Départ contre l`avis du médecin - The Royal College of Physicians

Section I - Prise De Décisions Médicales
1.7 Départ contre l’avis du médecin : quelles
sont les obligations du médecin?
Adina E. Feinberg MD, Martin F. McKneally, MD, PhD, FRCSC, Karen M. Devon MD, MSc, FRCSC
C qu’elle a une masse, probablement un cancer du côlon, et qu’elle doit être
opérée d’urgence pour traiter l’occlusion. Il décrit les risques et les avantages de l’intervention, et précise
que le fait de ne pas procéder à cette intervention risque d’accentuer l’occlusion et de causer une
perforation ou même entraîner son décès.
Mme C écoute le chirurgien et comprend la situation; elle estime cependant qu’elle est assez bien pour
retourner en Chine afin d’y recevoir des soins. Elle a payé sa consultation et, comme elle craint que le coût
d’un traitement ne soit élevé, elle préfère être dans son pays, près des siens, pour subir ce type de
chirurgie. Elle aimerait que le chirurgien lui indique le moment le plus opportun pour retourner en Chine.
Questions
1. Quelle est la responsabilité morale et juridique d’un médecin qui prodigue des soins à des voyageurs
non assurés au Canada?
2. Si la patiente décide de partir malgré les discussions en cours, le médecin devrait-il lui faire signer le
formulaire normalisé de « départ contre l’avis du médecin »? Dans quelle mesure tient-on compte de
ce départ dans la prise de décision partagée et les soins centrés sur les patients?
Description de cas
Mme C, âgée de 52 ans, se trouve à la salle d’urgence; depuis la semaine dernière, elle souffre de douleurs
abdominales, de ballonnements et de constipation. Elle est venue de Chine pour assister au mariage de son
fils. Elle ne possède aucune assurance médicale. Ses enfants l’accompagnent à l’hôpital. Elle n'a aucun
antécédent médical, mais n’a pas consulté de médecin récemment. Elle ne signale aucun symptôme ou
perte de poids, mais précise qu’elle a commencé à se sentir mal après son vol. Elle n’a jamais subi de
colonoscopie.
Ses signes vitaux sont normaux. Son abdomen est distendu, on note un son tympanique à la percussion de
l’abdomen et de légers bruits intestinaux. Le toucher rectal ne révèle rien. Les épreuves de laboratoire
mettent en évidence une anémie microcytaire et des taux de créatinine sérique légèrement élevés. La
tomodensitométrie met en évidence une grosse masse obstructive dans le côlon ascendant, suspecte de
malignité, avec dilatation du gros intestin. Il n’y a pas de signe ou de symptôme d’ischémie intestinale.
Le chirurgien explique à Mme
3. Lorsque les coûts sont à l’origine de la décision d’un patient, notre approche devrait-elle être
différente?
4. Le chirurgien, qui n’est pas du même avis que la patiente, en raison des risques considérables pour sa
santé, devrait-il quand même lui fournir des conseils en cas de voyage?
5. Si la compagnie aérienne communique avec le médecin, celui-ci est-il tenu de divulguer l’état de santé
de Mme C? [discuter de l’expansion de l’air plus tard]
Discussion
Q1. Quelle est la responsabilité morale et juridique d’un médecin qui prodigue des soins à des
voyageurs non assurés au Canada?
D’un point de vue éthique ou moral, les médecins et les hôpitaux ne peuvent refuser de soigner des
patients souffrant d’un problème médical urgent [1]. Selon la
Loi sur les hôpitaux publics
, un hôpital ne
peut refuser d’admettre une personne comme malade hospitalisée, si ce refus met en danger la vie de
cette personne. En général, les hôpitaux demandent par la suite le paiement des coûts du traitement.
Habituellement, les patients non assurés ne reçoivent pas de soins pour des maladies chroniques, à moins
qu’ils n’en assument le coût. Une fois rétablie de son obstruction intestinale aiguë, Mme C serait
probablement retournée en Chine pour poursuivre ses traitements contre le cancer. Les situations le
patient ne peut avoir accès à une forme de soins acceptables (p. ex., chimiothérapie adjuvante) dans son
pays d’origine s’avèrent particulièrement difficiles et doivent être évaluées au cas par cas.
Q2. Si la patiente décide de partir malgré les discussions en cours, le médecin devrait-il lui
faire signer le formulaire normalisé de « départ contre l’avis du médecin »? Comment ce
départ s’inscrit-il dans la prise de décision partagée et les soins centrés sur les patients?
Le chirurgien devrait évaluer si la patiente est en mesure de prendre cette décision et inscrire dans le
dossier qu’elle est consciente de son état de santé, des options de traitement et des conséquences du refus
du traitement proposé [2]. La mise en congé d’un patient hospitalisé peut être pour lui un moment difficile,
même lorsque les conditions sont optimales. Il peut arriver parfois qu’un patient quitte l’hôpital avant que
l’équipe médicale ne le juge opportun, suscitant ainsi des craintes pour son état de santé. Le médecin
consigne alors dans le dossier le départ du patient contre l’avis de l’équipe médicale. Les formulaires que la
plupart des hôpitaux utilisent ont été conçus dans le but d’éviter qu’on ne leur impute la faute
d’événements indésirables qui peuvent en résulter. Dans la pratique, ces documents n’assurent aucune
protection juridique [3-5]. En fait, aucun document ne peut dégager entièrement une équipe médicale de la
responsabilité d’événements indésirables. L’ACPM reconnaît que les médecins peuvent être tenus
responsables d’événements indésirables résultant d’un départ dans ces circonstances [6], mais recommande
de tenter de faire signer un formulaire de départ contre avis médical, qui atteste la tenue d’une discussion
sur les risques pour le patient. Aucune ligne directrice ne précise les critères permettant de définir le
« départ contre l’avis du médecin »[5]. Le choix par le patient d’une autre approche de soins devrait être
consigné dans le dossier médical. Contrairement à ce que croient de nombreux professionnels des soins de
santé, il ne faut pas pour cela obtenir la signature du patient.
Préciser ce que l’on entend par « départ contre l’avis du médecin » mérite qu’on s’y attarde, car cette
définition peut miner la relation entre le patient et l’équipe médicale, et nuire aux soins prodigués. Cette
définition semble aussi aller à l’encontre du modèle reconnu de prise de décision partagée, dans lequel le
médecin informe le patient des options de traitement envisagées, en fonction de la situation et des valeurs
du patient [7]. Idéalement, l’équipe médicale et le patient font équipe pour choisir la meilleure option pour
le patient [8]. Quelle que soit l’option de traitement choisie par un patient apte à prendre cette décision, le
modèle de soins centrés sur le patient exige que celui-ci reçoive une ordonnance appropriée et fasse l’objet
d’un suivi [9]. Lorsque le patient quitte l’hôpital dans des circonstances qui ne semblent pas idéales, il faut
d’abord évaluer la capacité du patient, puis élaborer un plan de suivi sécuritaire, et non créer un conflit.
Dans une étude, une forte proportion du personnel médical avait indiqué à tort à des patients qu’en cas de
départ contre l’avis du médecin traitant, aucune assurance ne couvrirait leur visite à l’hôpital [5].
Q3. Lorsque les coûts sont à l’origine de la décision d’un patient, notre approche devrait-elle
être différente?
Au Canada, nous avons la chance d’avoir un régime d’assurance-maladie universel. Les médecins peuvent
être incommodés par l’idée que les décisions de certains patients soient basées sur le coût des soins de
santé proposés. Un patient apte peut refuser les soins, sans être tenu d’informer le médecin traitant des
motifs de sa décision. Comprendre les valeurs et les raisons du refus d’être admis à l’hôpital peut
cependant aider le médecin à préparer un plan de traitement, centré sur le patient [9,10]. Savoir qu’un
patient est intéressé par des traitements dont il ne peut assumer le coût peut permettre au médecin de
proposer une option plus abordable, plutôt que de devoir se résoudre à fermer le dossier. Une stomie de
dérivation temporaire peut temporiser la complication qui a amené notre patiente à l’urgence et lui
permettre de retourner chez elle pour recevoir d’autres soins. Le médecin doit être conscient des
répercussions juridiques liées au fait de s’écarter de la norme de soins. Il est recommandé de consulter
l’ACPM avant d’offrir des options de traitement qui s’écartent de la norme. Dans le cas présent, le
chirurgien pourrait atténuer les inquiétudes de Mme C au sujet des coûts, ce qui pourrait l’aider à prendre
sa décision. Fournir des renseignements plus détaillés sur le coût des diverses options de traitement lui
permettrait de prendre une décision plus éclairée.
Q4. Le chirurgien, qui n’est pas du même avis que la patiente, en raison des risques
considérables pour sa santé, devrait-il quand même lui fournir des conseils en cas de voyage?
Le chirurgien doit reconnaître le droit de la patiente de prendre des décisions éclairées au sujet des soins
de santé qui lui sont proposés. La prise de décision partagée exige que le chirurgien donne à la patiente
des conseils honnêtes, sans la juger, quelle que soit sa décision. Il peut lui conseiller d’autres mesures
optimales qui pourraient entraîner son retour en Chine pour recevoir des soins. Ne pas la conseiller au sujet
de l’option de traitement qu’elle a choisie peut être considéré comme un manquement à son devoir envers
sa patiente [4]. Cependant, comme l’importance du risque de prendre l’avion en souffrant d’une occlusion
intestinale n’est pas bien définie [11], il serait prudent de prendre des mesures qui optimiseraient le
contrôle de l’état de la patiente. Par exemple, il conviendrait idéalement d’avoir recours à la décompression
nasogastrique et d’assurer une supervision médicale lors du vol. Dans ce genre de situation, il est sage de
demander l’avis d’un collègue. Notre approche à l’égard des « départs contre l’avis du médecin » devrait
être planifiée avec autant de soin que les mises en congé de patients hospitalisés. Ceci comprend les
instructions, les plans de suivi et la formation lors d’un retour à l’hôpital [3].
Q5. Si la compagnie aérienne communique avec le médecin, celui-ci est-il tenu de divulguer
l’état de santé de Mme C?
Un manquement à l’obligation de confidentialité à l’égard d’un patient n’est justifié que lorsqu’il existe un
risque important de préjudice envers autrui ou un risque de préjudice envers un patient inapte à prendre
des décisions [12]. Dans le cas présent, une perforation de l’occlusion intestinale de Mme C pourrait rendre
nécessaire un atterrissage d’urgence et comporter un risque de préjudice pour autrui. Même s’il ne doit pas
divulguer les détails de l’état de santé de Mme C sans son consentement, y compris reconnaître qu’elle est
sa patiente, le chirurgien doit encourager fortement Mme C à donner son consentement. Si elle ne le fait
pas, le chirurgien devra obtenir des conseils supplémentaires pour résoudre ce dilemme difficile. Si Mme C
n’a fourni aucune information sur ses projets de voyage, il serait impossible d’intervenir. Cependant, si elle
a bien demandé que les renseignements relatifs à son problème de santé soient fournis au transporteur
aérien, le chirurgien doit, comme toujours, les communiquer avec franchise. De plus, les compagnies
aériennes commerciales ont souvent recours à des médecins qui évaluent pour elles les risques liés au
transport aérien.
Références
1.
Loi sur les hôpitaux publics
, L.R.O. 1990, chap. P.40 [Citée le 18 novembre 2015]. Publiée sur le
site http://www.ontario.ca/fr/lois/loi/90p40
2. Searight HR.
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. Am Fam Physician
1992; 45:751–759.
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.
JCOM 2007; 14(12):645-653.
4. Devitt PJ, Devitt AC, Dewan M.
Does identifying a discharge as “against medical advice”
confer legal protection?
J Fam Pract. 2000;49(3):224–227.
5. Alfandre D, Schumann JH.
What is wrong with discharges against medical advice (and how
to fix them)
. JAMA 2013; 310(22):2393-2394.
6.
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. [Cité le 14 février 2016]. Publié sur le site https://www.cmpa-
acpm.ca/serve/docs/ela/goodpracticesguide/pages/communication/Informed_Discharge/leaving_agains
t_medical_advice-f.html
7. President’s Commission. President’s Commission for the Study of Ethical Problems in Medicine and
Biomedical and Behavioral Research.
Making Health Care Decisions. The Ethical and Legal
Implications of Informed Consent in the Patient–Practitioner Relationship
. Washington DC:
1982.
8. Gillick M
. Re-engineering shared decision-making
. J Med Ethics 2015; 41(9):785-788.
9. Moore C, McGinn T, Halm E.
Tying up loose ends: discharging patients with unresolved
medical issues
. Arch Intern Med 2007; 167:1305−1311
10. Alfandre D.
Reconsidering against medical advice discharges: embracing patient-
centeredness to promote high quality care and a renewed research agenda
. J Gen Intern
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11. Silverman D, Gendreau M.
Medical issues associated with commercial flights
. The Lancet 2009;
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12. Kleinman I, Baylis F, Rodgers S, Singer P.
Bioethics for clinicians
: 8. Confidentiality. CMAJ 1997;
156(4):521-524.
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