Le syndrome d augmentation des résistances des voies aériennes

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Le syndrome d’augmentation des résistances des voies
aériennes supérieures
● B. Ondzé*, E. Ricard*, M. Billiard*
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es troubles respiratoires liés au sommeil constituent
la majorité des pathologies explorées dans les centres
d’étude du sommeil, certainement en raison d’une
meilleure information des professionnels de santé, mais aussi
du public. Leur rôle est prouvé dans la survenue des accidents
de la circulation. Leur implication dans la pathologie cardiovasculaire est probable (1-3). Tout cela incite à une meilleure
compréhension de la physiopathologie et à une prise en charge
plus efficace pour prévenir les conséquences qui en découlent.
Si le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) est la forme clinique dont la symptomatologie et le traitement sont le mieux
connus, il n’en est pas de même du syndrome d’augmentation
des résistances des voies aériennes supérieures (SARVAS). Sa
description est récente (4). Le diagnostic et surtout le traitement restent encore imprécis. Cet article a pour but de faire la
revue des données actuelles sur le sujet en se servant de
l’expérience acquise dans notre service.
MYTHE OU RÉALITÉ ?
S’il ne fait aucun doute qu’une modification de la morphologie
et de la compliance des voies aériennes supérieures est à l’origine d’efforts respiratoires augmentés au cours du sommeil,
comme le prouvent les enregistrements effectués (en particulier la mesure de la pression œsophagienne), la relation entre
ces efforts et les manifestations cliniques qui en découlent
n’est pas aisée à établir. Toutefois, cette relation est étayée par
l’effet bénéfique du traitement par pression positive continue
sur la symptomatologie clinique, comme l’ont montré certains
auteurs (4-6). L’enthousiasme initial pour le traitement instrumental et même chirurgical (uvulo-pharyngoplastie ou ostéotomie bimaxillaire) du SARVAS a laissé progressivement place
au scepticisme en raison du manque de résultats convaincants
de ces traitements.
Le SARVAS est, par définition, clinique et polygraphique.
Manifestations cliniques
Le SARVAS est diagnostiqué dans des proportions égales
chez l’homme et chez la femme jeunes (5).
* Service de neurologie B, Unité des troubles du sommeil et de l’éveil, hôpital
Gui-de-Chauliac, Montpellier.
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La somnolence diurne est toujours présente dans le SARVAS
(4, 6-8), symptomatologie qu’il partage avec le SAS. Il peut
s’agir d’accès irrésistibles de sommeil ou d’une envie plus ou
moins permanente de dormir, avec des siestes non réparatrices.
Dans une population de 30 patients (21 hommes et 9 femmes)
présentant un SARVAS diagnostiqué à l’Unité des troubles du
sommeil et de l’éveil de Montpellier, la somnolence est retrouvée dans 90 % des cas et l’asthénie matinale dans 50 % des
cas, les deux étant souvent associées.
L’asthénie matinale, les troubles de la mémoire, de la concentration et de l’humeur, et les troubles sexuels sont en revanche
inhabituels dans le SARVAS.
Il n’y a pas de signes nocturnes spécifiques au SARVAS. Le
ronflement est fréquent mais non obligatoire, la mauvaise qualité du sommeil et la nycturie sont inhabituelles. Dans tous les
cas, l’élément le plus constamment retrouvé est le caractère
non récupérateur du sommeil nocturne. Chez certains patients,
les symptômes peuvent faire évoquer une hypersomnie idiopathique (4).
L’examen physique retrouve souvent des anomalies orofaciales caractéristiques (4, 5, 8) (figure 1) : faciès triangulaire
ou allongé, micrognathie, palais ogival, malocclusion dentaire
de type II, macroglossie, grosses amygdales.
Données polygraphiques
La première description du SARVAS a été faite grâce à
l’observation de réactions d’éveil fréquentes à type de bouffées alpha sur l’EEG, sans relation avec des événements respiratoires avérés (apnées ou hypopnées, désaturation en O 2).
L’utilisation d’un capteur a permis de mettre en évidence des
épisodes d’augmentation anormale de la pression œsophagienne, précédant ces activations corticales, ou micro-éveils,
en raison de la brièveté de leur durée.
Les caractéristiques polygraphiques du SARVAS ne sont pas
aisées à définir.
– À l’EEG, il existe de fréquents micro-éveils à type de bouffées alpha d’une durée de 3 à 14 secondes (d’après la classification de l’American Sleep Disorders Association, ASDA),
non explicables par la présence d’apnées ou d’autres stimuli
non respiratoires identifiables. L’index horaire de ces microéveils doit être supérieur ou égal à 10 par heure, signe d’une
grande fragmentation du sommeil.
– L’index horaire d’apnées est toujours inférieur à 5, mais il
existe des épisodes d’augmentation progressive de la pression
La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 3 - juin 1999
Crescendo
a
Flux naso-buccal
∆P1
∆P2
}
Figure 1. Sujet
présentant
un SARVAS.
(a) Vue de face :
allongement
du faciès et petit
menton sont
les deux éléments
qui ressortent.
(b) Vue de profil :
rétrognathie.
Accroissement
de ∆P
Pression œsophagienne
Figure 2. Représentation d’un crescendo. Accroissement progressif du P
pendant au moins 10 secondes de plus d’une déviation standard par rapport au P de veille ( P0).
– Une latence moyenne anormalement basse au test itératif de
latence d’endormissement (TILE) n’est pas obligatoire pour
retenir le diagnostic, d’autant qu’aucune corrélation significative n’a été retrouvée entre l’index de fragmentation du sommeil et la latence moyenne au TILE.
Physiopathologie (8, 9)
b
endothoracique durant au moins 10 secondes, sans baisse significative du volume courant ni désaturation importante en O2, se
terminant par un micro-éveil et un retour à une pression œsophagienne (PO) comparable à celle mesurée en veille calme.
La relation entre la fragmentation du sommeil et les efforts
respiratoires anormaux est établie sur les critères suivants :
– La valeur de la PO précédant le micro-éveil est négative et
inférieure à la valeur de la PO mesurée en veille calme de plus
d’une déviation standard (4).
– L’augmentation progressive, durant au moins 10 secondes,
de la pression œsophagienne différentielle (entre le début et la
fin de l’inspiration ou P) permet de définir le “crescendo”
(figure 2). Ces “crescendo” doivent avoir un P2 (fin du
“crescendo”) dépassant le P0 moyen mesuré pendant la veille
calme d’au moins une déviation standard. L’index de perturbation respiratoire dans le SARVAS comprend donc la somme
de tous les événements respiratoires (apnées, hypopnées et
crescendo) rapportée au temps total de sommeil par heure.
Pour que le diagnostic soit retenu, l’index horaire
d’apnées/hypopnées doit rester inférieur à 5 et celui des crescendo doit être supérieur à 10 (4).
– Signes négatifs : il n’y a pas de syndrome d’impatiences ou
de mouvements périodiques des membres.
La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 3 - juin 1999
La structure des voies aériennes supérieures (VAS) peut être
modélisée comme un tube dépressible (pharynx) interposé
entre deux segments rigides (fosses nasales en amont et arbre
trachéobronchique en aval) représentant le modèle de Starling
et répondant à la loi de Poiseuille. La pression en amont est
égale à la pression atmosphérique et la pression en aval est
variable, en fonction de l’activité des muscles inspiratoires. La
résistance à l’écoulement de l’air dans le segment pharyngé
dépend de deux facteurs : la pression du système, qui, durant
l’inspiration, tend à s’équilibrer avec la pression pleurale (et
devient donc négative) et la capacité de la paroi pharyngée à
se laisser collaber sous l’effet de cette pression négative.
La pression intrathoracique intervient de deux façons sur le
flux aérien engendré pendant l’inspiration : d’une part, elle
représente la force motrice génératrice de ce flux ; d’autre
part, elle constitue la force qui pousse au collapsus pharyngé,
créant ainsi une résistance au passage de l’air. À partir d’un
certain seuil, toute augmentation supplémentaire de la pression
inspiratoire n’entraîne plus d’augmentation du débit, laissant
apparaître un aspect en plateau, dit de limitation de débit.
Les modifications de la pression intrathoracique participent à
la régulation de la ventilation par le biais des mécanorécepteurs. La commande ventilatoire et le niveau de vigilance
s’influencent mutuellement au point que l’effort respiratoire
peut constituer un stimulus d’éveil. Si la compliance pharyngée est faible et le seuil d’éveil élevé, le système reste stable
pendant le sommeil. Si, à l’inverse, le seuil d’éveil est bas,
l’augmentation de l’effort respiratoire en réponse à l’augmentation des résistances entraîne un micro-éveil ; si la compliance est élevée, l’augmentation de l’effort produit une
majoration de la résistance limitant le débit inspiratoire et
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conduisant au SARVAS lorsque cette limitation du débit est indétectable ou inférieure à la définition conventionnelle de l’hypopnée. Il semble ressortir de cette théorie la notion d’un continuum
entre le SARVAS et le SAS, l’effort respiratoire et la compliance
des voies aériennes supérieures jouant un déterminant.
Traitement
La prise en charge du SAS par la ventilation nocturne en pression positive continue (VNPPC) a montré toute son efficacité
sur les symptômes cliniques (sous réserve d’une bonne adaptation des patients à l’appareillage) (2, 4, 6). Le traitement du
SARVAS reste cependant mal codifié et varie en fonction des
écoles. En l’absence de données précises sur la morbidité de ce
trouble, certains auteurs n’attribuent aucun risque de gravité à
cette pathologie. Il n’en reste pas moins que les patients attendent une solution à leurs plaintes. Diverses méthodes thérapeutiques sont utilisées :
– La VNPPC est certainement la méthode la plus adaptée à
condition que la titration de l’appareil soit faite sous contrôle
de la pression intrathoracique par capteur œsophagien. La
pression efficace est celle qui permet la normalisation de la PO
et la baisse de l’index de micro-éveils. Malheureusement, ce
traitement est souvent mal toléré (surtout à long terme),
d’autant plus que les patients sont plus jeunes et moins gênés
que dans le SAS.
– Les méthodes chirurgicales, pour être efficaces, doivent agir sur
la compliance de tout le segment dépressible du pharynx.
L’uvulo-pharyngo-palato-plastie reste inefficace dans la plupart
des cas, et certains SARVAS sont même secondaires au traitement chirurgical du ronflement ou du SAS. L’ostéotomie bimaxillaire est intéressante pour la correction des anomalies orofaciales
rencontrées dans le SARVAS. Peu de centres ont l’expérience de
sa pratique. De plus, les contre-indications, les effets secondaires
et les résultats incertains en limitent l’usage (10).
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Conclusion
Le syndrome d’augmentation des résistances des voies
aériennes supérieures est une pathologie dont les limites nosologiques restent à redécouvrir à la lumière de nouvelles techniques non invasives et utilisables de façon exhaustive. Son
impact sur les performances et la vigilance des sujets ainsi que
sur la pathologie cardiovasculaire, bien que suspecté à juste
titre, mérite des études plus étendues pour être confirmé, de
même que son évolution naturelle vers le syndrome d’apnées
du sommeil. Cette confirmation justifierait alors le développement de moyens thérapeutiques efficaces dans une perspective
de santé publique.
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4e Congrès de pneumologie de langue française (SPLF-APP-CPHG)
Nice-Acropolis
26-29 janvier 2000
“Respiration, allergie, environnement”
Renseignements : Chantal Anciaux
Tél. : 01 46 33 37 39 - Fax : 01 43 29 01 10
Date limite de réception des abstracts : 15 septembre 1999
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La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 3 - juin 1999
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