Partie I : Introduction
Au seuil du nouveau millénaire, les ONG participent aux sentiments confus éprouvés par les
mondes de la politique, des idées et du militantisme social : on sent une grande fébrilité en
songeant aux nouvelles perspectives, mais aussi une inquiétude générale au sujet de l’avenir.
Dans le monde des ONG, cette fébrilité tient au potentiel d’action citoyenne que recèle la
conjoncture mondiale, potentiel d’une ampleur encore jamais vue. Quant aux inquiétudes, elles
découlent de l’incertitude croissante entourant le rôle futur des ONG de développement, et
surtout des intermédiaires qui vivent de subventions et sont dépourvus de tout mode
démocratique de bonne gestion et de reddition de comptes (2). C’est cette conjonction historique
de perspectives prometteuses et de défis que nous examinerons au colloque, tout en traitant de
l’intérêt croissant manifesté envers le rôle que peut jouer la coopération internationale dans la
limitation des dégâts de l’économie mondiale « de casino ».
Le but du présent document est non pas de passer en revue l’état de la recherche ni de
l’expérience des ONG, mais plutôt de proposer un cadre propre à alimenter la réflexion des
participants et à aider à relier leur action individuelle à la conjoncture générale. Nous
commencerons par examiner l’évolution du milieu des ONG de développement international tout
en définissant certains problèmes qui s’y rattachent. Ce faisant, nous aborderons trois grandes
tendances correspondant aux thèmes sous-jacents à l’ensemble du colloque :
• la mondialisation, qui transforme le visage de la pauvreté à l’échelle planétaire, accentue
les inégalités et accroît l’insécurité dans le monde;
• la transformation du monde de la coopération internationale, qui réagit à ces réalités
nouvelles en délaissant l’aide étrangère au sens strict pour s’intéresser plutôt aux règles,
aux normes et aux actions visant à protéger les plus vulnérables;
• les « situations d’urgence politiquement complexes » illustrant le désordre de l’après-
Guerre froide, période marquée par une dilution de l’autorité de l’État qui incite les gens
à trouver refuge dans leur appartenance ethnique ou religieuse.
Au travers de ces trois tendances connexes se révèle le besoin d’une nouvelle forme de solidarité
– d’un nouveau « contrat social » – entre les citoyens de différentes polities et les nouvelles
structures d’autorité aux différents niveaux du système mondial. Ces nouvelles relations –
partenariats, alliances et autres formes de collaboration – fournissent le cadre des innovations des
ONG en économie, en politique et en services sociaux. Cependant, pour agir efficacement, les
ONG doivent se donner des rôles, des relations et des capacités nouvelles; c’est le sujet de la
deuxième partie du présent document.
On peut mettre en doute l’opportunité d’une optique aussi vaste et prospective alors qu’il reste
encore tant à faire ne serait-ce que pour régler les dossiers abordés aux deux premières
conférences de Manchester : comment maximiser et mesurer l’efficacité des interventions?
comment collaborer avec les gouvernements et les bailleurs de fonds tout en préservant son
indépendance et en continuant de rendre des comptes aux intéressés? Or, ces dossiers progressent
effectivement, quoique de façon parcellaire. Ce qu’il manque, c’est un cadre plus vaste qui fasse