Etude de Forigine, de la migration et de la multiplication des cellules

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/ . Embryol. exp. Morph., Vol. 16, 3, pp. 591-607, December 1966
With 2 plates
Printed in Great Britain
591
Etude de Forigine, de la migration et
de la multiplication des cellules germinales
chez Fembryon de lapin
Par FR. CH. CHRETIEN1
Laboratoire d'Embryologie, Faculte des Sciences de Paris {Prof. L. Gallieri)
La decouverte par Waldeyer (1870) des cellules sexuelles ou 'Ureier' dans
l'epithelium germinatif peritoneal d'embryons de poulet de 3 et 4 jours, ouvrit
la voie a toute une serie de travaux sur l'origine et la filiation des cellules germinales chez les Vertebres.
Goette (1875) chez le crapaud, puis Rubaschkin (1908, 1912), Fuss (1911,
1912), Vanneman (1917) et Politzer (1928, 1930) chez les Mammiferes, ont
estime les premiers que les gonocytes primordiaux doivent etre considered
comme la souche unique de toutes les cellules sexuelles de l'individu, affirme
leur origine extra-embryonnaire et leur pouvoir migratoire.
Les travaux de Vanneman (1917) sur le tatou, et ceux plus recents effectues
par Witschi (1948) sur le foetus humain, par Everett (1943), Chiquoine (1954)
et Mintz (1957, 1960) sur la souris, et par Beaumont & Mandl (1963) sur le rat,
montrent que, chez ces especes, les cellules germinales primordiales sont observables a des stades plus ou moins precoces du developpement embryonnaire; ces
cellules, situees d'abord dans l'endoderme de la vesicule ombilicale et dans le
mesoderme, au niveau de l'evagination allantoidienne, migrent ensuite le long
de l'intestin par l'intermediaire du mesentere dorsal, pour aboutir enfin dans les
cretes genitales.
Nous avons repris, pour le lapin, l'etude de l'origine et de la migration des
cellules germinales.
TECHNIQUES
Quarante embryons appartenant a l'espece grise commune ont ete etudies.
Les embryons sont preleves a 9 jours, puis tous les deux jours entre le lOeme
et le 28eme jour de la vie foetale; l'age des embryons, exprime en 'jours postcoitum' est egal au temps ecoule entre la copulation et le sacrifice de la femelle.
Selon l'age et la taille, les embryons ou les gonades isolees sont inclus dans la
paraffine a 56° et debites en coupes seriees de 7,5 /i d'epaisseur.
1
Adresse de Vauteur: Laboratoire d'Embryologie, Faculte des Sciences de Paris, 9 quai
Saint-Bernard, Paris, France.
37-2
592
F R . C H . CHRETIEN
La methode de Gomori-Takamatsu, utilisee chez l'homme, le rat et la souris
pour differencier electivement les cellules germinales primordiales par la mise
en evidence a leur niveau de phosphatase alcaline, s'est revelee peu efficace dans
le cas du lapin; ses resultats ont ete trop inconstants pour qu'elle soit retenue.
Finalement, les coupes ont ete colorees par l'hemalun-eosine qui permet une
bonne differentiation des gonocytes primordiaux; ceux-ci ont ete identifies
d'apres les criteres suivants: (1) diametre du noyau au moins egal a l l / * (nettement superieur a celui des cellules somatiques); (2) faible colorabilite; (3) presence d'un amas chromatinien au centre du noyau; (4) contour cellulaire
spherique et net (Planche 1, figs. A, B).
Les cellules germinales ont ete denombrees coupe par coupe, pour chacun
des stades etudies, afin d'eliminer l'erreur systematique resultant de la repartition
heterogene des cellules germinales dans le mesentere et dans les gonades. Etant
donnes l'epaisseur des coupes (7,5 JLC) et le diametre minimum (11 fi) des noyaux
des cellules germinales, nous avons determine par le calcul u n ' coefficient correcteur Q \ Ce coefficient, egal a 1,6 dans le cas particulier de cette etude, permet
d'eliminer l'erreur resultant de noyaux comptes deux fois. Le 'nombre vrai' des
noyaux germinaux (Tableau 2) contenus dans un embryon sera egal au nombre
observe divise par 1,6:
, f
,
.
N' (nombre observe)
Nr (nombre
vrai)N =
r-^
.
1,6
Seuls les nombres vrais ont ete portes sur les courbes presentees dans ce
travail.
PLANCHE 1
Migration des cellules germinales de 9 a 12 jours post-coitum. L'echelle figure sur les
microphotographies.
Fig. A. Cellule germinale en voie de migration dans le mesentere, accolee contre la splanchnopleure; le nucleole est nettement visible (embryon de 10 jours).
Fig. B. Cellule germinale en voie de migration dans le mesoderme du bourrelet allantoiidien,
au-dessous du plan de l'intestin. Trois expansions cytoplasmiques sont visibles, correspondant peut-etrea des pseudopodes (embryon de 10 jours).
Fig. C. Embryon de 9 jours. Coupe transversale en arriere du bourrelet allantoidien.
Fig. D. Detail de la photographie precedente.
Fig. E. Embryon de 10 jours. Coupe transversale passant par l'intestin posterieur et le
pedicule allantoiidien.
Fig. F. Detail de la photographie precedente.
Fig. G. Embryon de 12 jours. Coupe transversale dans la region moyenne de l'ebauche
mesonephretique.
ao, Aorte dorsale; cc, cavite coelomique; eg, crete genitale; cw, canal de Wolff; ec, ectoderme; en, endoderme; /, intestin; mi, mesentere intestinal; msn, mesonephros; pa, pedicule
allantoidien; pc, prolongement cytoplasmique;/?/, placenta; vc, veine cardinale; vo, veine
ombilicale.
/. Embryol. exp. Morph., Vol. 16, Part 3
)
\7M
FR. CH. CHRETIEN
PLANCHE 1
/. Embryol. exp. Morph., Vol. 16, Part 3
FR. CH. CHRETIEN
PLANCHE 2
facing p. 593
Vorigine des cellules germinales
593
MIGRATION DES CELLULES GERMINALES
Localisation
Afin de localiser facilement les cellules germinales au cours de la phase migratoire, il a ete procede, pour chaque embryon, a deux reconstitutions, l'une en
coupe sagittale, l'autre en vue ventrale. Dans chaque reconstitution en coupe
sagittale n'ont ete representees a l'interieur de la crete genitale que les cellules
germinales contenues dans la crete droite de l'embryon. Par contre toutes les
cellules en voie de migration ont ete representees.
Des le 9eme jour, des cellules germinales ont pu etre denombrees dans l'endoderme, au niveau de l'intestin posterieur et en arriere de celui-cii et d'autres
dans le mesoderme du bourrelet allantoiidien (Planche, 1 figs. C, D).
Le lOeme jour, les cellules germinales apparaissent massees dans le mesoderme du bourrelet allantoiidien, tout autour du pedicule allantoidien. Certaines,
localisees dans le mesoderme qui tapisse les parois de l'intestin, ont deja commence a migrer vers les cretes genitales (Planche 1, figs. E, F).
Le 12eme jour, deux tiers des cellules germinales sont encore distribues en
dehors des cretes genitales, apparaissant soit autour de l'intestin dans sa partie
posterieure, soit dans le mesentere dorsal qui relie l'intestin a la cavite abdominale (Planche 1,fig.G; Planche 2,fig.H). Chez les embryons etudies a ce stade,
les gonocytes, repartis dans le mesentere dorsal, forment une colonne verticale,
perpendiculaire a l'axe du corps et localisee au niveau du tiers inferieur des
cretes genitales. Le reste des cellules germinales est deja loge dans les cretes
genitales ou bien se trouve dans leur voisinage immediat. Les cellules germinales
n'ont cependant pas entierement colonise le tiers anterieur des cretes genitales.
Le 14eme jour, les proportions sont inversees par rapport au stade precedent.
Deux tiers des cellules germinales sont repartis dans les cretes genitales. Celles-ci
sont maintenant colonisees sur presque toute leur longueur. Les cellules formant
le dernier tiers se trouvent presque toutes a proximite des gonades primitives, la
PLANCHE 2
Migration des cellules germinales de 12 a 16 jours post-coi'tum. L'echelle figure sur les
microphotographies.
Fig. H. Embryon de 12 jours. Detail de la figure G, Planche 1.
Fig. I. Embryon de 14 jours. Detail au niveau de la crete genitale et du mesentere intestinal.
Fig. J. Detail au niveau de la crete genitale gauche.
Fig. K. Embryon de 16 jours. Coupe transversale passant par la region moyenne du mesonephros.
Fig. L. Detail correspondant, chez un autre embryon de meme age, a l'encadrement de la
photographie precedente.
Fig. M. Detail: gonade male.
cc, Cavite coelomique; eg, crete genitale; gn, gonade; mi, mesentere intestinal; msn,
mesonephros; mtn, metanephros; vc, veine cardinale; vcp, veine cave posterieure.
594
FR. CH. CHRETIEN
majorite d'entre elles etant dans le mesentere dorsal de l'intestin, les autres dans
le mesenchyme au-dessus des cretes genitales (Planche 2, figs. I, J). Cependant,
nous avons observe une demi-douzaine de cellules germinales dans le mesentere
ventral de l'intestin.
A 16 jours, le plupart des gonocytes primordiaux se trouvent dans les gonades
qui sont sexuellement differenciees (Planche 2, fig. M). Certains, cependant,
sont encore dans le mesenchyme situe immediatement au-dessus des gonades.
Mesonephros
Aorte
Mesonephros
Crete genitale Canal de Wolff
Foie
• 1 mm
Intestin
Canal de
Wolff
14 jours p.c.
Mesentere
Fig. 1. Reconstitution schematique du trajet des gonocytes primordiaux.
Quelques rares cellules germinales n'ont pas encore atteint le niveau des gonades
et sont visibles, en coupe sagittale, dans le mesentere qui rattache la face dorsale
de l'intestin a la base de ces dernieres (Planche 2, figs. K, L).
L'etude des embryons ages de 18 et 20 jours n'a pas permis d'observer un
seul gonocyte primordial en dehors des gonades.
Migration
Ainsi, les cellules germinales primordiales du lapin, issues de la partie
posterieure de l'aire embryonnaire, au niveau du bourrelet allantoidien et de
l'intestin posterieur se deplacent entre le 9eme et le 18eme jour qui suivent
le co'it. Elles empruntent le trajet suivant:
Elles contournent d'abord l'intestin, montent vers les cretes genitales, en
Uorigine des cellules germinales
595
traversant le mesentere dorsal et arrivent au niveau de l'aorte; elles se dirigent
ensuite directement vers les cretes, lateralement par rapport au mesentere, en
empruntant les racines de ce dernier dans les angles de la cavite coelomique. Les
cellules sexuelles paraissent se deplacer selon deux directions, dont la simultaneity conditionne le sens de la migration. La premiere de ces directions, posteroanterieure, suit l'axe de symetrie de l'embryon. Les cellules sexuelles, issues
Tableau 1. Distribution des cellules germinales au cours de la vie
foetale chez le lapin
Age en
j.p.c.
9
10
12
14
16
18
Distribution des cellules
germinales en dehors des
cretes genitales ou des
gonades
Moins d'une dizaine dans
l'endoderme et le mesoderme,
au niveau et en
arriere de l'intestin
posterieur, et en avant de
celui-ci, dans le mesoderme
sous-chordal
Une vingtaine dans le
mesoderme, autour du
pedicule allantoidien et
autour de l'intestin
Une part ie dans le mesentere dorsal, et tout autour
de l'intestin dans son tiers
posterieur
Une partie dans le mesentere dorsal; quelques unes
au voisinage de l'intestin,
dans son tiers median
Quelques unes dans le
mesentere dorsal, au
niveau du tiers anterieur de
l'intestin; aucune au voisinage immediat de l'intestin
Aucune
Distribution des cellules
germinales dans les cretes
genitales ou les gonades
Differentiation
sexuelle
de la gonade
Aucune
Aucune
La majorite dans les cretes
et a proximite: legerement
au-dessus ou a cote
La majorite dans les cretes
et a proximite: legerement
au-dessus ou a cote
La grande majorite dans les
gonades; uncertain
nombre a proximite
immediate; quelques unes
au-dessus, au niveau de
l'aorte
Toutes les cellules sont
dans les gonades
<J ou $
ou $
de la partie posterieure du corps, finissent par arriver au niveau des cretes
genitales situees dans la partie moyenne (Fig. 1). La seconde est ascendante, les
cellules germinales passant progressivement du mesentere ventral de l'intestin
jusqu'au niveau de l'aorte dorsale qu'elles atteignent aux environs des cretes
genitales. Ces deux directions, apparemment divergentes, sont suivies simultanement dans le meme plan par les cellules germinales. La periode comprise entre le
596
FR. CH. CHRETIEN
depart de ces dernieres dans la region allantoidienne et leur arrivee sous l'aorte
dorsale constitue pour chacune d'elles le premier temps de la migration (Fig. 1).
Les cellules germinales penetrent ensuite dans les racines laterales du mesentere, s'elevent au-dessus des cretes genitales et finissent par s'y engager. Ce
Tableau 2. Tableau resumant Vensemble des numerations effectuees
Gonade droite.
Nombre:
Gonade gauche.
Nombre:
Age en
j.p.c. Sexe
9
10
A
r
Observe
Vrai
t
Observe
Vrai
—
—
—
—
z
—
—
—
—
27
48
120
84
23
35
79
72
156
187
15
22
49
1.035
1.842
1.761
2.375
2.320
Vrai
z
z
11
20
20
13
14
82
148
285
295
352
413
2.592
2.776
3.036
3.756
6.492
6.328
6.624
6.760
8.030
9.970
11.004
17.123
20.600
22.252
25.174
6
8
13
18
18
52
93
178
185
220
259
1.620
1.735
1.897
2.347
4.057
3.955
4.140
4.200
5.019
6.231
6.878
10.702
12.875
13.907
15.734
11.370
15.051
18.160
7.106
9.407
11.350
97
117
31
35
20
22
795
718
952
—
—
—
—
—
—
165
191
18
9
9
<J
1.320
1.628
1.512
825
1.017
945
20
9
22
?
$
c?
$
9
<S
9
9
$
<?
$
$
<S
2.100
3.544
3.508
2.952
2.940
1.312
2.215
2.192
1.783
1.880
1.272
1.145
1.524
1.656
2.948
2.820
3.772
3.712
4.049
5.073
5.470
5.990
7.392
10.870
18.919
2.531
3.168
3.419
3.744
4.620
6.794
11.825
3.981
4.897
5.534
11.133
13.208
11.389
6.255
2.488
3.063
3.459
6.958
8.255
7.113
3.909
3.825
6.847
8.403
2.391
4.279
5.252
7.545
8.204
9.757
4.715
5.128
6.098
28
—
Observe
45
9
<J
26
I
Vrai
20
41
54
16
24
Observe
32
65
86
139
17
30
75
53
103
120
14
Total
A
I
—
12
Mesentere.
Nombre:
z
—
—
87
—
—
dernier mouvement, qui correspond au deuxieme temps de la migration, s'effectue
dans un plan perpendiculaire au plan de symetrie de l'embryon (l'ensemble des
observations est resume dans le Tableau 1). La region anterieure des cretes
genitales n'est jamais colonisee par les cellules germinales primordiales. La
region posterieure, au contraire, renferme de nombreuses cellules sexuelles a 12
et 14 jours, mais elle apparait vide, elle aussi, deux jours plus tard.
On peut done conclure, d'une part que la partie posterieure des cretes
Uorigine des cellules germinales
597
genitales est colonisee la premiere, puis la partie moyenne, d'autre part que les
cellules germinales qui ont atteint les cretes dans leur partie posterieure migrent
a travers elles pour s'immobiliser dans la region moyenne.
L'observation des coupes transversales revele l'existence, au sein de la gonade,
de niveaux surpeuples par rapport aux autres; mais l'etendue et l'emplacement
de ces niveaux sont trop variables d'un embryon a l'autre, ou d'une gonade a
l'autre d'un meme embryon, pour que Ton puisse en degager une conclusion
valable.
En conclusion, la migration des cellules germinales s'effectue, chez le foetus
du lapin, selon une voie identique a celle decrite par Everett (1943), Chiquoine
(1954) et Mintz (1957) chez la souris, Beaumont & Mandl (1963) chez le rat, et
Witschi (1948) chez le foetus humain.
MULTIPLICATION DES CELLULES GERMINALES
Multiplication en fonction de Page des embryons {Tableau 2)
La courbe representative de la variation du nombre des gonocytes obtenu
par le decompte et porte sur un graphique a echelles decimales, traduit Paugmentation absolue du nombre des cellules, mais elle n'indique clairement que la valeur
du gain d'un embryon d'age donne par rapport au stade precedent.
Le nombre total des cellules sexuelles primordiales ne cesse d'augmenter
jusqu'au 26eme jour, ou il est maximum, mais il decroit par la suite puisqu'il
a considerablement diminue a la fin du 28eme jour (Fig. 2).
Si Ton porte ces memes nombres sur un axe logarithmique, l'echelle des temps
demeurant lineaire, la courbe obtenue permet d'apprecier la variation dans le
temps de la multiplication cellulaire. La premiere partie de la courbe, a pente
nettement plus marquee que la seconde, permet de deduire que la multiplication
des cellules germinales est plus rapide jusqu'au 12eme jour que dans la suite
du developpement (Fig. 3).
Nous avons enfin determine pour chaque stade un 'coefficient de multiplication', obtenu en divisant le nombre des cellules sexuelles d'un embryon a un
stade donne par celui d'un embryon de meme sexe, mais appartenant au stade
precedent. La lecture de ces coefficients de multiplication, qui caracterisent la
vitesse de multiplication des cellules germinales, incite a penser que la multiplication des gonocytes primordiaux ne s'effectue pas, chez le lapin, avec une intensite constante (Fig. 4). Une premiere periode de grande intensite mitotique
survient entre le lOeme et le 12eme jour dans les cellules en cours de migration et
une seconde, plus marquee, entre le 16eme et le 18eme. Le nombre des cellules
germinales s'est en effet multiplie par 4,5 au cours de la premiere periode; il a
plus que septuple pendant la seconde.
Entre 16 et 18 jours, le coefficient de multiplication est de loin le plus important dans les deux sexes (7,63 et 7,32) On peut penser qu'il existe une
relation entre le moment de la differentiation sexuelle, qui doit survenir entre
598
FR. CH. CHRETIEN
14,5 jours et 15,5 jours, et l'augmentation du taux de multiplication des cellules
germinales chez le male et la femelle.
Dans ce cas, l'effet n'en serait toutefois pas immediat puisque l'activite
15.734
Cellules
germinales
2000
o • 13.907
-
\ 12.875
1500
A 11.350
1000
-
_9
10
12
14
16
18 jours
9
10
12
14
16
18
20
:
22
24
26
28
jours p.c.
Fig. 2. Multiplication des cellules germinales en fonction de l'age de l'embryon.
(Les nombres portes sur les graphiques indiquent les nombres vrais des cellules
germinales.) • — • , : e indifferencie; O--O, $; A- • -A, 6".
Vorigine des cellules germinales
599
mitotique est tres faible entre le 14eme et le 16eme jour, periode pendant laquelle
le coefficient de multiplication oscille entre 1,20 et 1,40.
En dehors des deux periodes exceptionnelles mentionnees ci-dessus, le
20.000
15.000
10.000
A-;;*"
i
2000
1000
200
u
100
20
10
7
9 10
12
14
16
18
20
22
24
26
28
jours p.c.
Fig. 3. Courbes exprimant les variations de la vitesse de multiplication des cellules
germinales (explications dans le texte). O—O, Sexe indifferencie; • - - # , $;
A • • -A, <?.
coefficient de multiplication oscille entre 2,5 et 1,3 lors du passage d'un stade a
un autre. Toutefois, entre le 26eme et le 28eme jour, ce coefficient devient
inferieur a 1. Cette diminution du nombre des cellules germinales correspond
600
FR. CH. CHRETIEN
vraisemblablement a un phenomene de degenerescence frequent chez les Mammiferes des deux sexes en fin de gestation ou apres la naissance; ce fait a ete signale
par E. Allen (1949) chez le rat male, Beaumont & Mandl (1963) chez la ratte, et
Ioannou (1964) chez le cobaye femelle.
Relation entre le nombre des cellules germinates et le sexe des embryons
Les denombrements effectues chez les embryons femelles ont toujours mis en
evidence un nombre de cellules germinales legerement inferieur a celui que Ton
observe chez les males de meme age, issus de la meme portee.
-
8
7,63
7
—
6
-
I 7,32
Aft
/\
/\
s
8
5
4,56
4
R
3
/ \
T3
C
'o
O
U
2
Differ
sex
• //
\
/
/
t
\
2,29
I
/
NO
1- **%'"
1,42
<i<
i
9 10
2,22
>'-
9 V'"' 1,39
1.2(
i
*
1,73 1.
*" 2,28
VX
1,03
4 0,72
0,66
i
i
i
i
i
i
i
i
12
14
16
18
20
22
24
26
i
28 jours p.c.
Jours p.c.
Fig. 4. Variations du coefficient de multiplication des cellules germinales au
cours de la vie foetale. O—O, Sexe indifferencie; • - - • , 9; A • • • A, J.
Les denombrements ont ete effectues isolement pour chaque gonade. II ressort
de ces observations que la repartition des gonocytes et leur multiplication sont
independantes de la position de la gonade a droite ou a gauche; les valeurs obtenues sont en effet tres variables pour chacune des deux gonades, l'une ou l'autre
pouvant dominer selon l'embryon et le stade du developpement. Les differences
peuvent etre parfois tres importantes. Nous avons etudie deux embryons
de 14 jours, la gonade gauche du premier ne renferme que 53 gonocytes, au lieu
de 75 pour celle du second. L'ecart est plus important encore chez un male
de 26 jours dont le testicule gauche contient pres de 12.000 cellules sexuelles et
le droit, pourtant d'aspect normal, 4.000 seulement. II convient de ne pas oublier
L'origine des cellules germinales
601
bn
ch
ap
1 mm
9 jours p.c.
14 jours p.c.
16 jours p.c.
Fig. 5. Reconstitutions en vue ventrale, montrant la migration et la multiplication
des gonocytes primordiaux. L'echelle est identique pour tous les stades. ap, Amnios
posterieur; bn, bourrelet neural; cg, crete genitale; ch, chorde; cm, canal de Miiller;
cw, canal de Wolff; ip, intestin posterieur; mi, mesentere intestinal; msn, mesonephros; mtn, metanephros; tc, tube cardiaque; vom, veine omphalo-mesenterique.
14 jours p.c.
16 jours p.c.
Fig. 6. Reconstitutions en vue laterale, montrant la migration et la multiplication
des gonocytes primordiaux. L'echelle est identique pour tous les stades. ao, Aorte
dorsale; ap, amnios posterieur; ba, bourrelet allantoidien; cc, cavite coelomique;
eg, crete genitale; ch, chorde; cm, canal de Miiller; cw, canal de Wolff; ebc, ebauche
cardiaque; /, intestin: ic, intestin cephalique; ip, intestin posterieur; me, membrane
cloacale; mi, mesentere intestinal; mp, membrane pharyngienne; msn, mesonephros;
mtn, metanephros; na, neuropore anterieur ;pa, pedicule allantoidien; ra, repli amniotique; tc, tube cardiaque; tn, tube neural.
Vorigine des cellules germinales
603
cependant que de tels ecarts peuvent etre combles tres rapidement en un tres
petit nombre de cycles mitotiques.
U est interessant de comparer les resultats obtenus chez les embryons de lapin
et de souris et le foetus humain:
Chez l'homme, la periode migratoire s'acheve le 40eme jour de la gestation,
avant la differenciation sexuelle de la gonade (45eme jour). Les cellules germinales se multiplient activement durant la periode migratoire qui s'acheve au
l/7eme de la duree totale de la gestation.
Chez le souris, de meme, la differenciation sexuelle de la gonade (13eme
jour) survient apres la fin de la phase migratoire (12eme jour) pendant laquelle
les cellules sexuelles se multiplient activement; les ovogonies cessent toutefois
de se multiplier dans l'ovaire des que ce dernier est differencie (Mintz, 1960;
Borum, 1961).
Chez le lapin, la periode migratoire s'acheve au debut de la seconde moitie
de la vie intra-uterine, apres la differenciation sexuelle de la gonade; l'activite
mitotique des cellules sexuelles reste intense jusqu'au 26eme jour post-coitum.
L'evolution des cellules germinales du lapin pendant la vie foetale, si elle
presente certaines analogies avec celle observee chez la souris et l'homme, n'en
comporte done pas moins certains aspects particuliers.
DISCUSSION
Les resultats obtenus chez le lapin au cours de cette etude de la localisation,
de la multiplication et de la migration des cellules germinales, incitent a se poser
quelques questions.
Toutes les cellules sexuelles ont-elles atteint les cretes genitales, sans s'egarer,
a la fin de la phase migratoire?
B. M. Allen (1904) chez le lapin, et Brambell (1956) chez les Vertebres, estiment Fun et l'autre que beaucoup d'entre elles se perdent en chemin. Chiquoine
(1954) est d'un avis contraire: 'seules quelques cellules germinales devient du
chemin decrit et sont, sans doute, incapables de jamais atteindre les cretes'.
Nous n'avons, pour notre part, jamais observe de cellule germinale aberrante
en dehors des cretes, apres le 16eme jour, et, s'il est vraisemblable d'admettre
que certaines cellules sexuelles peuvent s'egarer puis degenerer, 1'evaluation de
Chiquoine nous parait etre assez juste et le pourcentage donne par Allen fortement exagere.
Comment la migration s'effectue-t-elle? A quels facteurs est-elle soumise?
Witschi (1948) et Mintz (1959) ont decrit chez l'homme et la souris des cellules
germinales 'migrantes', emettant des pseudopodes, amiboides. Nous avons observe au niveau de certaines cellules sexuelles en voie de migration des lobulations qui peuvent suggerer un aspect amiboiide de la membrane cellulaire
(Planche l,fig.B); cependant ces deformations sont souvent trop peu marquees
pour leur conferer une allure vraiment amiboide, et les gonocytes primordiaux,
604
FR. CH. CHRETIEN
chez le lapin, apparaissent pour la plupart quasiment spheriques tout au long
du developpement.
L'hypothese selon laquelle la migration des cellules sexuelles s'effectue chez
les Mammiferes par l'intermediaire de mouvements amiboides autonomes est
corroboree par les travaux de Blandau, White & Rumery (1963). En culture de
tissus, les cellules germinales du foetus de souris migrent individuellement,
depuis l'allantoide jusqu'aux cretes genitales, en emettant des pseudopodes; la
microcinematographie acceleree rend evident le mouvement des cellules. 11
convient cependant de ne pas oublier que dans les cellules en culture la differentiation s'estompe et les cellules acquierent parfois des caracteres nouveaux.
Si la migration amiboide des cellules sexuelles chez les Mammiferes en
general et le lapin en particulier apparait tres probable, il faut cependant ne pas
negliger l'hypothese de Berenberg-Gossler (1913). La migration des gonocytes
pourrait etre due a une croissance inegale, des differents tissus de l'embryon;
les cellules germinales seraient entrainees par un flux de cellules somatiques se
multipliant plus rapidement que les autres.
On peut penser que ces deux modalites de transport, active et passive, doivent
etre envisagees chez les Mammiferes. La croissance inegale de certains tissus
entrainerait d'abord les cellules germinales vers la partie anterieure de l'embryon,
depuis l'evagination allantoidienne; la direction des migrations serait ensuite
determinee par une quelconque substance specifique emise par la region des
cretes genitales, et les gonocytes primordiaux se deplaceraient alors par des
mouvements amiboides.
On constate que toutes les cellules germinales se trouvent, en fin de migration,
localisees dans la partie moyenne des gonades, et ce, independamment du sexe.
Ceci n'est pas surprenant puisque la gonade definitive est issue de la region
moyenne de la crete genitale, les parties anterieure et posterieure evoluant en
tissus ligamentaires.
La diminution du nombre des gonocytes, constatee chez les embryons des
deux sexes a 28 jours, s'apparente sans doute au phenomene de degenerescence
deja signale par Borum (1961) chez la souris, Beaumont & Mandl (1963) et
Franchi & Mandl (1964) chez la ratte, Ioannou (1964) chez le cobaye, et Witschi
(1948) chez le foetus humain. II convient cependant de signaler que nos resultats
different de ceux d'Allen (1904) qui decrit une degenerescence caryolytique active
chez les foetus de lapin males ages de 26 jours, c'est-a-dire deux jours avant nos
propres observations.
RESUME
Les cellules germinales primordiales de l'embryon de lapin se deplacent
durant la periode migratoire en suivant une voie identique a celle qui a ete decrite
chez le rat, la souris et le foetus humain.
Ces cellules sont localisables des le 9eme jour dans l'endoderme, en arriere
de l'intestin posterieur, et dans le mesoderme du bourrelet allantoiidien; elles
Vorigine des cellules germinales
605
migrent ensuite vers les cretes genitales par l'intermediaire du mesentere intestinal dorsal puis des racines du mesentere dans les angles de la cavite coelomique.
La plupart d'entre elles sont arrivees dans les cretes le 16eme jour et la
migration est achevee le 18eme jour.
Les cellules germinales primordiales se multiplient activement au cours de
la periode migratoire durant laquelle on peut mettre en evidence deux periodes
de grande intensite mitotique: la premiere pendant laquelle le nombre des
gonocytes est multiplie par 4,56, survient entre le lOeme et le 12eme jour, la
seconde, plus marquee, jour pendant laquelle leur nombre est multiplie par 7,5
s'etend entre le 16eme et le 18eme.
La multiplication se poursuit pendant le reste de la vie foetale. Le nombre
des cellules germinales est maximum a 26 jours (16.000 chez le male, 12.500 chez
la femelle); il a decru sensiblement deux jours plus tard, par suite de la degenerescence d'un certain nombre d'entre elles (11.000 chez le male, 8.000 chez la
femelle).
Le nombre des cellules germinales est toujours legerement plus eleve chez
les embryons males que chez les embryons femelles de meme age.
SUMMARY
A study of the origin, migration and multiplication of the germ-cells of
the rabbit embryo
1. This work has been carried out in order to study the migration and multiplication of primordial germ-cells in the domestic rabbit.
2. The embryos have been taken from the uterus at 9 days post-coitum,
then every other day between the 10th and 28th days post-coitum.
3. As Gomori's method did not reveal the presence of alkaline phosphatase in
germ-cells, serial sections cut at a thickness of 7-5 ft have been stained with
Glychemalum-eosin; this stain makes germ cells appear clearer and larger
than somatic cells.
4. Sex cells were counted on each section: as some of them may have been
counted twice, it is necessary to divide the numbers obtained by a correction
coefficient (1-6) in order to obtain the real number of germ-cells contained in
one embryo.
5. Primordial germ-cells, which are located as early as the 9th day within the
endoderm posterior to the hind-gut and in the allantoic mesoderm, move during
the following days towards the gonadal ridges, through the dorsal intestinal
mesentery, then through the base of the mesentery into the angles of the coelomic
cavity.
6. Most of them have reached gonadal ridges at 16 days and the migratory
period is over at 18 days.
7. Primordial germ-cells multiply actively during the migratory phase which
can be divided into two periods of intensive mitotic activity. The first period
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FR. CH. CHRETIEN
occurs between the 10th and the 12th days when the number of gonocytes is
multiplied by 4-56, the second one, more evident, occurs between the 16th and
the 18th days when the number of gonocytes is multiplied by 7-5.
8. Multiplication proceeds during the rest of foetal life. The number of germcells is maximum at 26 days. It has notably decreased 2 days later, owing to the
degeneration of some cells.
9. The number of germ-cells is always greater in male embryos than in female
embryos of the same age.
Je suis profondement reconnaissant envers mon Maitre, Monsieur le Professeur L. Gallien,
Membre de l'lnstitut, qui m'a accueilli dans son Laboratoire, suggere ce travail et prodigue
ses conseils pendant son execution.
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