. Complications
D’étendue variable, la nécrose complique 5 à 25 % de ces
mammectomies [8, 54, 55]. Elle est majorée lorsque sont associées des
résections de cicatrice antérieure, une incision complexe type Wise
(26,5 % de nécrose), des facteurs habituels de risque vasculaire tels que
tabac et diabète [55]. La nécrose de la PAM survient dans 6 à 30 % des
conservations [56, 57] et serait totale dans la moitié des cas [58]. Les
autres complications de la conservation de PAM sont la décoloration
(43 %), les malpositions et distorsions [59].
III.2.b. Résultats globaux
Les mammectomies avec conservation de l’étui cutané et de la
PAM donnent de meilleurs résultats esthétiques que les mammectomies
conventionnelles, et les mammectomies préservant la PAM de
meilleurs résultats que celles ne conservant que l’étui, tant du point de
154
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
vue des observateurs que des patientes elles-mêmes [53, 59], mais ce
gain de meilleure image ne retentit pas, au contraire, sur le taux de
satisfaction globale des patientes (peur du sur-risque de cancer ?, taux
de réinterventions plus important ?...) [60]. Quant au bénéfice
fonctionnel de la conservation de la PAM (fonction érectile et sensibilité), il a été peu étudié : 52 à 75 % des patientes [59, 61] disaient
avoir conservé une sensibilité au moins partielle de leur PAM (mais
une radiothérapie localisée était associée à la conservation de la PAM).
III.3. Conséquences psychologiques
Les conséquences psychologiques sont constantes car quel que soit
le contexte, la mammectomie, a fortiori lorsqu’elle est bilatérale et
prophylactique, est toujours vécue comme une mutilation avec une
atteinte importante de l’image corporelle.
Elles seront atténuées par l’obtention d’un résultat esthétique
perçu comme bon par la patiente, l’absence de séquelles fonctionnelles,
la conscience qu’elle a d’avoir fait un choix mûrement réfléchi dans
lequel sa participation a été décisive, mais aussi par le bénéfice apporté
par la chirurgie prophylactique la prévenant de façon très importante
d’un risque de cancer ultérieur.
Dans cet esprit et en l’absence de contexte d’urgence dans la très
grande majorité des cas, l’information médicale et la prise en charge
psychologique préopératoires sont essentielles.
CONCLUSION
Il n’existe actuellement pas d’étude dans la littérature s’intéressant
spécifiquement au suivi des femmes porteuses d’une mutation ayant
bénéficié d’une chirurgie prophylactique mammaire (avec ou sans
reconstruction).
Les deux enjeux de cette surveillance sont d’une part la détection
de la survenue d’un cancer et d’autre part la détection des complications de la reconstruction. Compte tenu du faible risque de cancer
ultérieur, de leur localisation essentiellement superficielle d’une part, et
compte tenu du choix prophylactique fait pour « soulager » les
patientes de leur anxiété vis-à-vis du cancer d’autre part, il ne semble
155
BODY
&
OULDAMER
pas utile de proposer plus qu’une surveillance clinique avec inspection
et palpation des sites mammaires et ganglionnaires indépendants.
Reste le problème des complications à long terme de la
reconstruction. Le seul ne relevant éventuellement pas d’un examen
clinique pour sa détection, est le risque de rupture prothétique
asymptomatique. La question essentielle est de savoir s’il existe un
inconvénient à laisser en place une prothèse rompue sans retentissement clinique, y compris esthétique et quel serait pour la patiente le
bénéfice à en faire le dépistage présymptomatique par un bilan
d’imagerie. Cette question n’est pas résolue actuellement. En
conséquence, après la reconstruction, il est recommandé de proposer
une surveillance clinique, avec inspection et palpation des sites
mammaires selon un rythme annuel ou biennal ; aucune imagerie
systématique n’est recommandée.
156
MAMMECTOMIES SOUS-CUTANÉES ET RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMMÉDIATE
: INDICATIONS ET RÉSULTATS
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159
Quelles sont les patientes pouvant
bénéficier d’un traitement antihormonal au-delà de 5 ans ?
E. CHÉREAU 1, 2 *, R. ROUZIER 1, 3, J. G LIGOROV 1, S. ZILBERMAN 1,
C. B EZU 1, 4, S. UZAN 1, E. DARAÏ 1
(Paris, Marseille)
Résumé
But : la durée du traitement anti-hormonal et notamment sa prolongation au-delà
de 5 ans est actuellement discutée et de nombreux essais sont en cours. Le but de cette
revue est de reprendre les données actuellement disponibles et les résultats concluants afin
d’aider à la décision thérapeutique.
Matériels et méthodes : revue de la littérature des données disponibles concernant
les traitement anti-hormonaux au-delà de 5 ans, d’une part après 5 ans de tamoxifène
puis après 5 ans de traitement par inhibiteurs de l’aromatase.
1 — Hôpital Tenon - APHP - Service de gynécologie-obstétrique - 4 rue de la Chine 75020 Paris
2 — Institut Paoli Calmettes - Service de chirurgie oncologique - 232 boulevard SainteMarguerite - 13008 Marseille
3 — Institut Curie - 26 rue d’Ulm - 75005 Paris
4 — Hôpital Pitié-Salpêtrière - APHP - Service de gynécologie-obstétrique - 85 boulevard
de l’Hôpital - 75013 Paris
* Correspondance : [email protected]
161
CHÉREAU
&
COLL.
Résultats : la prolongation du tamoxifène au-delà de 5 ans, dans l’état actuel des
connaissances, ne semble pas légitime compte tenu de l’absence de bénéfice en termes de
survie et de l’augmentation des effets indésirables graves comme le cancer de l’endomètre
ou les accidents thromboemboliques. En revanche, la mise sous anti-aromatases après
5 ans de tamoxifène améliore la survie sans récidive, la survie globale, la survie sans
métastase et diminue l’incidence des cancers du sein controlatéraux. Par ailleurs ce
traitement a une bonne tolérance globale et n’impacte pas la qualité de vie. Néanmoins,
il n’existe à l’heure actuelle pas suffisamment de résultats disponibles afin de statuer sur
une prescription pour plus de 5 ans d’un traitement par anti-aromatase lorsque celle-ci
a été administrée en première intention.
Conclusion : il n’existe pas d’indication à prolonger un traitement par tamoxifène
au-delà de 5 ans. En revanche, un relais par une anti-aromatase après 5 ans de
tamoxifène améliore la survie. La durée optimale du traitement par anti-aromatase est
encore à l’étude.
Mots clés : cancer du sein, traitement anti-hormonal, tamoxifène, anti-aromatases,
durée
Déclaration publique d’intérêt
Je soussignée, Élisabeth Chéreau, déclare ne pas avoir d’intérêt
direct ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé,
industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté.
162
QUELLES SONT LES PATIENTES POUVANT BÉNÉFICIER D’UN TRAITEMENT ANTI-HORMONAL AU-DELÀ DE 5 ANS ?
INTRODUCTION
Depuis les trente dernières années, le tamoxifène a été considéré
comme le traitement adjuvant anti-hormonal standard pour les
patientes présentant un cancer du sein exprimant des récepteurs
hormonaux [1]. À ce jour, au vu des études disponibles, une prolongation du traitement par tamoxifène au-delà de 5 ans est d’une
efficacité minime (si elle existe) et augmente les effets secondaires de
façon substantielle [2]. Les inhibiteurs de l’aromatase ont démontré leur
supériorité par rapport au tamoxifène en termes de réduction du risque
de récidive dans plusieurs essais cliniques les plaçant comme une
alternative dès la mise en route de l’hormonothérapie ou bien en
association séquentielle possible avec le tamoxifène [3-6]. La question
de la prolongation du traitement anti-hormonal par des anti-aromatases
au-delà de 5 ans de traitement par des anti-aromatases ou en relais du
tamoxifène, après 5 ans ou 2 à 3 ans, se pose actuellement. Par ailleurs,
la durée optimale des traitements anti-hormonaux n’est pas encore
définie. Plusieurs résultats sont déjà disponibles et plusieurs essais
cliniques sont actuellement en cours et permettront de répondre à ces
questions dans les années à venir.
I. RISQUE DE RÉCIDIVE À DISTANCE ET NÉCESSITÉ
DE TRAITEMENT ANTI-HORMONAL
Les résultats de l’Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group
(EBCTCG) ont mis en évidence que plus de la moitié des récidives et
plus de deux tiers des décès du cancer du sein surviennent au-delà de
5 ans par rapport au diagnostic [1]. Ceci concerne en particulier les
métastases à distance qui sont le mode de récidive tardive le plus
fréquent [7]. Sur une autre série de 1 086 patientes présentant un
cancer du sein, 15 % des patientes ont présenté une récidive entre 5 et
10 ans après le diagnostic et 53 % d’entre elles avaient des métastases
à distance [8]. Comme attendu, ces patientes présentaient une moins
bonne survie. En effet, une série rétrospective a montré un risque relatif
de décès de 13,6 (p < 0,001), comparé aux patientes sans récidive,
lorsqu’il existe des métastases à distance et de 4,6 (p < 0,001) et 3 (p <
0,01) respectivement pour les récidives locorégionales et controlatérales
[7].
163
CHÉREAU
&
COLL.
À partir des données de l’Eastern Cooperative Oncology Group, il est
possible d’estimer le risque de récidive annuelle chez des patientes avec
des récepteurs hormonaux positifs : 5,2 % par an entre 5 et 8 ans après
le diagnostic, 4,6 % entre 8 et 12 ans. Par ailleurs, le risque de récidive
après 4 ans est supérieur à celui des tumeurs n’exprimant pas les
récepteurs hormonaux [9]. Enfin, certaines études ont retrouvé un
risque de récidive et de mortalité supérieur à 10 ans par rapport à
5 ans après le diagnostic supportant l’idée de prolonger le traitement
anti-hormonal au-delà de 5 ans, et ce y compris pour les tumeurs sans
envahissement ganglionnaire de grade 1 [10].
II. DURÉE DU TRAITEMENT PAR TAMOXIFÈNE
La méta-analyse de l’EBCTCG a mis en évidence, chez des
patientes RH positives traitées par 5 ans de tamoxifène, une réduction
significative du risque de récidive et de cancer du sein controlatéral
de 41 % et de mortalité imputable au cancer du sein de 34 % [1].
Néanmoins, cette même étude a montré une persistance du risque de
récidive après 5 ans et jusqu’à 15 ans sans phase de plateau pouvant
soutenir le principe d’une prolongation du traitement anti-hormonal
chez ces patientes.
Par ailleurs, plusieurs essais ont montré une absence de bénéfice
en termes de survie sans récidive ou de survie globale de la prolongation au-delà de 5 ans du traitement par tamoxifène [2, 11]. De plus,
ils ont retrouvé une augmentation notable des complications liées au
tamoxifène en cas de prolongation de traitement au-delà de 5 ans
(accident cardiaque, cancer de l’endomètre, embolie pulmonaire) [12,
13] (Tableau 1).
Le premier essai rapporté (NSABP B-14) est une étude randomisée en double aveugle comparant 5 à 10 ans de tamoxifène [2, 13].
Au total, 1 172 patientes sans atteinte ganglionnaire et sans récidive à
5 ans ont été incluses. Après un suivi médian de 6,75 ans après la
randomisation, cette étude n’a pas retrouvé d’avantage en faveur
d’une poursuite du traitement par tamoxifène. La survie globale était
de 94 % dans le groupe placebo versus 91 % dans le groupe tamoxifène
(p = 0,07). De plus, la survie sans récidive était en faveur du groupe
placebo (82 % pour le groupe placebo versus 78 % pour le groupe
traité, p = 0,03). En ce qui concerne l’incidence des cancers de l’endomètre, il a été noté une augmentation dans le groupe tamoxifène
164
QUELLES SONT LES PATIENTES POUVANT BÉNÉFICIER D’UN TRAITEMENT ANTI-HORMONAL AU-DELÀ DE 5 ANS ?
Tableau 1 - Revue de la littérature des essais cliniques comparant 5 ans versus
plus de 5 ans de tamoxifène
Étude
Nombre
de patientes
Durée du
tamoxifène
SSR
SG
Effets
indésirables
Fisher et al.,
JNCI 2001/1996
[2, 13]
579 (5 ans)
versus 593
5 ans versus
10 ans
82 % versus
78 %
(p = 0,03)
94 % versus
91 %
(p = 0,07)
Cancer endomètre
1,1 % versus 2,1 %
(RR = 2, IC 95 %
= 0,7-6,6)
Stewart et al.,
JNCI 2001,
BJC 1996
[14, 15]
169 (5 ans)
versus 173
5 ans versus
sans date
d’arrêt
78 % versus
72 %
(ns)
Pas de
différence
ignificative
Tendance à
l’augmentation
des cancers
de l’endomètre
(p = 0,06)
Tormey et al.,
JNCI 1996
[16]
93 (5 ans)
versus 100
5 ans versus
sans date
d’arrêt
73 % versus
85 %
(ns)
89 % versus
86 %
(ns)
Pas d’augmentation
des cancers
de l’endomètre
SSR : survie sans récidive, SG : survie globale, RR : risque relatif, IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %
(12 cancers versus 6). L’effet œstrogene-like du tamoxifène est supposé
être explicatif de ces résultats.
L’essai de Stewart et al. [14, 15] a randomisé les patientes sans
atteinte ganglionnaire en deux groupes : 5 ans de tamoxifène
(169 patientes) versus tamoxifène en continu sans date d’arrêt planifiée
(173 patientes). Aucune différence n’a été mise en évidence entre les
deux groupes tant en termes de survie sans récidive que de survie
globale. En revanche, il a été noté une tendance à l’augmentation de
l’incidence des cancers de l’endomètre (4 dans le groupe ayant
poursuivi le tamoxifène versus 1 dans le groupe traité 5 ans, p = 0,064).
Le dernier essai de Tormey et al. (ECOG E4181/E5181) a le même
schéma que l’essai de Stewart et al. [16]. Contrairement aux deux
autres, cet essai semble trouver un avantage à la prolongation du
traitement par tamoxifène. En effet, dans le groupe des patientes
présentant des récepteurs hormonaux positifs, il a été retrouvé une
diminution significative de l’incidence des récidives et des cancers du
sein controlatéraux (p = 0,014). Cette tendance a été confirmée par
l’actualisation des résultats en 2000 concernant la survie sans récidive
(p = 0,03). En revanche, aucune amélioration de la survie globale n’a
pu être mise en évidence et il a été rapporté comme dans les autres
études une tendance à l’augmentation de l’incidence des cancers
endométriaux [17].
Plusieurs essais sont actuellement en cours afin de statuer sur
l’intérêt en termes de survie de la prolongation du traitement par
tamoxifène au-delà de 5 ans : l’essai ATLAS (Adjuvant Tamoxifene Longer
165
CHÉREAU
&
COLL.
Against Shorter) dont les résultats préliminaires ont montré un petit
avantage au traitement de plus de 5 ans [18] et l’essai ATTOM
(Adjuvant Tamoxifen Treatment Offer More).
Dans l’état actuel des connaissances, il n’est donc pas légitime de
prolonger le traitement adjuvant par tamoxifène au-delà de 5 ans. Cette
attitude sera à pondérer au vu des résultats des études en cours portant
sur de plus larges échantillons de population.
III. DURÉE DU TRAITEMENT PAR ANTI-AROMATASES
III.1. Après 5 ans de tamoxifène
III.1.a. Résultats de l’essai MA 17
L’étude MA 17 conduite par Goss et al. [19] a permis de répondre
à la question de la prolongation du traitement anti-hormonal après
5 ans de tamoxifène par des anti-aromatases. Cette étude randomisée
en double aveugle a inclus 5 187 patientes ayant reçu 4 à 6 ans de
tamoxifène pour un cancer du sein. Moins de 3 mois après la fin du
traitement par tamoxifène, les patientes étaient randomisées entre 5 ans
d’anti-aromatases (létrozole 2,5 mg/jour) et un placebo. Le critère
d’évaluation principal était la survie sans récidive. Les patientes ont été
stratifiées en fonction de leur statut ganglionnaire, de leurs récepteurs
hormonaux et de leurs traitements adjuvants associés notamment à la
chimiothérapie. L’analyse intermédiaire planifiée lorsque 171 récidives
seraient observées a été réalisée 2,4 ans après le début de l’étude. Ces
résultats ont mis en évidence une diminution de 43 % du risque de
récidive chez les patientes recevant l’anti-aromatase : 75 patientes dans
le groupe létrozole versus 132 patientes dans le groupe placebo (HR =
0,57, IC 95 = 0,43-0,75, p = 0,00008). Ces résultats ont conduit à une
levée de l’aveugle de cet essai et les patientes randomisées dans le
groupe placebo ont dès lors pu choisir de recevoir des anti-aromatases.
Les nombreux cross-over qui s’en sont suivis ont compliqué l’analyse des
résultats à plus long terme mais les dernières données publiées ont mis
en évidence un maintien significatif de la diminution du risque de
récidive chez les patientes traitées par létrozole (à 64 mois, HR = 0,52,
IC 95 = 0,45-0,61, p < 0,001) [20, 21]. De plus, il a aussi été mis en
évidence un bénéfice en termes de survie globale (p < 0,001) et de
survie sans métastase (p < 0,001).
166
QUELLES SONT LES PATIENTES POUVANT BÉNÉFICIER D’UN TRAITEMENT ANTI-HORMONAL AU-DELÀ DE 5 ANS ?
Enfin, le bénéfice des anti-aromatases a été aussi démontré dans
le groupe de patientes initialement randomisées dans le groupe
placebo et ayant réalisé un cross-over après la levée d’aveugle en termes
de survie sans récidive (p < 0,0001), de survie sans métastase (p =
0,004), de survie globale (p = 0,004) et de cancer du sein controlatéral
(p < 0,0001) [22]. Malgré un intervalle sans traitement, il existe un
bénéfice des anti-aromatases chez les patientes randomisées initialement dans le groupe placebo.
III.1.b. Analyse en sous-groupes
Plusieurs analyses en sous-groupes ont été réalisées avec la cohorte
des patientes incluses dans l’essai MA 17.
Tout d’abord, la durée optimale du traitement par anti-aromatases
après 5 ans de tamoxifène a été étudiée. Avec un recul de 48 mois, il
a été retrouvé que le bénéfice de la prolongation augmente avec la
durée du traitement que ce soit pour la survie sans récidive (p < 0,0001)
la survie sans métastases (p = 0,0013) ou la survie globale (p = 0,038)
[23].
Une autre analyse comparant les patientes avec des tumeurs
exprimant ou non des récepteurs hormonaux (RH) (3809 RH positifs
versus 636 RH négatifs) a montré un bénéfice maximum du traitement
en cas de RH positifs, mais ce bénéfice persiste dans le groupe de
patientes avec tumeur sans récepteurs aux œstrogènes mais avec des
récepteurs à la progestérone positifs. En revanche, aucun avantage en
termes de survie sans récidive n’a été retrouvé chez les patientes avec
des récepteurs aux œstrogènes positifs mais avec des récepteurs à la
progestérone négatifs. Ce dernier résultat doit être analysé avec
précaution car il s’agissait d’un échantillon très faible (636 patientes)
[24].
L’effet de l’âge a aussi été analysé : le bénéfice en termes de survie
sans récidive, de survie globale ou de survie sans métastase a été
retrouvé dans chaque tranche d’âge y compris chez les patientes de
plus de 70 ans en bon été général sans incidence néfaste sur le taux de
complications ou sur la qualité de vie [25].
L’analyse en intention de traiter des données de cet essai prenant
en compte la randomisation initiale malgré les 73 % de patientes ayant
réalisé un cross-over après la levée d’aveugle a montré que les patientes
initialement randomisées dans le groupe létrozole étaient les patientes
qui avaient la meilleure survie sans récidive (p = 0,0002), survie sans
métastase (p = 0,041) et le plus faible risque de cancer du sein
controlatéral (p = 0,037). Cette différence était valable quel que soit le
statut ganglionnaire [26].
167
CHÉREAU
&
COLL.
III.1.c. Effets secondaires
Le traitement par anti-aromatases a un profil de tolérance différent
du tamoxifène. Contrairement à ce dernier, il n’est pas associé à une
augmentation du risque thromboembolique ou de cancers endométriaux. L’analyse de la tolérance de l’essai MA 17 a mis en évidence
une bonne tolérance globale du traitement par létrozole. Néanmoins, il
est important de noter que les patientes randomisées dans cet essai
avaient toutes eu 5 ans de tamoxifène. Les patientes fragiles n’ayant pu
aller au bout du traitement par tamoxifène n’avaient donc pas été
incluses, ce sont donc des patientes en bon été général qui ont été
analysées dans cette étude. Les effets secondaires principaux ont été
analysés : fractures osseuses, découverte d’une ostéoporose, hypercholestérolémie, trouble cardiovasculaire, bouffées de chaleur,
myalgies, arthralgies et alopécie. Le traitement par létrozole est associé
de manière significative à une augmentation de l’incidence de
l’ostéoporose de novo (p = 0,003), des bouffées de chaleur (p = 0,003),
des myalgies (p = 0,004), des arthralgies (p = 0,001) et de l’alopécie
(p = 0,01) [20]. Il est important de noter que, y compris chez les
patientes du groupe placebo, un taux important notamment d’arthralgies
a été noté (21 % versus 25 % dans le groupe létrozole).
III.1.d. Qualité de vie
L’essai MA 17 a aussi rapporté des données en termes de qualité
de vie sur un échantillon de patientes sans récidive de leur cancer. La
qualité de vie a été évaluée à l’aide de deux questionnaires : un général,
le SF-36 (36-item Short-Form Health Survey) et un spécifique, le
MENQOL (Menopause Specific Quality Of Life). Les auteurs n’ont pas
retrouvé de différence entre les deux groupes pour le SF-36. En ce qui
concerne le MENQOL, seule une différence sur les symptômes
vasomoteurs a été retrouvée, plus de symptômes décrits dans le groupe
létrozole (p < 0,001). Ces résultats montent donc que le traitement par
létrozole n’a pas d’impact négatif majeur en termes de qualité de vie
[27].
Les effets secondaires potentiels principaux ont été analysés :
bouffées de chaleur, suées nocturnes, sueurs, modification de la libido,
sécheresse vaginale, dépression, troubles de la mémoire, douleurs
musculaires, prise de poids… Les seules différences retrouvées ont été
une augmentation significative des bouffées de chaleur (17 % versus
22 %, p = 0,0002) et des sueurs (p = 0,003) chez les patientes traitées
par anti-aromatases [27].
168
QUELLES SONT LES PATIENTES POUVANT BÉNÉFICIER D’UN TRAITEMENT ANTI-HORMONAL AU-DELÀ DE 5 ANS ?
III.1.e. Étude coût économique
Une étude du coût-efficacité de l’essai MA 17 a été effectuée
utilisant le modèle de Markov afin de déterminer du bénéfice de la
prolongation du traitement après 5 ans de tamoxifène avec du létrozole
[28]. Cette étude a mis en évidence que cette stratégie thérapeutique est
coût-efficace en prenant en compte la perspective de la sécurité sociale
anglaise avec un gain de 0,36 QALY (année ajustée sur la qualité de
vie) par patient correspondant à 3 732 livres gagnées.
III.1.f. Autres essais
Deux autres essais randomisés ont été conduits afin de montrer un
bénéfice de la prolongation du traitement anti-hormonal après 5 ans de
tamoxifène. Ces essais ont été perturbés par la levée d’aveugle de
l’essai MA 17 qui a engendré également leur levée d’aveugle.
Le premier essai (NSABP B-33) [29] est un essai randomisé en
double aveugle qui a comparé, après 5 ans de tamoxifène, une
poursuite du traitement pas 5 ans d’exemastane à un placebo. La levée
d’aveugle, due à l’obtention des résultats de l’essai MA 17, est survenue
après inclusion de 1 598 patientes sur les 3 000 initialement prévues.
Au moment de la levée d’aveugle, les auteurs ont mis en évidence une
différence en termes de survie sans récidive (incluant la survie sans
métastase et le risque de cancer du sein controlatéral) chez les patientes
traitées par exemestane ((p = 0,004). En revanche, ils n’ont pas pu
mettre en évidence une différence en ce qui concerne la survie globale
(p = 0,07).
Une autre étude autrichienne de l’ABCSG (Austrian Breast and
Colorectal Cancer Study Group) a comparé l’anastrozole pour une
durée de 3 ans à un placebo après 5 ans de tamoxifène (387 versus
857 patientes). Les auteurs ont mis en évidence un bénéfice au traitement par anastrozole en termes de survie sans récidive (p = 0,031) [30].
Ces trois essais confirment que la prolongation du traitement antihormonal, après 5 ans de tamoxifène, par un inhibiteur de l’aromatase
(et particulièrement le létrozole) a priori pour une durée de 5 ans
apporte un bénéfice en termes de survie sans récidive, survie globale,
survie sans métastase et incidence des cancers du sein controlatéraux
et ce quels que soient l’âge, le délai de début du traitement par les antiaromatases et le statut ganglionnaire. Par ailleurs ce traitement a une
bonne tolérance globale et n’impacte pas la qualité de vie. Enfin, il est
coût-efficace en perspective sociétale anglaise.
169
CHÉREAU
&
COLL.
III.2. Après 5 ans d’anti-aromatases
Plusieurs études sont actuellement en cours afin de déterminer le
bénéfice de la prolongation au-delà de 5 ans du traitement par des
inhibiteurs de l’aromatase. Cette question est donc actuellement en
suspens [31].
Tout d’abord, l’essai MA 17 est actuellement prolongé dans le but
de répondre à cette question (essai MA 17 R). Les patientes ayant reçu
5 ans de tamoxifène puis 5 ans de létrozole sont randomisées entre
poursuite du létrozole ou placebo [32].
En plus de cette étude, plusieurs autres sont en cours afin de
préciser la durée du traitement par les inhibiteurs de l’aromatase, ces
quatre essais ont pour objectif principal la survie sans récidive :
— l’essai NSABP B-42 qui compare 5 à 10 ans de traitement antihormonal : après 5 ans d’anti-aromatase ou 2-3 ans de tamoxifène suivi de 2-3 ans d’anti-aromatase, les patientes sont
randomisées entre létrozole ou placebo pour une durée de 5 ans
[33] ;
— l’essai de l’ABCSG (SALSA : Secondary Adjuvant Long-term Study
in Arimidex ® ) a repris un schéma similaire en utilisant
l’anastrozole ;
— l’essai LEAD (LEtrozole Adjuvant therapy Duration) randomise
après 3 ans de tamoxifène 5 ans de létrozole versus 2-3 ans de
létrozole ;
— l’essai DATA (Different Duration of Adjuvant Anastrozole Therapy)
du groupe allemand a repris le même schéma que l’essai
précédent mais avec l’anastrozole.
CONCLUSION
Au vu des données disponibles dans la littérature, certaines conclusions peuvent être faites. Néanmoins, compte tenu du nombre d’études
en cours concernant la prolongation du traitement anti-hormonal pour
plus de 5 ans, que ce soit pour le tamoxifène ou les inhibiteurs de
l’aromatase, ces conclusions devront être revues avec l’avancée de ces
essais.
Concernant la prolongation du tamoxifène au-delà de 5 ans, dans
l’état actuel des connaissances, celui-ci ne semble pas légitime compte
tenu de l’absence de bénéfice en termes de survie et de l’augmentation
170
QUELLES SONT LES PATIENTES POUVANT BÉNÉFICIER D’UN TRAITEMENT ANTI-HORMONAL AU-DELÀ DE 5 ANS ?
des effets indésirables graves comme le cancer de l’endomètre ou les
accidents thromboemboliques.
Concernant la mise sous anti-aromatases pour 5 ans après 5 ans de
tamoxifène, trois essais confirment un bénéfice en termes de survie
sans récidive, survie globale, survie sans métastase et incidence des
cancers du sein controlatéraux et ce quels que soient l’âge, le délai de
début du traitement par rapport à l’arrêt du tamoxifène et le statut
ganglionnaire (et particulièrement avec le létrozole). Par ailleurs ce
traitement a une bonne tolérance globale, n’impacte pas la qualité de
vie et est coût-efficace.
Enfin, il n’existe à l’heure actuelle pas suffisamment de résultats
disponibles afin de statuer sur une prescription pour plus de 5 ans d’un
traitement par anti-aromatase, que ce soit en relais du tamoxifène
(prescrit 2 à 5 ans) ou après 5 ans d’anti-aromatase.
171
CHÉREAU
&
COLL.
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173
CHÉREAU
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of letrozole compared with placebo in patients
completing five years of hormonal therapy
consisting of an aromatase inhibitor (AI) or
tamoxifen followed by an AI in prolonging
disease-free survival in postmenopausal women
with hormone receptor-positive breast cancer.
Clin Breast Cancer 2006 Dec;7(5):416-21.
174
Discordance du statut HER entre
tumeur primitive et métastases :
implications thérapeutiques
C. DUBOT *, F. S ELLE, J. G LIGOROV, A. KHALIL, J.P. LOTZ
(Paris)
Résumé
La prise en charge du cancer du sein métastatique a progressé ces dernières années
tant du point de vue de la chimiothérapie que des thérapeutiques ciblées. Notamment, le
trastuzumab ainsi que les autres thérapeutiques ciblant HER2 ont permis d’améliorer la
survie globale des patientes atteintes d’un cancer du sein surexprimant HER2.
Cependant, la gravité de cette maladie métastatique fait que son pronostic reste altéré et
que les rechutes sont de règle, posant ainsi la question des éléments venant participer à
la résistance des cellules tumorales au cours de l’évolution carcinologique. Parmi les
facteurs explicatifs possibles, l’instabilité phénotypique des cellules cancéreuses est un
phénomène bien décrit qui contribue à changer l’expression des récepteurs hormonaux et
de HER2 à la surface des cellules tumorales. Ces dernières années, une littérature fournie
a été produite sur la question de l’objectivation au moyen de biopsies de la modification
du statut d’expression de ces cibles membranaires au niveau des sites métastatiques
ganglionnaires ou à distance. Des cas de discordance entre expression phénotypique de la
tumeur initiale et des métastases ont ainsi été rapportés à des taux variables. La mise à
Hôpital Tenon - Service d’oncologie médicale - 4 rue de la Chine - 75020 Paris
* Correspondance : [email protected]
175
DUBOT
&
COLL.
disposition du clinicien de cette information de discordance aboutit à une remise en
question des modalités thérapeutiques théoriquement basées sur le phénotype de la tumeur
initiale. Cette revue a pour objectif de décrire les différents cas de discordance d’expression
des récepteurs HER2 rapportés dans les séries de la littérature, leurs conséquences en
termes d’adaptation du choix thérapeutique ainsi que leur valeur pronostique, dans le
but de discuter l’indication d’une biopsie d’un site métastatique dans la pratique
courante.
Mots clés : cancer du sein métastatique, HER2, discordance
Déclaration publique d’intérêt
Je soussignée, Coraline Dubot, déclare ne pas avoir d’intérêt direct
ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel
ou commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
Malgré les apports liés aux différents traitements adjuvants dans la
prise en charge initiale d’un cancer du sein localisé, environ 20 % des
patientes auront une rechute métastatique [1]. Les marqueurs tels que
les récepteurs aux œstrogènes (RE), les récepteurs à la progestérone
(RP) et HER2, connus sur la tumeur initiale sont alors utilisés lors des
décisions thérapeutiques en phase métastatique. En particulier, HER2
surexprimé dans 12 à 15 % des tumeurs primitives [2] indique une
valeur pronostique mais aussi une valeur prédictive de l’efficacité du
trastuzumab tant en situation adjuvante, avec une réduction du risque
de récidive ou de décès d’environ 50 % [3], qu’en situation métastatique. Le traitement par trastuzumab en situation métastatique permet
ainsi d’effacer le mauvais pronostic de cette population de patientes en
restaurant un pronostic globalement identique à celui d’une population
ne surexprimant pas HER2 [4]. Les enjeux d’un tel traitement pèsent
donc dans le choix thérapeutique en phase métastatique.
176
DISCORDANCE DU STATUT HER ENTRE TUMEUR PRIMITIVE ET MÉTASTASES
: IMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES
Cependant, plusieurs études ont rapporté une discordance des
statuts de ces récepteurs entre la maladie initiale et la rechute, reflétant
ainsi des variations phénotypiques entre la tumeur primitive et les
métastases ganglionnaires ou à distance. Cette hétérogénéité tumorale
a déjà été rapportée depuis plus de 30 ans [5] et sous-tend la question
de la résistance aux traitements en phase métastatique. En effet, les
cellules tumorales sont soumises à une instabilité génomique qui génère
une multiplicité des altérations géniques lors de la progression
tumorale. Les choix thérapeutiques basés sur les cibles thérapeutiques
connues sur la tumeur primitive peuvent donc être remis en question
par une modification de ces cibles sur les cellules métastatiques.
Dans le but de décrire ces modifications phénotypiques des cibles
thérapeutiques que sont RE, RP et HER2 entre site primitif et rechute
métastatique, de nombreuses études rétrospectives proposant des séries
de biopsies des sites métastatiques comparées aux données anatomopathologiques de la tumeur initiale ont été rapportées. Deux études
prospectives de grande envergure [6, 7] de même qu’une méta-analyse
[8] ont été récemment publiées afin d’évaluer l’impact d’une discordance d’expression des récepteurs dans le choix thérapeutique ainsi
que sa valeur pronostique.
REVUE DE LA LITTÉRATURE
1. Données rétrospectives
Une synthèse des données publiées est résumée dans le tableau 1.
La plupart de ces études rétrospectives ont été menées sur des effectifs
relativement réduits de patientes et ont porté sur la variabilité d’expression des RH et de HER2 tant pour les récidives locorégionales que pour
les rechutes métastatiques. Les taux de discordance rapportés ont varié
de 10 à 40 % pour les RE et RP [9]. Concernant HER2, les taux de
discordance retrouvés dans la littérature sont moindres et avoisinent les
5 % [10]. La série de Santinelli et al. a rapporté un taux de discordance
de 13,3 % pour les récidives locorégionales et de 28,6 % dans les
récidives métastatiques métachrones [11]. Une autre étude de Regitnig
et al. portant sur 31 patientes a rapporté 15 cas de modification du statut
HER2, dont 3 ayant impacté la décision thérapeutique [12]. Sur les 48
patientes rapportées par Zidan et al., 14 % ont eu une modification de
leur statut HER2 entre tumeur primitive et métastatique [13]. Une série
177
DUBOT
&
COLL.
Tableau 1 - Résultats d’études rétrospectives de discordance du statut HER2
(d’après [9, 16])
Auteurs
Masood et al. [25]
Shimizu et al. [26]
Simon et al. [27]
Tanner et al. [28]
Vincent-Salomon et al. [29]
Lindström et al. [17]
Gancberg et al. [30]
Taucher et al. [31]
Burstein et al. [32]
Regitnig et al. [12]
Carlsson et al. [33]
Zidan et al. [13]
Gong et al. [34]
Pectasides et al. [35]
Hurley et al. [36]
D’Andrea et al. [37]
Harris et al. [38]
Mittendorf et al. [39]
Simmons et al. [40]
Lower et al. [41]
Wilking et al. [42]
Thompson et al. [6]
Cardoso et al. [43]
Lear-Kaul et al. [44]
Lorincz et al. [45]
Santinelli et al. [11]
Tapia et al. [46]
Niikura et al. [16]
Aitken et al. [47]
Amir et al. [7]
Broom et al. [48]
Xiao et al. [14]
Guarneri et al. [49]
Hoefnagel et al. [50]
Idirisinghe et al. [51]
Liedtke et al. [52]
Curigliano et al. [15]
Sari et al. [53]
Sekido et al. [54]
Wu et al. [55]
Localisation
secondaire
biopsiée
Nombre de
patientes
(n)
Ma
LR b/M
Nc
M
M
M
M
LR
LR
M
N
M
LR/M
M
RL
N
LR
LR
M
M
LR/N/M
M
N
M
M
LR/N/M
M
M
N
LR/M
M
M
M
M
LR/M
M
M
LR/M
LR/M
M
50
21
125
46
44
104
107
85
23
31
47
58
60
16
23
90
18
25
13
382
151
137
370
12
23
119/M (35)
105
182
194
271
100
66
75
233
117
789
255
78
44
10
Taux de discordance
HER2
T. primitive/site
métastatique
8%
0%
9,6 %
0%
4,5 %
14,5 %
6%
10 %
26 %
22 %
0%
14 %
3%
38 %
43 %
3,9 %
11 %
32 %
0%
34 %
10 %
9%
2%
41 % IHC-0 % FISH
8,7 %
28,6 % M
7,6 %
24 %
8,9 %
10 %
5,5 %
15,1 %
16 %
5,2 %
7%
13,6 %
13,9 %
14,7 %
4,5 %
50 %
a : rechute métastatique ; b : rechute locorégionale ; c : rechute ganglionnaire
178
Taux de
modification
thérapeutique
7%
14 %
13 %
12,1 %
-
DISCORDANCE DU STATUT HER ENTRE TUMEUR PRIMITIVE ET MÉTASTASES
: IMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES
de 66 patientes avec une tumeur primitive surexprimant HER2 a été
rapportée par Xiao et al. dans le but de déterminer l’impact du traitement
par trastuzumab sur la variabilité de l’expression de HER2. Une
concordance du statut HER2 a été montrée pour 84,9 % des patientes,
mais les tests de corrélation évaluant l’impact du trastuzumab ou des
autres thérapeutiques anti-tumorales se sont avérés non concluants [14].
Récemment, quelques études rétrospectives de plus grande envergure ont été rapportées, posant la question du changement d’option
thérapeutique consécutif aux résultats de biopsies des sites métastatiques
et de l’impact des discordances tumorales en termes de survie. Une série
de 255 patientes ayant eu une biopsie hépatique d’une lésion métastatique métachrone d’une tumeur primitive mammaire a été sélectionnée
à partir des 1 250 biopsies hépatiques disponibles entre 1999 et 2009
sur la base de données de l’European Institute of Oncology [15]. Parmi
ces 255 patientes, 27 (14,5 %) ont eu une modification pour le statut RE,
124 pour le statut RP (48,6 %) et 24 pour le statut HER2 (13,9 %). Le
changement de thérapeutique global induit par ces résultats a concerné
31 patientes, soit 12,1 % de la cohorte. Le MD Anderson Cancer Center
a également rapporté une série de 182 patientes surexprimant HER2
sur leur tumeur initiale pour lesquelles une biopsie d’un site métastatique avait été pratiquée entre 1997 et 2008 [16]. Quarante-quatre
(24 %) de ces patientes ont eu une négativation de leur statut HER2. Les
taux de discordance rapportés ont été significativement plus élevés pour
les patientes ayant reçu une chimiothérapie (p = 0,022) mais n’ont pas
été influencés par l’administration de trastuzumab (p = 0,296). Une
diminution significative de la survie globale a concerné les patientes
ayant une discordance de leur statut HER2 comparativement aux
patientes ayant un statut HER2 stable (hazard ratio [HR] = 0,43 ; p =
0,003). Bien qu’elle porte essentiellement sur les modifications
d’expression des RH, l’étude suédoise du Karolinska Cancer Center est
intéressante [17], tant de par ses effectifs (plus de 1 000 patientes) que
par la description qu’elle offre des variabilités d’expression des
différents récepteurs au cours de rechutes successives (plusieurs biopsies
ont été pratiquées au fur et à mesure des différentes rechutes chez une
même patiente). Les taux de discordances observés sur cette cohorte ont
été de 32,4 %, 40,7 % et 14,5 % pour les RE, les RP et HER2 respectivement. Les rechutes successives (2 à 6 rechutes) ont été évaluées pour
l’expression de RE (119 patientes), des RP (116 patientes) et de HER2
(32 patientes) et ont montré une variabilité de 33,6 %, 32 % et 15,7 %
respectivement. La survie des patientes ayant négativé leur statut RE a
été significativement altérée comparativement aux patientes exprimant
les RE de façon stable (hazard ratio = 1,48 ; 95 % CI, 1,08-2,05).
179
DUBOT
&
COLL.
2. Données prospectives
L’essai BRITS est un essai prospectif, multicentrique, incluant 205
patientes en rechute locorégionale et/ou métastatique d’un cancer du
sein [10]. Après la biopsie du site métastatique, un total de 137 patientes
a été retenu avec un âge moyen à 62,6 ans, ménopausées pour 60,6 %
d’entre elles, présentant une rechute après un délai médian de 92,2
mois par rapport au diagnostic initial. L’objectif de cet essai était de
décrire les taux de discordance dans l’expression des récepteurs RE,
RP et HER2 et de déterminer la proportion de patientes qui, du fait
de cette discordance, a connu un changement de choix thérapeutique.
Un switch du statut de RE a été observé dans 10,2 % des cas (n = 14),
24,8 % (n = 34) pour les RP et 2,9 % (n = 4) pour HER2. La rechute
a été métastatique dans 35,8 % des cas mais aucune différence n’a été
observée dans le taux de discordance selon que la rechute était métastatique ou bien locorégionale. In fine, 24 patientes ont vu leur
thérapeutique modifiée par le changement du statut de leurs récepteurs.
Les auteurs concluent que la biopsie d’une localisation métachrone à
distance d’un cancer du sein permet de modifier l’orientation
thérapeutique dans un cas sur six.
En 2009, une étude pilote a inclus 40 patientes atteintes d’un cancer
du sein avec une suspicion de rechute métastatique, parmi lesquelles 35
ont pu avoir une biopsie permettant d’avoir 29 échantillons, tous relus
de façon centralisée [18]. La discordance concernant les RH a été
évaluée à 40 % et 8 % concernant le statut HER2. Ces variations se sont
traduites par un changement de thérapeutique dans 20 % des cas. C’est
sur les bases de cette étude pilote qu’a été mené l’essai DESTINY
rapporté par Amir et al. en 2012 [7]. Il s’agit d’un essai prospectif portant
sur 121 patientes en rechute métastatique ou bien locorégionale
inopérable d’un cancer du sein. Quatre-vingt pour cent des biopsies ont
pu être analysées retrouvant une discordance pour RE, RP et HER2 de
16 %, 40 % et 10 % respectivement. L’objectif principal de cet essai était
de déterminer le taux de modifications thérapeutiques consécutif aux
résultats des biopsies : il a été de 14 %. Les objectifs secondaires étaient
la description du taux de discordances, des risques liés à la biopsie,
l’évaluation de la satisfaction des patientes biopsiées ainsi que leur survie.
Les complications ont été rares, mais la procédure a généré un délai
médian de prise en charge thérapeutique de 15 jours (2-56). Les patientes
ont cependant adhéré à la procédure puisque le questionnaire de
satisfaction révèle que 87,8 % d’entre elles recommanderaient aux autres
patientes de faire une biopsie d’un site métastatique. Contrairement aux
observations des cohortes rétrospectives, la survie sans progression de
180
DISCORDANCE DU STATUT HER ENTRE TUMEUR PRIMITIVE ET MÉTASTASES
: IMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES
même que la survie globale n’ont pas été corrélées à l’existence d’une
discordance d’expression des récepteurs.
Récemment, une méta-analyse regroupant les données individuelles des patientes incluses dans les essais BRITS et DESTINY a été
rapportée [8]. Un total de 289 patientes présentant une rechute
locorégionale ou métastatique de leur cancer du sein ont été analysées.
Les résultats des biopsies ont révélé un autre diagnostic dans 7,6 % des
cas (pathologie bénigne ou bien second cancer), et des discordances
dans les statuts de RE, RP et HER2 dans 12,6 %, 31,2 %, et 5,5 % des
cas, respectivement. La décision thérapeutique a été modifiée par le
résultat pour 14,2 % des patientes. Le taux de discordance n’a pas été
corrélé au profil initial de la tumeur, ni au site de rechute ou encore à
l’intervalle libre entre le diagnostic initial et la rechute. D’autre part,
l’impact de la discordance sur la survie n’a pas été analysé étant donné
que l’essai BRITS ne disposait pas de ces données.
3. Discussion
Les données actuelles de la littérature permettent de montrer la
variabilité phénotypique des cellules tumorales au cours de leur
évolution. L’ensemble de ces résultats plaide en faveur de la pratique
d’une biopsie au moment de la rechute, qu’elle soit métastatique ou
locorégionale, car elle permettrait une adaptation de la décision
thérapeutique dans environ un cas sur sept [7, 15]. Ainsi, certaines
patientes ne seraient pas inutilement exposées à une thérapeutique antiHER2 et verraient leur traitement adapté de la façon la plus appropriée possible. La question réside de savoir pourquoi, alors qu’il existe
un faisceau d’arguments en sa faveur, la réalisation d’une biopsie d’un
site métastatique est peu effectuée dans la pratique courante.
La première critique qui peut être apportée à l’ensemble de ces
études demeure dans les limites des techniques anatomopathologiques
utilisées pour évaluer le statut des récepteurs cibles. En effet, les
techniques d’immunohistochimie (IHC) sont opérateur-dépendantes et
ont une reproductibilité relativement limitée. L’évaluation du statut
HER par FISH est communément admise comme plus fiable, mais
seule une partie de ces études y a fait appel exclusivement [7, 29, 37,
40, 46], les autres ayant associé une technique d’IHC +/- FISH selon
le score de surexpression de HER2 [11-13, 27, 29, 30, 33, 34, 44, 45,
47, 49-55]. Par exemple, bien qu’il existe une relecture centralisée pour
l’étude DESTINY [7], il n’a pas été retenu par les auteurs d’effectuer
une relecture dans le cas où la biopsie réalisée sur la tumeur initiale
181
DUBOT
&
COLL.
avait été pratiquée dans leur centre. Cependant, ce choix peut s’avérer
critiquable [19] au vu des résultats d’une étude ayant testé trois
laboratoires centraux qui avaient participé à de grands essais de phase
III en adjuvant [20]. Les résultats ont montré qu’au sein d’une même
institution, une interprétation de mêmes données d’immunohistochimie
ou de FISH pouvait occasionner des discordances de conclusion dans
8 % des cas.
Au-delà des considérations portant sur les techniques analytiques,
la question soulevée par ces différentes études est de savoir si la
balance bénéfice/risque pèse en faveur d’une biopsie systématique des
sites métastatiques. Autrement dit, l’impact sur la décision thérapeutique démontré par certaines de ces études est-il suffisant pour
justifier la pratique courante de ces biopsies ? La démonstration d’un
impact sur la survie permettrait sans doute de trancher cette question,
cependant les données disponibles sur la relation entre survie et
discordance du statut HER2 sont contradictoires. En effet, des données
rétrospectives ont pu rapporter une altération de la survie chez les
patientes présentant une discordance du statut de leurs récepteurs [16,
17], mais cela n’a pas été démontré en prospectif [7]. La démonstration
du bénéfice par une amélioration de la survie des patientes ayant vu
leur thérapeutique modifiée par la connaissance d’une discordance de
leur statut HER2 est donc un point essentiel qui n’a pas encore été
éclairci.
La réticence à effectuer un geste invasif est également un argument
souvent mis en avant pour expliquer la réserve des praticiens à l’égard
d’un geste biopsique de la maladie métastatique. Les données de
l’étude de Amir et al. ont effectivement montré qu’un tel geste peut
occasionner un délai médian de prise en charge de 15 jours [7]. Malgré
tout, les auteurs rapportent une bonne acceptabilité de la part des
patientes. Toutefois, les données de l’étude de Centre Karolinska [17]
semblent indiquer la nécessité de biopsier les métastases à chaque
nouvelle évolution de la maladie, ce qui paraîtrait concordant avec
l’idée d’un processus continu d’évolution tumorale que connaîtraient
les cellules au cours de la maladie métastatique. Faut-il alors imposer
un geste invasif à nos patientes à chaque évolution tumorale, lorsqu’il
est techniquement réalisable ? D’autre part, étant donné l’objectivation
faite d’une telle hétérogénéité tumorale, se pose la question de la
variabilité phénotypique d’un site métastatique à l’autre. Bien que des
études portant sur des autopsies n’aient pas démontré une grande
variabilité entre les différents sites métastatiques au sein d’une même
maladie tumorale [21], l’expérience de chacun a déjà été d’être
confronté à une réponse dissociée entre plusieurs sites métastatiques à
182
DISCORDANCE DU STATUT HER ENTRE TUMEUR PRIMITIVE ET MÉTASTASES
: IMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES
l’issue d’une ligne thérapeutique. Y a-t-il donc d’autres moyens moins
invasifs à même de pouvoir préjuger de l’hétérogénéité tumorale et de
son évolutivité ?
Il semblerait que certaines alternatives puissent être proposées, ou
du moins des informations complémentaires apportées à celles révélées
par une biopsie de métastases. Concernant l’évaluation du statut
HER2, un premier élément de réponse peut être apporté par l’utilisation du dosage du taux circulant de la portion extra-membranaire de
HER2. Cette portion extra-membranaire du récepteur HER2 peut être
clivée puis larguée dans la circulation. Cette protéine tronquée
circulante semblerait corrélée au statut HER en immunohistochimie
[22], mais l’existence d’une relation entre le taux de protéine tronquée
circulante et une conversion du phénotype des métastases n’est pas
établie. Des avancées peuvent également paraître intéressantes dans
l’analyse du statut HER2 sur les cellules tumorales circulantes (CTC).
Cependant, le seuil de détection des CTC (30 à 60 % des patientes
[23]), leur corrélation plus ou moins variable avec le statut HER2
évalué sur biopsie d’une cible métastatique [23] et le faible nombre de
patientes évaluées pour cette technique à l’heure actuelle ne permettent
pas encore d’entrevoir leur utilisation en pratique courante. Enfin,
l’imagerie nucléaire par tomographie par émission de positons (TEP),
en utilisant un traceur ciblant les cellules sur-exprimant HER2 serait
peut-être à l’avenir un outil intéressant. En effet, dans une publication
récente, le traceur 18F-ZHER2:342-Affibody a démontré sur des
modèles murins une bonne corrélation au statut HER2 en immunohistochimie, et une spécificité meilleure que le 18-FDG [24].
CONCLUSION
La prise en charge des patientes atteintes d’un cancer du sein en
phase métastatique se doit d’être adaptée au mieux dans l’optique
d’optimiser leur survie. La démonstration de plus en plus étoffée de la
variation phénotypique des statuts des RH et de HER2 à la surface des
cellules tumorales dans le cadre d’une évolution métastatique d’un
cancer du sein plaide en faveur d’une réévaluation du phénotype
tumoral par le moyen de biopsies des cibles métastatiques. Bien que
l’impact thérapeutique d’une telle réévaluation soit désormais clair,
l’estimation de son influence sur la survie des patientes évaluées
demeure une question essentielle.
183
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186
Tumeurs triple négatives du sein :
facteurs pronostiques et prédictifs
S. ZILBERMAN *, M. BALLESTER, C. B EZU, E. DARAÏ, R. ROUZIER
(Paris)
Résumé
Les cancers du sein « triple négatifs » représentent environ 17 % des cancers du sein
et constituent un groupe hétérogène caractérisé par l’absence de récepteurs hormonaux aux
œstrogènes et à la progestérone et l’absence de surexpression du facteur de croissance HER-2
en immunohistochimie. Ce sous-type de cancers du sein est associé à un profil clinique
défavorable avec un haut risque de rechute métastatique précoce du fait du caractère agressif
de ces tumeurs, de leur réponse partielle à la chimiothérapie et du manque actuel de thérapies
ciblées utilisées en pratique clinique. L’identification précise des facteurs pronostiques de ce
sous-type de cancers, ainsi que des facteurs prédictifs de la réponse tumorale aux différents
traitements, et l’apport des thérapies ciblées sont des pistes susceptibles d’améliorer la prise
en charge et la survie des patientes atteintes par ces cancers au pronostic péjoratif.
Mots clés : cancer du sein triple négatif, facteurs pronostiques et prédictifs,
classification moléculaire, cancer du sein basal-like
Hôpital Tenon - APHP - Service de gynécologie-obstétrique - CancerEst - GRC-UPMC 6 Université Pierre et Marie Curie Paris VI - 4 rue de la Chine - 75020 Paris
* Correspondance : [email protected]
187
ZILBERMAN
&
COLL.
Déclaration publique d’intérêt
Je soussignée, Sonia Zilberman, déclare ne pas avoir d’intérêt
direct ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé,
industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
Le cancer du sein est une maladie hétérogène tant du point de vue
clinique qu’histopathologique et biologique avec des pronostics et des
réponses aux différentes thérapeutiques très variés.
Les cancers du sein triple négatifs (CSTN), ainsi nommés car ils
n’expriment ni les récepteurs aux œstrogènes (RO), ni les récepteurs à
la progestérone (RP) et ni le récepteur HER2, surviennent le plus
souvent chez des femmes jeunes, non ménopausées, et sont associés à
un risque plus élevé de récidives précoces, de métastases viscérales et de
décès, plus particulièrement dans les 5 premières années du suivi [1, 2].
Ainsi, bien que ne représentant que 17 % des cancers du sein, les
CSTN sont responsables d’une proportion élevée des décès par cancer
du sein [1, 3] et ont fait l’objet depuis la première mention du terme
« triple négatif » de très nombreuses études. Les CSTN, qui forment
eux-mêmes un sous-groupe hétérogène, ont permis de mettre en
évidence que la biologie tumorale primait sur la masse tumorale en
termes de réponse aux traitements.
Encore inaccessibles à un traitement ciblé et semblant plus
agressifs que les autres sous-types de cancer du sein, les CSTN sont
aujourd’hui un enjeu majeur pour les oncologues, les anatomopathologistes et les généticiens.
188
TUMEURS TRIPLE NÉGATIVES DU SEIN
:
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
Dans cette revue nous étudierons les données récentes de la
littérature permettant d’identifier cette entité particulière afin de définir
ses implications thérapeutiques et la mise en évidence de facteurs
pronostiques et prédictifs de réponse au traitement.
I. DÉFINITION DES TUMEURS TRIPLE NÉGATIVES
I.1. Description immunohistochimique : tumeurs triple
négatives/tumeurs basal-like
Le terme tumeur « triple négative » (TN) est une définition
immunohistochimique correspondant à l’absence d’expression des
récepteurs aux œstrogènes et à la progestérone et à l’absence
d’expression du récepteur HER2, et il est utilisé en pratique clinique.
En France, les seuils de négativité retenus sont de moins de 10 %
de cellules marquées pour les récepteurs hormonaux (RH), et un
marquage membranaire d’HER2 de score 0 ou 1+ ou bien 2+ mais
sans amplification en FISH pour ERBB2. Cependant, il paraît
important de rappeler ici, à l’instar des recommandations de plusieurs
groupes internationaux [4], que la définition retenue pour les CSTN
correspond bien à une parfaite négativité des RH (absence de toute
cellule marquée) et à l’absence d’expression ou d’amplification de
HER2.
I.1.a. Tumeurs basal-like (BL)
Les tumeurs BL sont habituellement RO-négatives, RP-négatives
et HER2-négatives et expriment un ou plusieurs des marqueurs
spécifiques basaux (CK5/6, CK14, CK17 et EGFR) [5]. Les tumeurs
ainsi identifiées comme BL par l’immunohistochimie constituent un
groupe très hétérogène et il faut distinguer 2 sous-groupes :
– les BL de phénotype BL pur exprimant les cytokératines basales,
– les BL de phénotype myoépithélial exprimant la P63, l’actine
muscle lisse ou la PS100.
En pratique les tumeurs BL sont souvent assimilées aux CSTN et
sélectionnées à partir de ce groupe, or ces 2 groupes ne sont pas
synonymes [6]. En effet, il semble plus exact de dire que la majorité, et
non la totalité, des tumeurs TN ont un phénotype BL et que la
majorité, et non la totalité, des tumeurs BL ont un phénotype TN. Les
études extrapolant les résultats et les conclusions portant sur des CSTN
189
ZILBERMAN
&
COLL.
aux tumeurs BL ou inversement sont maintenant perçues comme
inexactes.
Les derniers chiffres de la littérature internationale montrent que
80 % des tumeurs TN ont un phénotype BL [7], qu’environ 80 % des
tumeurs BL sont des tumeurs TN [8] et qu’au moins 20 % des tumeurs
BL expriment les RO ou surexpriment HER2, ces chiffres pouvant
aller de 18 % à 40 % [9].
I.1.b. Tumeurs de phénotype apocrine
Si un CSTN n’exprime ni les cytokératines de haut poids
moléculaire, ni EGFR, ni c-KIT, on retient un phénotype apocrine [10]
se définissant par une positivité aux récepteurs aux androgènes (RA).
I.2. Description morphologique
Le cancer du sein triple négatif ne correspond pas à une maladie
mais à un statut immunohistochimique commun à un ensemble de
tumeurs avec une carte d’identité tumorale et une évolution clinique
différentes.
Ainsi, si ces tumeurs, environ 17 % des cancers du sein, sont
majoritairement constituées de carcinomes canalaires infiltrants
classiques de haut grade, on y retrouve aussi une concentration
importante de types rares de cancer du sein dont le pronostic est moins
péjoratif comme les carcinomes sécrétants juvéniles, les carcinomes
adénoïdes kystiques, les carcinomes médullaires, les carcinomes
métaplasiques et dans une moindre mesure les carcinomes apocrines
[11].
I.3. Description moléculaire et tumeurs de type basal-like et
claudin-low
L’apparition de la classification intrinsèque moléculaire des
cancers du sein basée sur leur profil d’expression génique, issu d’études
sur puces à ADN, décrite pour la première fois par l’équipe de Perou
et Sorlie en 2000 [12] et explicative de la classification phénotypique,
a permis de dégager des profils différents, au-delà des critères
classiques décrits précédemment. Elle a ainsi aidé à mieux comprendre
les différentes formes de présentation clinique et profils de rechute, de
métastases ou de survie.
La classification initiale distingue cinq sous-groupes :
190
TUMEURS TRIPLE NÉGATIVES DU SEIN
:
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
– profil luminal A : caractérisé par une très forte expression de
tous les gènes associés aux récepteurs aux œstrogènes (RO) et
par une stabilité du génome ;
– profil luminal B : expression plus faible des gènes précédents, le
génome tumoral est plus instable, on peut retrouver quelques
amplifications (dont HER2) et délétions et mutations (comme
P53) ;
– profil HER2 « enrichi » : ERBB2 est amplifié, de nombreuses
autres amplifications et délétions sont retrouvées en array CGH
(aCGH) ;
– profil basal-like (BL) : n’exprime ni RO, ni HER2, présente
quasiment toujours des altérations de P53, une grande instabilité
génétique, une forte prolifération et l’expression variable de
EGFR, du récepteur aux androgènes supposant des sous-groupes
biologiques ;
– profil normal-like : il correspond au profil d’expression de gènes
non épithéliaux. Il s’agit en fait d’un artefact lié à l’étude génétique
de tumeurs paucicellulaires dont les gènes tumoraux ont été dilués
par les gènes du stroma. Il n’a aucune signification clinique.
Ainsi cette nouvelle classification des cancers mammaires est
basée sur l’expression par la tumeur de nombreux gènes impliqués
dans la prolifération et la différenciation. Ces gènes sont, avant tout,
régulés différemment selon l’expression ou non d’ESR1, le gène codant
pour les récepteurs aux œstrogènes et ensuite selon la surexpression ou
non du gène ERBB2 codant pour les récepteurs HER2. Ces 2 gènes
sont des gènes majeurs de la carcinogénèse mammaire [12]. Dans ces
profils d’expression, on retrouve également les gènes différenciant les
2 principales couches cellulaires du tissu mammaire normal, d’une part
les cellules luminales, et d’autre part les cellules basales/myoépithéliales
et des gènes de la prolifération cellulaire.
I.3.a. Tumeurs de type BL
Les tumeurs BL, issues des cellules basales/myoépithéliales, se
caractérisent par :
– la sous-expression de gènes de la signature luminale
correspondant aux gènes des RO ou des RP ainsi qu’une sousexpression des gènes GATA3, LIV1 ou BCL2 ;
– l’absence de surexpression du gène HER2 ;
– une forte expression des gènes des CK de haut poids
moléculaire, dites basales (CK5/6, 14 et 17), des gènes EGFR,
CKIT, FABP7, cavéolines 1 et 2. Le gène de la P-cadhérine est
également fortement exprimé ;
191
ZILBERMAN
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COLL.
– l’expression forte de gènes de prolifération comme STK6, BUB1
et TOPOIsomérase 2alpha.
Du point de vue génomique, une mutation de P53 est mise en
évidence dans 95 à 100 % des carcinomes BL [13]. Il existe aussi très
souvent des pertes d’expression ou des altérations du gène PTEN avec
activation de la voie AKT/mTOR [14]. Les analyses par puces
d’hybridation génomique comparative (aCGH) ont montré des
remaniements du génome très variés et nombreux, représentés par des
anomalies de nombres des chromosomes liés à des gains ou des pertes
mais peu d’amplifications géniques majeures [15].
La figure 1 représente le recouvrement entre les formes BL et TN
de cancer du sein.
I.3.b. Tumeurs de type claudin-low
Très récemment, un nouveau sous-groupe moléculaire bas en
claudine a été mis en évidence, appelé claudin-low [16]. Les tumeurs de
type claudin-low expriment faiblement les protéines des jonctions
intercellulaires et se caractérisent par une expression basse ou absente des
marqueurs de différenciation luminale [16]. Par ailleurs, elles expriment
fortement les marqueurs de transition épithélio-mésenchymateuse, les
Figure 1 - Recouvrement des formes de cancer du sein TN, BL et BRCA1
192
TUMEURS TRIPLE NÉGATIVES DU SEIN
:
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
gènes de la réponse immunitaire et les marqueurs des cellules souches
cancéreuses (ALDH1…). Il s’agit du sous-type moléculaire le moins
fréquent (12-14 %) avec des tumeurs typiquement de haut grade [17]
souvent richement infiltrées par des lymphocytes. La plupart des
tumeurs claudin-low sont des carcinomes canalaires infiltrants auxquels
s’ajoutent de fréquents carcinomes médullaires et métaplasiques [16].
Finalement, au sein des CSTN, les deux sous-types moléculaires
les plus fréquemment identifiés seraient d’une part le type claudin-low,
proche du phénotype des cellules souches, correspondant à la première
étape de différenciation d’une cellule tumorale, et d’autre part le type
BL, plus tardif dans la carcinogénèse, secondaire à l’altération du gène
BRCA1. Ce groupe récent claudin-low n’est pas admis par tous et est
encore largement discuté.
I.4. Mutation de BRCA1 et tumeurs BL/TN
En plus du phénotype BL, il existe un recouvrement entre tumeurs
TN et mutations germinales de BRCA1. Ainsi parmi les tumeurs
survenant chez des patientes porteuses de mutations germinales de
BRCA1, 80 % sont des CSTN et 80 à 90 % sont des tumeurs BL. Parmi
les CSTN, 10 % sont diagnostiqués chez des patientes présentant des
mutations germinales de BRCA1 [18].
Un lien très fort est donc décrit entre la voie BRCA1 et les cancers
du sein TN ou BL.
I.5. Tumeurs BL/TN sporadiques
Les cancers du sein BL sporadiques et ceux survenant chez des
patientes porteuses de mutation BRCA1 ont des profils génétiques
moléculaires proches mais ils diffèrent par l’absence de mutations
BRCA1 dans le groupe des tumeurs BL sporadiques. Cependant, il
existe dans ces tumeurs un important dysfonctionnement de BRCA1 par
d’autres mécanismes qu’une mutation germinale. Un dysfonctionnement
de la voie BRCA1 est présent dans la majorité des cancers du sein BL
sporadiques. Un niveau d’expression significativement plus faible de la
protéine BRCA1 est retrouvé dans les tumeurs de phénotype BL, mais
aussi dans les tumeurs de haut grade (SBR3) ou n’exprimant pas les
récepteurs hormonaux [19].
Les tumeurs BL sporadiques ont une inactivation somatique (c’està-dire intratumorale, acquise) de BRCA1. Concernant les mécanismes
193
ZILBERMAN
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COLL.
d’inactivation de BRCA1 dans les tumeurs sporadiques, des hypothèses
de sous-régulation médiée par des mécanismes épigénétiques ont été
envisagées [20] à type de méthylation de gènes promoteurs et/ou de
transcription silencieuse de BRCA1. Les mutations de BRCA1
entraînent la perte de la fonction de réparation, et une grande instabilité
génomique (perte d’hétérozygotie, mutation de gènes tels que P53…) au
sein de la tumeur [21].
L’ensemble des similitudes morphologiques, immunophénotypiques
et moléculaires entre les carcinomes des patientes porteuses de
mutations BRCA1 et les carcinomes BL sporadiques pourrait presque
inciter à parler de « carcinomes BRCA1-like » [22].
En pratique clinique, le phénotype BL ou TN d’un cancer du sein
doit faire évoquer la possibilité d’une mutation du gène BRCA1 surtout
s’il s’agit d’une patiente jeune avec des antécédents familiaux ; une
enquête oncogénétique doit être à envisager.
II. FACTEURS PRONOSTIQUES DES CANCERS TRIPLE
NÉGATIFS
Les différents consensus internationaux, dont le plus récent est le
consensus de St Gallen 2009 [23], ont identifié plusieurs facteurs
pronostiques dans le cancer du sein : l’âge, la taille tumorale, l’atteinte
ganglionnaire, l’infiltration lymphovasculaire, le degré de différenciation
selon Scarff Bloom et Richardson (grades I à III), la présence des
récepteurs hormonaux aux œstrogènes et à la progestérone, et la
surexpression de HER2. Les facteurs histopronostiques, en particulier
l’hormonosensibilité et le statut HER2 de la tumeur, sont devenus les
déterminants de l’attitude thérapeutique au détriment de l’ancienne
classification TNM [24]. Ils permettent une approche individualisée
dans le traitement du cancer du sein en sélectionnant le traitement le
plus efficace correspondant à un type particulier de cancer mammaire.
II.1. Pronostic des CSTN
Les CSTN ont un pronostic péjoratif par comparaison aux
tumeurs hormonosensibles ou avec surexpression d’HER2 [1, 25].
Les CSTN se déclarent chez des patientes plus jeunes, le plus
souvent non ménopausées [26]. Lors du diagnostic, les CSTN sont
194
TUMEURS TRIPLE NÉGATIVES DU SEIN
:
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
habituellement de haut grade avec des tumeurs plus volumineuses et
avec un profil plus agressif : faible expression de BCL2 (tumeurs BL),
forte expression de p53 et Ki67 élevé.
Dans ce sous-groupe, contrairement aux autres sous-types tumoraux,
il existerait une relative indépendance du risque d’atteinte ganglionnaire
vis-à-vis de la taille tumorale [1].
II.1.a. Risque de récidive locorégionale
La corrélation entre le statut TN et une augmentation du risque de
récidives locorégionales reste débattue. Cependant, même si certains
auteurs tel qu’Haffty [2] ne constatent pas de majoration du risque de
récidives locorégionales mais bien un sur-risque d’évolution métastatique,
un faisceau croissant de données cliniques évoque le contraire (étude
réalisée sur 482 cancers du sein, dont 117 cancers du sein triple négatifs
avec un suivi médian de 7,9 années).
Tan et al. en 2008 [27], sur 245 cancers du sein TN et BL, ne
retrouvent pas non plus d’impact sur la rechute locorégionale mais ne
précisent pas le type de traitement local.
Kyndi et al. [28] ont rapporté, sur une population de 1 000
patientes, un moins bon taux de contrôle locorégional après
radiothérapie adjuvante, tant chez les tumeurs TN (p = 0,002) que les
tumeurs RH-/HER2+ (p = 0,0003). Un résultat similaire était retrouvé
chez 519 patientes dans l’étude de Solin et al. [29], avec des taux
d’échec local à 8 ans de 8 % contre 4 % dans le reste de la population
(p = 0,041). Il est intéressant de noter que dans l’étude de Voduc et al.
[30], ce sur-risque semble concentré sur les BL alors que les autres
tumeurs TN ne présentaient pas d’augmentation du risque de récidive
locorégionale.
II.1.b. Risque de métastase à distance
Dans l’étude de cohorte de Toronto ayant étudié le devenir de
1 601 patientes atteintes d’un cancer du sein, 180 patientes étaient
atteintes d’un cancer TN [1]. Comparativement aux autres sous-types
tumoraux, elles présentaient un plus fort risque de récidives
métastatiques (HR 2,6 ; IC 2,0-4,5, p < 0,0001) et de décès (HR 3,2 ;
IC 2,3-4,5, p < 0,001). En revanche, ce sur-risque était maximal dans
les 5 premières années du suivi. Le groupe des TN présentait un pic
de récidives dans les 3 premières années, risque qui ensuite déclinait
rapidement, alors que dans le reste de la population ce risque de
récidives, quoique plus faible, persistait dans le temps. Cette donnée est
confirmée dans les études de Nofech-Mozes et d’Esserman [25, 31].
195
ZILBERMAN
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COLL.
Ainsi, si on compare le taux de survie à 3 ans entre un groupe de
tumeurs TN et un groupe de tumeurs non-TN, il est respectivement de
76,8 % versus 93,5 % (p < 0,0001), de même, si on compare des
carcinomes BL et non-BL, le taux de survie à 3 ans est respectivement
de 77,4 % versus 93,4 % (p < 0,0001) [32].
Comparativement aux autres sous-types tumoraux, les tumeurs TN
donnent plus fréquemment des métastases viscérales, notamment
hépatiques et cérébrales, peut-être moins de métastases osseuses (mais
cette donnée n’est pas retrouvée dans l’étude de Dent [33]) et très peu
de métastases séreuses [33-35]. Ici aussi, certaines modulations peuvent
être faites si l’on considère les tumeurs BL comparativement aux autres
tumeurs TN non-BL. Ainsi, Kennecke rapporte dans une série de 3 726
patientes que les tumeurs BL présentent un taux plus important de
métastases cérébrales, pulmonaires et ganglionnaires, mais avec
significativement moins de métastases osseuses et hépatiques, alors que
les tumeurs TN non-BL présentent un profil relativement similaire,
mais avec des taux plus importants de métastases hépatiques [36]. Pour
ce qui est du risque de développer des métastases cérébrales, il resterait
inférieur à celui des tumeurs HER2+, mais cependant nettement plus
élevé que celui des tumeurs RH+ [37].
Le pronostic des métastases cérébrales est plus sombre dans les
cancers du sein TN que pour les autres tumeurs mammaires [38, 39].
Après cette période de 3 à 5 ans, le risque de rechute diminue
rapidement et les rechutes à plus de 10 ans après le diagnostic initial
sont exceptionnelles. Au final, les survivantes à long terme (au-delà de
10 ans) dans la population TN ou BL pourraient avoir une survie
comparable à la population non-TN ou non-BL [32].
Il apparaît donc qu’en tant que groupe, les tumeurs TN et BL ont
un pronostic péjoratif ; cependant, le pronostic devrait être évalué au
sein des différents sous-types répondant à la définition de CSTN.
II.2. Facteurs pronostiques histologiques : un ensemble de
sous-groupes aux pronostics différents
Les CSTN forment un groupe hétérogène. L’étude histologique
permet d’isoler des tumeurs triple négatives rares, mais à excellent
pronostic : tumeur adénoïde cystique, tumeur apocrine, tumeur
sécrétoire et tumeur médullaire [40-42].
Il est indispensable d’individualiser ces sous-types à meilleur
pronostic auxquels des chimiothérapies agressives pourraient être
épargnées et, au contraire, de bien cibler les patientes au pronostic
196
TUMEURS TRIPLE NÉGATIVES DU SEIN
:
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
sombre chez qui un traitement systémique est indispensable. Ainsi les
tumeurs de profil moléculaire apocrine définies en IHC par
l’expression des récepteurs aux androgènes (RA) sont associées à une
survie relativement meilleure parmi celles n’exprimant pas les RO [43].
Les cancers médullaires, quant à eux, sont souvent de type BL et
partagent leur taux élevé de mutation de p53 et certaines altérations
génomiques ainsi que leur pronostic péjoratif [44-46] (Tableau 1).
Tableau 1 - Pronostic des sous-types histologiques des tumeurs triple négatives
Mauvais pronostic
Bon pronostic
Carcinome canalaire infiltrant
de haut grade
Carcinome apocrine bas grade
Carcinome médullaire
Carcinome lobulaire infiltrant
de haut grade
Carcinome métaplasique bas grade
Carcinome métaplasique haut grade
Carcinome secrétant juvénile
Carcinome myoépithélial
Carcinome adénoïde kystique
Carcinome neuro-endocrine haut grade
II.3. Facteurs pronostiques « traditionnels » liés à la masse
tumorale
Des facteurs pronostiques cliniques traditionnels sont aussi retrouvés
pour ces tumeurs TN. Une atteinte ganglionnaire axillaire et une taille
tumorale importante sont des facteurs de mauvais pronostic [47].
II.3.a. Taille tumorale
Les tumeurs BL et TN ont tendance à être de plus grande taille,
souvent > 2 cm, que les autres sous-types de cancers mammaires [1,
48]. Ceci pourrait être lié à une croissance rapide et une incidence
relativement élevée de ces tumeurs chez de jeunes patientes chez qui
la détection mammographique est plus difficile.
II.3.b. Statut ganglionnaire
Concernant l’extension locorégionale, les carcinomes BL seraient
plus souvent indemnes de métastases ganglionnaires que les autres
sous-types tumoraux [49]. Contrairement aux carcinomes TN non BL,
les tumeurs de phénotype BL auraient un risque de récidives locales
plus élevé que les cancers RO+ [30].
197
ZILBERMAN
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COLL.
II.4. Facteurs pronostiques liés à la biologie tumorale
II.4.a. Tumeur basal-like : un pronostic sombre
L’expression des cytokératines 5/6 et du récepteur à l’EGF (HER1)
en immunohistochimie, définissant le groupe de tumeurs BL, a un
pronostic particulièrement péjoratif [49]. Les tumeurs BL sont le plus
souvent plus volumineuses [26, 44, 46], de grade tumoral élevé (75100 % sont de grade 3) [45, 50, 51], et avec une faible différenciation.
Différentes études ont ainsi montré que l’expression des
marqueurs basaux (CK5/6, CK14, CK17 ou EGFR) était associée à un
plus mauvais pronostic quelle que soit l’expression des RH. Carey et
al. [26] ont montré que les tumeurs BL avaient le pronostic le plus
péjoratif en termes de survie spécifique comparé à tous les autres sousgroupes de cancers du sein pour les patientes N+ et N-. Van de Rijn et
al. [52] ont, eux, observé que l’expression des cytokératines CK 15
et/ou CK 5/6 était un facteur de mauvais pronostic indépendant de la
taille tumorale et du grade seulement pour les patientes N- mais pas
pour les patientes N+, alors que pour Nielsen et al. [53], la présence
des cytokératines basales est associée à un mauvais pronostic seulement
chez les patientes N+.
Le pronostic des tumeurs BL serait encore plus péjoratif au sein du
groupe des CSTN [5, 32]. L’association de mutations de BRCA1 et du
phénotype BL est maintenant bien décrite [54]. Il a été suggéré que la
présence d’une mutation BRCA1 serait un facteur de bon pronostic pour
ces tumeurs [55] car pourvoyeuse d’une plus grande chimiosensibilité.
II.4.b. Taux de Ki67
Une forte expression de Ki67 permettrait d’isoler un sous-groupe
de plus mauvais pronostic [56]. Dans une étude sur 105 patientes
atteintes d’une tumeur du sein TN et bénéficiant d’une chimiothérapie
néoadjuvante, Keam et al. [56] montraient qu’un Ki67 supérieur à 10 %,
bien qu’associé à un taux plus élevé de réponses complètes à la
chimiothérapie (pCR), était significativement associé à des survies sans
récidive et des survies globales plus courtes (p = 0,005, p = 0,019).
II.4.c. p53, BCl2 et récepteur aux androgènes
Plusieurs études ont mis en évidence une valeur pronostique
péjorative de la surexpression de p53.
Biganzoli et al. montrent, sur une série de 1 709 patientes issues de
2 centres différents, que la recherche de l’expression de p53 permet
d’identifier 2 groupes au pronostic significativement différent en termes
de survie globale et de survie sans récidive [57]. Cette étude conforte
198
TUMEURS TRIPLE NÉGATIVES DU SEIN
:
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
les résultats de Chae et al. [58] sur 135 patientes atteintes d’un cancer
du sein et ayant bénéficié d’une chimiothérapie adjuvante par
anthracyclines. Chez les patientes TN, l’expression de p53 apparaît
comme un facteur pronostique péjoratif avec une survie sans récidive et
une survie globale significativement diminuées (p = 0,013 et p = 0,049,
respectivement).
La faible expression de Bcl2 et l’absence d’expression du récepteur
aux androgènes sont aussi identifiées comme des facteurs de mauvais
pronostic [47].
II.5. Réponse à la chimiothérapie néoadjuvante
En situation néoadjuvante, il apparaît de plus en plus clairement
que c’est précisément la réponse au traitement qui constitue le facteur
pronostique le plus important. Ainsi, il est bien démontré que la
réponse histologique complète (pCR) à la chimiothérapie néoadjuvante
est un facteur pronostique indépendant concernant la survie [59-61].
Cependant, de nombreuses études ont montré que les CSTN
avaient un taux de pCR plus élevé que les autres tumeurs du sein mais
un pronostic plus sombre [3, 62, 63].
Dans l’étude de Liedtke et al. [3], sur 1 118 patientes, celles
présentant un CSTN avaient un taux de réponses histologiques
complètes significativement plus important que les autres patientes
(22 % contre 11 %). Les patientes TN avec une réponse complète avaient
une excellente survie, cependant les patientes avec de la maladie
résiduelle après chimiothérapie néoadjuvante avaient un pronostic
significativement moins bon que les autres patientes (p < 0,0001),
particulièrement dans les trois premières années.
Ces facteurs pronostiques doivent cependant être affinés. En effet,
le bénéfice du traitement n’est pas le même pour toutes les patientes,
et ce malgré des facteurs pronostiques identiques.
À l’heure actuelle, il paraît important de définir des facteurs
prédictifs de la réponse tumorale à un traitement donné.
199
ZILBERMAN
&
COLL.
III. FACTEURS PRÉDICTIFS DES TUMEURS TRIPLE
NÉGATIVES
Un facteur prédictif est un facteur associé à une sensibilité ou à
une résistance à un traitement spécifique.
La chimiothérapie conventionnelle est le traitement standard des
CSTN. Dans la littérature, les taux de réponses complètes à la
chimiothérapie néoadjuvante conventionnelle basée sur l’association
anthracycline/taxane varient entre 13 et 45 % [3].
Les tumeurs du sein TN sont caractérisées par une prolifération
élevée, un taux important de mutations de p53, une mutation ou un
dysfonctionnement de BRCA, des anomalies de la réparation de
l’ADN, une dérégulation de l’apoptose, une angiogenèse importante…
De telles caractéristiques pourraient constituer des facteurs
prédictifs de réponse à certains traitements. D’autres pistes, afin
d’identifier des facteurs prédictifs potentiels, non limitées aux TNBC
incluent la surexpression de la topisomerase II cible des anthracyclines,
ou l’analyse de l’augmentation de la sensibilité aux taxanes chez les
patientes mutées p53.
III.1. Anomalies de la réparation de l’ADN
Les dysfonctions dans la réparation de l’ADN des CSTN mises en
évidence par leur haute instabilité génomique peuvent rendre ces
tumeurs plus sensibles aux thérapies favorisant les lésions de l’ADN.
Ainsi, l’évaluation des anomalies de réparation de l’ADN pourrait nous
permettre d’identifier les patientes plus à même de bénéficier de
thérapies ciblant l’ADN comme les anthracyclines, les sels de platine
et les inhibiteurs de PARP.
Le test Comète (SIngle Cell Gel Electrophoresis test) utilise une
technique simple et sensible pour la détection des lésions de l'ADN au
niveau de la cellule. La longueur de la queue de la comète sur le gel
d’électrophorèse est proportionnelle au nombre et à la fréquence des
cassures de l’ADN [64]. La technique standard permet d’identifier les
cellules tumorales comportant de nombreuses cassures de l’ADN. Cette
technique, couplée à des techniques d’hybridation in situ avec des
sondes marquées, peut même donner des informations plus précises sur
les types d’altérations de l’ADN et sur les processus de réparation de
l’ADN mis en œuvre par la cellule [65].
200
TUMEURS TRIPLE NÉGATIVES DU SEIN
:
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
Un modèle de profil de réparation d'ADN, basé sur 4 gènes, a été
créé et validé sur TMA comme outil pronostique à partir de 143 biopsies
de tumeurs TN [66]. Le groupe identifié comme à haut risque avait un
risque de récidive plus important et survie sans récidive plus courte.
III.2. BRCA1/mutation/dysfonctionnement
La mutation ou le dysfonctionnement de la voie BRCA1 n’est
probablement pas seulement un marqueur pronostique mais aussi un
marqueur prédictif de réponse à la chimiothérapie. Des études
précliniques et des analyses cliniques exploratoires montrent un gain
de bénéfices aux chimiothérapies altérant l’ADN, les anthracyclines et
les sels de platine, en présence de dysfonctionnement de la voie
BRCA1 [67, 68].
Une signature génétique (panel de gènes), identifiée chez des
patientes avec une mutation familiale délétère du gène BRCA1, a été
recherchée chez 12 patientes atteintes d’un CSTN sporadique
localement avancé afin d’identifier les tumeurs présentant un
dysfonctionnement de la voie BRCA1 et de rechercher une corrélation
à la réponse aux anthracyclines. L’expression de la signature génétique
BRAC1 était significativement associée à un taux plus élevé de
réponses complètes à la chimiothérapie [69].
Les données pour tenter de corréler le statut BRCA1 et la réponse
aux taxanes sont encore limitées et controversées à l’heure actuelle [70,
71].
III.3. Signatures génétiques
On peut imaginer qu'un biomarqueur seul ne puisse être suffisant
dans la prédiction d’une réponse à la chimiothérapie. Pour faire face à
la diversité biologique des tumeurs, un panel de gènes prédictifs ou
signature génétique peut être nécessaire.
De façon intéressante, une étude comparant des taux de réponses
à la chimiothérapie néoadjuvante a montré que, malgré l'équivalence
de taux de pCR (réponse complète) entre les sous-groupes basal-like et
« Her2-positif », il n'y avait aucun chevauchement entre les gènes
associés à la pCR pour les deux groupes. Ceci suggère que les
mécanismes sous-tendant la chimiosensibilité ne sont pas les mêmes
pour les différents sous-groupes moléculaires de cancer du sein et
201
ZILBERMAN
&
COLL.
qu’une signature génétique prédictive de la réponse à la chimiothérapie
pourrait être un « sous-groupe » spécifique [72].
Des résultats prometteurs ont récemment été rapportés pour
l’utilisation d’une puce à ADN utilisant 50 gènes de cancers
mammaires (PAM50) [73] qui, en plus d’identifier précisément le soustype de cancers, participerait à la prédiction de réponses à la
chimiothérapie (FAC/taxanes).
Contrairement aux tumeurs hormonosensibles, la réponse
immunitaire à la prolifération tumorale semble être un des mécanismes
moléculaires intimement associés au pronostic dans les CSTN. Ainsi,
certaines signatures génétiques de gènes liés à l’immunité ont été
rapportées comme associées à un bon pronostic chez les patientes
porteuses de tumeurs RH-négatives et triple négatives [74-76].
De nouvelles thérapies ciblant les mécanismes de réponse
immunitaire utilisant des signatures de gènes de l’immunité comme
outils prédictifs pourraient améliorer le pronostic des patientes
porteuses d’un CSTN.
III.4. Topo-isomérase II alpha
Une des principales cibles des anthracyclines, traitement adjuvant
de référence des CSTN, est la topo-isomérase II alpha (topoIIa) qui
contrôle la structure topologique de l’ADN et dont l’expression est
influencée par la prolifération cellulaire.
L’isoforme active de la topoIIa est donc la cible idéale à identifier
et quantifier afin de prédire la chimiosensibilité aux anthracyclines.
Une analyse quantitative automatisée par immunofluorescence
(AQUA) est capable d’identifier et de quantifier la topoIIa [77]. Cet
outil pourrait permettre de corréler la quantité de topoIIa présente à la
sensibilité aux anthracyclines et ainsi être utilisé comme outil prédictif
majeur.
Ainsi, la recherche de facteurs prédictifs est particulièrement
développée dans le cancer du sein, plus que dans les autres domaines
de l’oncologie, et pourrait permettre de mieux individualiser les
traitements. Des marqueurs prédictifs pourraient guider l’utilisation de
chimiothérapie par l’identification de sous-populations de patientes TN
ayant une maladie chimiosensible, ou prévoir plus spécifiquement la
sensibilité ou la résistance aux différentes molécules de chimiothérapie.
Cependant, actuellement il n’y a aucun outil clinique pour recommander
ou proscrire l’utilisation de chimiothérapies spécifiques, et les choix
thérapeutiques se basent alors davantage sur les facteurs pronostiques.
202
TUMEURS TRIPLE NÉGATIVES DU SEIN
:
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
CONCLUSION
Les CSTN représentent un sous-groupe hétérogène de cancers du
sein associé à un mauvais pronostic. À l’heure actuelle, ils sont définis
en immunohistochimie par l’absence d’expression des récepteurs aux
œstrogènes, à la progestérone et à HER2.
En l’absence de marqueurs immunohistochimiques ou de
signature moléculaire disponibles en routine capables de définir des
sous-groupes plus précis, les décisions thérapeutiques, et notamment
l’introduction d’une chimiothérapie conventionnelle, sont basées sur ce
statut « triple négatif » alors même que seule une faible proportion des
patientes atteintes d’un CSTN ont une maladie très chimiosensible et
un pronostic excellent.
Il apparaît nécessaire aujourd’hui de se doter de stratégies
thérapeutiques plus agressives et surtout plus adéquates et de
développer des outils prédictifs capables de nous guider dans le choix
des traitements : que ce choix s’oriente vers la molécule de
chimiothérapie la plus adaptée à la biologie tumorale ou vers de
nouvelles thérapies ciblées comme les très prometteurs inhibiteurs de
PARP.
Une telle approche ne peut être réalisée sans une caractérisation
biologique optimale, permettant de comprendre la complexité de ce
sous-groupe de tumeurs, et nécessite une collaboration internationale
dans des essais cliniques impliquant anatomopathologistes, oncologues
et chercheurs fondamentaux.
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208
Classification moléculaire
(Oncotype DX).
Quand y avoir recours ?
Résultats, coût et implications
thérapeutiques
Y. DELPECH 1a *, G. BOUSQUET 2, J.P. B ROULAND 1b, E. BARRANGER 1a
(Paris)
Résumé
Face à l’extrême hétérogénéité du cancer du sein, les facteurs clinico-pathologiques
sont mis en défaut à l’échelle individuelle du fait d’un manque de marqueurs capables
de regrouper les patientes en sous-types biologiquement et cliniquement homogènes. Grâce
au développement de la biologie moléculaire cette dernière décennie, il est maintenant
devenu possible de mesurer l’expression de milliers de gènes permettant de mieux
appréhender différents sous-types de cancer du sein à l’histoire naturelle distincte. Le
Recurrence Score (RS) délivré par Oncotype DX ou « signature des 21 gènes » est
actuellement approuvé par la plupart des sociétés savantes chez les patientes ayant une
tumeur exprimant les récepteurs aux œstrogènes (RO+) et sans envahissement ganglionnaire (N-). Plusieurs importantes études rétrospectives ont montré l’excellente corrélation
pronostique indépendante du RS avec les autres facteurs clinico-pathologiques, et
1 - Hôpital Lariboisière - APHP - Université Denis Diderot Paris VII - 2 rue Ambroise
Paré - 75010 Paris
a : service de gynécologie et obstétrique - b : service d’anatomopathologie
2 - Hôpital Saint-Louis - APHP - Service d’oncologie médicale - Université Denis Diderot
Paris VII - 1 avenue Claude Vellefaux - 75019 Paris
* Correspondance : [email protected]
209
DELPECH
&
COLL.
également la valeur du RS pour la prédiction du bénéfice de la chimiothérapie. De plus
lorsque le RS est intégré par les cliniciens dans l’algorithme décisionnel du traitement
adjuvant, le RS conduit à une modification des prescriptions dans près de 30 % des cas
au bénéfice d’une réduction du nombre de chimiothérapies. L’ensemble des données
économiques est également en faveur d’un bénéfice de l’intégration d’Oncotype DX dans
les référentiels. Cependant l’absence de validation prospective d’Oncotype DX est un frein
à sa généralisation à grande échelle. La publication de l’essai TailorX sera l’élément
décisif pour l’adoption d’Oncotype DX en pratique courante mais celle-ci n’interviendra
pas avant 5 ans. L’ère de la biologie moléculaire au lit du patient est maintenant devenue
une évidence.
Mots clés : cancer du sein précoce, Oncotype DX, pronostic, prédiction, coût,
chimiothérapie
Déclaration publique d’intérêt
Yann Delpech, Guilhem Bousquet, Jean-Philippe Brouland et
Emmanuel Barranger déclarent ne pas avoir d’intérêt direct ou indirect
(financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel, ou
commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
Aujourd’hui les indications de chimiothérapie adjuvante chez les
patientes atteintes de cancer du sein reposent sur la combinaison de
facteurs clinico-pathologiques classiques comme la taille tumorale, le
type histologique, le grade, l’envahissement ganglionnaire, l’expression
des récepteurs hormonaux, le statut HER2. L’ensemble de ces facteurs
a un lien avec le pronostic de la tumeur (survie) et la prédiction de la
réponse aux traitements. Afin d’en optimiser l’utilisation, ces facteurs
ont été combinés dans des algorithmes décisionnels tels que Adjuvant !
Online, la conférence de St Gallen, le Nottingham Prognostic Index (NPI).
210
CLASSIFICATION MOLÉCULAIRE (ONCOTYPE DX)
-
QUAND Y AVOIR RECOURS ?
De nombreuses publications ont largement validé leur impact en
pratique quotidienne. Cependant face à l’extrême hétérogénéité du
cancer du sein, les facteurs clinico-pathologiques peuvent être mis en
défaut à l’échelle individuelle du fait d’une lacune de marqueurs
susceptibles de discriminer chaque situation particulière. L’inadéquation risque/traitement qui en résulte conduit le plus souvent vers un
sur-traitement qui a pour conséquence une augmentation de la
morbidité et du coût de la santé.
Oncotype DX, ou la signature dite des « 21 gènes », a initialement été
développée par Paik et al. (Genomic Health, Redwood City, CA) comme
marqueur pronostique permettant de prédire le risque de récurrence à
10 ans chez les patientes présentant un cancer du sein sans envahissement
ganglionnaire (N-), avec des récepteurs aux œstrogènes positifs (RO+) et
traitées par tamoxifène [1]. Oncotype DX a également été évalué avec
succès quant à sa valeur prédictive du bénéfice de la chimiothérapie dans
ce sous-groupe de patientes [2]. De fait, Oncotype DX est apparu comme
un outil complémentaire prometteur susceptible de pallier les lacunes
prédictives des marqueurs clinico-pathologiques usuels.
Cependant, devant l’absence de validation prospective randomisée
d’ Oncotype DX, l’Institut national du cancer (INCa) a conclu en 2009
qu’il « n’y a pas de preuve que l’information apportée par Oncotype DX améliore
la valeur pronostique et/ou prédictive apportée par les marqueurs phénotypiques
usuels » limitant ainsi les prescriptions et les possibilités de remboursement de cet examen coûteux [3]. Néanmoins d’autres sociétés savantes
comme l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), le National
Comprehensive Cancer Network (NCCN), l’European Society for Medical
Oncology (ESMO) et le comité d’experts de St Gallen ont d’ores et déjà
intégré Oncotype DX en tant qu’option pour guider certaines indications
de chimiothérapie [4-7].
L’objectif de cette revue est de rapporter les principaux résultats
d’Oncotype DX publiés dans la littérature, les indications potentielles qui
en découlent, les coûts et implications thérapeutiques de cet examen.
I. ONCOTYPE DX : RÉSULTATS
Oncotype DX permet d’analyser, à partir d’ARN extrait de tissu
tumoral fixé (en formol) et inclus en paraffine, suivi d’une transcription
inverse puis d’une PCR quantitative (RT-qPCR), l’expression des
21 gènes, incluant 16 gènes cibles et 5 gènes de référence. Les gènes
211
DELPECH
&
COLL.
inclus dans cette signature sont principalement les gènes des voies des
récepteurs hormonaux (Era, PR, SCUBE2, BCL2), HER2 (HER2,
GRB7), de prolifération (Ki67, STK15, Survivine, Cycline B1, MYBL2)
et d’invasion (stromélysine 3, cathepsine L2). Un algorithme a été
défini par les auteurs à partir des valeurs d’expression de ces différents
gènes permettant de calculer un score de risque de récurrence
(Recurrence Score : RS).
Techniquement, la bonne reproductibilité des résultats d’Oncotype
DX a été rapportée pour l’analyse d’un même échantillon effectuée à
des dates différentes et par des opérateurs différents [8]. En revanche,
il existe peu de données concernant les fluctuations des résultats
d’Oncotype DX en fonction des techniques de fixation des tissus, et en
fonction de l’hétérogénéité intratumorale. Une série de données non
publiées semble rassurante sur ces points [9].
Le pronostic du RS d’Oncotype DX a été démontré rétrospectivement dans différents groupes de patientes RO+, avec différents
critères de jugement. Dans l’étude princeps de Paik et al., la valeur
pronostique de cette signature a été testée chez des patientes ayant un
cancer du sein N-, RO+ traitées par tamoxifène après réanalyse de
668 échantillons provenant de l’essai NSABP B-14. Les taux de
récidive à distance à 10 ans étaient de 6,8 %, 14,3 % et 30,5 % pour les
patientes ayant un RS faible (inférieur à 18), intermédiaire (entre 18 et
30), et élevé (supérieur à 30). Cette excellente prédiction du pronostic
par Oncotype DX a également été démontrée pour la prédiction des
récidives locorégionales dans les effectifs des études NSABP B-14 et B-20
[10] et pour les patientes post-ménopausées sous anti-aromatases dans
l’étude TransATAC [11].
Puis dans un deuxième temps, la valeur du RS d’Oncotype DX a
été démontrée pour la prédiction du bénéfice de la chimiothérapie chez
les patientes RO+. La prédiction du RS a été rapportée dans plusieurs
études rétrospectives testant différents protocoles adjuvants. L’essai
NSABP B-20 a montré un bénéfice indiscutable de la chimiothérapie
de type CMF ou MF (cyclophosphamide, méthotrexate, 5-FU) chez les
patientes avec RS élevé (RS > 30) (HR = 0,26, IC 95 % = [0,13-0,53])
[2]. Puis le même bénéfice a été retrouvé chez les patientes avec RS
élevé après chimiothérapie de type FAC (5-FU, adriamycine,
cyclophosphamide) dans une reprise rétrospective de l’étude
SWOG8814 [12]. Finalement l’intergroupe ECOG 2197 a rapporté les
résultats de patientes présentant une tumeur avec RO+ traitées par
doxorubicine et docétaxel [13].
Au-delà des résultats prometteurs de ces différentes études, aucune
validation prospective d’Oncotype DX n’a été encore publiée. De plus,
212
CLASSIFICATION MOLÉCULAIRE (ONCOTYPE DX)
-
QUAND Y AVOIR RECOURS ?
la stratégie optimale des patientes ayant un RS intermédiaire reste à être
définie sachant que 25 à 40 % des patientes RO+ sont classées dans
cette catégorie [14]. L’essai TailorX, lancé depuis 2006 en Amérique du
Nord, a pour objectif de valider la signification pronostique et prédictive
de cette signature en incluant 7 000 patientes RO+, N- [15]. Cet essai
utilise Oncotype DX comme marqueur décisionnel thérapeutique du
traitement adjuvant. Les patientes avec un RS faible ou élevé reçoivent
respectivement une hormonothérapie ou une hormono-chimiothérapie.
Les patientes avec un RS intermédiaire sont randomisées entre
hormonothérapie ou hormono-chimiothérapie. Les seuils RS retenus
dans l’essai TailorX diffèrent légèrement de ceux utilisés dans les études
rétrospectives préliminaires afin de diminuer le risque de soustraitement des patientes à RS élevé (seuils TailorX = 11 ≤ RS intermédiaire ≤ 25 versus seuils précédents = 18 ≤ RS intermédiaire ≤ 30).
Ces nouveaux seuils ne semblent pas affecter la pertinence de
prédiction du RS comme le rapporte une réanalyse de l’essai NSABP
B-20 [14]. Les résultats très attendus de l’essai prospectif TailorX sont
programmés par les investigateurs pour 2017.
Chez les patientes RO+ avec envahissement ganglionnaire, peu de
données ont été rapportées à ce jour [16]. Quelques résultats, notamment à partir de l’étude SWOG-8814, suggéreraient que l’utilisation
d’Oncotype DX chez les patientes avec envahissement ganglionnaire
apporterait des informations complémentaires en termes de risques de
récurrence [12]. L’essai prospectif randomisé en cours SWOG S-1007,
qui vise à déterminer l’intérêt de la chimiothérapie chez les patientes
avec 1 à 3 N+, RO+, HER2-, faible RS par Oncotype DX, devrait
permettre d’apporter un niveau de preuve suffisant pour intégrer les
patientes N+ aux indications d’Oncotype DX [17].
II. COMPARAISON ONCOTYPE DX / MARQUEURS
CLINICO-PATHOLOGIQUES
La fiabilité de prédiction des récurrences par Oncotype DX a été
comparée aux prédictions de récurrence faites à partir des données
clinico-pathologiques usuelles.
Plusieurs études suggèrent la supériorité du pronostic établi par
Oncotype DX par comparaison aux marqueurs clinico-pathologiques
usuels chez les patientes RO+ traitées par hormono-chimiothérapie [1820]. La supériorité d’Oncotype DX semble rester valable lorsque les
213
DELPECH
&
COLL.
marqueurs clinico-pathologiques sont combinés dans des prédicteurs
comme Adjuvant ! Online [19]. La combinaison des paramètres clinicopathologiques avec le RS permettrait d’obtenir d’encore meilleurs
résultats de prédiction. Gong Tang et al. ont rapporté les résultats d’un
score combiné prometteur, le RSPC (RS-Pathology Clinical) [20]. Le
RSPC a montré une supériorité de prédiction sur les effectifs du
NSABP B14 et TransATAC (647 et 1 088 patientes) en termes de
prédiction de récidive. De plus, le RSPC permettait d’augmenter le
nombre de patientes à bas risque (63,8 versus 54,2) et de diminuer le
nombre de patientes à risque intermédiaire (17,8 % versus 26,7 %). Le
RSPC devrait être accessible online prochainement.
Le Ki67 détecté en routine par immunohistochimie est un
marqueur pronostique de survie, prédictif de chimio-sensibilité en
particulier en situation néoadjuvante. Le Ki67 est fortement corrélé au
RS d’Oncotype DX [21]. Cette corrélation n’est pas surprenante compte
tenu du fait qu’Oncotype DX intègre dans sa signature les gènes de
proliférations dont celui du Ki67. Cependant le chevauchement entre
Ki67 et Oncotype DX n’est pas parfait, en particulier pour le sousgroupe avec RS faible qui contiendrait un nombre important de
patientes avec Ki67 intermédiaire ou élevé [21]. Oncotype DX serait
plus performant que le Ki67 du fait de l’intégration d’autres paramètres
de prolifération comme STK15, Survivin, CCNB1 [21].
À l’opposé de ces études, d’autres auteurs suggèrent qu’une optimisation des marqueurs mesurés en IHC permettrait d’obtenir une
estimation du pronostic équivalente à celle Oncotype DX. Cuzick et al. ont
rapporté le score IHC4 combinant 4 mesures quantitatives obtenues par
IHC : RO, récepteur à la progestérone (RP), HER2 et Ki67 [22]. Le score
IHC4 permettrait une prédiction des récidives à distance équivalente au
RS de Oncotype DX. Cependant le score IHC4 a été établi sur des
patientes n’ayant pas reçu de chimiothérapie (bras hormonothérapie de
l’essai ATAC) et n’a pas été validé sur une population externe, cela
limitant les conclusions des auteurs. Pour Allisson et al. un RS faible ou
un RS élevé respectivement seraient hautement prévisibles en cas de
tumeur grade 1, RP fort, Ki67 < 10 % (sous-groupe risque faible) ou de
tumeur grade 3, faible PR Ki67 > 10 % (sous-groupe risque élevé) [23].
Les auteurs concluaient au faible intérêt d’Oncotype DX dans ces deux
sous-groupes. Effectivement, aucune patiente du sous-groupe risque faible
n’avait un RS élevé après Oncotype DX. Cependant dans le sous-groupe
à risque élevé, 20 % des patientes avaient en réalité un RS faible, ce qui
signifie un sur-traitement potentiel pour ces patientes.
En plus de délivrer le RS, Oncotype DX délivre également une
évaluation quantitative des RO, des RP et de HER2 basée sur les
214
CLASSIFICATION MOLÉCULAIRE (ONCOTYPE DX)
-
QUAND Y AVOIR RECOURS ?
données d’expression génique. Le degré de concordance pour RO entre
le résultat d’Oncotype DX et l’immunohistochimie conventionnelle était
de 93 % (IC 95 %, 91 à 95 %) dans la cohorte de l’ECOG2197. Pour le
RP la concordance était de 90 % (IC 95 %, 88 à 92 %) [13]. De plus le
niveau d’expression des RO provenant d’Oncotype DX était corrélé aux
récurrences (p = 0,014) alors que les RO définis par IHC ne l’étaient
pas (p = 0,091). Ces résultats ont été confirmés récemment par Kraus
et al. avec néanmoins une concordance moins évidente pour l’évaluation semi-quantitative et un biais potentiel lié à l’absence d’analyse
morphologique du tissu [24]. Concernant la concordance avec HER2,
il existe des résultats contradictoires suggérant l’attente de données
complémentaires [25-27]. Un important taux de faux négatifs avec
Oncotype DX a été rapporté récemment soulignant probablement le
manque de standardisation pour l’évaluation de HER2.
III. INDICATIONS ET IMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES
Le test Oncotype DX est recommandé en option par le NCCN
pour guider les indications de chimiothérapie pour les patientes sans
envahissement ganglionnaire avec une tumeur du sein RO+, HER2négative, mesurant de 0,6 à 1 cm et modérément à faiblement différenciée, ou mesurant > 1 cm quel que soit le grade. Ces indications
diffèrent légèrement des recommandations émises par le comité
d’experts de St Gallen qui sont d’intégrer le test Oncotype DX pour les
patientes en cas de tumeurs du sein RO+, grade 2, prolifération
intermédiaire (Ki67 entre 16 et 30 %) et mesurant de 2,1 à 5 cm.
L’impact des modifications thérapeutiques après restadification par
Oncotype DX a été rapporté dans différentes séries rétrospectives
portant sur des sous-groupes de patientes plus ou moins variables.
Néanmoins la tendance générale reste pour une prescription moins
fréquente de la chimiothérapie [28].
L’impact d’Oncotype DX a été évalué chez les patientes RO+ HER2N-, considérées comme intermédiaires par le NCCN. Ces patientes
représentent aujourd’hui un challenge car il n’existe aucun marqueur
susceptible de prédire dans ce groupe le bénéfice de la chimiothérapie.
D’après une série rétrospective rapportant les résultats d’Oncotype DX
chez 288 patientes intermédiaires (RO+, N-, stade I à II, grade 2), il
semblerait qu’Oncotype DX permette de reclasser différemment les
patientes dans 60 % des cas. En effet les auteurs rapportaient dans ce
215
DELPECH
&
COLL.
groupe 53 % de patientes classées en RS faible (RS < 18) et 8 % de
patientes en RS élevé (RS > 31), ceci permettant de surseoir à la
chimiothérapie ou non. Cependant pour 40 % des patientes (n = 110)
Oncotype DX n’apportait pas d’élément décisionnel supplémentaire car
les patientes restaient classées avec un risque intermédiaire selon le RS
(18 ≤ RS < 31). Actuellement pour les patientes ayant un RS
intermédiaire, le bénéfice de la chimiothérapie est inconnu. Seuls les
résultats de l’essai TailorX permettront de répondre à cette question.
L’impact de changement thérapeutique d’Oncotype DX a également été évalué chez des patientes ER+ HER2- N- quel que soit le
grade. Dans l’étude espagnole transGEICAM, 32 % des 107 patientes
ont vu leur indication de chimiothérapie modifiée. Vingt et un pour
cent des patientes sont passées de l’indication de chimiothérapie à
l’hormonothérapie exclusive et 11 % de l’hormonothérapie vers la
chimiothérapie [29]. De même Joh et al. ont rapporté les modifications
de traitements après Oncotype DX chez des patientes RO+. Vingtquatre virgule neuf pour cent des patientes ont vu leur indication de
chimiothérapie modifiée [30]. Les oncologues avaient tendances à surtraiter les patientes du fait d’une surestimation du risque de récurrence.
En France, Gligorov et al. ont rapporté la première évaluation
prospective de l’impact d’Oncotype DX au congrès annuel de l’ASCO
2012. Sur une population de 100 patientes RO+, HER2-, N- ou N(mi),
la prescription de chimiothérapie passait de 49 % à 26 % (p < 0,001)
[31]. Ces données confirmaient l’impact majeur d’Oncotype DX sur les
référentiels actuels français.
Une méta-analyse, incluant 9 études et publiée sous forme de
poster lors de la conférence de St Gallen 2011, a rapporté un taux de
réduction globale de la chimiothérapie de 22 à 24 % après reclassification des patientes RO+ par Oncotype DX. Trente pour cent des
recommandations initiales pour l’association hormonothérapie et
chimiothérapie étaient réduites en hormonothérapie seule et 5 % des
recommandations pour l’hormonothérapie seule étaient transformées
avec adjonction d’une chimiothérapie [32].
IV. ÉVALUATION MÉDICO-ÉCONOMIQUE
Oncotype DX fournit une valeur pronostique et prédictive chez les
patientes RO+ atteintes d’un cancer du sein précoce. Néanmoins le coût
élevé de l’examen limite l’accessibilité du test à l’ensemble des patientes.
216
CLASSIFICATION MOLÉCULAIRE (ONCOTYPE DX)
-
QUAND Y AVOIR RECOURS ?
De nombreuses études internationales ont déjà montré que l’utilisation du test prédictif était une stratégie coût-efficace intéressante.
Indépendamment des pratiques cliniques de chaque pays, il a été
retrouvé que l’utilisation du test prédictif chez toutes les patientes
éligibles améliorait l’espérance de vie mais également l’espérance de
vie ajustée sur la qualité de vie (QALY) grâce à l’optimisation des
décisions thérapeutiques [33-40].
Cependant il est très difficile de transposer ces résultats directement à la France tant les disparités entre les pratiques cliniques et les
coûts sont importantes d’un pays à l’autre. Dans une étude récente,
Chéreau et al. ont rapporté une réduction de coût avec un gain de
QALYs de 0,14 confirmant qu’une prise en compte du risque de
récidive basée sur Oncotype DX apparaîtrait moins coûteuse et plus
efficace en France [41]. Ces résultats récents seront capitaux à
considérer en cas d’incorporation d’Oncotype DX dans les référentiels
français.
CONCLUSION
Le RS délivré par Oncotype DX est actuellement approuvé par la
plupart des sociétés savantes chez les patientes RO+ N-. Le RS a
montré son excellente corrélation pronostique indépendante avec les
autres facteurs clinico-pathologiques, et également sa prédiction de
bénéfice de la chimiothérapie. Le RS conduit à une modification des
prescriptions de traitement adjuvant dans près de 30 % au bénéfice
d’une réduction du nombre de chimiothérapies. L’ensemble des
données économique est en faveur d’un bénéfice de l’intégration
d’Oncotype DX dans les référentiels. L’ensemble de ces informations
convergentes fait d’Oncotype DX un marqueur de plus en plus
incontournable malgré l’absence de validation prospective. Il est fort
probable que la publication de l’essai TailorX sera l’élément décisif
pour l’adoption d’Oncotype DX en pratique courante, mais celui-ci
n’interviendra pas avant 5 ans. L’ère de la biologie moléculaire au lit
du patient est maintenant devenue une évidence. Resteront à définir les
places respectives des autres signatures moléculaires qui seront
disponibles après validation comme Mammaprint.
217
DELPECH
&
COLL.
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220
Place de la radiothérapie
postopératoire après mastectomie
pour adénocarcinome mammaire pN0
E. TOUBOUL *, F. H UGUET, L. MONNIER, S. HABERER,
C. DELIMANN, E. BAMOGHO, F. DELUEN
(Paris)
Résumé
Les résultats de la méta-analyse du « Early Breast Cancer Trialist’s Collaborative
Group » 2005 a montré qu’une radiothérapie (RT) après mastectomie et curage axillaire
pour un adénocarcinome mammaire pN0 diminue significativement le risque de rechute
locorégionale (RLR) à 10 ans de tumeurs ≥ 5 cm de diamètre et/ou classées T4, associée
à une augmentation du taux de mortalité spécifique. Les recommandations actuelles sur
l’indication de la RT postopératoire reposent sur ces résultats. Cependant, elles restent
discutées. Certains auteurs considèrent que le risque de RLR pour des tumeurs ≥ 5 cm
de diamètre, en l’absence de RT, est globalement ≤ 10 % et qu’une RT n’aurait qu’un
impact relativement faible sur la survie, à contrebalancer avec le risque de toxicité radioinduite bien qu’il ait été considérablement réduit avec les techniques modernes de RT.
D’autres auteurs ont rapporté un risque de RLR > 10 % en l’absence de RT lorsqu’au
moins 2 facteurs de risques suivants sont présents comme : la présence d’emboles
Hôpital Tenon - Service d’oncologie-radiothérapie - APHP - Groupe hôpitaux
universitaires est parisiens (GH HUEP) - Faculté de médecine Pierre et Marie Curie Université Paris VI - 4 rue de la Chine - 75020 Paris
* Correspondance : [email protected]
221
TOUBOUL
&
COLL.
tumoraux intravasculaires, le grade histologique 3, la taille tumorale > 2 cm, une marge
de tissu sain insuffisante et l’âge < 50 ans ou un état hormonal préménopausique. Dans
ces cas, ils proposent une RT postopératoire. En cas de chimiothérapie néoadjuvante,
l’intérêt d’une RT postopératoire est discuté pour des tumeurs classées initialement stade
II ou III A (T3, N1) et Y pN0 après chimiothérapie. Lorsqu’une RT postopératoire est
proposée, l’indication d’une RT pariétale est consensuelle car la rechute tumorale
pariétale est de loin la plus fréquente des RLR. En revanche, l’impact de la RT
systématique des aires ganglionnaires sus-claviculaires et mammaire interne reste à
prouver. L’ensemble de ces questions non résolues n’aura de réponse que dans le cadre
d’études prospectives randomisées.
Mots clés : cancer du sein, mastectomie, radiothérapie postopératoire, pN0
Déclaration publique d’intérêt
Les auteurs n’ont aucun intérêt direct ou indirect (financier ou en
nature) avec un organisme privé ou commercial en relation avec le
sujet présenté.
INTRODUCTION
Bien que les résultats de la méta-analyse du Early Breast Cancer
Trialist’s Collaborative Group (EBCTCG) 2005 [1] ont montré qu’une
radiothérapie postopératoire locorégionale après mastectomie pour un
adénocarcinome classé pN0 diminue significativement le risque absolu
de rechute locorégionale de 4 % à 5 ans et de 4,9 % à 10 ans (p = 0,0002),
l’irradiation externe postopératoire n’est pas recommandée en routine
clinique pour les tumeurs classées pN0, sans extension tumorale
cutanée ou pariétale, de moins de 4 ou 5 cm de diamètre selon les
guides de recommandation [2-4]. De plus, la méta-analyse du EBCTCG
2005 [1] a révélé une augmentation du taux de mortalité spécifique à
15 ans de 3,6 % dans le groupe irradié (p = 0,01), probablement liée à
222
PLACE DE LA RADIOTHÉRAPIE POSTOPÉRATOIRE APRÈS MASTECTOMIE POUR ADÉNOCARCINOME MAMMAIRE PN0
des techniques d’irradiation obsolètes dont les effets étaient délétères.
Quelques résultats publiés suggèrent que certains facteurs, lorsqu’ils
sont associés, comme la présence d’emboles tumoraux intravasculaires,
la taille tumorale > 2 cm, ou une marge de tissu sain < 1 mm chez une
femme non ménopausée ou de moins de 50 ans, un grade histologique 3,
ou une forme multifocale, augmenteraient le risque de rechute locale et
pourraient faire discuter une radiothérapie postopératoire. Les études
prospectives randomisées fournissent peu d’informations concernant
l’impact d’une radiothérapie postopératoire en présence des facteurs
individuels sus-cités après mastectomie pour un adénocarcinome
infiltrant mammaire sans extension ganglionnaire axillaire. Nous nous
proposons de réaliser une revue de la littérature concernant l’intérêt
d’une radiothérapie postopératoire en termes de réduction de rechute
tumorale locorégionale et éventuellement sur la survie à partir d’études
prospectives randomisées et d’études rétrospectives, retenues selon les
critères proposés dans le tableau 1.
Tableau 1 - Critères de qualité pour inclure une étude prospective ou
rétrospective dans cette revue de littérature, toutes les patientes ayant eu
une mastectomie et un curage ganglionnaire axillaire
I. PLACE DE LA RADIOTHÉRAPIE APRÈS MASTECTOMIE
PREMIÈRE ET CURAGE AXILLAIRE
La plupart des résultats publiés rapportent des taux de rechute
locorégionale, sans distinguer la probabilité de risque de rechute locale
pariétale et de risque de rechute locorégionale ganglionnaire. Dans la
majorité des séries prospectives randomisées ou rétrospectives retenues
selon les critères sus-cités, la radiothérapie était effectuée à la fois sur la
paroi thoracique et les aires ganglionnaires locorégionales homolatérales :
223
TOUBOUL
&
COLL.
sus-claviculaire, axillaire et mammaire interne (Tableaux 2 et 3). Bien
qu’après mastectomie la paroi thoracique soit le site de rechute
locorégionale le plus fréquent dont l’impact sur la survie est défavorable
[13], les résultats publiés ne permettent pas d’apprécier avec précision
l’impact de la radiothérapie pariétale seule sur le risque de rechute
pour des tumeurs relativement rares, généralement classées pT3-4, N0,
M0. En effet, si la radiothérapie postopératoire pouvait améliorer la
survie globale dans certains sous-groupes à risque élevé de rechute, il
est difficile de déterminer à quel volume irradié en reviendrait le
bénéfice : irradiation pariétale, sus-claviculaire, mammaire interne,
axillaire, ou à la fois pariéto-ganglionnaire ?
Tableau 2 - Études prospectives randomisées retenues ; adénocarcinome
mammaire pN0 ; critères d’inclusion, modalités des traitements adjuvants
Pts : patientes ; G : ganglions ; P : pariétal ; Ax : axillaire ; SC : sus-claviculaire ; CMI : chaîne
mammaire interne ; CMF : cyclophosphamide, méthotréxate, 5-fluorouracile ; Tam. : tamoxifène ;
DBCG : Danish Breast Cancer Cooperative Group
Tableau 3 - Études de cohorte retenues ; adénocarcinome mammaire pN0
traité par mastectomie et curage axillaire et radiothérapie postopératoire ;
critère d’inclusion et modalités de la radiothérapie
Pts : patientes ; CT : chimiothérapie ; HT : hormonothérapie
224
PLACE DE LA RADIOTHÉRAPIE POSTOPÉRATOIRE APRÈS MASTECTOMIE POUR ADÉNOCARCINOME MAMMAIRE PN0
I.1. Impact de la radiothérapie sur la rechute locorégionale
I.1.a. Études prospectives randomisées de phase III
Les trois études prospectives randomisées retenues pour la qualité
du traitement et les critères d’inclusion [5-8] confirment les résultats de
la méta-analyse du EBCTCG 2005 [1]. Le risque de rechute locorégionale varie de 17 % à 23 % en l’absence de radiothérapie contre
2 % à 6 % après radiothérapie postopératoire, avec un recul médian
compris entre 9,5 ans et 16 ans, selon les études (Tableau 4). Une métaanalyse réalisée sur ces trois études montre une réduction du risque de
rechute locorégionale à 10 ans de 83 % (RR : 0,17, intervalle de
confiance 95 % du risque relatif : 0,09-0,33 ; p < 0,00001) [14], pour des
tumeurs classées T3 > 5 cm de diamètre ou T4.
Tableau 4 - Études prospectives randomisées retenues ; radiothérapie après
mastectomie et curage axillaire pour adénocarcinome du sein pN0 ; impact sur
la rechute tumorale locorégionale et la survie
Pts : patientes ; RT : radiothérapie ; DBCG : Danish Breast Cancer
Cooperative Group
I.1.b. Études de cohortes
En l’absence de radiothérapie, le taux global de rechute tumorale
locorégionale avec ou sans métastase synchrone à 10 ans est de l’ordre
de 6 à 14 % selon les séries et le taux de rechute locorégionale isolée est
de l’ordre de 4 à 8 % selon les séries (Tableau 5). Après radiothérapie
postopératoire, le taux global de rechute locorégionale avec ou sans
métastase synchrone à 10 ans est de l’ordre de 2,3 à 12 % selon les séries
(Tableau 6). Le site de rechute tumorale locorégionale le plus fréquent
est pariétal, sous la cicatrice de mastectomie : 80 à 100 % des cas pour
les rechutes locorégionales isolées [18, 23, 25] et 66 à 86 % des cas pour
les rechutes locorégionales avec ou sans métastase synchrone [18, 24,
26].
225
TOUBOUL
&
COLL.
Tableau 5 - Étude de cohorte ; risque de rechute locorégionale en l’absence
de radiothérapie postopératoire après mastectomie et curage axillaire pour les
tumeurs pN0
Pts : patientes ; CT : chimiothérapie ; HT : hormonothérapie ; RLR : rechute locorégionale ; a : courbe
actuarielle ; méta : métastase
Tableau 6 - Étude de cohorte ; risque de rechute locorégionale après mastectomie
et curage axillaire et radiothérapie postopératoire pour les tumeurs pN0
Pts : patientes ; CT : chimiothérapie ; HT : hormonothérapie ; RLR : rechute locorégionale ; a : courbe
actuarielle ; méta : métastase
* 19 pts : RT pariétale et 25 pts : RT pariétoganglionnaire (dose non explicitée)
226
PLACE DE LA RADIOTHÉRAPIE POSTOPÉRATOIRE APRÈS MASTECTOMIE POUR ADÉNOCARCINOME MAMMAIRE PN0
I.1.c. Facteurs de risque de rechute locorégionale en l’absence de
radiothérapie
Après analyse multifactorielle, 5 études ont montré que la présence
d’emboles tumoraux intravasculaires est un facteur de risque indépendant
de rechute tumorale locorégionale. D’autres études ont rapporté que le
jeune âge ≤ 50 ans ou l’état préménopausique, le grade histologique 3,
la marge de tissu sain insuffisante et la taille de la tumeur peuvent
significativement et de manière indépendante augmenter le risque de
rechute locorégionale (Tableau 7). Le tableau 8 montre que lorsque
plusieurs des facteurs de risque sus-cités sont associés, la probabilité de
risque de rechute tumorale locorégionale augmente. Pour les tumeurs
classées pT1-3, N0, elle serait de 1 à 8 % en l’absence de facteur de
risque associé, de 0 à 16 % avec 1 facteur, de 15 à 20 % avec 2 facteurs
et de 19 à 56 % avec 3 facteurs, selon les séries [18, 21, 23, 27, 28]. Bien
Tableau 7 - Facteurs de risque de rechute tumorale locorégionale en l’absence
de radiothérapie après mastectomie et curage axillaire pour des tumeurs pN0 ;
analyse multifactorielle
HR : hazard ratio ; RR : risque relatif
227
TOUBOUL
&
COLL.
que la radiothérapie postopératoire ne soit généralement recommandée
qu’aux tumeurs ≥ 5 cm, N0 ou pT4, N0, elle pourrait être évoquée au
cas par cas, en présence d’au moins deux facteurs de risque sus-cités.
Cependant, cette attitude reste discutée et devrait faire l’objet d’études
complémentaires [24, 25].
Tableau 8 - Risque de rechute locorégionale après mastectomie et curage
axillaire et association de facteurs de risque
Pts : patientes
I.2. Impact de la radiothérapie sur la survie
Deux études américaines ont évalué l’impact de la radiothérapie
postopératoire après mastectomie et curage axillaire pour des tumeurs
classées pT3N0 à partir des données du National Cancer Institute
Surveillance and End Results (SEER). La première reposait sur 1 777 cancers
du sein dont 568 ont reçu une radiothérapie postopératoire [29], la
seconde concernait 1 844 patientes dont 623 ont eu une radiothérapie
postopératoire [30]. Le taux de survie globale pour la première et le taux
de survie spécifique pour la seconde n’étaient pas significativement
améliorés par la radiothérapie postopératoire. Cependant, l’intérêt de ces
deux études est limité par l’absence d’information concernant les rechutes
locales, la présence de facteurs pronostiques comme les emboles
228
PLACE DE LA RADIOTHÉRAPIE POSTOPÉRATOIRE APRÈS MASTECTOMIE POUR ADÉNOCARCINOME MAMMAIRE PN0
tumoraux intravasculaires, les modalités de la radiothérapie et l’administration d’un traitement systémique.
La méta-analyse du EBCTCG 2005 a inclus 1 428 patientes dans
9 études ayant randomisé la radiothérapie postopératoire après chirurgie
non conservatrice [1]. La radiothérapie postopératoire avait un impact
négatif sur la survie spécifique, avec une réduction absolue à 15 ans de
3,6 % (p = 0,01). Cette augmentation significative de la mortalité était
probablement liée à l’inclusion d’études randomisées réalisées sur une
longue période, de 1964 à 1990, dont 5 ont été effectuées avec une
technique de traitement obsolète, en termes d’appareillage et de
technique de radiothérapie, de dose totale d’irradiation et de
fractionnement, avec un risque significatif de mortalité par toxicité
pulmonaire, cardiovasculaire ou par cancers radio-induits.
Une méta-analyse des trois études prospectives randomisées
retenues pour la qualité du traitement et les critères d’inclusion [5-8, 14]
a montré que la radiothérapie postopératoire entraînait une diminution
du risque de mortalité globale à 10 ans de 14 %, mais non significative
(RR : 0,86, intervalle de confiance 95 % : 0,69-1, 06, p = 0,16).
I.3. Quel volume anatomique irradié ?
La paroi thoracique est le site de rechute tumorale locorégionale le
plus fréquent. Il est par conséquent logique d’effectuer une radiothérapie
pariétale lorsqu’une irradiation postopératoire est proposée, à la dose
totale de 45 à 50 Gy à raison de 2 Gy par séance, 5 séances par semaine.
Bien que les études prospectives randomisées et la plupart des études de
cohorte retenues aient effectué une radiothérapie ganglionnaire axillosus-claviculaire et mammaire interne (Tableaux 1 et 2), l’irradiation
ganglionnaire postopératoire des tumeurs classées pN0 est difficile à
justifier. En effet, le risque de rechute ganglionnaire sus-claviculaire
homolatérale est compris entre 0,7 et 5 % selon les séries [18, 31-33]. Le
risque de rechute ganglionnaire axillaire après curage axillaire est faible,
de l’ordre de 0,3 à 3 % selon les séries [34-36] et une irradiation externe
axillaire après curage axillaire augmente de manière très significative le
risque de lymphœdème du membre supérieur [37]. L’intérêt d’une
irradiation externe de la chaîne ganglionnaire mammaire interne reste
controversé. Pour les tumeurs pN0, le risque d’extension ganglionnaire
mammaire interne histologiquement prouvé serait de l’ordre de 4 à
16 % selon les séries : 7 à 20 % pour les tumeurs des quadrants internes,
2 à 12 %, pour les tumeurs centrales et 3 à 13 % pour les quadrants
externes [38-43]. L’évaluation chirurgicale systématique de l’état
229
TOUBOUL
&
COLL.
ganglionnaire mammaire interne a été abandonnée. La lymphoscintigraphie développée pour la recherche du ganglion sentinelle
permet d’objectiver la présence ou non d’un drainage lymphatique
mammaire interne. Cependant, la visualisation d’un drainage
lymphatique mammaire interne ne correspond pas forcément à une
atteinte histologique. Une revue sur 6 études prospectives a évalué les
résultats de biopsies ganglionnaires mammaires internes, en cas de
visualisation du ganglion mammaire interne, après repérage par
lymphoscintigraphie avec injection péritumorale ou intratumorale [44].
Pour les tumeurs classées pN0, un envahissement ganglionnaire
mammaire interne histologiquement prouvé n’a été observé que dans
7,8 % des cas, avec un taux de réussite de la biopsie ganglionnaire
mammaire interne compris entre 58 et 93 % et un risque de brèche
pleurale ou d’hémorragie par blessure d’un vaisseau mammaire interne
de l’ordre de 5 %. Avec cette technique, le taux de faux négatifs n’est pas
évaluable. Le taux de rechute ganglionnaire mammaire interne est
cliniquement difficile à connaître avec précision. En effet, la sensibilité et
la spécificité de l’imagerie tomodensitométrique pour détecter une
atteinte ganglionnaire mammaire interne ne sont, respectivement, que de
40 % et 85 % et pour la tomodensitométrie par émission de positons au
18afluoro-déoxyglucose respectivement de 85 % et 90 % [45]. Aucune
étude prospective randomisée n’a pu démontrer un impact significatif de
la radiothérapie mammaire interne sur la survie dans les formes pN0.
L’étude française prospective randomisée de phase III est la seule à avoir
évalué l’intérêt de l’irradiation mammaire interne après mastectomie et
curage axillaire avec l’inclusion de formes pN0 [46]. L’étude n’a pu
démontrer une différence significative de survie à 10 ans, aussi bien dans
les formes pN+ que pour les 25 % des patientes ayant une tumeur classée
pN0. Les résultats de l’étude randomisée de l’European Organization for
Research and Treatment of Cancer trial, portant sur 4 000 patientes atteintes
d’une tumeur pN+ et/ou de topographie centrale ou interne et évaluant
l’impact d’une irradiation externe ganglionnaire mammaire interne et
sus-claviculaire, sont attendus. Enfin, l’irradiation externe de la chaîne
ganglionnaire mammaire interne peut être à l’origine d’une toxicité
radio-induite coronarienne ou myocardique [47] et pulmonaire [48].
Cependant, les techniques modernes d’irradiation ont considérablement
réduit le risque de cardiotoxicité et de pneumopathie radio-induite [49].
230
PLACE DE LA RADIOTHÉRAPIE POSTOPÉRATOIRE APRÈS MASTECTOMIE POUR ADÉNOCARCINOME MAMMAIRE PN0
II. PLACE DE LA RADIOTHÉRAPIE APRÈS MASTECTOMIE
ET CURAGE AXILLAIRE PRÉCÉDÉE D’UNE
CHIMIOTHÉRAPIE NÉOADJUVANTE
Malgré l’absence d’étude prospective randomisée de phase III dans
le cadre des cancers du sein traités par chimiothérapie néoadjuvante
suivie d’une mastectomie et curage axillaire, l’irradiation externe
postopératoire pariéto-ganglionnaire homolatérale est recommandée
pour les tumeurs classées stade IIB (cT2N1, cT3N0), stade IIIA (cT0-2,
N2 et T3, N1-2), stade IIIB (cT4N0-2) et, a fortiori, stade IIIC (tout cT,
N3) au diagnostic et/ou ypN > 3+ [50], pour lesquelles elle améliore le
contrôle tumoral locorégional et la survie. Bien qu’il n’y ait que quelques
rares études rétrospectives publiées reposant sur un nombre réduit de
patientes [51], l’indication d’une radiothérapie postopératoire est discutée
et controversée dans les formes en réponse tumorale histologique
complète ypT0, N0, initialement classées cT1-2, N0-1 ou cT3, N0-1
(Tableaux 9 et 10). Dans une revue récente réalisée par Fowble et al. [51],
les auteurs proposent d’effectuer des études prospectives randomisées
pour des patientes atteintes d’une tumeur traitée par chimiothérapie
néoadjuvante suivie d’une mastectomie et curage axillaire à faible risque
de rechute tumorale locorégionale < 10 %, en l’absence de radiothérapie
postopératoire : stades I et II (cT1-2, N0-1, cT3N0), ypT0-N0 ou N1-3+
et stade IIIA (cT3, N1) ypT0, N0, afin d’évaluer de manière objective
Tableau 9 - Rechute locorégionale avec ou sans métastase après chimiothérapie
néoadjuvante suivie d’une mastectomie et curage axillaire avec ou sans
radiothérapie postopératoire ; études rétrospectives comparatives, pour des
tumeurs ypN0
GG Ax : ganglion axillaire ; pts : patientes ; RT : radiothérapie ; LR : locorégionale ; RH : réponse
histologique ; CT néoadj. : chimiothérapie néoadjuvante ; Doxo : doxorubicine ; Tax : taxane
231
TOUBOUL
&
COLL.
Tableau 10 - Suivi après chimiothérapie néoadjuvante suivie d’une mastectomie
et curage axillaire avec ou sans radiothérapie postopératoire ; études
rétrospectives comparatives, pour des tumeurs ypN0
GG Ax : ganglion axillaire ; CT néoadj. : chimiothérapie néoadjuvante ; RT : radiothérapie ;
RH : réponse histologique ; Doxo : doxorubicine ; Tax : taxane
* survie globale
l’impact éventuel d’une radiothérapie postopératoire sur le taux de
rechute locorégionale et la survie.
Certains auteurs ont proposé d’effectuer une procédure de
prélèvement du ganglion sentinelle et de guider la définition des volumes
cibles ganglionnaires à irradier en postopératoire [56]. Cependant, la
validité de cette technique et sa place avant ou après la chimiothérapie
néoadjuvante dans les cancers localement avancés restent à préciser [56].
La recherche de nouveaux marqueurs biologiques prédictifs de rechute
locorégionale après mastectomie et curage axillaire permettrait de mieux
apprécier l’intérêt d’une radiothérapie postopératoire [57].
CONCLUSION
Après mastectomie et curage axillaire de première intention pour
un adénocarcinome mammaire pN0, le risque de rechute tumorale
locorégionale repose sur la présence de facteurs de risque comme la
présence d’emboles tumoraux intravasculaires, le grade histologique 3,
la taille tumorale > 2 cm, une marge de tissu sain insuffisante et l’âge
< 50 ans ou un état hormonal préménopausé. Après une chirurgie non
conservatrice sans radiothérapie postopératoire, le risque de rechute
tumorale locorégionale est ≤ 5 % en l’absence de facteurs de risque
232
PLACE DE LA RADIOTHÉRAPIE POSTOPÉRATOIRE APRÈS MASTECTOMIE POUR ADÉNOCARCINOME MAMMAIRE PN0
sus-cités, ≤ 10 % en présence d’un seul de ces facteurs et ≥ 15 % en
présence d’au moins deux facteurs. La radiothérapie postopératoire
entraînerait globalement une réduction du risque relatif de rechute
locorégionale de 83 % à 10 ans et une diminution non significative de
la mortalité de 14 % [14]. Les tumeurs classées pT3 ≥ 5 cm ou T4, N0
sont des indications classiques à une irradiation externe pariétale
postopératoire. Cependant, l’indication est controversée pour les
tumeurs classées pT3 ≥ 5 cm, N0, en l’absence d’autres facteurs de
risque associés.
Pour les tumeurs comprises entre 2 et 5 cm, et pour certains
auteurs de plus de 5 cm de diamètre, les recommandations pourraient
être les suivantes :
— pour une tumeur présentant au moins trois facteurs de risque suscités, la radiothérapie externe pariétale homolatérale devrait être
recommandée. En revanche, bien que dans les études prospectives
randomisées l’irradiation externe était systématiquement à la fois
pariétale et ganglionnaire, l’intérêt de l’irradiation ganglionnaire
systématique sus-claviculaire et mammaire interne homolatérale
reste à prouver ;
— en présence de deux facteurs de risque, l’irradiation externe
pariétale pourrait être recommandée ou faire proposer
l’inclusion dans une étude prospective randomisée ;
— en présence d’un seul facteur de risque, l’irradiation pariétale ne
devrait être considérée que dans le cadre d’une étude prospective ;
— en l’absence de facteur de risque, il n’y a pas d’indication à une
radiothérapie pariétale.
Les adénocarcinomes mammaires cliniquement initialement classés
stades II et IIIA (cT3, N1), ypN0 après chimiothérapie néoadjuvante
suivie d’une mastectomie et curage axillaire devraient faire l’objet
d’études prospectives randomisées afin de connaître l’impact d’une
radiothérapie postopératoire pour laquelle l’intérêt de l’irradiation
ganglionnaire sus-claviculaire et mammaire interne n’est pas prouvée.
233
TOUBOUL
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COLL.
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Les néoplasies lobulaires :
lesquelles opérer ?
C. B EZU 1 *, S. ZILBERMAN 2, E. CHÉREAU-EWALD 3, R. ROUZIER 4,
E. DARAÏ 2, S. UZAN 2
(Paris, Marseille)
Résumé
Les néoplasies lobulaires intraépithéliales du sein regroupent les lésions de carcinomes lobulaires in situ et les hyperplasies lobulaires atypiques. Ce sont des entités rares
dont l’histoire naturelle et les facteurs de risque d’évolution sont encore mal connus. Ce
texte a pour objectif d’établir un bilan des connaissances des néoplasies lobulaires
intraépithéliales et de préciser celles qui nécessitent une prise en charge thérapeutique
chirurgicale à partir des recommandations des différentes sociétés savantes.
Mots clés : néoplasie lobulaire intraépithéliale, cancer lobulaire in situ, hyperplasie
lobulaire atypique, cancer du sein
1 - Hôpital Pitié-Salpêtrière - APHP - Service de gynécologie-obstétrique - 85 boulevard
de l’Hôpital - 75013 Paris
2 - Hôpital Tenon - APHP - Service de gynécologie-obstétrique - 4 rue de la Chine 75020 Paris
3 - Institut Paoli Calmettes - Service de chirurgie oncologique - 232 boulevard SainteMarguerite - 13008 Marseille
4 - Institut Curie - 26 rue d’Ulm - 75005 Paris
* Correspondance : [email protected]
237
BEZU
&
COLL.
Déclaration publique d’intérêt
Je soussignée, Corinne Bezu, déclare ne pas avoir d’intérêt direct
ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel
ou commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
Les connaissances sur les néoplasies lobulaires intraépithéliales
(NLI) ont évolué depuis une quarantaine d’années, depuis la publication de Haagensen et Rosen en 1978 qui avaient regroupé les lésions
de carcinomes lobulaires in situ (CLIS) et les hyperplasies lobulaires
atypiques (HLA) sous un seul terme : les néoplasies lobulaires intraépithéliales [1]. L’augmentation récente de l’incidence des NLI peut
être expliquée par l’augmentation des découvertes fortuites de la
mammographie de dépistage. Cependant ce type de lésions reste une
entité rare et représente 0,34 à 2,9 % de toutes les biopsies mammaires
selon une étude de Cangiarella en 2008 [2]. La rareté de cette entité
explique l’hétérogénéité de la littérature constituée essentiellement de
séries rétrospectives avec des faibles effectifs ne permettant de conclure
sur une attitude thérapeutique consensuelle. Le but de ce travail est
d’établir un état des lieux des connaissances, d’en soulever les problématiques, de préciser les recommandations récentes de la prise en
charge thérapeutique, notamment chirurgicale et enfin de soulever les
questions encore en suspens.
I. DÉFINITION, HISTORIQUE
Les NLI ont été décrites pour la toute première fois en 1919 par
Ewing [3] mais c’est des années plus tard que Foote et Stewart ont créé
le terme de carcinome lobulaire in situ (CLIS) pour caractériser cette
forme rare de lésion s’apparentant au carcinome lobulaire invasif mais
encore entourée par la membrane basale [4]. Le CLIS est une entité
238
LES NÉOPLASIES LOBULAIRES
:
LESQUELLES OPÉRER ?
pathologique de cellules uniformes, rondes, non cohésives intéressant
au moins la moitié d’une unité lobulaire du sein. L’unité ductolobulaire
colonisée est distendue et la lumière des canaux obstruée. La distinction avec les HLA est souvent délicate, mais dans ces dernières, l’unité
ductolobulaire n’est pas distendue par la prolifération cellulaire et la
lumière non obstruée. La différence entre les deux lésions repose
également sur un critère quantitatif, ce qui complique un peu plus
encore l’interprétation des anatomopathologistes d’autant que les deux
entités coexistent très souvent. En raison de leur similarité, Haagensen
et Rosen [1] avaient regroupé les deux lésions sous le terme de
néoplasie lobulaire intraépithéliale, puis en 2003 Tavassoli a proposé
en association avec l’OMS une nouvelle classification (Tableau) qui est
celle en vigueur actuellement, utilisant le terme de « lobular intraepithelial neoplasia » ou « LIN » de catégories 1, 2 et 3 [5]. Au sein des
LIN 3, trois sous-catégories sont importantes à distinguer :
– le sous-type 1 correspond aux LIN classiques,
– le sous-type 2 correspond aux LIN avec présence de cellules
proliférantes de type « bague à chaton » ou pléiomorphe,
– le sous-type 3 correspond aux LIN avec nécrose centrale.
Tableau - Classification OMS des lésions lobulaires [5]
En immunohistochimie, concernant les « LIN classiques », une perte
de l’expression de la molécule d’adhésion E-cadhérine est fréquemment
observée, ils expriment les récepteurs aux estrogènes et à la progestérone
et sont négatifs pour HER2 et p53 [6, 7]. Les LIN 3, de sous-types 2 et
3, doivent absolument être distingués des « LIN classiques » par
l’histologiste car cette catégorie, de par ses caractéristiques (aspect
239
BEZU
&
COLL.
pléiomorphe, ou de cellules en bague à chaton ou encore de nécrose),
s’apparente aux carcinomes intracanalaires et leur prise en charge
thérapeutique sera différente des « LIN classiques ». Outre la perte
d’expression de l’E-cadhérine, on peut observer une surexpression de
l’HER2 dans un quart des cas, l’index de prolifération Ki67 peut être
plus élevé et la protéine p53 peut être mutée.
En génétique, quelle que soit la catégorie de NLI, la région 16q22
qui contient le gène CDH1 codant pour la protéine d’adhésion
E-cadhérine est très souvent perdue, ce qui est un argument pour
certains d’un risque évolutif vers un carcinome lobulaire invasif [8].
II. PROBLÉMATIQUES
II.1. Augmentation du risque de survenue d’un cancer invasif
L’une des premières problématiques des NLI est celle d’une
augmentation du risque de survenue d’un cancer invasif. Cependant, la
mesure de ce facteur de risque est difficile à évaluer compte tenu de la
rareté de ce type de lésions, les études manquant de puissance. Les
différentes études sont par ailleurs très hétérogènes et les populations
étudiées comportent souvent des lésions associées aux NLI biaisant les
interprétations concernant les données des lésions de NLI seules.
Selon Lakhani, un antécédent de NLI représente une augmentation du risque de survenue d’un cancer invasif de 1 à 2 % par an [9].
Un travail d’Arpino et al. a également prouvé ce risque évolutif en
2005 rapportant un risque relatif de cancer invasif de 6 à 10 selon les
différentes études rapportées [7].
Concernant le risque cumulé sur la vie de développer un cancer
invasif pour une patiente ayant un antécédent de NLI, il serait en
moyenne de 8 % avec une variabilité entre 5 et 32 % selon une revue
de la littérature publiée par l’équipe d’Ansquer [10].
II.2. Signification biologique des NLI ? : précurseur non
obligatoire ?
Il existe cependant dans la littérature des arguments supportant la
notion que les NLI pourraient ne pas être des précurseurs obligatoires
vers un carcinome invasif.
240
LES NÉOPLASIES LOBULAIRES
:
LESQUELLES OPÉRER ?
Tout d’abord, on constate un temps de latence entre l’antécédent
de NLI et la survenue éventuelle d’un cancer invasif relativement
long : selon Chuba et al., le risque cumulé de cancer invasif est évalué
à 4 % à 5 ans, à 7 % à 10 ans, 11 % à 15 ans, 14 % à 20 ans et 18 % à
25 ans [11]. Deuxièmement, on constate chez une patiente ayant un
antécédent de NLI une fréquence de survenue d’un carcinome invasif
équivalente aussi bien dans le sein ipsilatéral que controlatéral, ce qui
n’apparaît pas logique si l’on supporte la notion que les NLI seraient
des précurseurs obligatoires à l’apparition d’un cancer invasif.
Enfin, le type histologique invasif survenant après une NLI est soit
canalaire soit lobulaire, avec toutefois une représentation plus fréquente du type lobulaire par rapport à la population générale [12, 5].
Afin de clarifier la signification biologique des NLI, plusieurs
analyses biologiques du tissu de la biopsie mammaire et/ou de la pièce
opératoire mammaire pourraient fournir des biomarqueurs capables de
prédire le risque de cancer invasif. La recherche moléculaire et génomique permettra très certainement de progresser dans la compréhension de la pathogénicité des NLI. Les études génomiques
disponibles suggèrent que les lésions d’HLA comportent beaucoup
plus d’altérations génomiques que les CLIS [13]. Les deux entités ont
en revanche en commun une augmentation du nombre de copies de
gènes dans les régions AKT1 et CSF1R, gènes qui modifient la
polarisation de la cellule pouvant influencer les effets de prolifération
et de différenciation sur la cellule [14, 15]. À l’inverse de ces gains de
gènes observés, en 2009, Green a mis en évidence que la région 16q22
qui contient le gène CDH1 codant pour la protéine d’adhésion Ecadhérine est très souvent perdue dans les NLI, ce qui est un argument
pour certains d’un risque évolutif vers un carcinome lobulaire invasif
[16]. Cependant, la perte de l’expression de l’E-cadhérine n’apparaît
pas comme suffisante pour le processus de tumorogenèse. La perte
d’autres gènes suppresseurs de tumeurs semble impliquée comme le
suggère encore une fois Green dans une étude intéressant le facteur
CTCF et le dipeptide DPEP1 dont les expressions sont diminuées dans
les CLIS [8].
Au total, il persiste encore aujourd’hui des incertitudes à la fois
sur la signification biologique des NLI et sur leur impact clinique.
Dans ce contexte, quelle est la place de l’exérèse chirurgicale dans la
prise en charge de ces lésions aujourd’hui ?
241
BEZU
&
COLL.
III. RECOMMANDATIONS
La prise en charge est orientée par la classification de Tavassoli et
de l’OMS de 2003 [5].
Les experts de Saint-Paul-de-Vence se sont concertés sur ce sujet
en 2007 [17].
Tout d’abord les experts soulignent que, quel que soit le grade des
NLI, ces lésions sont l’apanage des confrontations anatomo-radiochirurgicales. Chaque décision thérapeutique doit être prise en concertation pluridisciplinaire avec la connaissance complète du dossier
clinique et radiologique. À noter deux précisions concernant le volet
radiologique :
— en dehors d’essai, il n’y a pas d’indication à une IRM mammaire
en raison des nombreux faux positifs ;
— les patientes aux antécédents de NLI considérées donc comme
à risque histologique de cancer du sein doivent être sorties du
dépistage organisé.
Parmi les points qui ont donné lieu à un accord entre les experts,
la prise en charge chirurgicale des NLI n’a pas été détaillée selon les
différents grades des NLI. Les experts se sont accordés sur le fait que
« diagnostiquées, le plus souvent sur macrobiopsie, elles doivent faire l’objet
d’une exérèse chirurgicale » dans le but de mieux quantifier le niveau réel
de risque et limiter les sous-estimations diagnostiques de la biopsie.
Les premières recommandations sur la prise en charge chirurgicale
des NLI en France ont été établies par un consensus d’experts en
octobre 2009 par l’INCa en association avec la SFSPM (Société
française de sénologie et de pathologie mammaire) [18].
LIN 1 et 2
— Une surveillance est recommandée : elle est identique à celle
des carcinomes intracanalaires traités par un traitement conservateur : examen clinique, mammographie et échographie bilatérales annuelles.
— En cas de facteurs de risques (antécédents familiaux ou personnels, lésions histologiques à risques) ou de discordance radiopathologique : discuter une exérèse chirurgicale afin de diminuer
le risque de sous-estimation des lésions par la biopsie.
— Si exérèse chirurgicale envisagée : pas de reprise si berges
atteintes.
— Il n’y a aucune indication à une mastectomie, à un traitement
par radiothérapie ou à une hormonothérapie.
242
LES NÉOPLASIES LOBULAIRES
:
LESQUELLES OPÉRER ?
LIN 3 type 1
— Exérèse chirurgicale et examen anatomopathologique de la
pièce définitive.
— Pas de reprise si berges atteintes.
— Il n’y a pas d’indication à un traitement par radiothérapie ou à
une hormonothérapie.
— Surveillance : examen clinique, mammographie et échographie
bilatérales annuelles.
LIN 3 type 2 ou 3 :
— Exérèse chirurgicale et examen anatomopathologique de la
pièce définitive.
— Nécessité d’avoir des berges saines pour le contingent pléiomorphe/cellules en bague à chaton/nécrose.
— Traitement adjuvant par radiothérapie à discuter en réunion de
concertation pluridisciplinaire (RCP).
— Surveillance : examen clinique, mammographie et échographie
bilatérales annuelles.
Enfin, précisons que s’il existe d’autres lésions pathologiques
associées aux lésions de NLI, la prise en charge thérapeutique doit être
guidée par l’autre contingent histologique pathologique.
IV. QUESTIONS EN SUSPENS ET PERSPECTIVES
IV.1. Problème des marges d’exérèse
Les marges d’exérèse restent encore un sujet à débat même s’il
apparaît que le caractère pléiomorphe, en s’apparentant au carcinome
intracanalaire nécessite un passage in sano. Encore une fois, les études
sont limitées par les petites séries ; la première série qui s’est intéressée
aux marges d’exérèse de ces lésions est celle de Downs-Kelly en 2010
portant sur 26 patientes [19]. L’auteur a étudié la récurrence des patientes
ayant eu une exérèse chirurgicale pour un CLIS pléiomorphe selon
3 catégories : celles dont les marges étaient ≤ 1 mm ; celles dont les
marges étaient comprises entre 1,1 mm et 2 mm ; celles dont les marges
étaient > 2,1 mm. L’auteur retrouve une seule récurrence avec un suivi
médian de 33 mois, cependant, en dehors du faible nombre de patientes
incluses, soulignons que la radiothérapie adjuvante n’a pas été systématique pour les 26 patientes de cette série mais discutée au cas par cas.
243
BEZU
&
COLL.
IV.2. Génomique
L’examen histologique par Hématéine-Eosine puis par immunohistochimie (E-cadhérine) a été le premier pas vers une caractérisation
des NLI mais l’identification notamment des LIN 3 de type pléiomorphes, plus agressifs, nécessite une meilleure compréhension de la
signification biologique des NLI et les efforts se concentrent
actuellement sur la recherche translationnelle. Les prochaines études
seront moléculaires et génomiques, en mettant en évidence éventuellement des marqueurs circulants, afin de mieux évaluer les risques
de cancer invasif et encore mieux préciser les indications chirurgicales.
IV.3. Plan cancer 2009-2013 - Femmes à risques aggravés :
observatoire national ? Projet soumis à réflexion
Dans le cadre du plan cancer 2009-2013, un des objectifs pour le
cancer du sein est « la prise en charge des femmes à risques aggravés ». Tout
au long de cet exposé, une des principales limites dans la prise en charge
des NLI est la difficulté d’une part à identifier la population concernée,
et d’autre part à mesurer objectivement ce facteur de risque. Il semblerait
intéressant de mettre en place un observatoire national telle une banque
de données à la fois clinique, radiologique et biologique.
CONCLUSION
La place de la chirurgie dans la prise en charge des NLI reste
encore un sujet à controverse car les données de la littérature font
défaut. Les questions cruciales concernant leur signification biologique
et leur impact clinique doivent être résolues afin d’établir une attitude
consensuelle, et l’avenir est actuellement entre les mains de la génomique. Afin de permettre à la recherche translationnelle d’être la plus
optimale, le projet soumis à réflexion d’une base de données clinicoradio-biologique mérite d’être étudié avec grand intérêt.
244
LES NÉOPLASIES LOBULAIRES
:
LESQUELLES OPÉRER ?
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245
Quelles indications aux analogues
de la GnRH en situation non
métastatique ?
C. MATHELIN 1 *, J. OHL 2, C.Y. AKLADIOS 1
(Strasbourg, Schiltigheim)
Résumé
Le cancer du sein est dans 70 à 80 % des cas un cancer hormonodépendant. En
situation adjuvante, le tamoxifène constitue l’hormonothérapie de référence pour les
patientes non ménopausées présentant une tumeur hormonosensible. La suppression
ovarienne par les analogues de la GnRH (Gonadotrophin Releasing Hormone) est
indiquée en cas de contre-indications au tamoxifène. En l’absence d’antécédents
thromboemboliques et de pathologies gynécologiques, la place des analogues de la GnRH
(a-GnRH) reste mal définie. Des essais sont en cours pour définir leur intérêt,
notamment après chimiothérapie chez les femmes de moins de 40 ans et en association
avec des inhibiteurs de l’aromatase. Par ailleurs, de nombreux essais cliniques ont tenté
d’évaluer l’impact des a-GnRH utilisés au cours des chimiothérapies adjuvantes ou
1 - CHRU - Hôpitaux universitaires de Strasbourg - Hôpital de Hautepierre - Pôle de
gynécologie-obstétrique - Avenue Molière - 67200 Strasbourg cedex
2 - CHRU - Centre médico-chirurgical et obstétrical - Pôle de gynécologie-obstétrique Service de gynécologie SIHCUS - 19 rue Louis Pasteur - BP 4120 67303 Schiltigheim cedex
* Correspondance : [email protected]
247
MATHELIN
&
COLL.
néoadjuvantes sur la fonction ovarienne et la fertilité. Les méta-analyses récentes
semblent montrer leur efficacité sur la récupération des cycles menstruels, leur impact sur
la survenue d’une grossesse étant plus contradictoire. Des doutes subsistant dans cette
indication sur l’innocuité carcinologique des a-GnRH, leur prescription ne doit pas être
encouragée en dehors d’essais cliniques.
Mots clés : analogues de la GnRH, cancer du sein, castration, fertilité, hormonothérapie
Déclaration publique d’intérêt
Je soussignée, Mathelin Carole, déclare ne pas avoir d’intérêt
direct ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé,
industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
En France, on observe annuellement 53 000 nouveaux cas de
cancers mammaires, dont un quart concerne des femmes non ménopausées. Actuellement, les tumeurs mammaires sont classées en
différents sous-types : luminal A, luminal B avec ou sans surexpression
ou amplification d’HER2, HER2 positives, basal-like, et variétés
morphologiques particulières (Tableau 1) [1]. De nombreux sous-types
nécessitent une hormonothérapie qui peut être la seule thérapeutique
adjuvante nécessaire (c’est le cas pour la plupart des tumeurs de type
luminal A ou de variété cribriforme, mucineuse ou tubuleuse) ou
associée à la chimiothérapie et/du trastuzumab (c’est le cas pour les
tumeurs de type luminal B ou HER-2 positive).
Chez les femmes non ménopausées, l’hormonothérapie de
première intention, prescrite pour les tumeurs hormonosensibles, est le
tamoxifène. Vingt essais cliniques ayant comparé 5 années de
248
QUELLES INDICATIONS AUX ANALOGUES DE LA GNRH EN SITUATION NON MÉTASTATIQUE
?
Tableau 1 - Définitions des sous-types de cancers mammaires selon la conférence
de consensus de Saint-Gallen
tamoxifène à la prise d’un placebo ont été menés ces trois dernières
décennies. Ils ont été colligés par l’Early Breast Cancer Trialists’
Collaborative Group (EBCTCG) qui a montré, après 15 ans de suivi, une
diminution du risque de récidive de 50 % et une réduction d’environ
30 % du taux de mortalité annuelle pour les patientes ayant pris 5 ans
de tamoxifène [2]. En 2011, l’EBCTCG a mis à jour cette méta-analyse
portant sur 21 457 patientes [3]. La réduction de mortalité se confirme
largement au-delà de 10 ans.
En revanche, la place de la suppression ovarienne par analogues
de la Gonadotrophin Releasing Hormone (a-GnRH) n’est pas clairement établie chez les patientes non ménopausées n’ayant pas de contreindications au tamoxifène. Ainsi, des essais ont été menés pour évaluer
l’intérêt de la suppression ovarienne seule ou en association au
tamoxifène ou aux inhibiteurs de l’aromatase ou bien encore à divers
types de chimiothérapie. Néanmoins, plusieurs d’entre eux ont inclus
des patientes dont les tumeurs n’avaient pas de récepteurs hormonaux
ou les dosages des récepteurs n’étaient pas réalisés [4]. Or la suppression ovarienne n’a d’intérêt qu’en cas de tumeurs hormonosensibles.
Ceci entraîne donc un biais majeur dans l’interprétation des résultats.
249
MATHELIN
&
COLL.
Par ailleurs, certaines études n’ont pas distingué les types de suppression ovarienne (par a-GnRH, chirurgie ou radiothérapie), ce qui
entraîne également des biais d’interprétation.
Ainsi, les résultats disponibles sont contradictoires et certains
essais ne sont pas encore évalués. Il est cependant admis qu’en cas
d’antécédents thromboemboliques ou de pathologies endométriales, les
a-GnRH constituent une alternative au tamoxifène. Par ailleurs, leur
prescription pour corriger certains effets indésirables liés au tamoxifène
est également validée. En effet, le tamoxifène se comporte comme un
inducteur de l’ovulation, pouvant conduire à une augmentation parfois
considérable des estrogènes circulants et aboutir à l’apparition de
kystes ovariens fonctionnels, pouvant être traités par l’adjonction d’aGnRH.
La chimiothérapie est quant à elle indiquée chez les femmes
préménopausées ayant une tumeur de type luminal B, HER2 positive,
basal-like ou certaines variétés histologiques particulières (apocrine,
métaplasique, médullaire atypique). L’insuffisance ovarienne induite
par la chimiothérapie peut provoquer une infertilité. De nombreux
essais cliniques ont tenté d’évaluer l’impact des a-GnRH utilisés en
cours de chimiothérapie sur la fonction ovarienne et la fertilité. Les
essais publiés sont contradictoires et des doutes subsistent dans cette
indication sur l’efficacité des a-GnRH et leur innocuité carcinologique.
Les buts de l’exposé sont donc de définir la place des a-GnRH
dans l’arsenal de l’hormonothérapie en situation adjuvante chez la
femme préménopausée et de faire un état des lieux des essais ayant
utilisé les a-GnRH en vue de maintenir la fertilité des jeunes femmes
atteintes d’un cancer du sein.
I. LE CHOIX DES A-GNRH COMME HORMONOTHÉRAPIE
CHEZ LA FEMME NON MÉNOPAUSÉE
Il existe trois méthodes de suppression ovarienne. Les castrations
définitives (par chirurgie ou radiothérapie) permettent une suppression
ovarienne complète et définitive. Elles entraînent des effets indésirables
nombreux, liés à la carence estrogénique : ostéopénie ou ostéoporose,
prise de poids, bouffées vasomotrices, troubles de l’humeur et du
sommeil, diminution de la libido… De ce fait, leurs indications ont très
nettement régressé au profit de la castration hormonale, utilisant les
a-GnRH (triptoréline, Décapeptyl®, goséréline, Zoladex®, leuproréline,
250
QUELLES INDICATIONS AUX ANALOGUES DE LA GNRH EN SITUATION NON MÉTASTATIQUE
?
Enantone®), qui ont l’avantage « théorique » d’être réversibles. L’administration d’a-GnRH aboutit, après un court moment de stimulation, à
une freination des sécrétions des gonadotrophines, dont la conséquence
est une diminution très importante de la sécrétion ovarienne des estrogènes et de la progestérone. Cependant, contrairement au tamoxifène
dont la durée de prescription est établie (5 ans), la durée optimale de
la suppression ovarienne par a-GnRH n’est pas connue. Ces derniers
sont généralement prescrits pour 2 à 3 ans puis sont interrompus pour
permettre une reprise de l’activité ovarienne. Ceci mérite toutefois
d’être nuancé. En effet, la reprise des cycles ovariens est très variable,
allant de 60 % à 90 % selon les séries publiées [5-8], les taux de
réversibilité de l’aménorrhée variant notamment en fonction de la
durée du traitement et de l’âge des patientes. Par ailleurs, les a-GnRH
ne permettent pas toujours une suppression ovarienne complète, avec
persistance d’une activité ovarienne ayant même abouti dans de rares
cas à des grossesses inopinées [9, 10].
I.1. Suppression ovarienne seule en cas de tumeur
hormonosensible
L’EBCTCG [2] a analysé les essais portant sur la suppression
ovarienne (chirurgicale, radiothérapique ou par a-GnRH) ayant inclus
8 000 patientes avec une tumeur hormonosensible ou de status
hormonal inconnu. Il a ainsi pu être démontré un bénéfice de la
suppression ovarienne sur les taux de récidive et de mortalité par
cancer. Ces effets ont été plus modestes chez les patientes traitées par
chimiothérapie. Ceci s’explique probablement par l’aménorrhée
induite par la chimiothérapie, atténuant l’effet de la suppression
ovarienne induite par les a-GnRH.
I.2. Suppression ovarienne associée à une chimiothérapie
Dans l’étude Intergroup 0101, ayant inclus des patientes
préménopausées traitées pour une tumeur hormonosensible avec
atteinte ganglionnaire (N+), l’association d’a-GnRH (goséréline) à la
chimiothérapie avec anthracyclines a permis d’améliorer la survie sans
récidive des patientes de moins de 40 ans par comparaison à celles de
plus de 40 ans [11].
De la même manière, l’International Breast Cancer Study Group
(IBCSG) trial VIII a randomisé des patientes préménopausées ayant
251
MATHELIN
&
COLL.
une tumeur hormonosensible sans atteinte ganglionnaire (N0) en
3 groupes : chimiothérapie par cyclophosphamide/méthotrexate/
5-fluoro-uracile (CMF), goséréline pendant 2 ans, ou CMF suivi de
goséréline pendant 18 mois [8]. Là encore, l’administration d’a-GnRH
a eu un impact sur la survie sans récidive à 5 ans, ce bénéfice étant
maximal chez les femmes de moins de 40 ans (hazard ratio de 0,34).
La méta-analyse de Cuzick [12] a colligé les essais comportant une
détermination des récepteurs hormonaux et l’utilisation d’a-GnRH
comme méthode de suppression ovarienne. Le suivi moyen a été de
6,8 ans. Un bénéfice en termes de diminution des récidives ou des
décès par cancer a été observé lorsque les a-GnRH avaient été utilisés
après la chimiothérapie (seuls ou en association avec du tamoxifène)
chez les femmes de moins de 40 ans. Dans ce groupe d’âge en effet, la
chimiothérapie entraîne moins d’aménorrhée, car les follicules ovariens
de la femme jeune sont moins sensibles aux agents cytotoxiques.
L’étude IBCSG 11-93 [13] a tenté d’évaluer l’impact d’une
chimiothérapie adjuvante chez des patientes non ménopausées traitées
par suppression ovarienne et tamoxifène durant cinq ans. Cette étude
devait inclure 760 patientes avec atteinte ganglionnaire mais a dû être
arrêtée après l’inclusion de 174 patientes par insuffisance de recrutement. Après dix ans de suivi, il n’a été observé aucun bénéfice à
l’administration de quatre cures de chimiothérapie de type
anthracycline et cyclophosphamide. Pour les experts réunis à NiceSaint-Paul-de-Vence en 2011 [14], ces résultats manquent de puissance
pour exclure un bénéfice de la chimiothérapie chez des patientes non
ménopausées recevant un traitement hormonal optimal, mais la
question reste posée. L’essai PERCHE (Premenopausal Endocrine
Responsive CHEmotherapy, NCT00066807) qui abordait ce sujet a dû
être également fermé, faute d’inclusions.
I.3. Suppression ovarienne associée à d’autres hormonothérapies
L’étude ABCSG-12 (Austrian Breast and Colorectal Cancer Study
Group), réalisée par un groupe national autrichien, a inclus 1 803
patientes préménopausées atteintes d’une tumeur hormonosensible.
Elles ont été randomisées en 4 bras : goséréline (tous les 28 jours) avec
tamoxifène ou anastrozole avec ou sans acide zolédronique (4 mg en
intraveineux tous les 6 mois) pendant 3 ans. Après un suivi médian de
47,8 mois, les taux de survie sans récidive ont été respectivement de
92,8 % dans le groupe goséréline/tamoxifène et 92,0 % dans le groupe
goséréline/anastrozole (pas de différence significative). Ces taux ont été
252
QUELLES INDICATIONS AUX ANALOGUES DE LA GNRH EN SITUATION NON MÉTASTATIQUE
?
significativement différents dans les groupes traités par hormonothérapie seule ou associée à de l’acide zolédronique, respectivement de
90,8 % et 94,0 % (p = 0,01). Cette étude est donc intéressante à
plusieurs niveaux. D’une part elle a montré le bénéfice de l’acide
zolédronique en situation adjuvante. D’autre part, elle a confirmé que
l’abstention de chimiothérapie adjuvante chez des patientes
préménopausées atteintes d’une tumeur hormonosensible était envisageable et qu’un blocage hormonal complet seul pouvait aboutir à une
survie sans rechute supérieure à 90 % à cinq ans [15]. Les inhibiteurs
de l’aromatase associés aux a-GnRH n’apportaient pas de bénéfices
supplémentaires par rapport au tamoxifène, et même un résultat
inférieur chez les patientes en surpoids (indice de masse corporelle
supérieur à 25) avec une augmentation significative du risque de
rechute et de décès [16]. Dans cette étude, seulement un quart des
patientes étaient âgées de moins de 40 ans.
L’hormonothérapie des patientes non ménopausées a également
été évaluée dans l’étude ZIPP (Zoladex® In Premenopausal Patients)
(2 710 patientes) [17]. La réduction du risque de rechute apportée par
le tamoxifène ou la suppression ovarienne par a-GnRH était équivalente, alors que la prescription concomitante de ces deux
hormonothérapies n’était pas supérieure à l’administration d’une seule
de ces deux modalités.
I.4. Les essais en cours
Ainsi, même si le traitement de référence des femmes non ménopausées atteintes d’un cancer mammaire hormonosensible est le
tamoxifène prescrit pour une durée de 5 ans, des essais prospectifs ont
été conduits pour connaître l’éventuel impact de la suppression
ovarienne comparée au tamoxifène seul. L’essai randomisé prospectif
SOFT (Suppression of Ovarian Function Trial) compare la suppression
ovarienne associée à un inhibiteur de l’aromatase (exemestane), la
suppression ovarienne associée au tamoxifène et le tamoxifène seul
(Tableau 2). Plus de 3 000 femmes ont été randomisées dans cet essai,
les dernières inclusions s’étant terminées en janvier 2011.
L’essai randomisé prospectif TEXT (tamoxifène and EXemestane
Trial) compare la suppression ovarienne par un a-GnRH associé à un
inhibiteur de l’aromatase (exemestane) ou du tamoxifène pour 5 ans, la
chimiothérapie étant optionnelle (Tableau 2). Plus de 2 600 femmes ont
été randomisées dans cet essai, les dernières inclusions ont eu lieu en
mars 2011.
253
MATHELIN
&
COLL.
Les autres essais en cours sont résumés dans le tableau 2. Ces
nouvelles données permettront peut-être d’optimiser les indications
d’hormonothérapie chez les femmes non ménopausées ayant une
tumeur hormonosensible et notamment chez les plus jeunes d’entre
elles où les a-GnRH ont peut-être une place en complément du
tamoxifène.
Tableau 2 - Essais en cours portant sur l’impact de la suppression ovarienne
chez les femmes non ménopausées ayant un cancer du sein
254
QUELLES INDICATIONS AUX ANALOGUES DE LA GNRH EN SITUATION NON MÉTASTATIQUE
?
I.5. Les recommandations actuelles
En attendant les résultats des essais en cours, le groupe de travail
de Saint-Paul-de-Vence [14] a émis des recommandations en 2011 concernant
l’hormonothérapie. Ainsi, avant la ménopause, le tamoxifène reste le
traitement standard (cinq ans) pour les tumeurs hormonodépendantes
(niveau 1, grade A). Il n’existe pour le moment pas d’arguments pour
proposer un traitement par a-GnRH en complément du tamoxifène
après chimiothérapie (accord professionnel). La prescription d’un aGnRH est une option en cas de contre-indications à la prescription de
tamoxifène (niveau 1, grade A).
Les experts de l’American Society of Clinical Oncology [18] ont
également émis des recommandations concernant la suppression
ovarienne chez les patientes préménopausées ayant un cancer infiltrant
du sein hormonosensible. La suppression ovarienne ne doit pas être
systématiquement associée à la chimiothérapie, au tamoxifène, ou à
l’association des deux traitements. La suppression ovarienne seule ne
doit pas être une alternative aux traitements adjuvants en dehors des
cas d’intolérance à ces traitements ou de refus de ces derniers. Enfin,
selon l’avis du Breast Cancer Disease Site Group, si des a-GnRH sont
utilisés, c’est la forme injectable mensuelle qui doit être privilégiée, car
c’est celle qui est utilisée dans les essais cliniques. L’injection trimestrielle semble toutefois efficace.
Pour le panel d’experts réunis à Saint-Gallen en 2011, chez les
femmes non ménopausées ayant une tumeur hormonosensible, la prescription de tamoxifène seul ou associé à une suppression ovarienne est
possible, la préférence étant toutefois donnée au tamoxifène seul. En
cas de contre-indications au tamoxifène, la suppression ovarienne seule
ou associée aux inhibiteurs de l’aromatase est envisageable [1].
II. L’INTÉRÊT DES A-GNRH DANS LA PRÉVENTION DES
SÉQUELLES OVARIENNES CHIMIO-INDUITES
L’administration d’a-GnRH mettant l’ovaire au repos, ce dernier
devient en théorie moins vulnérable à l’action des cytotoxiques. En
1985, Ataya et al. [19] ont testé cette hypothèse sur des rats traités par
cyclophosphamide. Ils ont ainsi pu montrer que l’utilisation d’a-GnRH
dans ce modèle animal préservait les petits follicules ovariens au cours
de la chimiothérapie. Ce modèle animal ayant été critiqué en raison de
255
MATHELIN
&
COLL.
la voie d’administration intrapéritonéale des cytotoxiques, la même
équipe [20] a utilisé des singes rhésus et montré l’effet protecteur sur le
capital folliculaire de l’utilisation des a-GnRH au cours d’une
chimiothérapie intraveineuse. En clinique humaine, Blumenfeld et al.
[21-25] ont testé à plusieurs reprises les a-GnRH dans la prévention de
la toxicité ovarienne chimio-induite, chez des patientes atteintes
d’hémopathies malignes ou de maladies auto-immunes sévères. Les
patientes ont été comparées à des témoins, traités par la même
chimiothérapie sans administration d’a-GnRH. Pour les groupes sous
a-GnRH, il a été observé en moyenne plus de 90 % de récupération
ovarienne, alors que cette dernière n’a eu lieu que chez la moitié des
contrôles. Cet effet protecteur des a-GnRH sur la fonction ovarienne
n’a en revanche pas été retrouvé par le groupe de Waxman [26] dans
une petite étude randomisée portant sur 18 patientes traitées pour une
maladie de Hodgkin.
L’innocuité carcinologique des a-GnRH, utilisés lors d’une chimiothérapie afin d’en diminuer la toxicité ovarienne, est controversée dans
le cas de cancers du sein hormonosensibles. Il y a donc moins de
travaux concernant cette question publiée en cancérologie mammaire.
En 2002, Recchia et al. [27] ont mené une étude pilote de phase II
incluant 64 patientes non ménopausées (moyenne d’âge de 42 ans),
atteintes d’un cancer du sein et recevant différents protocoles de
chimiothérapie associés à des a-GnRH. L’étude ne comprenait pas de
groupe contrôle. Après un suivi de 55 mois, 86 % des patientes avaient
conservé des cycles menstruels et une patiente avait donné naissance à
un enfant en bonne santé. En 2006, la même équipe [28] a publié les
résultats d’une étude rétrospective comportant 100 patientes traitées de
la même manière avec une moyenne d’âge de 43 ans. Après une
médiane de suivi de 75 mois, 100 % des patientes de moins de 40 ans
et 56 % des patientes de plus de 40 ans avaient des cycles menstruels.
Trois grossesses ont été rapportées.
La même année, Del Mastro et al. [29] ont rapporté les résultats
d’une étude de phase II visant à estimer l’impact ovarien des a-GnRH
chez 29 patientes atteintes de cancer du sein et traitées par chimiothérapie adjuvante. À l’issue de la chimiothérapie, les règles étaient
présentes chez 16 des 17 patientes de moins de 40 ans (94 %) et chez
5 des 12 patientes de plus de 40 ans (42 %).
L’étude de Fox et al. [30] a concerné 24 patientes traitées par
a-GnRH au cours de leur chimiothérapie pour cancer du sein. Six
grossesses ont été rapportées chez cinq patientes, dont trois ont nécessité
l’utilisation de techniques d’assistance à la procréation. Trois patientes
n’ont pu obtenir de grossesse malgré un traitement de l’infertilité.
256
QUELLES INDICATIONS AUX ANALOGUES DE LA GNRH EN SITUATION NON MÉTASTATIQUE
?
Tous ces travaux ont été critiqués en raison de plusieurs biais
méthodologiques, notamment l’absence de groupe contrôle pour
certaines études, leur caractère parfois rétrospectif, l’absence de
randomisation pour d’autres études, ou encore l’utilisation de doses
supérieures d’agents alkylants (plus ovariotoxiques) dans certains
groupes contrôles [31].
De ce fait, les essais cliniques prospectifs randomisés ont été
encouragés. La première étude prospective randomisée publiée en
2008 par Ismail-Khan et al. [32] a inclus 49 patientes dont 44 ont été
suivies pendant 6 mois, 42 pendant 12 mois, et 34 pendant 18 mois.
Dans le groupe ayant reçu des a-GnRH, le retour des règles est
survenu chez 83 % des patientes à 12 mois (versus 79 % pour les
contrôles) et 88 % à 18 mois (versus 84 % pour les contrôles). Deux
grossesses spontanées ont été rapportées dans le groupe contrôle. Ces
différences n’étant pas significatives, l’étude a été interrompue.
En 2009, l’essai ZIPP a montré qu’un an après la fin de la
chimiothérapie et du traitement hormonal, 36 % des patientes du
groupe goséréline avaient des règles, comparativement à 7 % pour le
groupe goséréline et tamoxifène, 13 % pour le groupe tamoxifène et
10 % pour le groupe contrôle. Dans cette étude, l’effet protecteur des
a-GnRH sur la fonction ovarienne a pu être démontré chez les femmes
traitées par CMF. Cet effet n’a cependant pas été retrouvé lorsque les
a-GnRH étaient associés au tamoxifène [33].
L’étude contrôlée randomisée de Badawy et al. [34] a permis
l’inclusion de 78 patientes traitées par chimiothérapie pour un cancer
du sein, la moitié d’entre elles recevant un traitement par a-GnRH.
Dans le groupe a-GnRH, 89,6 % des patientes ont eu des règles et
69,2 % des ovulations spontanées dans les 3 à 8 mois après la fin du
traitement. Dans le groupe contrôle, seules 33,3 % des patientes avaient
des cycles menstruels et 25,6 % une fonction ovarienne normale.
En 2011, Del Mastro et al. [35] a publié les résultats de l’étude
italienne multicentrique randomisée de phase III PROMISE-GIM6
(Prevention of menopause induced by chemotherapy: a study in early
breast cancer patients - Gruppo Italiano Mammella 6). Cet essai a
inclus 281 patientes non ménopausées traitées pour une tumeur
mammaire par chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante avec ou sans
triptoréline. Un an après le dernier cycle de chimiothérapie, les taux
de ménopause précoce ont été de 25,9 % dans le bras chimiothérapie
seule et 8,9 % dans le bras chimiothérapie et triptoréline, cette
différence étant significative.
L’étude prospective randomisée multicentrique (German Breast
Group 37 ZORO study) [36] a inclus 60 patientes non ménopausées de
257
MATHELIN
&
COLL.
moins de 46 ans traitées pour une tumeur mammaire non hormonosensible par chimiothérapie néoadjuvante (anthracycline/cyclophosphamide avec ou sans taxane) avec ou sans goséréline. Cinquante-trois
patientes (88,3 %) ont eu une aménorrhée temporaire (93,3 % avec
goséréline et 83,3 % sans goséréline). Six mois après la chimiothérapie,
les règles sont réapparues chez 56,7 % des patientes du groupe contrôle
et chez 70 % des patientes du groupe goséréline (p = 0,284). Les règles
sont survenues après un délai moyen de 6,8 mois dans le groupe
goséréline versus 6,1 mois dans le groupe contrôle (p = 0,304).
Très récemment en 2012, Munster et al. [37] ont publié une étude
comparable devant inclure 124 patientes, mais arrêtée après l’inclusion
de 49 patientes (âge moyen 39 ans ; extrêmes 21 à 43 ans). Quarantetrois patientes ont été finalement analysées. Les patientes n’étaient pas
ménopausées et traitées pour une tumeur mammaire par chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante (4 cures d’anthracycline/
cyclophosphamide/paclitaxel ou 6-fluoro-uracile/épirubicine/
cyclophosphamide) avec ou sans triptoréline. En plus de l’analyse des
cycles menstruels, des dosages de FSH (follicle-stimulating hormone) et
d’inhibine A et B ont été réalisés. Les règles sont réapparues chez
19 (90 %) des 21 patientes du groupe contrôle et chez 23 (88 %) des
26 patientes du groupe triptoréline (p = 0,36) après un délai moyen de
5,8 mois (1 à 19 mois) dans le groupe triptoréline versus 5,0 mois (0 à
28 mois) dans le groupe contrôle (p = 0,58). Deux patientes de 28 et
35 ans du groupe contrôle ont eu une naissance à terme. Les dosages
de FSH et d’inhibine B ont été corrélés aux cycles menstruels. La
puissance de cet essai a été fortement critiquée du fait du petit nombre
d’inclusions notamment [38].
Les résultats des essais cliniques sont donc contradictoires. Deux
méta-analyses récentes ont toutefois montré que les a-GnRH avaient
un impact favorable sur la récupération des cycles ovariens après
chimiothérapie [39, 40] avec en effet favorable sur les taux de grossesses
pour Clowse [39].
D’autres essais cliniques randomisés sont encore en cours. Par
ailleurs, il n’existe pas de preuves concernant l’innocuité carcinologique des a-GnRH prescrits au cours d’une chimiothérapie pour
favoriser le maintien de cycles ovariens, notamment lorsque la tumeur
est hormonosensible [41]. En effet l’aménorrhée induite par la
chimiothérapie a peut-être dans certains cas une utilité thérapeutique.
258
QUELLES INDICATIONS AUX ANALOGUES DE LA GNRH EN SITUATION NON MÉTASTATIQUE
?
CONCLUSION
Dans l’attente des résultats des études en cours, il ne faut pas
encourager l’utilisation « non contrôlée » des a-GnRH comme
hormonothérapie adjuvante (en dehors des contre-indications au
tamoxifène), ni comme moyen de préserver la fertilité après
chimiothérapie notamment chez les patientes ayant une tumeur
hormonodépendante mais favoriser les inclusions dans les essais
cliniques contrôlés.
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261
Place des thérapies
antiangiogéniques
dans le cancer du sein
I. DESMOULINS *, S. G UIU, B. COUDERT, P. F UMOLEAU
(Dijon)
Résumé
L’angiogenèse joue un rôle essentiel dans le développement des cancers du sein, à la fois
dans l’invasion locale et dans le processus métastatique. Le VEGF (vascular endothelial
growth factor) est l’un des promoteurs les plus puissants de l’angiogenèse. Sa surexpression
a été observée dans de nombreux cancers du sein, particulièrement les cancers du sein
inflammatoires et est associée à un pronostic plus défavorable comparativement aux tumeurs
ne présentant pas de surexpression. La plupart de ses fonctions sont médiées par le récepteur
du VEGFR-2. De nombreux agents bloquant la voie de signalisation du VEGF ont été
développés dans les cancers du sein à différents stades. Actuellement seul le bévacizumab a
démontré son impact en association avec le paclitaxel sur la survie sans rechute des patients
traités en première ligne métastatique des cancers du sein. Les inhibiteurs de tyrosine kinase
que sont notamment le sunitinib et le sorafénib n’ont pas confirmé en phase III les données
prometteuses des résultats des études plus précoces. Les données actuelles de combinaison soit
à la chimiothérapie, soit à d’autres thérapies ciblées (hormonothérapie ou trastuzumab)
Centre Georges-François Leclerc - Département d’oncologie médicale - 1 rue du Pr Marion 21000 Dijon
* Correspondance : [email protected]
263
DESMOULINS
&
COLL.
montrent des résultats satisfaisants en termes de survie sans progression ou en termes de
réponse histologique en situation néoadjuvante. Il est nécessaire par ailleurs de développer de
nouveaux paramètres pour prédire et évaluer l’efficacité des traitements antiangiogéniques
(cellules endothéliales circulantes, taux de VEGF-A, imagerie fonctionnelle).
Mots clés : VEGF, VEGFR, cancer du sein, bévacizumab
Déclaration publique d’intérêt
Je soussignée, Isabelle Desmoulins, déclare ne pas avoir d’intérêt
direct ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé,
industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté.
Le traitement habituel des cancers du sein inclut, hormis la chirurgie,
une hormonothérapie et/ou une chimiothérapie. Que ce soit en phase
précoce ou en phase métastatique, de nouvelles perspectives apparaissent
depuis le développement de molécules ciblées sur le processus de
progression tumorale et notamment sur l’angiogenèse tumorale. Des
agents antiangiogéniques ont montré des résultats encourageants dans les
essais cliniques, en particulier le bévacizumab anticorps monoclonal
humanisé ciblant le VEGF ou VEGF-A (vascular endothelial growth factor)
ou des inhibiteurs de tyrosine kinase agissant contre la tyrosine kinase des
récepteurs du VEGF ou de PDGF (platelet-derived growth factor).
I. MÉCANISMES GÉNÉRAUX DE L’ANGIOGENÈSE
I.1. Angiogenèse et cancer du sein
L’angiogenèse, le processus aboutissant à la formation de nouveaux
vaisseaux, joue un rôle central à la fois dans la croissance de la tumeur
264
PLACE DES THÉRAPIES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN
primitive mammaire et dans le développement des métastases [1]. Des
données précliniques suggèrent qu’elle joue un rôle essentiel dans le
développement du cancer du sein, l’invasion et les métastases. Retrouvée
dans des modèles murins, au niveau de papillomes mammaires [2] et de
lobules normaux adjacents aux tissus cancéreux mammaires [3], ce
phénomène précède la transformation de l’hyperplasie vers la malignité.
La transfection de cellules tumorales avec des peptides stimulant
l’angiogenèse augmente la croissance tumorale, l’invasion et les
métastases. A contrario, la transfection des cellules tumorales avec des
inhibiteurs de l’angiogenèse diminue ces mêmes paramètres [4].
I.2. Rôle des métalloprotéinases
Les métalloprotéinases de la matrice (MMP) sont des enzymes qui
dégradent les membranes basales et la matrice extracellulaire. Leur
action est contrebalancée par des inhibiteurs endogènes (TIMP)
inhibiteurs tissulaires des métalloprotéinases. Dans des conditions
physiologiques normales, il existe un équilibre entre MMP et TIMP.
Cet équilibre est rompu lors de l’induction d’une angiogenèse active.
L’expression de MMP augmente lors de la progression du phénotype
bénin vers le pré-invasif (in situ), l’invasif et les métastases, et est de plus
associée au grade histologique. Les micrométastases demeurent
quiescentes jusqu’au moment où elles subissent un switch angiogénique,
résultant vraisemblablement d’une mutation additionnelle. Ce switch
angiogénique est souvent associé à une augmentation de l’expression
des MMP [4].
I.3. Hypoxie, VEGF et angiogenèse
L’hypoxie est un facteur clé de l’induction de l’angiogenèse. Les
hypoxia-inducible factors (HIF1 et HIF2) sont des facteurs de transcription
comportant deux sous-unités a et b. La sous-unité b est exprimée de façon
constitutive alors que la sous-unité est protégée quant à sa dégradation
seulement lors de conditions hypoxiques [5, 6]. L’expression de HIF1a
augmente lors du passage du tissu mammaire normal à l’hyperplasie
canalaire, au carcinome canalaire, au carcinome canalaire invasif. Elle est
plus élevée dans les carcinomes mammaires peu différenciés que dans les
tumeurs bien différenciées. De plus, elle est associée à une augmentation
de la prolifération et du taux de vascular endothelial growth factor (VEGF).
Le VEGF-A, sécrété par les cellules tumorales et le stroma, se lie à des
265
DESMOULINS
&
COLL.
récepteurs transmembranaires endothéliaux de type tyrosine kinase
(VEGR1 et 2) induisant l’activité mitotique, liée au VEGF-A [7]. Il est
actuellement décrit au moins six familles de récepteurs tyrosine kinase,
qui se différencient par leur ligand et leur structure chimique mais qui
possèdent des caractéristiques communes, et sept récepteurs « orphelins »
[8]. Chaque récepteur comporte :
– un domaine extracellulaire, site de fixation du ligand (partie Nterminale de la molécule) ;
– un domaine intracellulaire, site d’ancrage dans la membrane
cytoplasmique ;
– un domaine intracellulaire riche en résidu tyrosine, possédant
une activité tyrosine kinase.
Les récepteurs de la classe VI concernent essentiellement les cellules
endothéliales et l’angiogenèse. L’expression de l’anhydrase carbonique
IX, une enzyme dépendante de HIF1a et intervenant dans la régulation
du pH, est associée à une survie sans rechute et à une survie globale
diminuée chez les patientes suivies pour un cancer du sein invasif [9, 10].
II. RÉSULTATS THÉRAPEUTIQUES DES ANTICORPS
MONOCLONAUX
Les anticorps monoclonaux peuvent être dirigés contre des ligands
ou des récepteurs de type tyrosine kinase spécifiques des cellules
endothéliales ou des péricytes. C’est particulièrement le cas du vascular
epithelial growth factor (VEGF) et de son récepteur VEGFR. L’anticorps
anti-VEGF le plus connu est le bévacizumab (Avastin®) (93 % humain,
7 % murin) qui reconnaît tous les isoformes du VEGF (Kd = 8 x 10-10 M,
demi-vie 17-21 jours). Les résultats de plusieurs études sont disponibles
en situation métastatique et néoadjuvante.
II.1. Bévacizumab dans les cancers du sein métastatiques
II.1.a. Étude de phases I/II bévacizumab en monothérapie [11]
Une étude de phases I/II a testé l’escalade de dose de bévacizumab
en monothérapie tous les 15 jours. Cet essai a inclus 75 patientes
comparant bévacizumab aux doses de 3 mg/kg (n = 18) versus 10 mg/kg
(n = 41) versus 20 mg/kg (n = 21) jusqu’à progression. Les objectifs
principaux étaient la tolérance et le taux de réponses (Tableau 1).
266
PLACE DES THÉRAPIES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN
Tableau 1 - Réponses et toxicité du bévacizumab en phases I/II
Réponse et survie
3 mg/kg
10 mg/kg
20 mg/kg
RC (n, %)
0
1 (2,4)
0
RP (n, %)
1 (5,6)
4 (9,8)
1 (6,3)
RC-RP-stabilisation à 22 semaines (n, %)
2 (11)
7 (17)
3 (19)
3,1
5,5
8
Durée de réponse (mois)
Survie médiane (mois)
14
12,8
7,6
Événements
3 mg/kg
10 mg/kg
20 mg/kg
HTA (n, %)
4 (22)
7 (17)
3 (19)
Protéinurie (n, %)
1 (6)
1 (2)
1 (6)
Thrombose (n, %)
0
2 (5)
0
Saignement (n, %)
0
0
0
IC/cardiomyopathie (n, %)
0
1 (2)
1 (6)
Céphalée (n, %)
0
0
3 (19)
RC = réponse complète ; RP = réponse partielle ; IC = insuffisance cardiaque
Cette étude a ainsi montré une certaine activité du bévacizumab
dans le traitement du cancer du sein avec un profil de tolérance correct.
II.1.b. Étude de phase II bévacizumab et vinorelbine en 2e ou 3e ligne
de traitement [12]
Dans cette étude de phase II, la vinorelbine était administrée de façon
hebdomadaire à la dose de 25 mg/m2 et le bévacizumab tous les 15 jours
à la dose de 10 mg/kg. À partir de 54 patientes évaluables, le taux de
réponses est de 31 % avec persistance des réponses au-delà de 1 an.
II.1.c. Étude de phase II bévacizumab + docétaxel en métastatique
1re ou 2e ligne [13]
Dans cette étude de phase II, le docétaxel était administré de
façon hebdomadaire à la dose de 35 mg/m2, 3 semaines sur 4, et le
bévacizumab tous les 15 jours à la dose de 10 mg/kg. À partir de
25 patientes évaluables, le taux de réponses est de 52 %, le temps
médian jusqu’à progression atteint 7,5 mois (95 % CI = 6,2-8,3) avec
une durée médiane de réponses de 6 mois (95 % CI = 4,6-6,5).
II.1.d. Étude de phase II bévacizumab + docétaxel + capécitabine en
1re ligne métastatique [14]
Quarante-cinq patientes évaluables ont été incluses dans cette étude
de phase II évaluant l’association bévacizumab (15 mg/kg), docétaxel
267
DESMOULINS
&
COLL.
(75 mg/m2) et capécitabine (1 750 g/m2/jour 14 jours) toutes les 3 semaines.
Étaient évaluées l’efficacité ainsi que la tolérance (Tableaux 2 et 3).
Tableau 2 - Résultats de la phase II bévacizumab + taxotère + capécitabine
Critère
N (IC 95 %)
53 % (38-68 %)
Réponse
Survie sans progression (mois)
8,4
Taux de survie sans progression à 6 mois
74 % (61-90)
Taux de survie globale à 6 mois
95 % (88-100)
Tableau 3 - Toxicités de l’association bévacizumab + taxotère + capécitabine
Toxicité grades 3/4
%
HTA (n, %)
2
Protéinurie (n, %)
0
Thrombose (n, %)
0
Saignement (n, %)
0
Diarrhée (n, %)
18
Syndrome main-pied (n, %)
27
Nausée (n, %)
13
Asthénie
20
II.1.e. Étude de phase II bévacizumab + trastuzumab, en 1re ligne
métastatique chez des patientes HER-2 positif [15]
L’hyperexpression de HER-2 est associée à une induction du VEGF
et il existe une forte corrélation entre HER-2/VEGF et le devenir d’un
cancer du sein. Dans des modèles précliniques de xénogreffes, il existe par
ailleurs une efficacité supérieure du trastuzumab lorsque celui-ci est associé
au bévacizumab. Une étude de phase I n’avait pas révélé d’interaction
pharmacocinétique entre les 2 agents, et la dose recommandée était de
10 mg/kg toutes les 2 semaines associée au schéma hebdomadaire classique
du trastuzumab. Dans cette étude de phase II ayant inclus 28 patientes
évaluables, le taux de réponses est de 46 %. Les toxicités de grade 3/4 sont
les suivantes chez 30 patientes : dyspnée (n = 1) ; altération de la fonction
ventriculaire gauche (n = 1) ; hypertension (n = 5), protéinurie (n = 1).
II.1.f. Étude de phase II bévacizumab, trastuzumab, capécitabine en
1re ligne métastatique [16]
Les patientes recevaient du bévacizumab : 15 mg/kg/3 semaines,
du trastuzumab : 8 puis 6 mg/kg/3 semaines et de la capécitabine :
268
PLACE DES THÉRAPIES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN
1 000 mg/m2 2 fois par jour 14 jours toutes les 3 semaines. Quatrevingt-huit patientes ont été incluses dont 46 sont encore sous traitement
avec un suivi médian de 8,8 mois (0,9-17,1 mois). Le taux de réponses
global était de 73 % dont 7 % de réponses complètes. La survie sans
progression médiane était de 14,4 mois. Le traitement était bien
supporté avec 22 % de syndrome main-pied de grade 3, 9 % de
diarrhées grade 3 et 7 % d’hypertension de grade 3. Au total, 44 % des
patientes ont une toxicité de grade 3. Treize ont arrêté définitivement
le traitement. Une insuffisance cardiaque a été rencontrée chez 2 patientes.
II.1.g. Étude de phase III bévacizumab + capécitabine versus
capécitabine, en 2e et 3e lignes métastatiques [17]
Cette étude de phase III randomisée a inclus 462 patientes et
comparé l’association bévacizumab à la dose de 15 mg/kg toutes les
3 semaines plus capécitabine (n = 232) versus capécitabine seule (n =
230) jusqu’à progression. L’objectif principal était la survie sans
progression, les objectifs secondaires le taux de réponses, la durée de
la réponse et la survie globale (Tableaux 4 et 5).
Tableau 4 - Résultats bévacizumab et capécitabine en 2e et 3e lignes métastatiques
Critère
Réponse (%)
Investigateurs
Revue
indépendante
Capécitabine
+ bévacizumab
Capécitabine
30,2
19,1
19,8
9,1
Survie sans progression (mois)
4,86
4,17
Survie médiane (mois)
15,1
14,5
Tableau 5 - Toxicités du bévacizumab en 2e et 3e lignes métastatiques
Toxicité grades 3/4
Capécitabine + bévacizumab
Capécitabine
HTA (n, %)
17,9
0,5
Protéinurie (n, %)
0,9
0
Thrombose (n, %)
5,6
3,7
Saignement (n, %)
0,4
0,5
IC/cardiomyopathie (n, %)
3
1
Syndrome main-pied (n, %)
27,5
24,2
Nausée (n, %)
2,6
1,9
269
DESMOULINS
&
COLL.
Il existe une augmentation significative du taux de réponses mais
aucune différence significative quant à la survie sans rechute (objectif
principal) et la survie globale entre les deux groupes.
II.1.h. Étude de phase III bévacizumab + paclitaxel hebdomadaire
versus paclitaxel hebdomadaire en 1re ligne métastatique [18]
Cette étude de phase III randomisée a inclus 680 patientes et
comparé le bévacizumab à la dose de 10 mg/kg toutes les 2 semaines
plus paclitaxel hebdomadaire (n = 341) versus paclitaxel hebdomadaire
(n = 339) jusqu’à progression (Tableau 6).
Les données publiées montrent une augmentation significative du
taux de réponses et de la survie sans rechute. Il n’existe pas d’augmentation de la survie globale.
Tableau 6 - Résultats association bévacizumab et paclitaxel en 1re ligne métastatique
Critère
p
Bévacizumab
+ paclitaxel
Réponse (%)
< 0,0001
37,7
16
Survie sans progression (mois)
< 0,0001
11,4
6,11
0,12
28,4
26,2
Survie médiane (mois)
Paclitaxel
II.1.i. Étude de phase III bévacizumab + docétaxel versus docétaxel
hebdomadaire en métastatique 1re ligne : étude AVADO [19]
Cette étude de phase III a inclus 736 patientes et a comparé, en
première ligne métastatique de cancers du sein HER2 négatif, le
docétaxel seul associé ou non au bévacizumab à la dose de 7,5 mg/kg
et 15 mg/kg.
La combinaison du docétaxel au bévacizumab 15 mg/kg mais non
7,5 mg/kg a permis d’augmenter la survie sans progression (SSP)
(placebo mSSP, 8,2 mois, 7,5 mg/kg mSSP, 9,0 mois (hazard ratio
(HR) 0,86 = 0,12) ; 15 mg/kg mSSP, 10,1 mois (HR 0,77 ; p = 0,006)).
Les taux de réponses étaient également augmentés avec le bévacizumab
15 mg/kg (46 % bras placebo versus 55 % bras 7,5 mg/kg versus 64 %
bras 15 mg/kg). La survie globale n’était pas augmentée par l’adjonction du bévacizumab. L’addition du bévacizumab avait peu d’impact
sur la toxicité connue du docétaxel.
II.1.j. Phase III, RIBBON-1, du bévacizumab en 1re ligne
métastatique [23]
De façon plus récente, un autre essai de phase III, RIBBON-1,
évaluait l’effet de l’addition du bévacizumab à la chimiothérapie en
270
PLACE DES THÉRAPIES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN
première ligne métastatique chez des patients dont la tumeur ne
surexprimait pas HER2. Les patientes étaient randomisées 2:1
chimiothérapie + bévacizumab ou chimiothérapie + placebo. Le
bévacizumab était administré toutes les trois semaines jusqu’à
progression à la dose de 15 mg/kg. L’investigateur choisissait entre un
bras capécitabine (2 000 mg/m2 14 jours/21), un bras à base de taxanes
(taxotère 75 ou 100 mg/m2 ou nab-paclitaxel 260 mg/m2) ou un bras à
base d’anthracyclines (doxorubicine ou épirubicine combinées avec le
cyclophosphamide et le fluoro-uracile), la chimiothérapie étant
administrée toutes les trois semaines. Le choix de la cohorte de
chimiothérapie était laissé à l’investigateur.
L’objectif principal était la survie sans progression, les objectifs
secondaires la survie globale, le taux de réponses objectives et le taux
de survie à un an. Mille deux cent trente-sept patients ont été inclus
(615 dans la cohorte capécitabine, 622 dans la cohorte taxanes/
anthracyclines). Dans les deux cohortes analysées (cohorte chimiothérapie
à base de capécitabine ou cohorte anthracyclines/taxanes), la survie
sans progression était augmentée significativement (de 5,7 à 8,6 mois
dans le bras capécitabine, p < 0,001 ; de 8,0 à 9,2 mois dans le bras
taxanes/anthracyclines, p < 0001).
II.1.k. Trois méta-analyses du bévacizumab en 1re ligne métastatique
[20-22]
Ces trois méta-analyses ont confirmé les résultats des études
randomisées. L’adjonction du bévacizumab à la chimiothérapie de
première ligne des cancers du sein métastatiques permet d’augmenter
les taux de réponses, la survie sans progression mais sans bénéfice en
termes de survie globale.
II.1.l. Phase III, AVEREL, évaluant en 1re ligne métastatique des
cancers du sein HER2 positif, l’association bévacizumab, trastuzumab,
docétaxel [24]
Les patientes étaient randomisées entre docétaxel 100 mg/m2 +
trastuzumab (8 mg/kg en dose de charge puis 6 mg/kg) toutes les trois
semaines et docétaxel + trastuzumab aux mêmes doses + bévacizumab
à 15 mg/kg toutes les trois semaines. Le trastuzumab et le bévacizumab
étaient poursuivis jusqu’à progression ou toxicité. Le docétaxel était
également donné jusqu’à progression ou toxicité (au minimum
6 cycles). L’objectif principal était la survie sans progression, les
objectifs secondaires la survie globale, le taux de réponses, la durée de
réponse, la tolérance et la qualité de vie.
271
DESMOULINS
&
COLL.
La survie sans progression a été améliorée de 3 mois dans le bras
bévacizumab (13,9 versus 16,8 mois, HR = 0,72, p = 0,0162). Le taux
de réponses est passé de 65,9 % à 76,5 % (p = 0,0265). Les effets
secondaires de grade 3 ont été pour certains plus importants dans le
bras bévacizumab : hypertension (11,6 % versus 0,5 %), protéinurie (1,4 %
versus 0). En revanche, le taux de neutropénies de grade 3 a été plus
important dans le bras docétaxel + trastuzumab (25,7 % versus 20,5 %).
Dans cette étude, une analyse rétrospective de la survie sans
progression en fonction du taux de VEGF-A à baseline a été conduite,
la survie était plus longue si le taux de VEGF-A était élevé au début
du traitement suggérant un potentiel effet prédictif de ce marqueur.
Cette étude a donc permis de démontrer une amélioration de la
survie par l’adjonction du bévacizumab (objectif principal) en analyse
intermédiaire, il n’y a pas de différence entre les deux bras en termes
de survie globale.
II.1.m. Phase III RIBBON-2 en 2e ligne métastatique [25]
Plus récemment, l’étude de phase III, RIBBON-2, a comparé
l’association bévacizumab à une chimiothérapie de deuxième ligne
métastatique dans les cancers du sein métastatiques ne surexprimant
pas HER2. Les patientes étaient randomisées 2:1 entre chimiothérapie
+ bévacizumab et chimiothérapie + placebo. En fonction du choix de
la chimiothérapie par l’investigateur (capécitabine, taxanes, gemcitabine
ou vinorelbine), le bévacizumab ou le placebo étaient donnés soit
toutes les trois semaines à la dose de 15 mg/kg ou tous les quinze jours
à la dose de 10 mg/kg.
L’objectif principal était la survie sans progression. Les objectifs
secondaires étaient la survie globale, le taux de réponses objectives, la
durée de réponse objective, la survie à un an et la tolérance.
Six cent quatre-vingt-quatre patients ont été inclus (225 dans le bras
placebo, 459 dans le bras bévacizumab) ; le taux de réponses objectives
et la survie sans progression étaient améliorés significativement dans le
bras bévacizumab (39,5 % versus 29,6 %, p = 0,0193 et 7,2 mois versus
5,1 mois, p = 0,0072).
La tolérance du traitement a été marquée par plus de toxicités de
grade 3 dans le bras bévacizumab pour l’hypertension et la protéinurie.
Il n’y avait pas de différence significative en termes de survie
globale.
II.1.n. Tolérance du bévacizumab [26, 27]
L’étude ATHENA est une étude de phase IV menée chez 2 251 patientes qui a permis d’évaluer la tolérance et l’efficacité du bévacizumab
272
PLACE DES THÉRAPIES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN
chez des patientes recevant une chimiothérapie à base de taxanes et
ayant un cancer du sein HER2 négatif, en rechute local ou métastatique
et en première ligne.
L’objectif primaire était la tolérance, un des objectifs secondaires
était le temps jusqu’à progression. Le bévacizumab était poursuivi
jusqu’à progression ou toxicité.
Le temps moyen de suivi a été de 12,7 mois. Le bévacizumab était
administré toutes les deux semaines à 10 mg/kg ou toutes les trois
semaines à 15 mg/kg en fonction de la chimiothérapie associée
(paclitaxel, docétaxel ou combinaison de chimiothérapie avec taxane
mais aucun régime avec anthracyclines).
Les effets secondaires de grades 3/4 les plus fréquents reliés au
bévacizumab étaient l’hypertension (4 %), les thromboses artérielles ou
veineuses (3,2 %), la protéinurie (1,7 %) et les saignements (1,4 %).
Une analyse en sous-groupe a été réalisée chez 585 patientes
(26 %) porteuses de cancer du sein triple négatif. Dans cette population,
le taux de réponses était de 49 %, incluant 10 % de réponses complètes.
Le temps jusqu’à progression était de 7,2 mois et la médiane de survie
de 18,3 mois. Le taux de survie globale à un an était de 60 % ; les
toxicités étaient celles attendues. L’adjonction de bévacizumab à la
chimiothérapie dans ce sous-groupe de patientes de mauvais pronostic
permet d’obtenir une bonne réponse avec un profil de toxicité
acceptable faisant de ce régime de traitement un standard efficace.
II.2. Bévacizumab utilisé en néoadjuvant
II.2.a. Bévacizumab néoadjuvant dans les cancers du sein HER2
négatif
Plusieurs études de phase II avec le bévacizumab en association
avec la chimiothérapie, en traitement néoadjuvant des cancers du sein
HER2 négatifs ont été présentées ces dernières années. Ces études
pilotes ont montré des résultats encourageants : réponse clinique
globale comprise entre 68 et 89 %, réponse clinique complète comprise
entre 16 et 54 %, réponse pathologique complète comprise entre 15 et
42 %, chirurgie conservatrice possible dans 5 à 83 % des cas. Malgré
quelques complications postopératoires parfois citées (hématomes,
problèmes de cicatrisation), la tolérance générale a été bonne.
Cependant, les faibles effectifs de ces essais et leurs différences en
termes de méthodologie, de chimiothérapie utilisée et de profil tumoral
des patientes traitées, n’ont pas permis de fixer la place du bévacizumab
en situation néoadjuvante.
273
DESMOULINS
&
COLL.
Les premiers résultats des études de phase III étaient donc très
attendus…
L’étude GeparQuinto-HER2 négatif a comparé de manière
randomisée dans des cancers du sein HER2 négatif, opérables,
localement avancés ou inflammatoires, la chimiothérapie constituée de
4 cures d’EC90 (épirubicine-cyclophosphamide) suivies de 4 cures de
docétaxel associé ou non au bévacizumab [28]. Les taux de réponses
histologiques (14,9 % versus 18,4 % ; p = 0,04) sont améliorés mais les
taux de conservations mammaires (66,6 %) ne sont pas influencés par
l’adjonction du bévacizumab.
L’étude NSABP40 a évalué chez 1 206 patientes 3 schémas de
4 cures à base de docétaxel associé ou non au bévacizumab 15 mg/kg
toutes les 3 semaines : soit docétaxel 100 mg/m2 (T-AC), soit docétaxel
75 mg/m2 et capécitabine 825 mg/m2 2 fois par jour, 14 jours par cure
(TX-AC), soit docétaxel 75 mg/m2 associé à de la gemcitabine 1 g/m2
à J1 et à J8 (TG-AC). Les patientes recevaient ensuite 4 cures d’AC
(60 mg/m2 ; 600 mg/m2) associées ou non au bévacizumab pour les
2 premières cures. Ensuite une chirurgie était mise en place et les
patientes recevaient le bévacizumab en adjuvant (10 cures) [29].
Les patientes présentaient à l’inclusion une tumeur opérable T2 ou
T3, HER-négative, N0-N2a et étaient stratifiées selon la taille (≤ ou
> 4 cm), l’extension ganglionnaire déterminée cliniquement (N0 versus
autres), le statut hormonal (ER et/ou PR + versus ER et/ou PR -) et
l’âge (< ou ≥ 50 ans). Au final, 52 % des patientes avaient moins de
50 ans, 54 % une tumeur supérieure à 4 cm, 53 % étaient sans extension
ganglionnaire et 59 % étaient porteuses d’une tumeur hormonodépendante.
Même si le bévacizumab a augmenté de façon significative le taux
de réponses histologiques complètes mesuré au niveau du sein (critère
principal) qui passe de 28,4 à 34,5 % (p = 0,027), cette différence n’est
plus significative (p = 0,09) si on tient compte de la réponse au niveau
ganglionnaire. Le bévacizumab accroît également de façon significative
le taux de réponses cliniques : 55,8 versus 64,3 % (p = 0,006). En
revanche, le taux de chirurgies conservatrices n’a pas été modifié avec
ou sans antiangiogénique : 47 et 45 %. L’analyse en sous-groupes
montre une augmentation significative du taux de réponses complètes
pathologiques (sein) dans les tumeurs exprimant les récepteurs
hormonaux (RH+) : 15,2 versus 23,3 % (p = 0,008) alors que la
différence n’est pas significative pour les 479 tumeurs triple négatives :
47,3 versus 51,3 % (p = 0,458).
Sur le plan de la tolérance, l’addition de bévacizumab a augmenté le
taux d’hypertension (23 %), de syndromes main-pied en cas d’association
274
PLACE DES THÉRAPIES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN
avec la capécitabine, et de mucites mais n’a pas entraîné de modification
de la fonction cardiaque.
Avec les résultats contrastés de ces deux grands essais, la place du
bévacizumab en situation néoadjuvante n’est toujours pas définie.
Les 2 équipes GerparQuinto et NASABP-B40 collaborent
ensemble à la meilleure compréhension des signaux d’activité du
bévacizumab, notamment au travers d’un vaste programme d’analyse
des biomarqueurs tumoraux.
II.2.b. Étude néoadjuvante BEVERLY-2 dans les cancers du sein
HER2 positif [30]
BEVERLY-2 est une étude de phase II ouverte visant à évaluer
l’efficacité et la tolérance de l’association trastuzumab-bévacizumab et
chimiothérapie dans les cancers du sein inflammatoire HER2+ en
situation néoadjuvante.
Avant la chirurgie, les patientes recevaient une chimiothérapie par
fluoro-uracile, épirubicine et cyclophosphamide associés au bévacizumab
pour 4 cures suivies de trois cures de chimiothérapie par docétaxel
associé au trastuzumab et bévacizumab pour quatre cycles. Après la
chirurgie, le trastuzumab et le bévacizumab étaient poursuivis. Les
patientes avaient de la radiothérapie adjuvante.
L’objectif principal était le taux de réponses complètes histologiques.
Cinquante-deux patientes ont été incluses. Trente-trois (63,5 %)
patientes ont eu une réponse histologique complète. Les effets secondaires
ont été marqués principalement par des nausées et une asthénie, 48 % de
neutropénies grades 3-4, un seul événement de grade 3 dans le bras
bévacizumab (hypertension). Cette étude confirme la faisabilité de cette
association et son profil de tolérance acceptable.
II.3. Bévacizumab utilisé en adjuvant
En phase adjuvante, le bévacizumab en association soit à la
chimiothérapie seule, soit à des thérapies ciblées, est en cours
d’évaluation.
L’essai BEATRICE étudie chez les patientes ayant une tumeur
triple négative (récepteurs hormonaux et HER2 négatifs) l’efficacité du
bévacizumab associé à la chimiothérapie.
L’essai E5103, initié par le Breast Cancer Intergroup va comparer,
chez les patientes ayant un cancer du sein avec atteinte ganglionnaire
275
DESMOULINS
&
COLL.
ou sans atteinte ganglionnaire à haut risque de récidive, l’adjonction du
bévacizumab à la chimiothérapie.
L’essai BETH va permettre d’évaluer l’association bévacizumabtrastuzumab et chimiothérapie en phase adjuvante des cancers du sein
HER2 positif.
Le NSABP-B46 va comparer en situation adjuvante l’association
taxane/cyclophosphamide ou taxane/cyclophosphamide/anthracycline
à l’association taxane/cyclophosphamide + bévacizumab pour les
tumeurs mammaires avec atteinte ganglionnaire ou sans atteinte
ganglionnaire mais à haut risque de récidive.
III. INHIBITEURS DE TYROSINE KINASE DU RÉCEPTEUR
DU VEGF
Le ciblage de l’angiogenèse au niveau des récepteurs du VEGFR a
été l’une des avancées majeures dans le développement des thérapies
ciblées. L’histoire naturelle de certains cancers considérés jusqu’à il y a peu
comme réfractaire a ainsi été modifiée (cancer du rein, hépatocarcinome)
avec l’avènement des molécules inhibitrices de tyrosine kinase.
Il existe trois sous-types de récepteurs transmembranaires à
activité tyrosine kinase : VEGFR-1 (FLT-1), VEGFR-2 (KDR ou FLK1)
et VEGFR-3 (FLT-4). Toutes les molécules inhibitrices de l’activité
tyrosine kinase du récepteur développées agissent sur plusieurs cibles
moléculaires mais ne sont spécifiques d’aucun sous-type de récepteurs.
Ces petites molécules peuvent inhiber la phosphorylation et l’activation
de la voie de signalisation en amont. Plusieurs agents ont déjà été testés
alors que d’autres sont encore en développement.
III.1. Sunitinib
C’est une petite molécule inhibant le domaine intracellulaire
tyrosine kinase du VEGFR-1 et du VEGFR-2 mais aussi du PDGFR,
de c-KIT, de FLT-3 et de RET [31].
Dans les cancers du sein métastatiques, une étude de phase II,
après échec des taxanes et des anthracyclines, a permis d’obtenir un
taux de réponses de 14 % chez 51 patientes évaluables. Le sunitinib
était utilisé à la dose de 50 mg par jour (4 semaines on, 2 semaines off).
Les toxicités de grade 3 incluaient : neutropénie (21 %), thrombopénie
276
PLACE DES THÉRAPIES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN
(6 %), diarrhées (7,2 %), nausées (4,9 %), asthénie (5 %) et syndrome
main-pied (7,3 %) [32].
Plus récemment, plusieurs études de phase III ont étudié l’apport
du sunitinib seul ou en association à la chimiothérapie dans les cancers
du sein métastatiques en première ou deuxième ligne [33-35].
Malheureusement les données de ces études n’ont pas confirmé les
résultats prometteurs des essais de phase II, ces études étant négatives
ou ayant été stoppées : absence de bénéfice en termes de survie sans
progression et mauvais profil de tolérance, notamment en association
avec la chimiothérapie.
III.2. Sorafénib
Le sorafénib est une petite molécule inhibant la tyrosine kinase de
plusieurs récepteurs : VEGFR-2, FLT-3, PDGFR et FGFR-1.
En phase I, le sorafénib a montré un profil de toxicité acceptable
dans différentes tumeurs solides avancées à la dose de 400 mg deux
fois par jour [36]. Dans un second temps en phase II, le sorafénib n’a
montré qu’une activité faible en monothérapie. Enfin, une étude de
phase IIb a évalué l’association capécitabine + sorafénib à la
capécitabine + placebo dans les cancers du sein localement avancés ou
métastatique HER2 négatifs. Les patients recevaient la capécitabine en
première ou deuxième ligne 1 000 mg/m2 deux fois par jour, quatorze
jours sur 21, associée au sorafénib 400 mg deux fois par jour ou
placebo. L’objectif principal était la survie sans progression [37, 38].
Celle-ci a été améliorée dans le bras sorafénib (6,4 versus 4,1 mois) sans
amélioration de la survie globale (22,2 versus 20,9 mois) et au prix
d’une toxicité non négligeable, avec notamment dans le bras sorafénib
des toxicités de grades 3-4 en ce qui concernait le syndrome main-pied.
Un essai de phase III va être conduit pour confirmer ces données, en
réduisant la posologie du sorafénib [39].
III.3. Axitinib
L’axitinib, inhibiteur de VEGFR et PDGFR a été évalué en phase II
en association au docétaxel dans les cancers du sein métastatiques.
L’objectif principal qui était la survie sans progression n’a pas été atteint
[40].
277
DESMOULINS
&
COLL.
III.4. Pazopanib
Le pazopanib est un inhibiteur de VEGFR-1 et 2, PDGFR, c-KIT.
Il a montré des résultats prometteurs en association au lapatinib dans
un essai de phase II de première ligne métastatique dans les cancers
du sein HER2 positif. Les résultats d’autres études sont en attente pour
la confirmation de son efficacité dans le cancer du sein.
De nombreuses autres molécules sont en cours de développement
[41].
IV. FACTEURS PRÉDICTIFS DE RÉPONSE OU DE TOXICITÉ
La valeur prédictive des taux de VEGF ou VEGFR n’a pas été
complètement établie. Dans l’étude associant le bévacizumab à la
vinorelbine dans les cancers du sein avancés, des taux bas à baseline de
VEGF plasmatique étaient associés à une plus longue survie sans
progression. Par la suite, des données rétrospectives issues de l’étude
E2100 n’ont pas montré de relation significative entre le taux circulant
de VEGF et l’efficacité du bévacizumab.
Dans un autre essai évaluant le bévacizumab en association au
létrozole et à la chimiothérapie en préopératoire, les taux de cellules
endothéliales circulantes (CEC) et leurs progéniteurs étaient dosés à
baseline et au moment de la chirurgie. Un taux élevé initial de
progéniteurs circulant était corrélé à une meilleure réponse clinique
[42].
Plusieurs études menées dans différents types de cancer ont
montré que les variations précoces de CTC (cellules tumorales
circulantes) détectées dans le sang étaient un marqueur d’efficacité des
traitements à visée anti-tumorale, et notamment dans les cancers du
sein métastatiques [43, 44].
En France, une étude de validation prospective des facteurs
prédictifs biologiques et d’imagerie de la réponse au bévacizumab
associé à une chimiothérapie par paclitaxel hebdomadaire en première
ligne de traitement des cancers du sein métastatiques va être mise en
place (étude COMET). L’étude biologique prendra en compte le taux
de CTC initial et la variation de CEC/CTC. Par ailleurs, une analyse
du VEGFA à l’inclusion et avant le 2e cycle de chimiothérapie sera
faite pour évaluer la valeur pronostique du taux de VEGFA initial et
ses variations au cours du traitement de chimiothérapie en association
278
PLACE DES THÉRAPIES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN
au bévacizumab. Enfin, une étude d’imagerie portant sur la graisse
viscérale va être réalisée afin de déterminer si la graisse viscérale est un
facteur prédictif de réponse et de survie comme cela avait pu être
démontré dans le cas de tumeurs du colon ou du rein [45, 46].
L’apparition d’une hypertension au cours du traitement par
bévacizumab a été aussi proposée comme possible indicateur d’activité
du bévacizumab. Dans l’étude E2100, les patients qui présentaient une
hypertension de grade 3 ou 4 avaient une médiane de survie globale
plus longue. D’autres études notamment dans les cancers digestifs ont
donné des résultats similaires qui cependant devront être confirmés
dans des études de phase III [47].
Enfin, dans l’étude E2100, des données rétrospectives d’analyse
des polymorphismes génétiques ont permis de montrer que certains
génotypes étaient prédictifs d’une meilleure survie globale [48].
L’ensemble de ces données soulève de nombreuses hypothèses
quant à l’utilisation de ces différents biomarqueurs. De larges études
prospectives devront être réalisées de façon à valider ces biomarqueurs
afin de déterminer différents sous-groupes de patientes bénéficiant des
traitements antiangiogéniques ou étant à risque plus important de
toxicité.
V. ÉVALUATION DES THÉRAPEUTIQUES
ANTIANGIOGÉNIQUES
Le développement de ces nouvelles thérapies antiangiogéniques a
remis en cause les critères standard d’évaluation des traitements en
oncologie médicale (critères morphologiques OMS ou RECIST). Ces
traitements ciblant la néovascularisation vont entraîner une nécrose
tumorale sans modification évidente de la taille tumorale. L’apport de
l’imagerie fonctionnelle (scanner de perfusion, IRM dynamique et
échographie de contraste) a permis de mettre en évidence de façon
précoce des modifications de la perfusion tissulaire chez les patients
traités par antiangiogéniques. Ces nouvelles techniques d’imagerie
fonctionnelle évaluent précocement l’effet thérapeutique des
antiangiogéniques en fonction des modifications de vascularisation
observées, et ce avant la modification de la taille tumorale.
279
DESMOULINS
&
COLL.
CONCLUSION
Par son rôle clé dans l’angiogenèse tumorale, le VEGF est une
cible thérapeutique intéressante dans le traitement des cancers du sein.
Le bévacizumab, anticorps monoclonal anti-VEGF, a une AMM
européenne dans le cancer du sein métastatique en association au
paclitaxel hebdomadaire. Cependant, le bénéfice observé dans les
études ayant permis de valider cette AMM est actuellement remis en
cause par la FDA (Food and Drug Administration) aux États-Unis. Par
ailleurs, différentes réflexions sont soulevées par l’avènement de ces
nouvelles thérapeutiques : identification des patientes bénéficiant de
ces nouvelles thérapies, nécessité de déterminer dans un avenir proche
des facteurs prédictifs solides de réponse ou de toxicité et définir
d’éventuels surrogate markers, prise en compte dans cette nouvelle ère
médicale du rapport coût/bénéfice.
280
PLACE DES THÉRAPIES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN
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284
La mammoscintigraphie à l’aide
d’une caméra dédiée
I. THOMASSIN-NAGGARA 1 *, J. CHOPIER 1, S. BALOGOVA 2,
P. CHAUCHAT 2, V. NATAF 3, J.N. TALBOT 2
(Paris)
Résumé
Ce texte expose les principes techniques de la mammoscintigraphie pratiquée à
l’aide d’une caméra dédiée, rappelle l’indication retenue dans l'autorisation de mise sur
le marché (AMM) des radiopharmaceutiques sestaMIBI (99mTc) et tétrofosmin
(99mTc), résume les indications actuellement recommandées par un consensus d’experts
et discute des principaux résultats de la technique afin d’en préciser la place parmi les
examens d’imagerie dans l’exploration de la pathologie mammaire néoplasique, afin
d’obtenir le rapport bénéfice/risque optimal pour les patientes.
Mots clés : mammoscintigraphie, sein, cancer
Hôpitaux universitaires Paris Est - Site Tenon - Institut universitaire de cancérologie (IUC)
Pierre et Marie Curie - Cancer Est - 4 rue de la Chine - 75020 Paris
1 - Service d’imagerie médicale
2 - Service de médecine nucléaire
3 - Unité de radiopharmacie
* Correspondance : [email protected]
285
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
Déclaration publique d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun intérêt direct ou indirect
(financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel ou
commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
La mammoscintigraphie est une technique d’imagerie fonctionnelle
scintigraphique basée sur la capacité d’un traceur cationique marqué au
99mTc à se concentrer dans les cellules néoplasiques dont
l’augmentation du métabolisme énergétique va de pair avec un
renforcement du potentiel électronégatif des mitochondries. Ce type de
radiopharmaceutique a l’avantage d’être facilement disponible dans les
services de médecine nucléaire pour l’étude de la perfusion
myocardique ou la détection des adénomes parathyroïdiens. La
technique de mammoscintigraphie a l’avantage d’être peu opérateurdépendante et peu onéreuse lorsque le radiopharmaceutique technétié a
été reconstitué pour d’autres examens.
I. BREF RAPPEL TECHNIQUE
Historiquement, les premières études portant sur la mammoscintigraphie étaient réalisées à l’aide de gamma-caméras non dédiées
qui étaient limitées par une résolution spatiale trop faible (de l’ordre de
10 mm) du fait en particulier de la taille des détecteurs, prévus pour
l’imagerie du corps entier, qui ne pouvaient pas être placés au plus près
286
LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE
des lésions mammaires à caractériser. Puis, plus récemment s’est
développée la mammoscintigraphie pratiquée avec une caméra dédiée,
appelée dans la littérature de langue anglaise « breast-specific gamma
imaging » (ou BSGI), qui a permis d’améliorer nettement la résolution
spatiale de cette technique, jusqu’à quelques mm (prototype décrit par
Maini et al. [1]), par exemple 3,5 mm de résolution intrinsèque avec la
machine que nous utilisons à l’hôpital Tenon. L’originalité de cette
technique pratiquée avec une camera dédiée par rapport à la
mammoscintigraphie conventionnelle est donc l’acquisition d’images à
haute résolution à petit champ de vue. Dans les deux techniques,
l’examen est pratiqué après injection d’un radiopharmaceutique
électropositif, le sestaMIBI (99mTc) ou le tétrofosmin (99mTc), tous
deux développés initialement pour la scintigraphie du myocarde.
II. CONDITIONS DE RÉALISATION DE L’EXAMEN
L’examen doit être réalisé entre J2 et J12 du cycle menstruel chez
les patientes en période d’activité génitale. La grossesse est une contreindication à cet examen, du fait de l’irradiation du fœtus dans l’utérus,
même si cette dose reste très inférieure aux doses entraînant des risques
de malformations. Aussi, un test de grossesse est souhaitable si la
patiente a un retard de règles. Dans le post-partum, l’interruption de
l’allaitement n’est pas nécessaire, seulement une pause pendant 24 h.
Cet examen doit être pratiqué avant la réalisation de biopsies
mammaires, car en cas de cytoponction dans les 15 jours précédant
l’examen ou de microbiopsies dans les 30 jours avant celui-ci, il est
décrit des cas de faux positifs du fait de l’inflammation. En cas de
biopsies, il est possible de réaliser l’examen dans les 72 h après celui-ci,
période pendant laquelle les artefacts décrits sont moins importants [2].
Une activité de 750 MBq de sestaMIBI (99mTc) est administrée par
voie intraveineuse suivie de 10 ml de sérum physiologique. Des activités
allant jusqu’à 1 000 MBq sont possibles selon l’AMM du sestaMIBI, voire
plus dans les guidelines américaines (et de fait nous augmentons l’activité
injectée en cas d’obésité) ; selon l’AMM, elles sont limitées à 750 MBq
pour le tétrofosmin. Il est préférable d’injecter le radiopharmaceutique du
côté opposé à l’anomalie suspectée ou à caractériser, en particulier pour
éviter une extravasion locale du radiopharmaceutique avec cheminement
lymphatique vers la région axillaire ; en cas d’anomalies bilatérales, une
injection au niveau du pied est recommandée.
287
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
III. ACQUISITION DES IMAGES
À Tenon, la machine utilisée est une Dilon 6800 comportant un
collimateur parallèle haute résolution, 3 069 cristaux détecteurs pixelisés
d’iodure de sodium dopés au thallium de 6 mm d’épaisseur et 48 tubes
photomultiplicateurs. La patiente est assise tout au long de l’examen,
contrairement au procubitus qui était indiqué lorsqu’une gamma-caméra
« corps entier » était utilisée. On réalise les mêmes incidences qu’en
mammographie, soit une incidence de face et une incidence oblique (à
45 °). L’acquisition des images débute 5 à 10 minutes après l’injection du
radiopharmaceutique et se poursuit pendant 10 minutes pour chaque
incidence réalisée. Il ne faut pas attendre trop longtemps après injection
en raison du phénomène de wash-out bien connu en IRM mammaire
pour les tumeurs malignes qui diminuerait la sensibilité de la technique
[3]. Des clichés complémentaires peuvent être réalisés, tout comme en
mammographie, en fonction des anomalies à caractériser (cliché de
profil franc, cliché centré sur le creux axillaire, technique d’Eklund pour
refouler une prothèse mammaire en arrière et bien dégager la
glande…). Les clichés centrés sur la région axillaire doivent être réalisés
au moins 10 minutes après injection, la patiente gardant le bras levé, et
durer 3 min ou au moins 2 minutes si la patiente ne peut pas tenir
davantage la position [4]. Si l’on a un doute sur une extravasation au
site d’injection entraînant une fixation non spécifique au niveau des
ganglions de drainage, l’acquisition d’une image au niveau du site
d’injection sur 60 secondes peut aider pour l’interprétation.
IV. ANALYSE DES IMAGES
Brem et al. ont publié une classification en 5 catégories de degré
de suspicion sur une appréciation subjective de la fixation [5].
Une activité du radiopharmaceutique homogène de l’ensemble du
sein et du creux axillaire est physiologique et classée BI-RADS 1.
Une activité hétérogène de l’ensemble du sein dont la distribution
correspond au parenchyme de la glande mammaire sur le cliché
mammographique est classée BI-RADS 2.
Lorsqu’il existe une hyperactivité d’intensité faible à modérée au
niveau d’une zone dont les contours sont réguliers, il s’agit probablement
d’un processus bénin et il est classé BI-RADS 3.
288
LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE
Lorsqu’il existe une hyperactivité focale de faible intensité, il s’agit
d’une lésion indéterminée classée BI-RADS 4.
Enfin, lorsqu’il existe une hyperactivité focale d’intensité modérée
à intense, l’anomalie est suspecte et classée BI-RADS 5 (Figure 1).
Figure 1 - Exemple de mammoscintigraphie sur camera dédiée
Patiente de 58 ans, ménopausée, sans facteurs de risque familiaux avec en
mammographie une masse à l’union des quadrants inférieurs du sein droit, d’autres
lésions du sein droit et plusieurs formations nodulaires du sein gauche. L’IRM est
d’interprétation difficile en raison d’un défaut de saturation de la graisse. Elle confirme
la présence d’une atteinte multifocale du sein droit centrée sur le quadrant inféroexterne, la présence d’un ganglion intramammaire au niveau du quadrant supéro-externe
droit et de multiples masses dans le sein classées ACR4. La patiente bénéficie d’une
mammoscintigraphie sur la machine dédiée Dilon qui confirme une lésion
hypermétabolique multifocale à droite de fixation intense, une fixation franche par un
foyer ganglionnaire intramammaire supérieur droit et une fixation bien moins intense
par les lésions du sein gauche, pas en faveur d’une bilatéralité du cancer. Ces résultats
sont confirmés par des prélèvements biopsiques dont l’histologie montre un
adénocarcinome infiltrant de grade III à l’union des quadrants inférieurs du lobe droit
et des adénofibromes dans les deux fragments biopsiques à gauche.
G
D
V. INDICATIONS
L’EMA (European Medicine Agency) a délivré il y a plus de 10 ans
une AMM à diverses préparations de sestaMIBI et de tétrofosmin avec
l’indication suivante : « diagnostic du cancer du sein en complément des
289
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
explorations conventionnelles lorsque celles-ci ne permettent pas de
conclure ».
La SNM (Society of Nuclear Medicine aux États-Unis) a publié en
2010 des guidelines incluant les principales indications de la mammoscintigraphie avec machine dédiée en pratique clinique [2]. Elles sont
basées sur l’analyse d’une vingtaine d’études effectuées majoritairement
avec une gamma-caméra conventionnelle, et aussi sur un consensus
d’experts. Les indications proposées par la SNM sont les suivantes :
1- chez les patientes avec diagnostic récent de cancer du sein pour :
a. évaluer l’extension locale initiale,
b. détecter une néoplasie multifocale ou bilatérale,
c. évaluer la réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante ;
2- chez les patientes à haut risque de cancer du sein :
a. en cas de suspicion de récidive,
b. en cas de mammographie d’interprétation difficile ou
d’antécédents de cancer non décelé sur la mammographie ;
3- chez les patientes avec des anomalies non caractérisées ou un
doute diagnostique :
a. écoulement mammaire avec une mammographie ou une
échographie anormale (que la galactographie soit ou non
pratiquée),
b. écoulement mammaire sanglant avec mammographie ou
galactographie normale,
c. écoulement mammaire et galactographie non conclusive,
d. anomalie ACR 3 chez des patientes que l’on ne pourra pas
surveiller correctement,
e. caractériser des lésions décelées sur d’autres techniques
d’imagerie,
f. caractériser des lésions palpables sans traduction mammographique et échographique,
g. caractérisation de lésions multiples dans un sein,
h. guider une biopsie,
i. microcalcifications diffuses ou regroupées,
j. adénopathie axillaire prouvée comme maligne sans cancer
primitif retrouvé,
k. évaluation d’une distorsion architecturale inexpliquée,
l. évaluation d’une anomalie mammographique visible sur une
seule incidence,
m. améliorer la spécificité en cas de prise de contraste en IRM
mammaire ;
4- chez les patientes ayant une mammographie d’interprétation
difficile :
290
LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE
a. en cas de seins de densité type IV,
b. patientes porteuses de prothèses au silicone ou d’injection de
silicone ou de paraffine dans le sein ;
5- chez les patientes ayant une indication d’IRM mammaire qui
n’est pas réalisable en raison des éléments suivants :
a. patientes porteuses d’un stimulateur cardiaque ou d’une
pompe implantable,
b. implants ferromagnétiques,
c. risque de fibrose néphrogénique systémique en rapport avec
l’injection de gadolinium,
d. volume corporel incompatible avec l’anneau d’IRM,
notamment une fois que l’antenne sein est placée,
e. seins trop volumineux pour être placés dans l’antenne d’IRM,
f. claustrophobie,
g. autres causes de non-acceptation de l’IRM,
h. alternative à l’IRM chez des patientes devant bénéficier d’un
dépistage par IRM : gène de susceptibilité au cancer du sein,
mère, sœur ou fille atteinte de cancer du sein, risque de
cancer du sein estimé entre 20 % et 25 %, radiothérapie
thoracique à un âge compris entre 10 et 30 ans ;
6- chez les patientes traitées par chimiothérapie néo-adjuvante afin
d’évaluer la réponse au traitement et de planifier l’intervention
chirurgicale.
Ces indications sont très larges et peuvent être discutables. Elles
recouvrent principalement les indications de l’IRM mammaire (et se
discuteront surtout en cas de contre-indications), ainsi que plusieurs
indications de la TEP au FDG, comme l’évaluation de la réponse à la
chimiothérapie néo-adjuvante ou la recherche de récidive locorégionale.
VI. RÉSULTATS
De nombreuses études de la littérature ont comparé la valeur
diagnostique de la mammoscintigraphie à celle de l’imagerie conventionnelle d’une part et à l’IRM mammaire ensuite.
291
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
VI.1. Détection de lésions potentiellement néoplasiques
À la lecture des différentes études multicentriques réalisées sur
plus de 5 000 patientes au total, la sensibilité de la mammoscintigraphie
varie de 62 à 96 % avec une moyenne de 84 % et la spécificité de
69 à 100 % avec une moyenne de 86 %, en fonction des populations
étudiées. Le point fort est la forte valeur prédictive négative. Ces
valeurs sont dépendantes de plusieurs facteurs avec en tête la taille de
la lésion à détecter ou à caractériser. La sensibilité est autour de 95 %
pour les lésions supracentimétriques. La sensibilité décroît avec la taille
tumorale, aucun cancer de moins de 5 mm n’a été décelé en mammoscintigraphie avec une gamma-caméra, ce qui exclut le dépistage. La
sensibilité est meilleure lorsqu’une lésion est palpable ; elle diminue en
moyenne à 72 % en l’absence de lésion palpable. Mais contrairement
aux techniques radiologiques (mammographie, échographie, IRM), des
faux négatifs sont également observés en cas de tumeurs malignes de
taille > 30 mm [6]. Cette sensibilité varie également en fonction de
l’activité métabolique du cancer reflétée par son statut ganglionnaire, le
score de Scarff et Bloom, la présence des récepteurs hormonaux, et
l’expression des protéines responsables de la résistance multidrogue,
PGP en particulier, pouvant être une hypothèse en cause dans les
résultats faux négatifs des tumeurs volumineuses.
L’avantage de la mammoscintigraphie par rapport à la mammographie est que sa performance diagnostique n’est pas altérée par la
densité mammaire, d’où son indication en cas de sein dense, d’antécédent de chirurgie mammaire ou en présence d’une prothèse mammaire.
En ce qui concerne la spécificité, l’hyperfixation des cas de faux
positifs est expliquée par une intense densité et activité mitochondriale,
plus fréquemment retrouvée dans les tumeurs malignes mais également
observée dans certaines pathologies bénignes, en particulier la maladie
fibrokystique proliférative où les foyers de fixation sont généralement
diffus, de contours flous et d’intensité modérée, la mastite aiguë, le
papillome ou le fibroadénome juvénile. La fixation du radiopharmaceutique en mammoscintigraphie varie également en fonction de la
perfusion tissulaire rejoignant par ce facteur les caractéristiques de
l’IRM mammaire avec ses avantages et ses limites.
Dans une des premières études sur la mammoscintigraphie utilisant
une caméra dédiée [7] qui portait sur le dépistage des patientes à haut
risque de cancer du sein et de l’ovaire (n = 94) avec bilan conventionnel
normal (examen clinique, mammographie et échographie), la
mammoscintigraphie permettait de détecter 2 cancers occultes dont les
tailles mesuraient 6 et 8 mm (2 %). Il existait 14 faux positifs (15 %) liés
292
LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE
à des remaniements physiologiques avec un suivi négatif à 6 mois (n = 5),
de la mastopathie fibrokystique (n = 7), un fibroadénome (n = 1), une
cytostéatonécrose (n = 1) biopsiés guidés par échographie. Ainsi, la
mammoscintigraphie présentait dans cette étude prospective une
sensibilité de 100 %, une spécificité de 85 %, une valeur prédictive
positive de 12,5 %, une valeur prédictive négative de 100 % et une
exactitude diagnostique de 85 %. Cependant, ces très bonnes valeurs de
spécificité n’ont pas été confirmées par la suite par la même équipe en
2008 [5] où étaient rapportées des valeurs de spécificité autour de 60 %,
principalement en raison d’une sélection de population différente. Dans
cette étude, il s’agissait de patientes présentant une anomalie palpable
sans explication sur le bilan conventionnel. Cette étude révélait par
contre une amélioration de la sensibilité avec une sensibilité de 93,8 %
pour les CCIS et de 97 % pour les lésions invasives avec ainsi des
valeurs supérieures à l’IRM mammaire, notamment pour les lésions
in situ.
VI.2. Stadification d’un cancer du sein
La mammoscintigraphie avec caméra dédiée a également été
évaluée pour le bilan d’extension locorégional du cancer du sein [8] dans
une étude rétrospective ayant porté sur 138 patients (69 CCI, 20 CLI,
32 DCIS et 17 cancers invasifs mixtes canalaires et lobulaires). La
technique découvrait 10,9 % de cancers occultes au bilan conventionnel
avec seulement 7,2 % de bilan complémentaire inadéquat (lésions
bénignes). Ce dernier pourcentage est bien moins important que celui
décrit en IRM mammaire pour la même indication, et fait de la
mammoscintigraphie un concurrent sérieux à l’IRM mammaire dans
l’évaluation préopératoire de l’extension du tissu néoplasique dans les
seins. Sur 82 patientes adressées dans ce contexte, la BSGI a entraîné
un changement de procédure chirurgicale dans 22 % des cas et décelé
un autre cancer dans 9 % des cas [9]. Cette technique pourrait
améliorer l’appréciation de l’extension ganglionnaire en préopératoire,
qui reste mal évaluée en IRM mammaire tout comme en imagerie
conventionnelle [4] et en TEP du corps entier au FDG qui n’est indiquée
qu’en cas de cancer localement avancé. Les résultats en
mammoscintigraphie conventionnelle ont été décevants (sensibilité de
29 % selon Massardo et al. [10]), mais l’amélioration de résolution
obtenue avec la machine dédiée mérite de réévaluer les performances.
Sur une série rétrospective de 26 patientes, l’analyse de la cinétique de
la fixation du radiopharmaceutique dans le ganglion serait
293
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
significativement plus importante dans les ganglions envahis par rapport
aux ganglions bénins [11]. Si l’on peut écarter l’hypothèse d’une
migration du radiopharmaceutique par voie lymphatique, la valeur
prédictive positive de sa fixation par les ganglions pour prédire la
malignité est forte, mais c’est la valeur prédictive négative qui pose
problème et conduit à conseiller la pratique de la détection du ganglion
sentinelle. Des études prospectives complémentaires sont souhaitables
pour préciser la VPN, avec pour étalon de vérité l’histologie du ganglion
sentinelle, méthode de référence pour détecter les métastases de petite
taille, et/ou du curage ganglionnaire.
VI.3. Mammoscintigraphie et chimiothérapie
Le sestaMIBI et le tétrofosmin sont des substrats pour les
protéines responsables de la chimiorésistance, en particulier la PGP.
Une faible fixation par une lésion néoplasique connue laisse donc
prévoir l’inefficacité de la chimiothérapie par un agent cytotoxique. Les
quelques études proposant l’utilisation de la mammoscintigraphie pour
évaluer la réponse tumorale durant la chimiothérapie sont anciennes.
La plus récente date de 2009 [12] et cette indication est assurée par la
TEP au FDG qui est bien mieux quantifiable.
VI.4. Mammoscintigraphie et IRM
Ainsi, les avantages de la mammoscintigraphie par rapport à l’IRM
mammaire sont, pour des performances équivalentes : le meilleur
confort de la patiente, le nombre d’images beaucoup moins important
à interpréter et le coût (3 fois moins cher).
Le principal inconvénient est l’irradiation occasionnée. Si l’IRM
mammaire n’occasionne aucune irradiation du sein, la mammoscintigraphie engendre une faible irradiation sur le sein (de 2 à 3 mGy
selon l’activité injectée, environ 1,5 mGy avec le tétrofosmin). Par
contre, la dose efficace est supérieure à celle de la mammographie
numérique chez une patiente âgée de 40 ans [13]. Ceci est dû au fait
qu’en mammographie seul le tissu fibroglandulaire mammaire est
exposé au rayonnement alors qu’une mammoscintigraphie engendre
une irradiation de l’ensemble des organes. Les tissus qui reçoivent la
plus forte dose sont la vésicule biliaire, le côlon, les reins et la vessie.
Le risque lié à cette faible irradiation est à considérer dans le cadre du
dépistage chez des patientes asymptomatiques, mais ce n’est pas une
294
LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE
indication de la mammoscintigraphie, il doit être cependant relativisé
dans le cas de patientes à risque ou atteintes d’un cancer chez qui
l’utilisation de ces techniques peut modifier la thérapeutique et être
bénéfique pour améliorer le traitement. Aussi, l’information des
patientes est importante, confirmant que l’équilibre bénéfice/risque a
été évalué et considéré comme favorable dans leurs cas avant de
demander cet examen.
VII. SYNTHÈSE ET CONCLUSION
La mammoscintigraphie pratiquée avec une machine dédiée est
actuellement une technique à envisager comme une alternative ou un
complément à l’IRM mammaire ; elle est tout particulièrement
intéressante chez des femmes jeunes porteuses de seins denses afin de
détecter des lésions de petite taille. Cette technique est particulièrement
intéressante chez ces patientes car il existe le plus souvent chez les
femmes jeunes un rehaussement matriciel de fond important gênant
l’interprétation de l’IRM mammaire. Considérant le rapport
bénéfice/risque, elle est indiquée en priorité chez les patientes
porteuses de cancers du sein avec suspicion de multifocalité.
Aussi voit-on aujourd’hui se développer des améliorations
techniques :
— une amélioration du rendement du détecteur de la gammacaméra dédiée et de sa résolution en énergie, en remplaçant les
cristaux d’iodure de sodium par un détecteur CZT, ce qui
permet de raccourcir la durée de l’examen tout en injectant une
activité plus faible de radiopharmaceutique qui occasionne une
irradiation plus faible et une meilleure acceptabilité de l’examen
avec moins de risque de mouvements ;
— l’introduction de la mammoTEP, en anglais PEM (positron
emission mammography) offrant une résolution encore améliorée et
une quantification reproductible, avec des résultats extrêmement
prometteurs en utilisant le FDG et une ouverture sur de
nombreux autres radiopharmaceutiques. L’avenir comprendra
sûrement les techniques de médecine nucléaire dans le bilan des
cancers du sein, en raison de leur excellente sensibilité et de leur
bonne spécificité.
295
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
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296
Une nouvelle technique
d’exploration du sein : la
tomosynthèse
N. P ERROT 1, 2, C. RIBEIRO-CREUZE 1, I. THOMASSIN-NAGARRA 2 *
(Paris)
Résumé
Ce texte expose les principes techniques de la tomosynthèse, résume les indications
et discute des principaux résultats de la technique afin d’en préciser la place parmi les
examens d’imagerie dans l’exploration de la pathologie mammaire.
Mots clés : tomosynthèse, sein, cancer
1 - Centre d’imagerie médicale Pyramides - 13 avenue de l'Opéra - 75001 Paris
2 - Hôpital Tenon - Service de radiologie - 4 rue de la Chine - 75020 Paris
* Correspondance : [email protected]
297
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
Déclaration publique d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir d’intérêt direct ou indirect
(financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel ou
commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
La mammographie de dépistage a démontré son intérêt pour
diagnostiquer les cancers infracliniques et en permettre le traitement
précocement. Son incidence sur la mortalité a été prouvée par de
nombreuses études.
Toutefois, malgré cet indéniable succès, la mammographie ne
détecte pas tous les cancers. Les résultats des études effectuées pour
évaluer la pertinence diagnostique de la mammographie ont montré un
taux de sensibilité de 45 à 88 % [1]. Un des facteurs influant
négativement sur la sensibilité est la densité mammaire ; la sensibilité
de la mammographie décroît avec l’augmentation de la densité de la
glande. Des auteurs ont montré que les trois quarts des cancers non
diagnostiqués l’ont été dans des seins denses [2].
La possibilité pour un cancer d’être masqué par du parenchyme
glandulaire normal est due à la loi de confusion des plans en radiologie
2D. Ceci entraîne une image obtenue par la sommation de toutes les
structures superposées les unes sur les autres dans un seul plan. Cette
sommation d’image glandulaire dense peut masquer l’image d’un
cancer. À l’opposé, la sommation de plages de glandes peut simuler
une image suspecte de cancer, créer ainsi un faux positif et demander
des clichés supplémentaires (localisés) et la réalisation d’une échographie.
Il apparaît donc qu’il faut essayer de se soustraire ou de minimiser
la loi de confusion des plans et des images de sommation qu’elle
entraîne. Un espoir important avait été émis dans la mammographie
numérisée plein champ en remplacement de la mammographie
analogique conventionnelle. Les performances de la mammographie
298
UNE NOUVELLE TECHNIQUE D’EXPLORATION DU SEIN
:
LA TOMOSYNTHÈSE
numérisée se sont avérées supérieures dans les seins denses et les
patientes jeunes. Mais l’échographie [3] et l’IRM ont continué à être
développées en complément pour le diagnostic positif de cancer du sein.
Il reste donc toujours une place pour une méthode de diagnostic
mammographique qui offrirait une meilleure sensibilité pour le
diagnostic de cancer du sein. L’idée est venue de développer une
mammographie 3D permettant de dissocier les différents plans de la
glande mammaire. Nous allons développer l’aspect technique de la
méthode, puis les différents aspects des différentes pathologies en
tomosynthèse versus mammographie 2D.
En effet, si la tomosynthèse augmente la sensibilité pour le
diagnostic de cancer du sein, il faut pour cela étudier deux possibilités :
— la visualisation du cancer en mammographie 3D doit être égale,
ou mieux, supérieure si le cancer est visible par les 2 techniques ;
— la mammographie 3D doit détecter des cancers non vus en
mammographie 2D.
Ensuite nous verrons les aspects mammographiques suspects de
pathologie en mammographie 2D (faux positifs nécessitant un rappel et
des examens complémentaires), innocentés en mammographie 3D.
Dans ce cas, l’échographie complémentaire doit confirmer ce diagnostic
ainsi que le suivi sur 2 ans.
I. QU’EST-CE QUE LA TOMOSYNTHÈSE ?
C’est une technique d’imagerie radiologique en trois dimensions
qui permet d’obtenir les images d’un sein sous différents angles
pendant que le tube à rayons X décrit un arc de cercle de 15° au-dessus
du sein. Les images obtenues sont reconstruites en haute résolution en
une série de coupes fines espacées de 1 mm. Ceci permet une analyse
beaucoup plus fine de la sémiologie, en particulier des contours d’une
éventuelle pathologie. Cela permet d’autre part de s’affranchir des
superpositions de tissus glandulaires, sources de difficultés diagnostiques
et de faux négatifs, en particulier dans les seins denses ou hétérogènes.
En pratique, les images de tomosynthèse (ou mammographie 3D)
sont obtenues dans le même temps que les clichés mammographies
classiques (2 D).
L’acquisition des images en mammographie 3D ne prend que
quelques secondes (4 secondes) de plus que pour les clichés de
mammographie. L’acquisition en tomosynthèse s’obtient avec le même
299
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
mammographe, dans le même temps que la mammographie classique,
sans mobiliser la patiente ou le sein.
Il est possible d’obtenir une acquisition en tomosynthèse dans les
3 plans (oblique-face-profil). Il est bien sûr possible d’effectuer toujours
une mammographie seule sans tomosynthèse. Il est aussi possible
d’effectuer une tomosynthèse seule sans mammographie dans le même
temps. Il faut toutefois insister sur le fait que cette méthode tire son
maximum d’intérêt si on réalise l’acquisition tomosynthèse et le cliché
de mammographie dans le même temps d’examen sans mobiliser la
patiente ou le sein. À noter que pour le confort de la patiente, il est
possible en tomosynthèse d’effectuer un cliché avec une réduction
modérée de la compression. Cette réduction modérée ne semble pas
affecter la qualité des résultats en particulier la sensibilité de la méthode
[5].
I.1. Quelle dose d’irradiation supplémentaire ?
Ceci est un facteur important, en particulier pour déterminer la
réalisation d’une ou de deux incidences en tomosynthèse. La dose
d’irradiation en tomosynthèse est de l’ordre de 1,2 à 1,4 fois la dose
correspondant à l’incidence mammographique 2D lui correspondant.
Gennaro et coll. [4] ont, sur ce point, montré que la réalisation d’un seul
cliché mammographique associé à une incidence de tomosynthèse n’était
pas inférieure à la séquence classique de 2 clichés mammographiques
face et oblique. La spécificité pour les lésions bénignes est même
meilleure pour le couple mammographie-tomosynthèse.
I.2. Quel temps supplémentaire pour l’interprétation ?
Une mammographie 2D classique comprend 4 clichés (une face
cranio-caudale et une oblique-latérale pour chaque sein). À l’opposé,
une acquisition en tomosynthèse sur un sein de 4,5 cm d’épaisseur
comprend la lecture d’environ 45 « mammographies » contiguës
correspondant à 45 coupes d’un millimètre d’épaisseur. La plupart des
auteurs s’accordent à dire que le temps supplémentaire de lecture d’une
incidence de tomosynthèse varie entre 1 à 2 minutes [2]. Ceci ne
change donc pas fondamentalement le temps d’interprétation, ce
d’autant plus que la tomosynthèse évite la perte de temps due à la
réalisation d’éventuels clichés focalisés pour une suspicion de masse, de
distorsion ou pour une asymétrie de densité.
300
UNE NOUVELLE TECHNIQUE D’EXPLORATION DU SEIN
:
LA TOMOSYNTHÈSE
I.3. Quel surcoût pour la patiente ?
Aucun. L’adjonction de cette technique à la mammographie
numérisée classique n’est pas, pour le moment, dans la nomenclature
des actes médicaux.
II. RÉSULTATS
II.1. Anatomie normale du sein
L’anatomie normale du sein, visible en mammographie
conventionnelle, est le plus souvent beaucoup mieux définie avec
l’image de tomosynthèse. Toute l’anatomie du sein projetée sur un seul
cliché de mammographie se retrouve séparée en multiples plans en
fonction de l’épaisseur de la glande mammaire. Chaque plan sera donc
vu, étudié, évalué séparément sur le plan de la peau, du tissu cellulaire
sous-cutané, des vaisseaux, de la glande mammaire ainsi que de
possibles ganglions intramammaires physiologiques. Ceci est
particulièrement intéressant dans les seins denses et/ou hétérogènes.
II.2. Artefacts
Ils sont peu nombreux. Ils sont le fait de lésions à très haut contraste
telles que les macrocalcifications de kyste ou de cytostéatonécrose ainsi
que de clips postchirurgicaux ou postmacrobiopsie stéréotaxique qui
forment deux petits artefacts localisés se répétant sur plusieurs plans
contigus. Ces images ne détériorent pas la qualité de l’image et ne
diminuent pas la sensibilité du diagnostic.
II.3. Les microcalcifications
Elles ne sont pas modifiées par la superposition tissulaire comme
le sont les distorsions et les masses. Elles sont donc bien visualisées en
mammographie 2D classique, en particulier avec des appareils
numériques de haute définition. Toutefois leur caractère « regroupé »
dans les amas de microcalsifications est bien visible et confirmé par la
tomosynthèse ; en effet un amas de microcalcifications ne sera visible
301
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
que sur une ou deux coupes contiguës au maximum. Leur contraste est
meilleur que sur la mammographie 2D surtout si le sein est dense [5].
Cependant, leur « typage » nécessite toujours la réalisation d’un cliché
de face et surtout de profil en agrandissement [6].
II.4. Les masses
Contrairement aux asymétries de densité, les masses sont visibles
sur les deux incidences en oblique et de face. Parfaitement visibles sur
les seins de densité 1 ou 2, les masses sont parfois très difficiles à voir
sur les seins hétérogènes, denses, de type 3 ou a fortiori 4.
De plus, même visibles, les contours sont souvent mal définissables
en raison des superpositions de la glande.
À l’opposé, avec la tomosynthèse, les contours sont mieux appréciés
sur les quelques coupes contiguës intéressant la masse.
On distingue donc mieux les masses à contours réguliers, spiculés,
microlobulés ou indistincts [7-10].
L’échographie ciblée, dans un deuxième temps, confirme le
diagnostic : masse liquide kystique, solides contours réguliers ou non,
et permet la réalisation de microbiopsies échoguidées si nécessaire.
II.5. Les distorsions architecturales
Les distorsions architecturales réalisent souvent des images subtiles
de diagnostic très difficile, en particulier dans les seins denses ou très
hétérogènes. En effet, la visibilité d’une petite distorsion minime sous
la forme d’une petite image spiculée peut apparaître extrêmement
difficile à visualiser au sein de la glande mammaire si le sein est dense
ou très hétérogène. La tomosynthèse réalise là, vraisemblablement, ses
meilleures performances [11-13], mettant en évidence sur 1 à 2 coupes
contiguës une image de la masse spiculée avec de fins prolongements
de longueur variable. À cette image de type « stellaire ou nodulostellaire », le diagnostic n’est souvent visible que sur une coupe. Cette
image est invisible sur le cliché standard en mammographie 2D
classique. La tomosynthèse met en évidence une image suspecte. Elle
permet dans un 2e temps la réalisation d’une échographie, non pas
classique de « dépistage » complémentaire de la mammographie, mais
ciblée sur le cadran où existe l’image suspecte en tomosynthèse. Ceci
permet d’augmenter de façon très significative la sensibilité de
l’examen mammographique pour le diagnostic de cancer du sein. Les
302
UNE NOUVELLE TECHNIQUE D’EXPLORATION DU SEIN
:
LA TOMOSYNTHÈSE
premières publications montrent un gain d’environ 8 à 20 % de
diagnostic de cancer du sein non visible sur les clichés en
mammographie classique 2D [14-15]. Certaines études montrent même
un taux supérieur de sensibilité. Il semble donc tout à fait souhaitable
de continuer cette étude pour confirmer cette impression sur de plus
grandes séries.
II.6. Les ganglions intramammaires
Les ganglions du creux ou du prolongement axillaire ne posent
pas de problème particulier. En revanche, les ganglions intramammaires
situés dans les secteurs externes posent le problème d’une opacité
(masse). La tomosynthèse montre, sur les coupes passant par le
ganglion, une opacité ovalaire à contours très réguliers, présentant un
sinus (concavité) sur une des faces. De plus, on voit bien en évidence
le centre clair, graisseux à l’intérieur du ganglion.
II.7. Les asymétries de densité
À l’opposé des masses, les asymétries de densité ne sont visibles
que sur une incidence. La tomosynthèse est très utile dans ce cas,
confirmant une opacité anormale au sein de la glande ou une
distorsion. À l’inverse, elle montre sur plusieurs coupes que ce sont des
structures conjonctives ou glandulaires de directions variées qui en se
superposant forment ainsi une image construite de pseudomasse ou de
distorsion.
II.8. En pratique, que faire ?
Aujourd’hui, l’examen de base est la mammographie 2D avec
réalisation de clichés en incidence oblique et en incidence craniocaudale pour chaque sein. Nous venons de voir qu’il est possible d’y
adjoindre des clichés en tomosynthèse sur ces 2 incidences. Il n’y a
aujourd’hui pas de consensus sur la réalisation d’une ou 2 incidences
de tomosynthèse en complément. Il semble que si l’on ne réalise
qu’une seule incidence, il faille choisir l’incidence oblique. La réalisation
de l’incidence cranio-caudale en tomosynthèse en complément double
l’irradiation et le temps demandé pour l’interprétation.
303
THOMASSIN-NAGARRA
&
COLL.
CONCLUSION
En se perfectionnant constamment, la mammographie de
diagnostic et de dépistage a montré son efficacité en réduisant le taux
de mortalité dans le cancer du sein. Cependant, la mammographie 2D
présente des imperfections, en particulier par sa sensibilité limitée dans
les parenchymes mammaires denses. L’adjonction de l’échographie a
tenté de combler ce déficit. Toutefois, la sensibilité de l’échographie en
particulier dans les seins denses et surtout dans les seins très
volumineux est moindre ; de plus l’examen peut être de réalisation
technique difficile. L’adjonction de la tomosynthèse en complément et
durant le même temps d’examen que la mammographie 2D semble
être une option très intéressante pour augmenter de façon sensible le
diagnostic de cancer du sein, en particulier de petits cancers visibles
seulement sous la forme de petites distorsions architecturales (images
subtiles) présentes seulement sur une ou deux coupes de tomosynthèse.
Dans le même temps, la tomosynthèse, en « déconstruisant » l’image
du sein, permet d’innocenter certaines images en particulier des plages
d’asymétrie de densité sur la mammographie 2D classique. Ceci
permettrait ainsi de diminuer le nombre d’échographies
complémentaires.
304
UNE NOUVELLE TECHNIQUE D’EXPLORATION DU SEIN
:
LA TOMOSYNTHÈSE
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305
Actualités sur les tumeurs
phyllodes du sein non
métastatiques
M.C. VOLTZENLOGEL 1, L. VANDENBROUCKE 1, V. LAVOUÉ 1, 2,
A. KIANI 2, P. TAS 2, F. F OUCHER 1, 2, J. LEVÊQUE 1, 2 *
(Rennes)
Résumé
Les tumeurs phyllodes du sein (TPS) sont des tumeurs rares survenant à partir de
la 4e décennie le plus souvent d’étiopathogénie mal connue. Il s’agit d’un spectre lésionnel
en anatomopathologie qui s’étend des TPS bénignes difficiles à distinguer des
adénofibromes aux TPS malignes autrefois dénommées sarcomes phyllodes. Leur
diagnostic peut être évoqué en préopératoire sur des éléments cliniques et d’imagerie (âge
de survenue inhabituel pour un adénofibrome, taille de la lésion importante ou croissance
brutale, aspect hétérogène en imagerie témoin de l’existence de nécrose tumorale) : ceci
permet au chirurgien de proposer une excision large avec une marge de sécurité d’au
moins 1 cm, clé du pronostic local et général. En effet, ces lésions récidivent localement,
notamment chez les patientes les plus âgées, présentant les tumeurs les plus agressives et
de taille conséquente, d’autant plus que leur résection est insuffisante. L’évolution
1 - CHU Anne de Bretagne - Service de gynécologie - 16 boulevard de Bulgarie BP 90347 - 35203 Rennes cedex 2
2 - Institut rennais du sein - CRLCC Eugène Marquis - Rue de la Bataille Flandres Dunkerque - CS 44229 - 35042 Rennes cedex
* Correspondance : [email protected]
307
LEVÊQUE
&
COLL.
métastatique est l’apanage des TPS malignes ou borderline, là aussi en cas de traitement
initial insuffisant et lorsque s’accumulent les facteurs péjoratifs. Ces récidives locales et
métastatiques peuvent se manifester sous une forme plus agressive et justifient un suivi
régulier en particulier les deux premières années. Le traitement conservateur chirurgical
doit être privilégié sans lymphadénectomie axillaire en l’absence d’adénopathies
palpables, la radiothérapie adjuvante pouvant être proposée en cas d’éléments pronostiques
inquiétants.
Mots clés : tumeurs phyllodes, tumorectomie, radiothérapie, récidive
Déclaration publique d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir d’intérêt direct ou indirect
(financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel ou
commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
Les tumeurs phyllodes du sein (TPS), décrites initialement par
l’Allemand Johannes Muller en 1838 sur leur aspect en feuille à la coupe
(fuvllon, feuille en grec), sont des tumeurs mammaires mixtes fibroépithéliales, rares (moins de 0,5 % de l’ensemble de tumeurs du sein,
2,5 % des tumeurs fibro-épithéliales du sein), particulières par leur
histologie qui décrit un spectre lésionnel allant des TPS bénignes à
malignes en passant par les formes borderline [1], et leur évolution lors
de récidives locales et métastatiques avec un glissement possible vers
une forme histologiquement plus agressive. Dans cette revue de la
littérature internationale récente, nous allons insister sur les aspects
pratiques de la prise en charge des TPS non métastatiques : possibilités
diagnostiques, traitement en particulier chirurgical, et devenir des
patientes après traitement.
308
ACTUALITÉS SUR LES TUMEURS PHYLLODES DU SEIN NON MÉTASTATIQUES
I. ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE ET ANALYTIQUE
Le pic de fréquence des TPS est situé entre 40 et 45 ans, soit après
celui des fibroadénomes et avant celui des cancers du sein et leur
incidence reste modeste (incidence des TPS malignes estimée à 2,1/1
million de femmes par le réseau de surveillance épidémiologique américain [2], avec un sur-risque inexpliqué chez les migrantes caucasiennes
d’Amérique du Sud) : l’âge de découverte des TPS malignes semble plus
tardif que celui des TPS bénignes (50 ans dans la série de 821 cas de TPS
malignes de la SEER database, avec toutefois une survenue chez des
adolescentes (12 ans) et des patientes âgées de 92 ans [3]).
L’étiopathogénie des TPS reste mystérieuse, aucun facteur prédisposant n’ayant été mis en évidence, hormis les mutations constitutionnelles de TP53 dans le cadre du syndrome de Li-Fraumeini qui ne sont
responsables que d’une faible part des TPS [4]. L’hypothèse classique était
que les fibroadénomes mammaires résultaient d’une prolifération
polyclonale du stroma, tandis que les TPS étaient dues à une prolifération
monoclonale, la prolifération épithéliale étant dans les deux lésions
histologiques polyclonale [5]. En réalité, l’étude de 3 patientes ayant des
adénofibromes ayant évolué secondairement en TPS a montré que le
caractère monoclonal de la prolifération a été retrouvé tant sur les TPS que
les adénofibromes [6]. Les interactions entre l’épithélium lactifère et le
stroma fibrovasculaire sont nécessaires au développement mammaire et
leurs dysfonctionnements sont relevés en pathologie mammaire maligne :
à ce titre, les TPS avec leur double composante constituent un modèle
d’étude important [7]. Plusieurs hormones et facteurs de croissance ont été
mis en cause dans la genèse et l’histoire naturelle des TPS :
– le composant épithélial des TPS surexprime volontiers les
récepteurs estrogéniques (ER) et à la progestérone (PR), ce qui
n’est que rarement le cas au niveau du stroma expliquant sans
doute leur hormono-insensibilité ; de plus, l’expression des ER
est corrélée au grade de la TPS (et non l’expression de PR) en
remarquant que le grade des TPS est déterminé exclusivement
sur la composante stromale de la tumeur [8] ;
– la surexpression des récepteurs EGF (EGFR) est corrélée au grade
tumoral et aux facteurs classiques de mauvais pronostic (positivités
respectives des EGFR de 16,2 %, 30,6 % et 56 % dans les tumeurs
bénignes, de malignité intermédiaire et malignes [9]) : toutefois, la
surexpression de Her2-neu n’a jamais été observée au niveau
stromal, et la surexpression épithéliale notée dans 60 % des cas
n’est pas corrélée aux autres facteurs histopronostiques classiques ;
309
LEVÊQUE
&
COLL.
– à l’identique, une surexpression du Vascular Endothelial Growth
Factor (VEGF) est retrouvée dans les TPS (surexpression dans
31 % des cellules stromales et 29 % des cellules épithéliales), avec
une corrélation avec l’agressivité tumorale (grade et facteurs
histopronostiques comme index mitotique et invasion des
marges) [10] ;
– d’autres voies de transduction du signal (voie WNT/B Catenine)
stimulant la voie anti-apoptotique et la prolifération cellulaire,
protéines du cycle cellulaire, facteurs angiogénétiques, métalloprotéases (CD10), et protoconcogènes (c-kit) jouent un rôle
dans l’histoire naturelle des TPS.
On s’oriente ainsi vers un défaut d’interactions physiologiques
entre composants épithélial et stromal qui serait à la base de la
constitution des TPS, suivi d’une stimulation de la croissance de la
composante stromale autonome et son développement au sein d’un
environnement devenu favorable [7]. Ceci expliquerait de plus que l’on
retrouve chez les patientes opérées de TPS une histoire d’adénofibrome
beaucoup plus fréquemment que ne le voudrait le simple hasard : ainsi
dans la grande série du Sloan Kettering Memorial Hospital, 109
patientes sur 293 avaient un antécédent de fibroadénome mammaire
[11], avec une égale répartition entre les TPS bénignes et malignes.
II. LE DIAGNOSTIC PRÉ, PER- ET POSTOPÉRATOIRE
Le diagnostic est difficile tant les TPS ont une symptomatologie
voisine des adénofibromes qui eux sont beaucoup plus communs : or
c’est une des difficultés, car le traitement chirurgical diffère.
Cliniquement, les TPS se présentent sous la forme de masses
souples, bien limitées, indolores sans adénopathie axillaire associée
(dans la plus grande série publiée de 443 TPS, seulement 45 patientes
ont subi un curage axillaire et une adénopathie métastatique n’a été
histologiquement retrouvée que dans 1 cas [12]), unilatérales le plus
souvent (3,5 % de bilatéralité dans la série du Memorial Sloan Kettering
Hospital [11]). Des phénomènes d’ulcération cutanée sont notés dans les
tumeurs les plus volumineuses (Figure 1), dont on peut voir la
vascularisation veineuse par transparence, tandis que la rétraction
mamelonnaire ou l’écoulement mamelonnaire sont plus rares [13].
Plusieurs éléments peuvent mettre la puce à l’oreille :
– la survenue une décennie plus tard que les adénofibromes ;
310
ACTUALITÉS SUR LES TUMEURS PHYLLODES DU SEIN NON MÉTASTATIQUES
Figure 1 - Volumineuse TPS bénigne avec ulcération cutanée
– la taille tumorale plus importante (passée de 7 cm à 4 cm en
moyenne dans les séries les plus récentes [14]), avec une taille
d’autant plus importante que la TPS est de haut grade [11, 12, 14] ;
– la croissance rapide (ou une reprise de croissance après une
phase de stagnation) et la présence de modifications cutanées
assez rares en cas de fibroadénomes.
Les observations de TPS survenant lors de la grossesse sont rares
(7 cas rapportés) et présentent quelques particularités [15] :
– taille volontiers importante pouvant imposer une mammectomie,
– découverte volontiers au dernier trimestre de la grossesse,
– mais le traitement et le pronostic sont sans particularité.
En mammographie, les TPS apparaissent comme des opacités
homogènes arrondies ou polylobées évoquant donc des adénofibromes ;
l’étude des marges est importante : dans la série tunisienne de
Ben Hassouna [16], sur les 79 TPS ayant été explorées mammographiquement, les marges tumorales sont régulières dans les 56 cas de TPS
bénignes et irrégulières dans 5 cas sur 8 TPS borderline et dans tous
les cas de TPS malignes ; plus rarement des macrocalcifications sont
notées témoignant alors de phénomènes de nécrose tumorale mais
cela est observé également dans les adénofibromes vieillis [17, 18].
Toutefois, le diagnostic radiologique reste difficile en particulier devant
des lésions de taille plus modeste que celles observées par Ben
Hassouna : dans la série de l’Institut des tumeurs de Milan [19], les
corrélations entre le diagnostic radiologique préopératoire et
histologique de la pièce sont médiocres : sur les 14 mammographies
311
LEVÊQUE
&
COLL.
classées comme malignes seules 5 étaient confirmées histologiquement
(35,7 %) et 7 étaient en réalité des lésions bénignes. Les images
échographiques typiques sont celles de formations hypoéchogènes bien
limitées qui peuvent contenir des zones kystiques, ce qui peut alerter
[18]. L’IRM enfin apparaît peu contributive retrouvant des masses
lobulées circonscrites, présentant des septa en séquence T1, avec un
hypersignal T2 hétérogène en raison des zones kystisées ; après
injection de Gadolinium, un réhaussement intense est observé au niveau
des portions tumorales solides, et un aspect dynamique donnant des
courbes avec une prise de contraste rapide et intense suivie d’un washout de type III évocateur de malignité, le tout avec une certaine
corrélation avec le diagnostic histologique [20].
En pratique, une conjonction d’éléments inhabituels pour un
fibroadénome fait poser l’indication d’une vérification histologique, clé
de voûte du diagnostic. La cytologie par aspiration a été étudiée dans
quelques courtes séries de la littérature dont les cas étaient connus des
cytologistes : la concordance diagnostique est estimée en moyenne à
63 % [32 %-77 %] et est très dépendante de l’échantillonnage du fait de
l’hétérogénéité des TPS, et de l’expérience du cytopathologiste. Les
aspects cytologiques les plus marquants sont :
– la présence de fragments de stroma hypercellulaire,
– l’existence de plus de 30 % de cellules avec un noyau allongé en
fuseau au sein de cellules stromales dispersées,
– la présence de grappes de cellules épithéliales de plus d’1 mm,
l’ensemble prenant un aspect allongé en vague ou plié.
Les biopsies percutanées sont actuellement préférées d’autant
qu’elles sont réalisées aisément sous guidage échographique ; l’aspect
histologique des TPS est identique à celui des adénofibromes intracanaliculaires (galactophores étirés, et refoulés par endroit par des
protrusions papillaires du stroma), mais l’activité mitotique anormale
du stroma et son hypercellularité permettent d’évoquer le diagnostic [21].
Une étude « rétrospective » (c’est-à-dire partant du diagnostic
histologique final et le comparant aux diagnostics des biopsies
percutanées) retrouve 4 critères majeurs permettant de distinguer les
adénofibromes des TPS avec un taux de reproductibilité supérieur
à 60 % [22] : cellularité du stroma supérieure à 50 % à celle observée
dans les adénofibromes, prédominance du stroma sur la composante
épithéliale (avec un grossissement x 10, absence de composante
épithéliale), fragmentation de la composante épithéliale retrouvée aux
2 extrémités des carottes biopsiques (témoin indirect de la prolifération
stromale qui étire les canaux) et présence de tissu adipeux dans le stroma
(dont la signification est obscure : témoin de l’envahissement du tissu
312
ACTUALITÉS SUR LES TUMEURS PHYLLODES DU SEIN NON MÉTASTATIQUES
mammaire par la TPS ou partie propre de la TPS). Le pléomorphisme
du stroma et la présence de cellules atypiques sont quant à eux la marque
de la nature maligne de la TPS [23]. D’autres aspects histologiques sont
mentionnés par divers auteurs dont le plus important est l’existence
d’une infiltration aux marges des TPS (mais retrouvée aussi dans les
adénofibromes [24]), et l’existence de mitoses stromales dans 30 à 70 %
des TPS [22, 24]. Une série américaine portant sur 57 biopsies
percutanées de lésions fibro-épithéliales (âge moyen des patientes de
42 ans, taille moyenne des lésions de 1,1 cm) confirme l’intérêt des
biopsies percutanées dans la gestion des TPS [25] :
– après biopsie percutanée le diagnostic était douteux dans 9 cas
qui se sont avérés être partagés entre TPS (4 cas) et adénofibromes (5 cas) ;
– le diagnostic était suspecté dans 48 cas : 23 suspicions de TPS
qui furent confirmées dans 19 cas, et 25 suspicions de fibroadénomes dont seulement 2 se sont avérées être in fine des TPS
toutes deux de bas grade ; on voit donc que la pratique des
biopsies percutanées permet non seulement de diagnostiquer les
TPS mais aussi d’en évoquer le pronostic histologique [23].
L’utilisation des marqueurs de prolifération cellulaire (phase S,
ploïdie, expression de p53 et Chi67) donnent des résultats contrastés
dans la littérature : si ces marqueurs semblent correlés au grade tumoral,
leur intérêt dans le diagnostic différentiel des adénofibromes est discuté
[21]. Enfin, il faut reconnaître qu’environ 30 % des biopsies percutanées
effectuées pour des TPS sont des faux négatifs : l’hypothèse la plus
vraisemblable est que les TPS sont hétérogènes (et d’autant plus que
les tumeurs sont de fort volume), avec donc une marge d’erreur liée
au siège du prélèvement même s’il est certain que parfois les TPS
surviennent sur d’authentiques adénofibromes mammaires [22, 26].
Un score (dit de « Paddington ») a été proposé pour inciter les
cliniciens à réaliser les biopsies percutanées devant la présence de
2 éléments ou plus parmi un panel d’éléments cliniques d’imagerie et
cytologiques (Tableau 1) [21].
Ceci explique que le diagnostic opératoire (extemporané) est
demandé sur des critères clinico-radiologiques et biopsiques, mais il
présente de sérieuses limites : la série taïwannaise de Chen [27] qui
comporte 113 examens extemporanés sur 172 cas de TPS (131 TPS
bénignes, 12 borderline et 29 malignes) ne confirmait le diagnostic de
TPS que dans 47 cas (41,6 % de concordance diagnostique).
Le diagnostic de certitude ne peut venir donc que de l’étude anatomopathologique classique. Macroscopiquement, les TPS se présentent
sous la forme de masses de taille variable (allant de 1 à 40 cm),
313
LEVÊQUE
&
COLL.
Tableau 1- Eléments cliniques et d’imagerie pouvant faire évoquer une tumeur
phyllode (score de Paddington) [21]
Éléments cliniques
Masse de croissance rapide ou subissant une brusque
accélération de croissance
Tumeur d’aspect conjonctif mais : – de plus de 3 cm
– après 35 ans
Éléments radiologiques
Masse de contours lobulés
Présence de flaques d’aspect kystique au sein de la lésion
Éléments cytologiques
après aspiration
Présence de fragments de stroma hypercellulaire
Aspect indéterminé
charnues, bosselées, refoulant la glande mammaire sans l’envahir
(absence de véritable capsule), présentant à la coupe un aspect foliacé
avec des zones de remaniement nécrotico-hémorragique. Microscopiquement, les TPS couvrent un spectre de lésions mimant un fibroadénome hypercellulaire à un sarcome de haut grade du sein. Les
2 contingents épithélium et stroma sont susceptibles de présenter des
modifications telles qu’hyperplasie, atypie ou métaplasie (64 % des TPS
de l’importante série de Singapour présentaient des lésions d’hyperplasie
épithéliale, légère (3,5 %), modérée (28,1 %) et sévère (9,3 %) [28]) : des
lésions épithéliales authentiquement malignes sont retrouvées
régulièrement au sein des TPS [28, 29], et de rares cas (moins de 5 %
des cas) de différenciation sarcomateuse de TPS ont été décrits [30].
L’aspect du stroma (déséquilibre de la composante stromale surreprésentée aux dépens de la composante épithéliale, hypercellularité du
stroma en particulier) est en pratique l’élément déterminant permettant
tout à la fois de distinguer (mais cela repose sur des critères subjectifs) les
TPS des adénofibromes, et de classer les tumeurs phyllodes en
3 catégories distinctes [31] (bénignes malignes et borderline) (Tableau 2).
Tableau 2 - Principaux éléments permettant la classification des TPS [31]
Aspects histologiques
TPS bénigne
TPS borderline
TPS maligne
Activité mitotique
stromale
< 4/10 champs à
fort grossissement
4 à 9/10 champs à
fort grossissement
≥ 10/10 champs à
fort grossissement
Atypies cellulaires
stromales
Faibles
Marquées
Marquées
Hypertrophie stromale
Absente
Absente
Présente
Marges tumorales
Circonscrites
Variables
Présence d’infiltration
314
ACTUALITÉS SUR LES TUMEURS PHYLLODES DU SEIN NON MÉTASTATIQUES
III. LE PRONOSTIC ET L’ÉVOLUTION DES TUMEURS
PHYLLODES NON MÉTASTATIQUES
Le pronostic global des TPS est bon avec 80 % environ de survie
sans récidive à 10 ans [12] toutes histologies confondues : cependant leur
devenir est imprévisible en l’absence de corrélation nette entre nature
histologique et évolution clinique, ce qui fait dire à certains que toute
TPS doit être considérée comme maligne [32] ; ainsi :
– les TPS qualifiées de bénignes (plus de 50 % des cas) peuventelles récidiver localement avec un risque de récidive sous une
forme histologiquement agressive, voire présenter une évolution
métastatique,
– les TPS qualifiées de malignes (environ 25 % des cas) peuventelles rester quiescentes fort longtemps chez la majorité des patientes,
même si elles restent à plus haut risque métastatique.
De nombreuses études ont donc eu pour objet de définir des
facteurs pronostiques impliqués dans le risque de récidive locale, et
métastatique avec des implications évidentes sur la conduite à tenir
thérapeutique. La plus intéressante car multicentrique, internationale
avec forte participation française, et numériquement la plus conséquente
porte sur 443 patientes (40 ans d’âge moyen) présentant des TPS
(bénignes : 284 (64 %), borderline : 80 (18 %) et malignes : 79 (18 %))
prises en charge entre 1971 et 2003 (traitement conservateur dans 85 %
des cas, avec radiothérapie (50 Gy) dans 9 % des cas, et chimiothérapie
comprenant des anthracyclines dans 3 % des cas) avec un suivi moyen
de 106 mois (12-387 mois) [12].
Les récidives locales. Dans cette série, elles sont de 17 % tous types
histologiques confondus et des éléments importants sont à souligner que
l’on retrouve à des degrés divers dans la littérature :
– les récidives locales sont majoritairement observées dans les 2 premières années [13, 19] mais peuvent survenir relativement
tardivement, ce qui nécessite un suivi prolongé : en effet dans la série
de Belkacémi [12], les taux passent de 14 % à 5 ans à 20 % à 10 ans
(les séries avec un suivi plus court ne pouvant mettre en évidence
que les récidives les plus précoces), toutefois les TPS malignes
récidivent plus précocement que les bénignes [13, 27, 32-34] ;
– le diagnostic de récidive locale est utile car le traitement est
efficace : la mammectomie « de rattrapage » guérit 70 patientes
sur les 76 ayant récidivé (92 % de taux de guérison) dans la série
suscitée (même si la mammectomie n’est pas nécessaire pour tous
comme nous le verrons infra).
315
LEVÊQUE
&
COLL.
Les facteurs pronostiques de récidive locale dans cette série sont
classiques et retrouvés dans toutes les séries où leurs poids respectifs
varient dans la littérature selon le type de recrutement des centres ayant
publié le nombre de patientes traitées et le recul :
– le type histologique des TPS : les TPS bénignes ont un taux de
récidive locale de 11 % contre 29 % et 28 % pour les TPS
borderline et malignes (contrôle local des TPS bénignes de 92 %
[88-96] à 5 ans et 87 % [83-91] à 10 ans, pour 74 % [66-82] à 5 ans
et 64 % [54-74] à 10 ans pour les TPS malignes et borderline),
– d’autres facteurs histopronostiques comme la faible activité
mitotique, l’absence d’atypies cellulaires, d’hypertrophie stromale,
et de nécrose (apanage des TPS bénignes) au niveau de la composante stromale,
– des éléments cliniques : taille de moins de 3 cm et patiente non
ménopausée,
– des éléments thérapeutiques : absence de résidu tumoral, marges
in sano à plus d’1 cm et radiothérapie dans les TPS borderline et
malignes exclusivement.
L’analyse multivariée dans cette série (qui ne porte que sur les 146
dossiers contenant l’ensemble des données) ne retient que 4 facteurs
indépendants de récidive locale :
– l’histologie bénigne (RR = 0,43 versus borderline et malin),
– l’existence de marges à plus de 1 cm (RR = 2,13 versus marges
envahies ou proches),
– l’absence de tumeur résiduelle (RR = 1,98 versus résection
incomplète),
– l’absence de radiothérapie (dans les TPS borderline ou malignes
RR = 3,30 versus une radiothérapie externe).
Les récidives locales présentent plusieurs particularités :
– elles se font sur un mode histologique plus agressif dans 15 à
30 % des cas [11, 14, 16, 19], et plus rarement sur un mode moins
agressif (25 % de récidives histologiquement plus péjoratives
contre 11 % de récidives sur un mode plus bénin dans une série
de 43 récidives survenues chez 335 patientes [28]),
– elles prédisposeraient à une autre récidive [35] : dans la même
série de Tan [28], 12,8 % des patientes présentaient une récidive
et 21 % une deuxième récidive,
– elles seraient anormalement fréquentes chez les patientes présentant une récidive métastatique (46 % des patientes de la série de
Singapour [28]), et constituent un facteur de risque reconnu de
décès spécifique (dans la série américaine de Pezner [36], le HR de
décès en cas de récidive locale est de 2,5 en analyse multivariée).
316
ACTUALITÉS SUR LES TUMEURS PHYLLODES DU SEIN NON MÉTASTATIQUES
Les récidives métastatiques. Elles sont rares dans la série de
Belkacemi [12] (3 % à 5 ans et 4 % à 10 ans), et concernent exclusivement les TPS malignes (13 récidives systémiques sur 79 cas (16,5 %)) et
borderline dans une moindre mesure (2 cas sur 80 soit 2,5 %). Dans
cette série, les 15 récidives métastatiques étaient pulmonaires dans 13 cas
soit 87 % des cas : plus rarement des localisations métastatiques
osseuses, cérébrales et autres sont décrites [13]. Ces récidives métastatiques surviennent à plus de 90 % dans les 3 ans [13, 16].
La survie dans récidive (SSR) et la survie globale (SG) sont les
reflets du risque métastatique : les résultats des différentes séries sont
tous bons et la comparaison des SG et SSR, d’une part confirme l’intérêt
thérapeutique des mammectomies secondaires en cas de récidive locale,
et d’autre part révèle que les récidives métastatiques surviennent
majoritairement dans les 5 premières années : ainsi, la SG à 5 ans et
10 ans est de 97 % et 96 % tandis que les SSR aux mêmes dates sont
de 83 % et 78 %. Les facteurs pronostiques qui impactent favorablement
les SG et SSR sont souvent les mêmes que ceux retrouvés dans les
récidives locales :
– la nature histologique des TPS et la faible activité mitotique
stromale : les survies comparées à 5 et 10 ans des TPS bénignes
et des TPS borderline plus malignes sont de :
• SSR 5 ans : 93 % versus 67 % et 10 ans : 87 % versus 68 %,
• SG 5 ans : 100 % versus 93 % et 10 ans : 100 % versus 88 %,
– l’âge de moins de 40 ans et le statut préménopausique sont des
éléments de bon pronostic,
– ainsi que la taille tumorale de moins de 3 cm et l’existence de
marges saines.
En analyse multivariée, ne persistent dans le travail de Belkacemi
[12] :
– pour la SSR, que les critères histologiques (TPS bénignes versus
TPS malignes et borderline : RR de récidive = 0,48, et une faible
activité mitotique),
– et pour la SG, que la taille tumorale de moins de 3 cm et
l’absence de nécrose comme facteurs favorables et dans le sousgroupe des TPS borderline et malignes le traitement chirurgical
radical (RR de récidive en cas de traitement conservateur = 1,61).
La survenue d’une récidive métastatique est un élément de mauvais
pronostic à court terme (avec un décès dans les 4 à 6 mois [13, 14, 37]) :
la réponse à la chimiothérapie quand elle existe est en règle de courte
durée [32], et l’hormonothérapie inefficace même en cas de tumeur
présentant des récepteurs estrogéniques [38].
317
LEVÊQUE
&
COLL.
IV. LE TRAITEMENT DES TUMEURS PHYLLODES NON
MÉTASTATIQUES
Le traitement des TPS non métastatiques repose en premier lieu
sur l’excision chirurgicale avec une marge de sécurité de 1 cm au moins
quelle que soit la nature histologique de la lésion : si le traitement
conservateur doit être privilégié, la mammectomie est conseillée si cette
condition ne peut être remplie [30, 39]. Le curage axillaire n’est indiqué
qu’en cas de d’adénopathies cliniquement suspectes : dans une grande
série californienne de 752 patientes présentant des TPS malignes [34],
l’existence d’adénopathies axillaires envahies (témoin d’une maladie
locorégionale) est retrouvée dans 8 % des cas avec un impact pronostique majeur (survie globale à 10 ans de 90,9 % versus 61,5 % en cas
de métastases ganglionnaires) ; toutefois, le curage axillaire ne semble
pas apporter de bénéfice en termes de survie [30]. Le traitement conservateur (bien conduit) offre une sécurité cancérologique comparable à la
mammectomie en particulier dans les TPS malignes ; dans la série
américaine issue de la SEER database [3], portant sur 821 patientes
porteuses d’une TPS maligne :
– 52 % des patientes ont été traitées par mammectomie (et 48 % de
manière conservatrice avec une nette tendance au fil du temps à
privilégier cette 2e option),
– avec un suivi moyen de 5,7 ans, la survie spécifique était de 91 %,
89 % à 5 ans et 10 et 15 ans sans différence entre les 2 types de
traitement.
La question de la reprise chirurgicale en l’absence de marges non
in sano n’est pas tranchée :
– la mammectomie de rattrapage en cas de récidive locale guérit
nombre de patientes [12] (tout en restant un geste mutilant), et la
radiothérapie semble un traitement efficace mais prophylactique
après un traitement chirurgical bien conduit comme pour le
carcinome mammaire (en tout état de cause les séries rapportant
une radiothérapie effectuée pour marges non in sano ne sont pas
suffisamment étoffées pour la conseiller de principe) [40] ;
– la récidive locale est en particulier dans les TPS malignes et
borderline un facteur d’évolution métastatique [12, 36, 41] ;
– il semble logique de discuter chaque dossier au cas par cas : ainsi,
on proposera une reprise chirurgicale d’autant plus facilement
que la TPS est agressive, les marges sont proches, la taille
tumorale initiale est importante, la patiente est âgée, et… que les
seins sont généreux.
318
ACTUALITÉS SUR LES TUMEURS PHYLLODES DU SEIN NON MÉTASTATIQUES
La radiothérapie est probablement sous-utilisée dans les TPS en
particulier malignes [40] même si son bénéfice est incertain [3] et
pourrait être proposée selon le même schéma que celui utilisé dans les
carcinomes mammaires et sarcomes des tissus mous (50 Gy en 5 semaines
avec une surimpression de 10 à 15 Gy en 1 à 2 semaines [36]. Deux
séries récentes plaident en faveur de la radiothérapie adjuvante dans les
TPS malignes ou borderline :
– dans la série de Belkacemi [12], 38 patientes ont bénéficié de
radiothérapie adjuvante qui constitue un facteur favorable au
contrôle local dans les TPS malignes et borderline en particulier
dans l’analyse multivariée (RR = 3,30 de récidive locale en
l’absence de radiothérapie),
– dans la série prospective de Barth [33], aucune des 46 patientes
irradiées n’a présenté de récidive locale avec un suivi moyen de
56 mois.
La place de la chimiothérapie (protocoles utilisés dans les sarcomes
des tissus mous (isofosfamides/doxorubicine ou cisplatine/étoposide) est
encore plus débattue : certains la proposent en cas de facteurs
d’évolution métastatique dans les TPS malignes (taille tumorale élevée,
stade locorégional, prolifération stromale importante avec atypie) [34],
mais une étude mexicaine portant sur 28 cas de TPS malignes de fort
volume n’a pas retrouvé de bénéfice à une chimiothérapie adjuvante
(4 cycles de doxorubicine et dacarbazine et radiothérapie adjuvante
associée dans 7 cas) chez les 17 patientes traitées par rapport aux 11
contrôles avec une survie sans récidive de 86 % et 58 % respectivement
(différence non significative) ; dans cette étude très limitée, tous les
décès spécifiques sont survenus dans le bras chimiothérapie dans un
délai moyen de 6,5 mois.
Là encore, la rareté des TPS est un frein à des études prospectives
randomisées : la place de la radiothérapie et de la chimiothérapie
adjuvantes est à discuter au cas par cas en tenant compte de facteurs
pronostiques cliniques et histologiques.
Le traitement des récidives locales n’est pas réellement codifié :
– le réseau américain NCCN conseille la réalisation d’une réexcision sans curage axillaire et évoque la possibilité d’une radiothérapie sur la paroi ou le sein (mais avec un niveau de preuve
faible, 2B) [42],
– Chaney [40] évoque l’intérêt d’une radiothérapie adjuvante
systématique après une récidive,
– enfin certains auteurs recommandent la pratique d’une mammectomie systématique, ce qui paraît aujourd’hui très excessif en
particulier en cas de récidive peu agressive [32].
319
LEVÊQUE
&
COLL.
Enfin, il semble logique de proposer en cas de récidive sur un
mode agressif un bilan d’extension simple comprenant un scanner
thoracique.
CONCLUSION
Les TPS du fait de leur rareté sont de prise en charge délicate car
elles sont encore découvertes lors de la visite postopératoire : pour
éviter ce piège, quelques conseils simples tels la pratique d’une biopsie
percutanée (avec un pathologiste dûment averti des interrogations du
clinicien) en cas d’éléments discordants (patiente de plus de 30 ans,
taille de la lésion importante ou croissance rapide, aspect hétérogène ou
zones kystisées en imagerie, contours non parfaitement nets en
particulier). Un diagnostic préopératoire suspecté permet d’envisager
une résection large avec une marge de plus de 1 cm qui est le meilleur
garant d’une diminution du risque de récidive locale et par là d’évolution métastatique (la tendance actuelle étant à proposer autant que
faire se peut des traitements conservateurs, avec éventuellement une
radiothérapie pour les TPS malignes présentant d’autres facteurs
pronostiques inquiétants). Le risque de récidive locale y compris pour
les TPS bénignes ayant bénéficié d’un traitement local selon les règles
impose un suivi régulier clinique et par imagerie en sachant qu’elles
surviennent plus volontiers dans les 2 premières années et qu’elles
exposent à un sur-risque métastatique principalement pulmonaire de
pronostic sévère à court terme.
320
ACTUALITÉS SUR LES TUMEURS PHYLLODES DU SEIN NON MÉTASTATIQUES
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323
Prise en charge des papillomes
A. KANE *, E. VINCENS, C. F REY, C. DEHGHANI, D. SALET LIZÉE,
P. GADONNEIX, R. VILLET
(Paris)
Résumé
La maladie papillaire comprend un large spectre de lésions considérées à haut
risque en raison d’un taux important de malignité (15 à 20 %) retrouvée après exérèse
chirurgicale. Le diagnostic, historiquement chirurgical devant un écoulement mamelonnaire repose actuellement sur les biopsies percutanées échoguidées ou stéréotaxiques.
Cependant la valeur prédictive de la biopsie reste sub-optimale en raison de la
fragmentation de la pièce, de la taille de l’échantillonnage et de l’association fréquente
d’autres lésions papillaires pouvant ainsi sous-estimer la maladie papillaire de 10 % à
15 % pour les papillomes bénins jusqu’à 67 % pour les papillomes atypiques.
Ce risque de sous-estimation diagnostique persistant malgré l’utilisation des
macrobiopsies par aspiration, et l’absence de critères prédictifs de malignité sur
l’imagerie, doivent conduire à recommander l’exérèse chirurgicale large de l’ensemble des
papillomes.
Hôpital Diaconesses Croix Simon - Service de chirurgie viscérale et gynécologique Site Reuilly - 12-18 rue du Sergent Bauchat - 75012 Paris
* Correspondance : [email protected]
325
KANE
&
COLL.
L’avènement du système INTACT palliant certains de ces inconvénients permettrait
selon plusieurs études récentes de diminuer ce risque de sous-estimations. Néanmoins des
études randomisées sont nécessaires afin de valider cette technique d’exérèse radiologique
pour les papillomes bénins et ainsi surseoir à la chirurgie.
Mots clés : papillome, hyperplasie atypie, carcinome in situ, biopsie percutanée
Déclaration publique d’intérêt
Je soussignée, Aminata Kane, déclare ne pas avoir d’intérêt direct
ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel
ou commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
Les lésions papillaires sont relativement peu fréquentes, elles
représentent un peu plus de 5 % de l’ensemble des biopsies mammaires
et correspondent à moins de 10 % des lésions bénignes, et seulement
entre 0,5 à 2 % des néoplasies mammaires sont de type papillaire [1-3].
Elles comprennent un large spectre de lésions allant du bénin
(papillome bénin, papillomatose) à l’atypie (papillome atypique,
papillome avec hyperplasie canalaire atypique), au malin (carcinome
intrapapillaire, carcinome papillaire invasif).
Ces lésions papillaires sont définies par la présence de digitations
stromales présentant un axe conjonctivo-vasculaire et sur lesquelles
sont disposées des cellules épithéliales luminales associées ou non à des
cellules myoépithéliales.
Les critères diagnostiques permettant de différencier ces différentes lésions sont basés sur leur architecture globale, le type de
cellules épithéliales les constituant, la présence ou l’absence de cellules
myoépithéliales et l’expression des anticorps spécifiques du P63 et des
kératines de haut poids moléculaire en immunohistochimie [4].
326
PRISE EN CHARGE DES PAPILLOMES
Les papillomes peuvent être de localisation centrale (péri- ou
rétroaréolaire) ou périphériques et peuvent être uniques ou multiples
(papillomatose). Les papillomes périaréolaires sont plus souvent
uniques et s’accompagnent fréquemment d’écoulement mamelonnaire
uniporique séreux ou séro-hématiques. Les papillomes multiples se
voient plus souvent chez des patientes plus jeunes et sont fréquemment
asymptomatiques, bilatéraux et d’avantage à risque de récidive après
résection. Ils seraient également plus à risque de malignité, mais aussi
bien les papillomes solitaires que les papillomes multiples sont associés
à une augmentation du risque de cancer du sein justifiant une prise en
charge particulière.
Radiologiquement les lésions papillaires mammaires peuvent se
présenter sous forme d’une distorsion architecturale, d’une asymétrie
de densité, d’une masse nodulaire associées ou non à des microcalcifications ou plus rarement de microcalcifications seules.
Historiquement le diagnostic était chirurgical lors de la réalisation
d’une pyramidectomie permettant après repérage du canalicule sécréteur l’exérèse de la branche galactophorique incriminée.
L’utilisation des biopsies percutanées échoguidées ou stéréotaxiques s’est par la suite généralisée dans le diagnostic des lésions
mammaires occultes ou palpables remplaçant progressivement la
cytoponction et la biopsie chirurgicale. Cependant la valeur prédictive
de la biopsie reste sub-optimale en raison de la fragmentation de la
pièce, de la taille de l’échantillonnage et de l’association fréquente
d’autres lésions papillaires pouvant ainsi sous-estimer la maladie
papillaire [5, 6].
Ce risque de sous-estimations diagnostiques a contribué à recommander l’exérèse chirurgicale large de l’ensemble des papillomes
permettant l’ablation de celui-ci et du tissu adjacent. En effet, les
atypies associées aux papillomes sont le plus souvent retrouvées en
périphérie du papillome et parfois à proximité du papillome [7].
L’avènement de la macrobiopsie par aspiration, et plus récemment
du système INTACT palliant certains de ces inconvénients, permettrait
selon plusieurs études récentes de diminuer ce risque de sousestimations.
Ainsi l’exérèse des lésions papillaires par ces méthodes radiologiques pourrait, pour certains auteurs et en respectant des critères
stricts, permettre de surseoir à la chirurgie dans certains cas.
327
KANE
&
COLL.
I. RAPPEL HISTOLOGIQUE : LES DIFFÉRENTS TYPES DE
LÉSIONS PAPILLAIRES
I.1. Les lésions papillaires bénignes
Depuis les travaux de Ohuchi et al. [3], on distingue 2 types de
lésions papillaires :
– le papillome intragalactophorique central qui se définit comme
une lésion centrale, en général unique, se développant au niveau
d’un ou de plusieurs gros galactophores, voisins de la région
sous-aréolaire ;
– le papillome périphérique, qui se présente le plus souvent sous
la forme de plusieurs lésions prenant naissance dans différents
lobules (papillomes multiples) avec ou sans extension dans les
galactophores de gros calibre. Le terme de micropapillome est
utilisé pour désigner des papillomes périphériques de découverte microscopique fortuite, siégeant dans des lésions d’adénose.
Sur le plan microscopique, les papillomes bénins sont représentés
par des structures arborescentes développées au sein de canaux plus ou
moins kystiques. Leurs ramifications sont constituées par des axes
conjonctivo-vasculaires bordés par des cellules myoépithéliales sur
lesquelles reposent des cellules épithéliales luminales. Des structures
adénomateuses sont fréquemment mêlées aux papilles (papilloadénome). Différents types de remaniements peuvent être observés au
niveau des papillomes : inflammation, nécrose, métaplasie (apocrine) et
hyperplasie épithéliale simple.
I.2. Papillome avec hyperplasie canalaire atypique (HCA)/CCIS
étendu à un papillome
Au sein d’une lésion papillaire, présentant par ailleurs tous les
critères d’un papillome bénin tels que décrits plus haut, on peut
retrouver des foyers de néoplasie épithéliale de bas grade. Dans l’étude
de Page et al, 6,5 % des papillomes présentaient des atypies épithéliales
[5]. Celles-ci sont plus fréquemment observées dans les papillomes
périphériques par rapport aux papillomes centraux.
Selon Sydnor, 67 % des papillomes avec atypies à la biopsie
révèlent des carcinomes mammaires après exérèse chirurgicale [8].
328
PRISE EN CHARGE DES PAPILLOMES
Sur le plan microscopique, on retrouve des aspects de papillome
bénin, mais avec des territoires où les cellules épithéliales ont les
mêmes aspects morphologiques et immunohistochimiques que l’HCA
ou le CCIS de bas grade nucléaire. Dans ces territoires, les cellules
épithéliales luminales atypiques peuvent être de type canalaire, apocrine ou intermédiaire entre les deux et elles s’organisent de manière
polarisée en structures micropapillaires et/ou cribriformes. Il n’existe
pas de consensus sur la dénomination de ces lésions. Les auteurs
recommandent d’appliquer le même critère d’extension que celui
utilisé dans le parenchyme mammaire pour différencier HCA et CCIS
de bas grade, à savoir un seuil de 2-3 mm. Au moins deux études ont
montré que ce type de lésions n’était pas associé à une augmentation
du risque de développement ultérieur de carcinome infiltrant quand les
atypies étaient confinées dans un papillome central, que celui-ci avait
été enlevé en totalité et qu’il n’existait pas de prolifération épithéliale
atypique dans le tissu mammaire adjacent [9].
À l’inverse, quand la néoplasie épithéliale de bas grade a une
distribution plus diffuse, mesure plus de 3 mm et est retrouvée aussi
bien dans le papillome que dans les structures mammaires adjacentes,
le terme de CCIS étendu à un papillome doit être utilisé.
I.3. Le CCIS de type papillaire
Certains CCIS ont une architecture papillaire, il s’agit généralement de CCIS de bas grade nucléaire. Sur le plan microscopique, on
retrouve dans les canaux et lobules une prolifération d’architecture
papillaire. Les axes papillaires sont grêles et ramifiés et ne sont pas
bordés par des cellules myoépithéliales. On ne retrouve que des
cellules épithéliales luminales cylindriques disposées en une seule
couche ou organisées en structures micropapillaires et cribriformes.
I.4. Carcinome papillaire intrakystique (CPIK)
Il s'agit d’une lésion papillaire unique localisée dans un canal
galactophore kystisé et caractérisée par une arborescence fibrovasculaire grêle, dépourvue de cellules myoépithéliales et recouverte
de cellules épithéliales néoplasiques avec des caractéristiques
histologiques d’un CCIS de bas grade. Le CPIK est rare et représente
moins de 2 % des carcinomes mammaires [10]. Le CPIK est caractérisé
par l’absence complète de cellules myoépithéliales bordant les
329
KANE
&
COLL.
structures papillaires et la paroi des lésions. De ce fait, certains auteurs
estiment qu’il s’agit d’un type très bien limité et circonscrit de
carcinome infiltrant [11]. Néanmoins, dans la classification OMS
(Organisation mondiale de la santé) 2003 des lésions mammaires, le
CPIK a été classé dans les lésions néoplasiques in situ car il se
comporte comme le CCIS et n’est pas associé à un risque métastatique
ganglionnaire ou à distance, contrairement au carcinome infiltrant.
II. FACTEURS DE RISQUE DE MALIGNITÉ ATTACHÉS
AUX LÉSIONS PAPILLAIRES
Les études récentes sont relativement contradictoires sur ce point,
néanmoins on retient classiquement comme facteurs de risque de
malignité associés au papillome : la présence d’atypie, un antécédent
personnel ou familial de cancer, un âge supérieur à 50 ans et le
caractère symptomatique par la survenue d’un écoulement mamelonnaire ou la présence d’une masse palpable [5, 6, 12].
En 2006, une étude de la Mayo Clinic [6] a comparé 480 patientes
prises en charge pour des lésions papillaires : 372 papillomes solitaires
bénins, 54 papillomes solitaires avec atypie, 41 papillomes multiples
(> 5), 13 papillomatoses avec atypie, avec des biopsies pour lésions non
papillaires : mastopathie non proliférante (N = 6 053), mastopathie
proliférante sans atypie (PDWA, N = 2 308), et hyperplasie atypique
(AH, N = 267). Le risque relatif de développer un cancer associé aux
papillomes bénins était de 2,04 (95 % IC 1,43-2,81) similaire à celui
associé aux mastopathies proliférantes RR : 1,90 (95 % IC 1,66-2,16).
Le risque associé aux lésions papillaires atypiques était de 5,11
(95 % CI 2,64-8,92) légèrement supérieur à celui des hyperplasies
atypiques sans atypie 4,17 (5 % CI 3,10-5,50). Les patients présentant
des papillomes multiples étaient également à risque RR : 3,01 (95 % CI
1,10-6,55), particulièrement en cas d’atypie RR : 7,01 (95 % CI 1,91-17).
Le caractère péjoratif de la présence d’atypie est retrouvé également chez la plupart des auteurs, Sydnor retrouvant un taux de cancer
de 67 % après exérèse chirurgicale [8].
Page et al. retrouvent un risque relatif de cancer du sein associé
aux papillomes avec atypie 7,5 fois supérieur à celui associé aux
papillomes bénins [5].
Dans la méta-analyse de Wen portant sur 34 études et 2 236 lésions
papillaires, la présence d’atypies sur la biopsie est associée à un risque
330
PRISE EN CHARGE DES PAPILLOMES
de cancers de 36,9 % versus 7 % en l’absence d’atypie retrouvée [12]
(tableau 1).
Dans cette étude, outre le caractère atypique lors de la biopsie,
seule la présence d’une masse palpable ressort comme facteur de risque
de malignité associée aux lésions papillaires (p < 0,05).
Résultat non retrouvé par Jaffer dans son étude portant sur 200 cas
où l’existence de signes d’appel (écoulement mamelonnaire, masse
palpable) n’apparaissent pas plus péjoratifs [7].
Tableau 1. Facteurs de risque de sous-estimations des lésions papillaires bénignes
à la microbiopsie. Revue de la littérature, Wen et al. Ann Surg Oncol 2012
331
KANE
&
COLL.
III. BILAN RADIOLOGIQUE DES LÉSIONS PAPILLAIRES
EN 2012 : FACTEURS PRÉDICTIFS DE MALIGNITÉ
ASSOCIÉS AUX PAPILLOMES BÉNINS
Si les lésions papillaires regroupent un panel de lésions allant de
la bénignité aux néoplasies invasives, leur présentation radiologique est
également très variée (ectasie canalaire à l’échographie, nodule
hypoéchogène régulier, microcalcifications etc.).
Elles relèvent de la classification ACR (Americain College of
Radiology), néanmoins la plupart des auteurs peinent à mettre en évidence
des facteurs radiologiques prédictifs de malignité des lésions papillaires.
Puglisi et al. ont rapporté 51 papillomes diagnostiqués sur
microbiopsie (14-gauges). L’aspect radiologique était peu spécifique
avec à la mammographie une opacité, des distorsions architecturales,
des opacités associées à des microcalcifications et des microcalcifications seules. À l’échographie, la lésion se présentait sous la forme
d’un nodule associé à une ectasie canalaire ou d’un nodule extraductal,
solide ou mixte. Le taux de cancers retrouvé après excision chirurgicale
était de 38,7 %. Aucun aspect radiologique mammographique ou
échographique n’était associé à un sur-risque de malignité. Les auteurs
concluaient en l’absence de critères radiologiques prédictifs de malignité
[13].
Des résultats similaires ont été publiés par Agoff, Sohn [14, 15] qui
retrouvaient des caractéristiques radiologiques similaires ne permettant
pas de distinguer les papillomes bénins des cancers associés aux
papillomes.
Jaffer, en 2009, a publié une série portant sur 200 papillomes bénins
ayant bénéficié d’un diagnostic par biopsie percutanée. Cent quatre
patientes ont eu une exérèse chirurgicale secondaire permettant de
diagnostiquer 7,7 % d’atypie et 6 % de carcinome in situ et 2,9 % de
lésion invasive (7). Là encore, aucun élément prédictif d’atypie ou de
malignité ne ressort :
– ni la taille (de 5 mm à 2 cm),
– ni la localisation intra-mammaire (centrale, rétroaréolaire ou
périphérique),
– ni les caractères échographiques et notamment le caractère
solide ou kystique. Le seul élément ressortant était la présence
d’un nodule irrégulier à l’échographie prédictif d’un carcinome
invasif.
Dans cette étude, 15 % des carcinomes retrouvés étaient situés à
proximité et non sur le site de la biopsie et pour moitié d’entre eux en
332
PRISE EN CHARGE DES PAPILLOMES
dehors de la lésion papillaire, et cela bien qu’un tiers des biopsies aient
été réalisées par macrobiopsies stéréotaxiques permettant un large
échantillonage.
Rizzo, dans son étude publiée en 2012 et portant sur 276 patientes
présentant un papillome bénin à la biopsie et ayant bénéficié d’une
excision chirurgicale, conclut également en l’absence de facteurs
radiologiques prédictifs de malignité. En effet ni la localisation, ni les
caractéristiques échographiques, ni la présence ou la distribution des
microcalcifications ne ressortent de manière significative [16].
Enfin, une méta-analyse récente publiée par Xin Wen incluant les
résultats de 34 études retrouve comme seul facteur radiologique
prédictif de malignité, la présence d’anomalies mammographiques,
opacité, microcalcifications ou microcalcifications + opacité) (p = 0,022)
[12].
Les lésions papillaires peuvent présenter 3 aspects en IRM [17] :
la forme d’une petite masse intracanalaire bien limitée prenant le
contraste, d’une masse irrégulière avec prise de contraste rapide et
intense (« tumor-like ») et sous la forme d’une lésion occulte.
La galacto-IRM utilise une séquence à forte pondération T2
(séquence galactographique) qui permet une étude non invasive des
canaux galactophores dilatés qui sont visibles sous forme de structures
tubulées en hypersignal. Comme pour la galactographie, les lésions
intragalactophoriques apparaissent sous forme d’un défect de signal,
d’une irrégularité de paroi ou d’une obstruction canalaire (arrêt
brusque).
Si l’IRM et a fortiori la galacto-IRM semblent apporter un avantage dans la mise en évidence des toutes petites lésions papillaires,
notamment chez la femme jeune à seins denses, ces techniques ne
semblent pas au vu des faibles données de la littérature apporter des
informations discriminantes sur une éventuelle malignité, l’IRM n’étant
pas très performante dans le diagnostic et le bilan des carcinomes in
situ, le plus souvent retrouvés associés aux lésions papillaires.
IV. DIAGNOSTIC HISTOLOGIQUE PAR BIOPSIE
PERCUTANÉE ET RISQUE DE SOUS-ESTIMATIONS
Si historiquement le diagnostic des lésions papillaires était effectué
sur la pièce de pyramidectomie motivée par la survenue d’un écoulement mamelonnaire, la majorité des papillomes sont actuellement de
333
KANE
&
COLL.
découverte fortuite lors d’un examen écho-mammographique de dépistage et bénéficient d’un diagnostic préopératoire par biopsie percutanée, et plus rarement par cytoponction avec néanmoins un risque de
sous-estimation des lésions.
En 2003, Masood et al. ont comparé le risque de sous-estimation
de la maladie papillaire entre cytoponction et microbiospie (FNAB),
retrouvant respectivement 20 % et 30 % de sous-estimations mais sur
des petits effectifs [18].
Gendler et al., en 2004 sur une série de 153 papillomes dont 87 avec
exérèse chirurgicale, retrouvent des résultats similaires avec un taux de
sous-estimations de 25 % en cas de cytoponction versus 53 % en cas de
macrobiopsie 11-gauges [19].
Valdes et al. ont comparé 120 lésions papillaires dont 80 avec
exérèse chirurgicale cytoponction (20 à 22-gauges), microbiopsie (14gauge), macrobiopsie stéréotaxique par mammotome. Ils retrouvent un
taux de sous-estimations similaire entre microbiopsie et cytoponction
d’environ 30 % et par contre une amélioration de la spécificité par
mammotome avec 12 % de sous-estimations [20].
Jaffer retrouvait un taux de sous-estimations globales par biopsie
de 16,4 % sans mettre en évidence de différence significative entre
microbiopsie et macrobiopsie par aspiration, néanmoins cette
procédure représentait un faible nombre de biopsie [7].
Dans sa méta-analyse portant sur 34 études publiée en août 2012,
Wen retrouve un taux de sous-estimation moyen de 16,6 % (IQR : 10,925,0 %) [12] (tableau 2).
Néanmoins, il note une diminution du taux de sous-estimations en
fonction de l’année de publication avec un taux de 0,226 (95 % CI :
0,155-0,297) avant 2005, 0,201 (95 % CI : 0,127-0,275) entre 2005-2007,
et 0,121 (95 % CI : 0,074-0,169) à partir de 2007 avec significativement
moins de sous-estimations après 2007 qu’avant 2005 (1,974 OR [95 %
CI : 1,06-3,69]).
Ces résultats peuvent avoir deux principales explications : l’expérience des radiologues notamment dans le choix de la zone à biopsier,
et un changement de définition entre lésions atypiques et bénignes
survenu à cette période.
Dans cette méta-analyse, il est également mis en évidence une
amélioration non significative de la précision diagnostique par l’utilisation des macrobiopsies par aspiration avec un taux de sousestimations de 0,099 (95 % CI : 0,063-0,134) versus 0,107 (95 % CI :
0,059-0,155) en cas de microbiopsie (p = 0,150).
334
PRISE EN CHARGE DES PAPILLOMES
Tableau 2. Risque de cancer associé aux lésions papillaires bénignes sur la biopsie
après exérèse chirurgicale. Wen et al. Ann Surg Oncol 2012
Selon la plupart des études, le taux de sous-estimations par biopsie
percutanée est plus important en cas de papillomes avec atypie que de
papillomes bénins retrouvés à la biopsie, résultat également retrouvé
dans la méta-analyse de Wen avec rétrospectivement 36,9 % de sousestimations versus 7 % (p < 0,001) [12].
Le taux de sous-estimations en cas de papillomes bénins est
conforme aux données de la littérature, notamment des études récentes
à larges effectifs comme celle de Rizzo, portant sur 276 cas avec un
taux de cancers de 8,9 % retrouvés après exérèse chirurgicale pour
papillomes bénins [16].
335
KANE
&
COLL.
V. PRISE EN CHARGE DES LÉSIONS PAPILLAIRES AVEC
HYPERPLASIES CANALAIRES ATYPIQUES
L’ensemble des auteurs se retrouvent de manière assez consensuelle
sur la nécessité d’excision des papillomes atypiques en raison du surrisque de cancers du sein associés aux papillomes avec atypie 7,5 fois
supérieur à celui associé aux papillomes bénins selon Page et al. [5].
Cette sous-estimation majeure en cas d’atypie s’explique en partie
par la difficulté diagnostique entre l’atypie et le cancer in situ, ces deux
lésions représentant un continuum lésionnel avec comme élément
discriminant le caractère focal de l’atypie intéressant moins du tiers du
papillome avec une prolifération de cellules épithéliales luminales
atypiques inférieures à 3 mm. Ainsi le faible échantillonnage apporté
par les biopsies et la nécessaire fragmentation des pièces rendent très
difficile ce diagnostic qui nécessite l’expertise de pathologistes spécialisés et doit conduire, compte tenu des données actuelles de la
littérature, à l’exérèse chirurgicale.
L’utilisation du système INTACT ne semble pas, concernant les
papillomes avec atypie, être une alternative recevable à la chirurgie. En
effet si Seror, sur 8 hyperplasies canalaires atypiques diagnostiquées par
INTACT et secondairement opérées, ne retrouve pas de sousestimations, il note 22,2 % de sous-estimations des carcinomes in situ
en micro-invasif ou invasif (n = 6/27) et un taux d’exérèse complète de
seulement 40 % [21].
Par conséquent il semble à l’heure actuelle nécessaire de recommander l’exérèse chirurgicale de l’ensemble des papillomes avec
atypie.
VI. PRISE EN CHARGE DES LÉSIONS PAPILLAIRES
BÉNIGNES
Si la prise en charge des papillomes atypiques est relativement
consensuelle, il n’en est pas de même pour les papillomes bénins. Ainsi, si
les dernières études récentes [16, 22-24] tendent à montrer un taux de sousestimations important conduisant à recommander l’exérèse chirurgicale de
l’ensemble des papillomes, plusieurs études portant souvent sur une faible
population retrouvent des taux de sous-estimations < 3 % semblant
autoriser dans certaines conditions à surseoir à la chirurgie.
336
PRISE EN CHARGE DES PAPILLOMES
Ainsi, Sohn a publié en 2006 une étude rétrospective portant sur
174 papillomes bénins diagnostiqués par biopsie percutanée sans
exérèse chirurgicale avec un suivi moyen de 41 mois, 92 patientes
ayant un suivi > 2 ans et pour 57 patientes un suivi > à 4 ans. Seules
2 patientes (1,1 %) ont développé un cancer du sein 53 mois après le
diagnostic. Dix-neuf pour cent des patientes ont cependant nécessité
des biopsies répétées durant cette période [15].
Sydnor et al. ont étudié une série de 38 papillomes bénins à la
biopsie. Treize ont bénéficié d’une exérèse chirurgicale retrouvant
1 seul cancer (3 %) tandis qu’aucune des 25 patientes non opérées n’a
développé de cancer avec un recul supérieur à deux ans. À noter que
sur les 4 patientes présentant des micropapillomes, 2 avaient du
carcinome sur la pièce d’exérèse chirurgicale. Les auteurs concluaient
qu’un suivi mammographique sans chirurgie était raisonnable en cas de
papillome bénin compte tenu du faible risque de cancer associé,
cependant seules 8 patientes ayant bénéficié d’une exérèse chirurgicale,
ces résultats sont à interpréter prudemment [8].
Ahmadiyeh arrive à des conclusions similaires sur une population
de 86 papillomes bénins dont seulement 29 ont bénéficié d’un traitement chirurgical retrouvant une seule lésion cancéreuse (1/29) soit 3 %.
Il s’agissait d’un CCIS dans le papillome révélé par une masse de
2 cm. Les auteurs concluent en la possibilité d’une abstention chirurgicale en cas de papillome simple [26]. Là encore ces résultats semblent
à nuancer compte tenu du petit effectif, de plus nous n’avons pas les
critères de sélection des patientes non opérées ni le suivi.
Néanmoins, cette stratégie est actuellement fréquemment adoptée
en pratique clinique, avec aux États-Unis, 50 % des praticiens recommandant l’abstention chirurgicale en cas de papillomes typiques [27].
Cependant plusieurs études rétrospectives à plus grand effectif
publiées depuis 2009 retrouvent un taux de néoplasies associées aux
papillomes simples beaucoup plus important compris entre 7 et 15 %
tendant à remettre en cause cette pratique largement généralisée.
Ainsi Greif en 2009 sur 77 papillomes solitaires bénins biopsiés
retrouve après excision chirurgicale 12 cas de cancer (15,6 %),
10 carcinomes in situ et 12 carcinomes micro-invasifs [22].
Rizzo en 2009 à propos de 142 papillomes bénins biopsiés puis
opérés met en évidence un taux de sous-estimations de 25 % avec
10,5 % de carcinomes in situ sur pièce opératoire [23]. La série
actualisée en 2012 comportant 234 papillomes bénins, qui constitue la
plus importante série, apporte des résultats similaires avec 21 (8,9 %)
cas de cancer du sein après exérèse chirurgicale [16]. Sans qu’il puisse
être mis en évidence de critères radiologiques prédictifs de malignité,
337
KANE
&
COLL.
l’auteur conclut à la nécessité d’exérèse chirurgicale de l’ensemble des
papillomes.
Ces résultats sont concordants avec la plupart des études publiées
récemment, ainsi Rozentsvayg, sur 54 papillomes bénins opérés,
retrouve 7 % de cancers, 2 carcinomes in situ et 3 carcinomes canalaires
infiltrants [24].
Cyr et al. en 2011 sur 82 papillomes opérés représentant 42 % de
la population globale retrouvent 9,8 % de cancers. Dans le groupe des
patientes non opérées (111 patientes), 2 patientes ont développé un
cancer et ont été opérées secondairement [25].
Dans la méta-analyse de Wen, il est retrouvé 7 % de cancers après
exérèse chirurgicale pour des papillomes bénins, l’auteur concluant
qu’une abstention chirurgicale pouvait être envisagée selon certaines
conditions [12].
Il nous semble que ce taux de 7 % largement supérieur au taux de
3 % de faux négatifs autorisé par l’American College of Radiology
nécessite de rester très prudents et de ne réserver ce protocole qu’aux
patientes non opérables ou refusant la chirurgie, l’exérèse de toute
lésion papillaire devant rester la règle.
Plusieurs auteurs suggèrent que l’exérèse radiologique par l’utilisation des techniques de macrobiopsies aspiratives pourrait constituer
une alternative satisfaisante à la chirurgie en cas de papillomes bénins.
Ainsi Kyung Hee Ko a publié, afin de valider la faisabilité de
l’exérèse radiologique, ses résultats portant sur 29 papillomes bénins
ayant bénéficié d’une exérèse par mammotome après microbiopsie
percutanée. Seule une patiente a récidivé à un an en raison d’une
exérèse incomplète sous forme d’un papillome intrakystique bénin
avec un suivi médian de 25 mois. La taille moyenne était de 9,8 mm
allant de 5 mm à 15 mm, cette dernière mesure constituant la taille
limite autorisant pour les auteurs une exérèse radiologique [28].
Maxwell a lui décrit 26 cas de papillomes d’exérèse radiologique
par macrobiopsie par aspiration, avec néanmoins 11,5 % de récurrence
suggérant là encore une exérèse incomplète [29].
Youk publie également des résultats similaires à propos de
67 papillomes bénins retirés radiologiquement par mammotome. Seule
1 patiente a bénéficié d’un traitement chirurgical ne retrouvant pas de
lésion maligne, et sur les 66 patientes non opérées, 6 présentaient une
lésion résiduelle lors du suivi écho-mammographique [30].
Ces études, souvent de petit effectif, ne permettent pas d’évaluer le
risque de sous-estimations de cette technique liée aux exérèses incomplètes, compte tenu de l’absence d’exérèse chirurgicale complémentaire.
338
PRISE EN CHARGE DES PAPILLOMES
Des données beaucoup plus informatives ont été apportées par la
série de Chang à propos de 73 papillomes bénins retirés par macrobiopsie (11-gauges) sous échographie par aspiration. Vingt-deux
patientes ont refusé la chirurgie. Chez les 49 patientes ayant bénéficié
d’une chirurgie complémentaire, aucun cas de cancer n’a été retrouvé,
on note 3 cas d’atypie uniquement. Mais seules 12 patientes (24,5 %)
n’avaient aucune lésion papillaire résiduelle [31].
Les auteurs conseillent de réserver cette exérèse radiologique par
mammotome aux lésions ACR 3 ou 4a, uniques, à distance de la peau
et du pectoral et de moins de 15 mm [28].
Cette étude préliminaire apporte des résultats encourageants,
néanmoins ces méthodes ne semblent pas pouvoir garantir une exérèse
microscopique complète, or le carcinome associé au papillome est
souvent situé sur la périphérie de la lésion papillaire ou à proximité
même si dans cette étude aucun cancer n’a été retrouvé sur la pièce
opératoire en cas d’exérèse incomplète.
La solution pourrait être apportée par le système INTACT autorisant une exérèse percutanée plus importante et monobloc permettant
de bien évaluer les limites et les marges.
Dans une étude prospective multicentrique portant sur 1 170 patientes,
les données concernant 51 lésions à risque (24 papillomes bénins,
7 cicatrices radiaires, 20 néoplasies lobulaires), ayant bénéficié d’une
exérèse par système INTACT, ont été colligées : 24 ont bénéficié d’un
complément d’exérèse chirurgicale sans cancer retrouvé, et aucune des
27 patientes non opérées n’a récidivé sur l’imagerie, avec un recul de
24 mois [32].
CONCLUSION
Le diagnostic des lésions papillaires est un diagnostic histologique
complexe nécessitant un large échantillonnage, et par conséquent
difficile sur prélèvement micro- ou macrobiopsiques qui exposent à un
risque de sous-estimations d’environ 15 %.
Si l’ensemble des auteurs s’accorde sur la nécessité d’une exérèse
chirurgicale de tous les papillomes avec atypie, les avis restent
controversés sur la prise en charge des papillomes bénins. De plus en
plus de praticiens sont tentés par l’abstention chirurgicale, néanmoins
il faut rester prudent, le risque associé aux papillomes bénins étant de
339
KANE
&
COLL.
7 à 10 %. De plus il existe peu de facteurs radiologiques discriminants,
un papillome unique, central n’étant pas synonyme de bénignité.
Par conséquent l’exérèse de toute lésion papillaire est nécessaire.
L’exérèse chirurgicale doit rester la règle. En cas de refus de la patiente,
de comorbidité importante, une exérèse radiologique seule par macrobiopsie sous aspiration ou par système INTACT peut s’envisager sous
couvert d’une disparition complète de l’image radiologique et d’une
surveillance rapprochée, la patiente devant être informée du risque de
récidive.
Le développement des systèmes de macrobiopsie monobloc
permettant l’exérèse radiologique large des papillomes bénins et leur
évaluation par des études randomisées autoriseront probablement à
l’avenir la validation de l’abstention chirurgicale dans la prise en charge
des papillomes bénins.
340
PRISE EN CHARGE DES PAPILLOMES
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342
One Step Nucleic Acid Amplification
(OSNA) pour l’analyse des ganglions
sentinelles des patientes opérées
d’un cancer du sein. Expérience du
CRLCC Eugène Marquis
F. GODEY 1a *, J. LEVÊQUE 1b, 2, P. TAS 1b, G. GANDON 1a, P. P OREE 1b,
H. M ESBAH 1b, V. LAVOUÉ 2, V. QUILLIEN 1b, C. B ENDAVID ATHIAS 1b
(Rennes)
Résumé
La technique du ganglion sentinelle (GS) est un facteur prédictif important
d’atteinte ou non des ganglions non sentinelles. Elle évite le curage axillaire lorsqu’il ne
présente pas de métastase et permet donc une diminution du risque de complications du
membre supérieur liées au curage. La technique OSNA a été adoptée dans notre
établissement comme une technique d’examen du GS, elle permet de rechercher la présence
de métastases, le résultat est définitif en extemporané. Notre étude présente l’expérience
au CRLCC (centre régional de lutte contre le cancer) Eugène Marquis depuis
l’implémentation de la technique OSNA en 2008. L’analyse des GS a été réalisée avec
OSNA pour plus de 1 000 patientes à ce jour. Le taux de positivité des GS avec OSNA
1 - Centre de lutte contre le cancer Eugène Marquis - Rue de la Bataille FlandresDunkerque - CS 44229 - 35042 Rennes cedex
a - Département de biologie
b - Institut rennais du sein - Département de chirurgie
2 - CHU Anne de Bretagne - Département de gynécologie - 16 boulevard de Bulgarie BP 90347 - 35203 Rennes cedex 2
* Correspondance : [email protected]
343
GODEY
&
COLL.
de 24,4 % dans une cohorte de 258 patientes présentant un carcinome infiltrant
(< 2 cm) est non significativement différent du taux de positivité des GS de 23,4 %
obtenu avant l’implémentation de la technique OSNA par une technique histologique
conventionnelle dans une cohorte de 355 patientes présentant le même type de tumeur.
Néanmoins il a été relevé quelques différences non validées statistiquement
vraisemblablement liées à la méthode OSNA qui analyse le ganglion dans sa globalité et
donc détecterait plus de petites métastases que l’analyse histologique. Les résultats OSNA
sont semi-quantitatifs, cependant le nombre de copies d’ARNm CK19 amplifié considéré
comme une valeur quantitative continue est corrélé significativement au risque
d’envahissement des ganglions de curage. La méthode est standardisée, donne un résultat
définitif en 30 minutes pour un GS à condition d’avoir mis en place une procédure de
coordination pluridisciplinaire.
Mots clés : cancer du sein, ganglion sentinelle, analyse moléculaire, curage axillaire
Déclaration publique d’intérêt
Nous soussignées, Cécile Bendavid Athias et Florence Godey,
déclarons ne pas avoir d’intérêt direct ou indirect avec un organisme
privé industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
La technique du ganglion sentinelle (GS) est un facteur prédictif
important d’atteinte ou non des ganglions non sentinelles. Elle évite le
curage axillaire lorsqu’il ne présente pas de métastase et permet donc
une diminution du risque de complications du membre supérieur liées
au curage, améliorant ainsi la qualité de vie des patientes [1].
Les protocoles d’analyse du ganglion sentinelle varient d’un centre
à l’autre : certains réalisent un examen extemporané cytologique ou
histologique, d’autres non du fait de la faible sensibilité.
344
OSNA
- POUR L’ANALYSE DES GANGLIONS SENTINELLES DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN...
Pourtant l’examen extemporané présente l’avantage de pouvoir
pratiquer le curage axillaire dans le même temps opératoire s’il s’avère
nécessaire, et ainsi de diminuer les risques de morbidité, l’atteinte
psychologique et les coûts générés par une seconde intervention.
Les analyses histologiques extemporanées reposent sur l’analyse
de coupes congelées ou d’empreinte. Cette dernière n’a pas une bonne
sensibilité du fait de la faible quantité de tissu analysé (50 % pour la
détection des macrométastases et 10 % pour les micrométastases) [2].
L’analyse de coupes congelées présente une sensibilité légèrement
meilleure au prix d’une perte de tissu ganglionnaire pour l’analyse
histologique définitive en paraffine [3, 4].
La technique moléculaire OSNA permet un résultat définitif
extemporané de même sensibilité et spécificité que l’examen histologique standard (coloration H&E et immunohistochimie).
Le principe repose sur la détection de l’amplification de l’ARNm
de la CK19, qui normalement n’est pas retrouvé dans le ganglion
axillaire sauf en cas d’atteinte métastatique [5].
Cette technique donne un résultat semi-qualitatif : absence de
métastase, micrométastase, macrométastase. La concordance de la
méthode OSNA avec l’histologie standard est excellente [6]. Plusieurs
études de validation suite à la première publication ont confirmé que
la technique OSNA présentait une bonne sensibilité et spécificité pour
l’analyse GAS [7-11].
La technique OSNA a été adoptée dans notre établissement
comme une technique d’examen extemporané du GS. Notre étude
présente l’expérience au CRLCC Eugène Marquis depuis l’implémentation de la technique OSNA en 2008.
I. MATÉRIEL ET MÉTHODES
I.1. Analyse des GS
La détection des GS est effectuée au centre Eugène Marquis avec
une méthode combinée en injectant un colloïde marqué au technétium 99
la veille de l’intervention et du bleu patenté au démarrage de la
chirurgie. La recherche du GS constitue le premier temps opératoire
(avant incision mammaire). Le prélèvement chirurgical de tous les
ganglions dits « chauds » et/ou bleus, ou suspects cliniquement est
réalisé.
345
GODEY
&
COLL.
Avant l’implémentation de la méthode OSNA tous les GS étaient
analysés par l’examen d’empreinte cytologique en extemporané, puis
par histologie définitive postopératoire.
L’analyse histologique définitive du GS était effectuée sur des
coupes de 2 mm analysées tous les 250 µm après coloration à
l’hématoxiline éosine ; si aucune métastase n’était détectée par cette
coloration, l’analyse était complétée par une analyse en
immunohistochimie (AE1/AE3 clones, Dako, Trappes, France).
Depuis l’implémentation de la technique OSNA en octobre 2008
jusqu’en avril 2011, tous les GS identifiés et analysés avec OSNA ont
été confiés à l’anatomopathologiste en extemporané pour réalisation
d’une empreinte cytologique à la recherche de cellules tumorales, et la
conservation d’une tranche centrale d’un mm d’épaisseur pour une
analyse histologique selon le protocole habituel histologique, puis tout
le reste des GS a été analysé après broyage avec la méthode OSNA,
Depuis mai 2011, tous les GS sont analysés en totalité avec la
méthode OSNA en extemporané et seule une empreinte cytologique
est conservée.
L’analyse des GS a été réalisée avec la technique moléculaire
OSNA au centre Eugène Marquis pour plus de 1 000 patientes à ce
jour.
I.2. La méthode OSNA
C’est une technique moléculaire consistant en l’amplification de
l’ARN messager de la cytokératine 19 (CK19) par Reverse Transcription
Loop Mediated Amplification (RT LAMP) sur lysat ganglionnaire.
L’ARNm de la CK19 a été choisi car ce marqueur moléculaire est
spécifique des cellules épithéliales normalement non présentes dans les
ganglions lymphatiques, son niveau d’expression est élevé dans les
cellules tumorales mammaires, donc il présente des niveaux d’expression très différents dans les ganglions envahis ou non.
La technique d’amplification par RT LAMP est hautement
spécifique et sensible (utilisation de 6 amorces, pas d’amplification
d’ADN génomique), de plus cette amplification est rapide, isothermique à 65 °C et totalement automatisée (RD100i Sysmex) sans
extraction d’ARNm.
La préparation du lysat ganglionnaire est standardisée, la totalité
du ganglion peut être étudiée, ou bien une coupe peut être conservée
pour analyse histologique. Actuellement il n’existe pas de consensus,
pour les études de validation de la technique OSNA, les ganglions ont
346
OSNA
- POUR L’ANALYSE DES GANGLIONS SENTINELLES DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN...
été partagés en coupes alternées, une pour l’analyse OSNA, l’autre
pour histologie technique de référence, on sait que cela peut générer
des biais de localisation d’où l’impossibilité d’avoir une concordance
parfaite entre les deux techniques. Dans la pratique, la technique OSNA
étant validée, une analyse globale est plus simple pour la préparation
des ganglions et l’interprétation des résultats, mais dans ce cas il n’existe
aucune trace histologique, seulement du lysat ganglionnaire congelé. Le
ganglion doit être pris en charge en extemporané ou congelé
rapidement pour l’analyse OSNA.
La figure 1 résume le processus OSNA.
Figure 1 - Processus OSNA
Le résultat OSNA est disponible en 30 min (incluant la préparation
du ganglion, la réalisation du lysat, l’amplification et la transmission du
résultat) d’où la possibilité de réaliser l’analyse en extemporané.
Le résultat est semi-quantitatif en fonction du nombre de copies
d’ARNm CK19 amplifié par µl de lysat. Pour chaque ganglion l’analyse
OSNA est réalisée en double sur lysat pur et dilué au 1/10e. Le résultat
est soit négatif (absence de métastase), soit présence d’une micrométastase, soit présence d’une macrométastase. Dans l’échantillon dilué on
peut parfois détecter une amplification d’ARNm CK19 alors que rien
n’est détecté dans l’échantillon pur, il s’agit dans ce cas d’une réaction
dite « positive par inhibition » +(I). Cette situation complexe ne
permettra pas toujours d’évaluation semi-quantitative de la métastase
car cela reflète la présence d’inhibiteur de la réaction d’amplification
dans le lysat ganglionnaire.
Le tableau 1 récapitule l’interprétation des résultats.
347
GODEY
&
COLL.
Tableau 1 - Interprétation des résultats OSNA fonction nombre de copies
ARNm CK19 détectées dans le lysat pur et dilué au 1/10e
Nombre de copies
ARNm CK19
/µl de lysat pur
Nombre de copies
ARNm CK19
/µl de lysat dilué
Résultats
RD-100i
Rapport
Sysmex
Interprétation
du résultat
< 250
< 250
(-)
Absence de métastase
> 250 et < 5000
< 5000
(+)
Micrométastase
> 5000
quel que soit le nb
(++)
Macrométastase
< 250
> 250 et < 5000
(+) i
Métastase non quantifiable
> 250 et <5000
> 5000
(+) i
Macrométastase
< 250
> 10 000
(+) i
Macrométastase
Cellules grisées : modifications dans l’interprétation par rapport à la version initiale du fournisseur
II. RÉSULTATS
II.1. Étude de corrélation entre la méthode OSNA et la
méthode histologique conventionnelle [12]
Trois cent soixante-sept patientes opérées d’un cancer du sein avec
biopsie du ganglion sentinelle (GS) analysé en peropératoire avec la
méthode OSNA d’octobre 2008 à juin 2010 ont été incluses dans cette
étude rétrospective (cohorte OSNA totale). La biopsie du GS a été
réalisée pour les patientes présentant des tumeurs mammaires unifocales
de moins de 2 cm, sans envahissement clinique des ganglions axillaires,
et sans antécédent de chirurgie mammaire homolatérale. Quelques
patientes avec des tumeurs de plus de 2 cm à l’analyse histologique
définitive ont été incluses car la taille tumorale avait été sous-estimée
avant la chirurgie. Tous les GS ont été analysés avec la méthode OSNA
en peropératoire. Un curage axillaire complémentaire dans le même
temps opératoire a été systématiquement réalisé selon les préconisations
quand au moins un GS présentait une métastase détectée par l’analyse
moléculaire, quelle que soit la taille de celle-ci.
Une cohorte historique de 355 patientes opérées d’un cancer du
sein, avec biopsie du ganglion sentinelle (GS) avant octobre 2008 analysé
en postopératoire avec une analyse histopathologique conventionnelle, a
été incluse dans cette étude rétrospective afin de comparer les résultats
obtenus avec la nouvelle technique OSNA en peropératoire versus la
méthode classique histologique postopératoire auparavant utilisée dans
notre institution. Les résultats de l’analyse de cette cohorte historique ont
348
OSNA
- POUR L’ANALYSE DES GANGLIONS SENTINELLES DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN...
été publiés [2], cette cohorte inclut des patientes présentant des tumeurs
mammaires invasives canalaires ou lobulaires de moins de 2 cm, c’est
pourquoi toutes les patientes présentant des tumeurs mammaires de plus
de 2 cm, et celles présentant des tumeurs in situ ont été exclues de la
cohorte OSNA pour la comparaison. Les taux d’envahissement des GS
selon les deux méthodes OSNA peropératoire (cohorte OSNA restreinte
pour comparaison) ou histopathologie définitive postopératoire (cohorte
historique) ont ainsi été comparés dans des populations similaires
opérées dans la même institution, selon les mêmes préconisations avec
la même équipe chirurgicale.
Le tableau 2 présente les caractéristiques des patientes des différentes cohortes et la figure 2 les patientes sélectionnées dans l’étude.
Tableau 2 - Population de patients et caractéristiques tumorales
OSNA total
cohorte
OSNA cohorte
pour
comparaison
avec cohorte
historique
Cohorte
historique
Nombre de patients
367
258
355
Âge moyen des
patients (années)
56,8
56,8
56,9
Histologie
Taille de la tumeur
Grade SBR
Carcinome canalaire
248
212
313
Carcinome lobulaire
60
46
42
Carcinome in situ
43
Autres carcinomes
16
1a
21
19
16
1b
104
93
125
1c
148
146
214
2
50
Valeurs manquantes
44
1
94
2
171
3
68
Valeurs manquantes
34
Récepteurs hormonaux Estrogène/progestérone +
300
Estrogène/progestérone -
51
HER2 +
21
Triple négative
29
Grade SBR : grade histopronostique de Scarff Blum et Richardson en 3 grades. Taille tumorale selon
la classification TNM.
349
GODEY
&
COLL.
Figure 2 - Répartition des patients sélectionnés rétrospectivement dans l’étude
350
OSNA
- POUR L’ANALYSE DES GANGLIONS SENTINELLES DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN...
Les taux d’envahissement des GS avec la méthode histologique
réalisée dans notre institution ou avec la méthode OSNA ne sont pas
significativement différents dans une population de patientes présentant
des cancers du sein infiltrants < 2 cm. Le taux d’envahissement des GS
est de 24,4 % dans la cohorte OSNA versus 23,4 % dans la cohorte
histologique en considérant les micrométastases et les macrométastases,
et 24,8 % en incluant les cellules tumorales isolées.
Les taux d’envahissement des ganglions axillaires non sentinelles
dans la cohorte OSNA sont comparables à ceux décrits dans la
littérature en réalisant une analyse histologique des GS (Tableau 3).
Tableau 3 - Présence de métastases dans les ganglions du curage axillaire chez
les patientes présentant au moins un GS+ OSNA
% patientes
GS+ OSNA
Résultats OSNA
patientes GS+
% patientes avec
métastases dans
les ganglions
du curage
Corrélation entre les
métastases dans le
GS et les métastases
dans les ganglions
du curage
Carcinome
canalaire
27,8 %
(69/248)
30 macrométastases
26 micrométastases
13 métastases avec inhibition
33,3 % (10/30)
11,5 % (3/26)
7,6 % (1/13)
P < 0,0001
P = 0,0129
NS
Carcinome
lobulaire
30,0 %
(18/60)
10 macrométastases
6 micrométastases
2 métastases avec inhibition
40 % (4/10)
16,6 % (1/6)
(0/2) 0
P = 0,002
Toutefois dans cette première évaluation nous avons mis en
évidence un taux d’envahissement des GS relativement élevé pour les
petites tumeurs infiltrantes T1a (Figure 3), cependant la différence n’est
pas statistiquement significative. Pour les tumeurs in situ, compte tenu
du faible effectif un recueil de données complémentaires a été décidé.
II.2. Analyse OSNA et tumeur mammaire in situ
Résultats de l’analyse OSNA des GS de 61 patientes opérées d’un
carcinome intracanalaire étendu : un envahissement des GS pour
8 patientes (13,1 %) a été détecté, toujours des petites métastases dans
un seul GAS, à l’exception d’une patiente qui a présenté des
micrométastases dans les 3 GAS prélevés. Pour 2 patientes l’analyse
histologique a retrouvé des cellules tumorales isolées sur la tranche
centrale et l’analyse OSNA était négative. Pour 5 patientes un curage
351
GODEY
&
COLL.
Figure 3 - Comparaison de l’analyse OSNA (cohorte OSNA) et de l’analyse
histologique conventionnelle (cohorte historique) pour la détection de métastases
dans les ganglions sentinelles selon la taille tumorale
axillaire a été réalisé en même temps que la biopsie du GAS compte
tenu du résultat OSNA en extemporané, aucun envahissement des
ganglions de curage n’a été détecté en histologie.
II.3. Nombre de copies d’ARNm CK19 et évaluation du risque
d’envahissement des ganglions axillaires non sentinelles
Trois cent cinquante-deux patientes, 266 opérées au CRLCC
Eugène Marquis de Rennes et 86 au CRLCC Henri Becquerel de
Rouen ayant un ganglion sentinelle (GS) positif selon la technique
d’analyse OSNA ont été analysées rétrospectivement. Les différentes
caractéristiques épidé-miologiques et histologiques de la population
sont résumées dans le tableau 4.
Une analyse statistique a divisé la population étudiée en 4
quantiles en fonction du nombre de copies d’ARNm CK19/µl dans les
GS métastatiques. Un quantile correspondant à 25 % des patientes
pour lesquelles le nombre de copies d’ARNm CK19 dans les GS
métastatiques est compris dans les valeurs ci-après :
352
OSNA
- POUR L’ANALYSE DES GANGLIONS SENTINELLES DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN...
–
–
–
–
quantile
quantile
quantile
quantile
1
2
3
4
:
:
:
:
250 < GS < 830,
830 < GS < 4 350,
4 350 < GS < 25 500,
25 500 < GS < 8 300 000.
La population étudiée ayant un GS+ et un curage axillaire complémentaire représente un effectif de 302 patientes dont 70 avec un envahissement métastatique d’un ganglion axillaire non sentinelle, soit 23 %.
Le taux d’envahissement des ganglions axillaires non sentinelles
en fonction du nombre de copies d’ARNm CK19 dans les GS est
Tableau 4 - Description épidémiologique et histologique de la population GS+
OSNA
Grade SBR : grade histopronostique de Scarff Blum et Richardson en 3 grades.
Taille tumorale selon la classification TNM.
353
GODEY
&
COLL.
présenté dans le tableau 5. Le nombre de copies d’ARNm CK19 défini
en quantile est prédictif de l’envahissement ganglionnaire du curage
axillaire de façon statistiquement significative (p = 0,0002).
Tableau 5 - Présence de métastases dans les ganglions du curage axillaire chez
les patientes présentant un carcinome invasif GS+ en fonction du nombre de
copies d’ARNm CK19 amplifié et défini en quantile
La première ligne donne le nombre (N) de patientes et la deuxième le pourcentage (%) de
chaque quantile Q1, Q2, Q3, Q4 : quantiles 1, 2, 3 et 4.
La population étudiée a été restreinte aux patientes présentant un
carcinome canalaire infiltrant (Tableau 6) puis à la population
carcinome canalaire infiltrant avec récepteurs hormonaux positifs
(Tableau 7). Le nombre de copies d’ARNm CK19 défini en quantile est
prédictif de l’envahissement ganglionnaire du curage axillaire de façon
statistiquement significative (p = 0,04) uniquement pour la population
carcinome canalaire infiltrant avec récepteurs hormonaux positifs.
Dans une population restreinte aux patientes présentant un
carcinome lobulaire infiltrant (Tableau 8), le nombre de copies d’ARNm
CK19 définies en quantile est très similaire à celui de la population
globale étudiée (seuil pour chaque quantile non significativement
différent) et de plus très prédictif de l’envahissement ganglionnaire du
curage axillaire, et ce de façon statistiquement significative (p = 0,015).
354
OSNA
- POUR L’ANALYSE DES GANGLIONS SENTINELLES DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN...
Tableau 6 - Présence de métastases dans les ganglions du curage axillaire chez
les patientes présentant un carcinome canalaire GS+ en fonction du nombre
de copies d’ARNm CK19 amplifié
La première ligne donne le nombre (N) de patientes et la deuxième le pourcentage (%) de
chaque quantile Q1, Q2, Q3, Q4 : quantiles 1, 2, 3 et 4.
Tableau 7 - Présence de métastases dans les ganglions du curage axillaire chez
les patientes présentant un carcinome canalaire GS+/ récepteurs hormonaux +
en fonction du nombre de copies d’ARNm CK19 amplifié et défini en quantile
La première ligne donne le nombre (N) de patientes et la deuxième le pourcentage (%) de
chaque quantile Q1, Q2, Q3, Q4 : quantiles 1, 2, 3 et 4.
355
GODEY
&
COLL.
Tableau 8 - Présence de métastases dans les ganglions du curage axillaire chez
les patientes présentant un carcinome lobulaire et GS+ en fonction du nombre
de copies d’ARNm CK19 amplifié et défini en quantile
La première ligne donne le nombre (N) de patientes et la deuxième le pourcentage (%) de
chaque quantile Q1, Q2, Q3, Q4 : quantiles 1, 2, 3 et 4.
III. DISCUSSION
III.1. La technique OSNA
OSNA donne un résultat définitif et fiable en extemporané de
l’analyse des GS. La fiabilité d’un examen extemporané est bénéfique
pour les patientes : il évite une seconde intervention et permet de mettre
en route les traitements adjuvants rapidement quand c’est nécessaire.
Dans la première étude rétrospective comparant la pratique
OSNA à l’analyse histologique des GS [12], il a été mis en évidence
que l’analyse OSNA donne des résultats tout à fait comparables aux
résultats qui étaient obtenus après examen histologique standard pour
les patientes présentant une lésion invasive mammaire < 2 cm, avec un
taux de positivité des GS avec OSNA de 24,4 % versus 23,4 % en
histologie. Toutefois la technique OSNA semble détecter plus de
métastases sur les GS pour les petites tumeurs T1a que la technique
histologique standard (15,8 % versus 0 %, non significatif). Dans l’étude
complémentaire réalisée pour des patientes opérées d’un cancer in situ
avec une biopsie du ganglion sentinelle, on retrouve également un taux
356
OSNA
- POUR L’ANALYSE DES GANGLIONS SENTINELLES DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN...
de positivité élevé de 13,1 %. La présence de cellules mammaires non
tumorales dans les GS responsables de faux positifs (OSNA+) a été
évoquée mais ce phénomène est semble-t-il exceptionnel selon les
études histologiques, de plus les cellules mammaires normales
exprimant moins la CK19 que les cellules tumorales et étant en petit
nombre, il paraît peu probable que leur présence entraîne une
positivité du test OSNA. Il serait par ailleurs étonnant d’avoir des faux
positifs OSNA uniquement pour les T1a et in situ alors que pour les
tumeurs T1b, T1c les résultats sont tout à fait concordants entre les
deux techniques OSNA ou histologie, or les modalités de repérage et
d’analyse sont les mêmes. On peut plutôt envisager que l’analyse de
tout le GS permet de quantifier des cellules tumorales isolées
disséminées, ce qui est impossible avec l’analyse histologique car même
avec des coupes multiples la totalité du tissu ganglionnaire ne peut pas
être examinée [13]. L’analyse OSNA reflète le volume tumoral global
dans tout le GS et ne distingue pas une micrométastase d’un volume
de cellules tumorales disséminées dans tout le GS (équivalent au
volume tumoral d’une micrométastase). Ce signal qui permettrait de
détecter de toutes petites métastases a-t-il une pertinence clinique pour
le traitement des petites tumeurs infiltrantes, le sujet est largement
débattu puisque certains préconisent de ne plus rechercher les micrométastases, mais ce point de vue est toutefois loin de faire consensus.
Dans le cas des cancers in situ où la présence de cellules métastatiques
dans les ganglions axillaires, quelle que soit la taille de la métastase, est
impossible en l’absence d’infiltrant, le signal a une autre signification et
doit faire évoquer un carcinome infiltrant associé à l’in situ.
Dans la première étude nous avons pu vérifier que la classification
semi-quantitative OSNA en micrométastase et macrométastase est bien
corrélée à l’atteinte métastatique des ganglions non sentinelles, avec des
résultats semblables à ceux obtenus en analysant le GS avec les techniques histologiques. Dans la dernière étude en cours nous abordons
une interprétation plus précise en considérant OSNA non plus en semiquantitatif mais comme une donnée quantitative continue basée sur le
nombre de copies d’ARNm CK19, et notre analyse permet de
confirmer les seuils cliniques qui avaient été établis pour OSNA autour
de 5 000 copies d’ARNm CK19 quel que soit le type histologique pour
séparer les micrométastases et les macrométastases. En effet pour un
nombre de copies supérieur à 4 350 les taux d’envahissement des
ganglions de curage axillaire sont proches de ceux connus dans la
littérature d’environ 40 % [14, 15], en cas de macrométastases du GS,
et pour un nombre de copies > 250 et < 4 350 le taux d’envahissement
des ganglions de curage axillaire est proche de ceux connus dans la
357
GODEY
&
COLL.
littérature pour les micrométastases, avec un risque d’atteinte des
ganglions non sentinelles de 14 % [16]. On note une augmentation très
importante du risque d’envahissement des ganglions de curage en
présence de carcinome lobulaire atteignant 65 % quand le nombre de
copies dans le GS métastatique est > 25 500. La question est maintenant de savoir comment mieux exploiter l’information donnée par
OSNA. Un nomogramme intégrant le nombre de copies de l’ARNm
de la CK19 dans le GS, le profil histologique et moléculaire tumoral,
est en cours d’élaboration au niveau européen de façon à prédire au
mieux le risque d’atteinte métastatique des ganglions non sentinelles. Il
subsiste actuellement un problème de quantification de la métastase
avec l’analyse moléculaire dans quelques cas, lié à un phénomène
d’inhibition de la réaction d’amplification. Ce phénomène est détecté
en présence d’un nombre de copies d’ARNm CK19 dans l’échantillon
dilué supérieur à celui retrouvé dans l’analyse de l’échantillon pur, des
investigations sont en cours pour résoudre ce problème et distinguer
une micrométastase d’une macrométastase.
La technique OSNA est bien standardisée, de cette façon les
résultats sont tout à fait comparables d’une institution à une autre. La
seule différence qui persiste c’est l’intégration de la totalité du GS pour
l’analyse OSNA pour certains et la préservation pour d’autres d’une
tranche centrale pour une analyse histologique. À l’issue de l’analyse et
de la publication de nos premiers résultats retrouvant une parfaite
concordance entre les deux techniques moléculaire ou histologique,
nous avons décidé d’analyser tout le GS avec OSNA et de ne garder
qu’une empreinte histologique. Cette option présente l’avantage de
donner le résultat définitif en extemporané, sans analyse histologique
secondaire sur une partie du GS, l’interprétation du résultat, notamment la quantification en cas de métastases, est plus simple qu’un
résultat obtenu en compilant les résultats de deux analyses, de plus cela
réduit le coût en évitant l’analyse histologique. Par contre en broyant
tout le GS pour l’analyse moléculaire, il n’est pas préservé de tissu pour
des analyses histologiques complémentaires mais juste une image
cytologique par empreinte, mais le lysat est conservé et des techniques
moléculaires complémentaires sont réalisables. Le problème d’une
sous-expression dans certains cas de la CK19 et donc de faux négatifs
avec la technique OSNA a justifié pour certains la conservation d’une
tranche centrale, pour d’autres la réalisation d’une étude systématique
de l’expression de la CK19 par immnohistochimie sur la biopsie
tumorale avant la réalisation d’un test OSNA. Actuellement les études
retrouvent en immunohistochimie un niveau d’expression de la
358
OSNA
- POUR L’ANALYSE DES GANGLIONS SENTINELLES DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN...
protéine CK19 dans 98 %, voire 100 % des tumeurs mammaires [17,
18], et on sait que même en l’absence d’expression de la protéine il
existe une expression de l’ARNm de la CK19 détectable. Finalement
le risque de non-expression de l’ARNm CK19 étant inférieur à 0,5 %
dans les tumeurs mammaires, la recherche de la CK19 par immunohistochimie sur biopsie tumorale n’est pas préconisée en systématique.
III.2. L’organisation chirurgicale autour d’OSNA
Dans notre pratique, tous les résultats OSNA sont communiqués
en peropératoire directement aux chirurgiens sauf dans 3 cas pour des
problèmes techniques OSNA.
Le résultat pour l’étude d’un ganglion par OSNA peut être obtenu
en 30 minutes, et 5 minutes supplémentaires pour chaque ganglion en
plus. Ces délais doivent être pris en considération pour l’organisation
du bloc opératoire. Si parfois la gestion du bloc opératoire ne permet
pas d’attendre les résultats, nous proposons de rendre les résultats
OSNA en différé, comme pour l’histologie définitive ; le bénéfice de
l’extemporané est perdu mais les avantages de la technique OSNA (sa
reproductibilité, et l’étude du ganglion en entier) sont maintenus.
III.3. Intérêt de l’examen extemporané et l’essai ACSO Z0011
[19, 20]
L’essai ACSO Z0011 est une étude randomisée montrant qu’il n’y
avait pas de différence significative en termes de survie globale et de
survie sans récidive après curage complémentaire versus pas de curage
lorsque le GS était métastatique (micrométastase ou macrométastase),
et ce quel que soit le profil histologique tumoral, à partir du moment
où ces patientes bénéficiaient d’un traitement systémique (chimiothérapie, hormonothérapie) et d’une radiothérapie locale.
Cette étude s’est arrêtée après inclusion de 1 900 patientes alors
que 6 000 inclusions étaient prévues, faute d’incident. Par ailleurs, les
champs d’irradiation ne sont pas clairement détaillés.
Quoi qu’il en soit, cette étude, comme le Z0010, le NSABP 12 et
l’IBCSG, provoque discussions et réflexions sur l’attitude à adopter
devant une micrométastase voire une macrométastase du GS. Le
PHRC SERC randomisant CA versus pas de curage pour toutes les
micro- et macrométastases détectées dans le GS va, nous l’espérons,
nous éclaircir sur cette prise en charge.
359
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&
COLL.
Aujourd’hui, la place de l’extemporané est justifiée pour la détection au moins des macrométastases et pour les micrométastases lorsque
le traitement systémique n’est pas validé. Dans notre équipe, nous
poursuivons l’utilisation d’OSNA en extemporané pour ces raisons
mais la décision de curage axillaire dans le même temps pour certains
cas est plus tempérée, préférant l’attente de tous les résultats histologiques et de la discussion en comité pluridisciplinaire à la réalisation
d’un curage finalement non justifié. Dans ce cas la technique OSNA est
utilisée en différé, mais reste pour nous la technique de référence, du
fait de sa reproductibilité et de l’analyse du ganglion en entier.
III.4. Coût de l’analyse
Nous n’avons pas réalisé d’étude du coût dans notre étude mais 2
études, la première avec Genesearch BLN (Veridex, LLC Warren, NJ)
[21], la seconde avec OSNA montrent une économie pour l’établissement hospitalier utilisant la technique moléculaire extemporanée
grâce à un gain d’hospitalisation [22].
Là encore, le STIC SAGE va nous aider à répondre à cette
question.
CONCLUSION
La technique OSNA est une méthode d’analyse des ganglions
sentinelles, les résultats sont concordants avec l’analyse histologique,
mais il existe quelques différences subtiles vraisemblablement liées à la
méthode qui analyse le ganglion dans sa globalité et donc détecte plus
de petites métastases. La méthode est standardisée et le résultat est
disponible en 30 minutes pour l’analyse d’un GS à condition d’avoir
mis en place une procédure de coordination pluridisciplinaire. La
technique OSNA n’est pas uniquement une analyse extemporanée,
c’est également un résultat définitif qui peut être traité en différé. Le
STIC SAGE va nous aider à évaluer son coût.
Un nomogramme intégrant le nombre de copies de l’ARNm de la
CK19 dans le GS, le profil histologique et moléculaire tumoral, devrait
permettre de prédire au mieux le risque d’atteinte métastatique des
ganglions non sentinelles. Le PHRC SERC devrait répondre à la
question curage versus non curage en présence de métastases du GS.
360
OSNA
- POUR L’ANALYSE DES GANGLIONS SENTINELLES DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN...
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