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La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 3 - juin 1999
es troubles respiratoires liés au sommeil constituent
la majorité des pathologies explorées dans les centres
d’étude du sommeil, certainement en raison d’une
meilleure information des professionnels de santé, mais aussi
du public. Leur rôle est prouvé dans la survenue des accidents
de la circulation. Leur implication dans la pathologie cardio-
vasculaire est probable (1-3). Tout cela incite à une meilleure
compréhension de la physiopathologie et à une prise en charge
plus efficace pour prévenir les conséquences qui en découlent.
Si le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) est la forme cli-
nique dont la symptomatologie et le traitement sont le mieux
connus, il n’en est pas de même du syndrome d’augmentation
des résistances des voies aériennes supérieures (SARVAS). Sa
description est récente (4). Le diagnostic et surtout le traite-
ment restent encore imprécis. Cet article a pour but de faire la
revue des données actuelles sur le sujet en se servant de
l’expérience acquise dans notre service.
MYTHE OU RÉALITÉ ?
S’il ne fait aucun doute qu’une modification de la morphologie
et de la compliance des voies aériennes supérieures est à l’ori-
gine d’efforts respiratoires augmentés au cours du sommeil,
comme le prouvent les enregistrements effectués (en particu-
lier la mesure de la pression œsophagienne), la relation entre
ces efforts et les manifestations cliniques qui en découlent
n’est pas aisée à établir. Toutefois, cette relation est étayée par
l’effet bénéfique du traitement par pression positive continue
sur la symptomatologie clinique, comme l’ont montré certains
auteurs (4-6). L’enthousiasme initial pour le traitement instru-
mental et même chirurgical (uvulo-pharyngoplastie ou ostéoto-
mie bimaxillaire) du SARVAS a laissé progressivement place
au scepticisme en raison du manque de résultats convaincants
de ces traitements.
Manifestations cliniques
Le SARVAS est diagnostiqué dans des proportions égales
chez l’homme et chez la femme jeunes (5).
La somnolence diurne est toujours présente dans le SARVAS
(4, 6-8), symptomatologie qu’il partage avec le SAS. Il peut
s’agir d’accès irrésistibles de sommeil ou d’une envie plus ou
moins permanente de dormir, avec des siestes non réparatrices.
Dans une population de 30 patients (21 hommes et 9 femmes)
présentant un SARVAS diagnostiqué à l’Unité des troubles du
sommeil et de l’éveil de Montpellier, la somnolence est retrou-
vée dans 90 % des cas et l’asthénie matinale dans 50 % des
cas, les deux étant souvent associées.
L’asthénie matinale, les troubles de la mémoire, de la concen-
tration et de l’humeur, et les troubles sexuels sont en revanche
inhabituels dans le SARVAS.
Il n’y a pas de signes nocturnes spécifiques au SARVAS. Le
ronflement est fréquent mais non obligatoire, la mauvaise qua-
lité du sommeil et la nycturie sont inhabituelles. Dans tous les
cas, l’élément le plus constamment retrouvé est le caractère
non récupérateur du sommeil nocturne. Chez certains patients,
les symptômes peuvent faire évoquer une hypersomnie idiopa-
thique (4).
L’examen physique retrouve souvent des anomalies orofa-
ciales caractéristiques (4, 5, 8) (figure 1) : faciès triangulaire
ou allongé, micrognathie, palais ogival, malocclusion dentaire
de type II, macroglossie, grosses amygdales.
Données polygraphiques
La première description du SARVAS a été faite grâce à
l’observation de réactions d’éveil fréquentes à type de bouf-
fées alpha sur l’EEG, sans relation avec des événements respi-
ratoires avérés (apnées ou hypopnées, désaturation en O2).
L’utilisation d’un capteur a permis de mettre en évidence des
épisodes d’augmentation anormale de la pression œsopha-
gienne, précédant ces activations corticales, ou micro-éveils,
en raison de la brièveté de leur durée.
Les caractéristiques polygraphiques du SARVAS ne sont pas
aisées à définir.
– À l’EEG, il existe de fréquents micro-éveils à type de bouf-
fées alpha d’une durée de 3 à 14 secondes (d’après la classifi-
cation de l’American Sleep Disorders Association, ASDA),
non explicables par la présence d’apnées ou d’autres stimuli
non respiratoires identifiables. L’index horaire de ces micro-
éveils doit être supérieur ou égal à 10 par heure, signe d’une
grande fragmentation du sommeil.
– L’index horaire d’apnées est toujours inférieur à 5, mais il
existe des épisodes d’augmentation progressive de la pression
VOCABULAIRE
Le syndrome d’augmentation des résistances des voies
aériennes supérieures
B. Ondzé*, E. Ricard*, M. Billiard*
* Service de neurologie B, Unité des troubles du sommeil et de l’éveil, hôpital
Gui-de-Chauliac, Montpellier.
L
Le SARVAS est, par définition, clinique et polygraphique.
endothoracique durant au moins 10 secondes, sans baisse signi-
ficative du volume courant ni désaturation importante en O2, se
terminant par un micro-éveil et un retour à une pression œso-
phagienne (PO) comparable à celle mesurée en veille calme.
La relation entre la fragmentation du sommeil et les efforts
respiratoires anormaux est établie sur les critères suivants :
– La valeur de la PO précédant le micro-éveil est négative et
inférieure à la valeur de la PO mesurée en veille calme de plus
d’une déviation standard (4).
– L’augmentation progressive, durant au moins 10 secondes,
de la pression œsophagienne différentielle (entre le début et la
fin de l’inspiration ou P) permet de définir le “crescendo”
(figure 2). Ces “crescendo” doivent avoir un P2 (fin du
“crescendo”) dépassant le P0 moyen mesuré pendant la veille
calme d’au moins une déviation standard. L’index de perturba-
tion respiratoire dans le SARVAS comprend donc la somme
de tous les événements respiratoires (apnées, hypopnées et
crescendo) rapportée au temps total de sommeil par heure.
Pour que le diagnostic soit retenu, l’index horaire
d’apnées/hypopnées doit rester inférieur à 5 et celui des cres-
cendo doit être supérieur à 10 (4).
– Signes négatifs : il n’y a pas de syndrome d’impatiences ou
de mouvements périodiques des membres.
– Une latence moyenne anormalement basse au test itératif de
latence d’endormissement (TILE) n’est pas obligatoire pour
retenir le diagnostic, d’autant qu’aucune corrélation significa-
tive n’a été retrouvée entre l’index de fragmentation du som-
meil et la latence moyenne au TILE.
Physiopathologie
(8, 9)
La structure des voies aériennes supérieures (VAS) peut être
modélisée comme un tube dépressible (pharynx) interposé
entre deux segments rigides (fosses nasales en amont et arbre
trachéobronchique en aval) représentant le modèle de Starling
et répondant à la loi de Poiseuille. La pression en amont est
égale à la pression atmosphérique et la pression en aval est
variable, en fonction de l’activité des muscles inspiratoires. La
résistance à l’écoulement de l’air dans le segment pharyngé
dépend de deux facteurs : la pression du système, qui, durant
l’inspiration, tend à s’équilibrer avec la pression pleurale (et
devient donc négative) et la capacité de la paroi pharyngée à
se laisser collaber sous l’effet de cette pression négative.
La pression intrathoracique intervient de deux façons sur le
flux aérien engendré pendant l’inspiration : d’une part, elle
représente la force motrice génératrice de ce flux ; d’autre
part, elle constitue la force qui pousse au collapsus pharyngé,
créant ainsi une résistance au passage de l’air. À partir d’un
certain seuil, toute augmentation supplémentaire de la pression
inspiratoire n’entraîne plus d’augmentation du débit, laissant
apparaître un aspect en plateau, dit de limitation de débit.
Les modifications de la pression intrathoracique participent à
la régulation de la ventilation par le biais des mécanorécep-
teurs. La commande ventilatoire et le niveau de vigilance
s’influencent mutuellement au point que l’effort respiratoire
peut constituer un stimulus d’éveil. Si la compliance pharyn-
gée est faible et le seuil d’éveil élevé, le système reste stable
pendant le sommeil. Si, à l’inverse, le seuil d’éveil est bas,
l’augmentation de l’effort respiratoire en réponse à l’augmen-
tation des résistances entraîne un micro-éveil ; si la com-
pliance est élevée, l’augmentation de l’effort produit une
majoration de la résistance limitant le débit inspiratoire et
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Accroissement
de P
Flux naso-buccal
Pression œsophagienne
Crescendo
P1P2
}
Figure 2. Représentation d’un crescendo. Accroissement progressif du P
pendant au moins 10 secondes de plus d’une déviation standard par rap-
port au P de veille ( P0).
Figure 1. Sujet
présentant
un SARVAS.
(a) Vue de face :
allongement
du faciès et petit
menton sont
les deux éléments
qui ressortent.
(b) Vue de profil :
rétrognathie.
a
b
VOCABULAIRE
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conduisant au SARVAS lorsque cette limitation du débit est indé-
tectable ou inférieure à la définition conventionnelle de l’hypo-
pnée. Il semble ressortir de cette théorie la notion d’un continuum
entre le SARVAS et le SAS, l’effort respiratoire et la compliance
des voies aériennes supérieures jouant un déterminant.
Traitement
La prise en charge du SAS par la ventilation nocturne en pres-
sion positive continue (VNPPC) a montré toute son efficacité
sur les symptômes cliniques (sous réserve d’une bonne adapta-
tion des patients à l’appareillage) (2, 4, 6). Le traitement du
SARVAS reste cependant mal codifié et varie en fonction des
écoles. En l’absence de données précises sur la morbidité de ce
trouble, certains auteurs n’attribuent aucun risque de gravité à
cette pathologie. Il n’en reste pas moins que les patients atten-
dent une solution à leurs plaintes. Diverses méthodes thérapeu-
tiques sont utilisées :
– La VNPPC est certainement la méthode la plus adaptée à
condition que la titration de l’appareil soit faite sous contrôle
de la pression intrathoracique par capteur œsophagien. La
pression efficace est celle qui permet la normalisation de la PO
et la baisse de l’index de micro-éveils. Malheureusement, ce
traitement est souvent mal toléré (surtout à long terme),
d’autant plus que les patients sont plus jeunes et moins gênés
que dans le SAS.
– Les méthodes chirurgicales, pour être efficaces, doivent agir sur
la compliance de tout le segment dépressible du pharynx.
L’uvulo-pharyngo-palato-plastie reste inefficace dans la plupart
des cas, et certains SARVAS sont même secondaires au traite-
ment chirurgical du ronflement ou du SAS. L’ostéotomie bimaxil-
laire est intéressante pour la correction des anomalies orofaciales
rencontrées dans le SARVAS. Peu de centres ont l’expérience de
sa pratique. De plus, les contre-indications, les effets secondaires
et les résultats incertains en limitent l’usage (10).
Conclusion
Le syndrome d’augmentation des résistances des voies
aériennes supérieures est une pathologie dont les limites noso-
logiques restent à redécouvrir à la lumière de nouvelles tech-
niques non invasives et utilisables de façon exhaustive. Son
impact sur les performances et la vigilance des sujets ainsi que
sur la pathologie cardiovasculaire, bien que suspecté à juste
titre, mérite des études plus étendues pour être confirmé, de
même que son évolution naturelle vers le syndrome d’apnées
du sommeil. Cette confirmation justifierait alors le développe-
ment de moyens thérapeutiques efficaces dans une perspective
de santé publique.
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management of sleep disordered breathing : are our patients really benefiting ?
Otolaryngol Clin North Am 1998 ; 31 : 1031-1.
4eCongrès de pneumologie de langue française (SPLF-APP-CPHG)
Nice-Acropolis
26-29 janvier 2000
“Respiration, allergie, environnement”
Renseignements : Chantal Anciaux
Tél. : 01 46 33 37 39 - Fax : 01 43 29 01 10
Date limite de réception des abstracts : 15 septembre 1999
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