
de la difficulté à établir si la ligature des trompes est dans le meilleur intérêt de la patiente. La barrière
linguistique, le cas échéant, peut ajouter à cette difficulté et limiter l’information qu’un médecin
étranger peut recueillir au sujet des options médicales locales et des répercussions qu’elles peuvent
avoir sur les patients, leur famille ou la communauté.
Les médecins ne doivent pas présumer que les différences observées dans les communications
cliniques, la prise de décisions ou la pratique sont fondées sur des différences culturelles, des inégalités
sociales ou un manque de formation ou de connaissances. Même si l’éducation médicale et la culture,
incluant des valeurs, des croyances religieuses, des relations sociales et des normes institutionnelles
particulières, contribuent grandement à façonner les soins de santé, le médecin qui travaille dans un
pays étranger doit reconnaître que ses collègues connaissent bien le contexte social et médical du
pays. Les bénévoles étrangers ne doivent donc pas sous-estimer l’importance de ces connaissances
locales ni, par le fait même, l’autorité et l’expertise des professionnels de la santé locaux. Lorsqu’on
assume un rôle humanitaire, il faut s’attendre à respecter et appuyer l’autorité et l’expertise des
professionnels de la santé locaux, et non leur nuire (CICR 1994). Les travailleurs humanitaires de la
santé doivent maintenir de saines relations de travail avec le personnel local afin d’offrir les meilleurs
services possibles à la population dans le besoin et s’assurer que l’organisation humanitaire continue
de le faire. En même temps, les médecins sont censés agir selon leur conscience. Ils ont le droit de
refuser de participer à une pratique médicale s’ils ne croient pas qu’elle est dans le meilleur intérêt du
patient, pourvu qu’ils n’exposent pas ainsi le patient à un risque.
À titre de représentant d’une organisation humanitaire internationale, il est plus important que jamais
de respecter des normes de pratique éthiques. La perception qu’a la population locale des fournisseurs
de soins de santé humanitaires étrangers peut influencer la sécurité, l’efficacité et l’éventualité des
futures interventions (Abu-Sada 2012: 4). Les gestes posés par un membre d’une équipe de soins de
santé humanitaires peuvent déteindre sur la réputation de tous les membres de cette organisation qui
œuvrent dans ce pays ou ailleurs dans le monde. La méfiance ressentie à l’égard de votre organisation
pourrait se répercuter sur l’ensemble des bénévoles ou des organisations de soins de santé qui
œuvrent dans la région.
Q2 : Pesez les arguments en faveur et à l'encontre de votre décision d’aider le chirurgien à
pratiquer la ligature des trompes.
EN FAVEUR
Le médecin canadien nouvellement inscrit pourrait se sentir obligé d’aider le chirurgien à pratiquer la
ligature des trompes, et ce, pour de nombreuses raisons. Premièrement, l’obligation d’assurer la
sécurité de la patiente. Il n’y a personne d’autre que le médecin canadien, le chirurgien local,
l’anesthésiste et la patiente sous anesthésie dans la salle. Compte tenu du manque de personnel à la
clinique, il est peu probable qu’un autre médecin puisse aider le chirurgien si le bénévole canadien
refuse de participer à l’intervention. Deuxièmement, le chirurgien est originaire de la région et,
contrairement au Canadien, il y travaille depuis assez longtemps. Ces arguments viennent donc
appuyer le chirurgien qui affirme que la ligature des trompes est dans le meilleur intérêt de la patiente.
Le chirurgien peut aussi justifier la pratique d’une chirurgie susceptible de changer la vie de la patiente
sans avoir obtenu son consentement au moyen de facteurs de risque associés à une éventuelle
grossesse. Ces facteurs pourraient comprendre les taux élevés de mortalité maternelle ou de
complications durant la grossesse découlant d’un accès limité ou difficile aux soins obstétriques
d’urgence, la discrimination, l’abus, l’abandon social et les taux élevés de mortalité maternelle. Si le
chirurgien laisse entendre qu’une grossesse pourrait accroître la souffrance de cette femme, il fait
probablement allusion aux conséquences sociales, plutôt que médicales, dont elle serait victime si elle
tombait enceinte des suites d’un viol. Il songe probablement à la lourde responsabilité qu’entraîne la
garde d’un ou de plusieurs enfants pour une femme qui lutte déjà pour sa survie, ou au risque que la
mère adopte un comportement violent à l’égard de ses enfants. La mère et ses enfants pourraient être
victimes de discrimination, d’abus ou même d’abandon social si le contexte socioculturel condamne
l’activité sexuelle des femmes célibataires. Le soutien social ou familial offert à cette femme pourrait
donc être limité, voire inexistant, si elle tombait enceinte. Dans certains contextes culturels, il pourrait
être normal et attendu que des médecins prennent des décisions au nom de leurs patients, que ces
derniers aient les capacités mentales suffisantes ou non.
La Déclaration de Genève stipule que « Mes collègues seront mes sœurs et mes frères » et « Je
témoignerai à mes maîtres le respect et la reconnaissance qui leur sont dus ». Le refus d’aider le
chirurgien pourrait être interprété comme un manque de respect à son égard ou à l’égard de
l’expertise locale. Une telle décision pourrait aussi mettre en péril la relation entre le bénévole canadien
et le seul chirurgien de l’endroit, entraîner des dissensions entre le personnel local et étranger de la
clinique et compromettre la relation qu’entretient l’organisation de soins de santé humanitaires avec le
chirurgien et sa clinique.
Si le médecin choisit de ne pas aider le chirurgien à pratiquer la ligature des trompes, le chirurgien
sera forcé d’agir seul, et l’intervention risque de mettre la vie et la santé de la patiente en péril. Il