la relation d`aide : un « pansement » dans la prise

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Institut de Formation de Professions de Santé
Formation infirmière
44 chemin du Sanatorium
25030 Besançon Cedex
LA RELATION D’AIDE : UN « PANSEMENT » DANS LA PRISE EN SOINS
DES FEMMES MASTECTOMISEES ?
Unités d’Enseignements concernées :
UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité de traitement des données scientifiques
UE 6.2 S6 : Anglais - Rédaction de l'abstract du travail de fin d'étude
Présenté par DAS NEVES Elodie, GELOT Ep. EME Séverine, MORIS-MUTTONI Camille
Promotion 2012/2015
Formateur de guidance : Mme GOUNAND Bénédicte
Institut de Formation de Professions de Santé
Formation infirmière
44 chemin du Sanatorium
25030 Besançon Cedex
LA RELATION D’AIDE : UN « PANSEMENT » DANS LA PRISE EN SOINS
DES FEMMES MASTECTOMISEES ?
Unités d’Enseignements concernées :
UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité de traitement des données scientifiques
UE 6.2 S6 : Anglais - Rédaction de l'abstract du travail de fin d'étude
Présenté par DAS NEVES Elodie, GELOT Ep. EME Séverine, MORIS-MUTTONI Camille
Promotion 2012/2015
Formateur de guidance : Mme GOUNAND Bénédicte
EPIGRAPHE
« On ne naît pas femme : on le devient. »
Simone de Beauvoir
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier Madame Gounand, notre formatrice de guidance, pour son aide
précieuse, ses conseils judicieux lors de moments de doute.
Nous remercions également Madame Guiot Bonjour pour son apport bibliographique.
Merci à Mme C. et à Mme K., personnes ressources, d’avoir accepté de nous rencontrer et
de nous avoir confié leur vécu.
Merci aux professionnelles interrogées d’avoir partagé avec nous leur expérience et leur
point de vue.
Merci à Marjorie, Virginie, Camille, Amandine et Nathalie pour la relecture de notre travail et
leurs encouragements.
Enfin, un grand merci à nos proches pour leur patience et leur soutien tout au long de ce
travail de recherche, mais surtout durant ces trois années de formation.
SOMMAIRE
Introduction .......................................................................................................................... 7
Situation d’appel ................................................................................................................. 8
Questionnement ................................................................................................................. 9
Détermination de la question de départ .............................................................................. 9
Développement .................................................................................................................. 12
1. Le cancer du sein........................................................................................................... 13
1.1. Généralités ................................................................................................................ 13
1.2. La mastectomie ......................................................................................................... 13
2. Les répercussions du cancer du sein et de ses traitements ...................................... 14
2.1. Image corporelle et féminité ...................................................................................... 14
2.2. Sexualité et vie de couple .......................................................................................... 15
3. Le rôle infirmier dans la prise en soins ........................................................................ 19
3.1. Le deuil ..................................................................................................................... 19
3.2. La reconstruction ....................................................................................................... 21
3.3. La relation d’aide ....................................................................................................... 22
Problématique .................................................................................................................... 24
Conclusion ......................................................................................................................... 25
Bibliographie ...................................................................................................................... 27
Annexes.............................................................................................................................. 30
INTRODUCTION
8
Au cours de nos trois années de formation, nous avons toutes les trois eu l’occasion de
pouvoir réaliser des stages dans divers établissements et services, nous ayant confronté aux
cancers féminins : oncologie, chirurgie gynécologique, radiothérapie et curiethérapie.
Nous avons pu alors rencontrer de nombreuses patientes atteintes d’un cancer du sein, qui
est le cancer féminin le plus répandu mais aussi le mieux traité de nos jours.
De plus, lors de notre deuxième année, nous avions choisi de travailler sur le thème du
dépistage du cancer du sein dans le cadre d’une unité d’enseignement de santé publique.
L’annonce d’un cancer provoque de nombreux bouleversements dans la vie de ces femmes.
Si l’annonce du diagnostic se révèle être un choc, comment alors entendre l’idée de la perte
d’un sein ? Une double peine pour ces patientes.
La perturbation de l’image corporelle entrainée par un des traitements de ce cancer, la
mastectomie, nous a paru un sujet important à développer. En effet, pendant nos différents
stages, nous avons relevé un élément qui nous a été commun à toutes : ces patientes vivent
un véritable bouleversement de leur image corporelle et dans leur identité féminine.
Le point de départ de notre travail est une situation vécue en stage par l’une d’entre nous.
SITUATION D’APPEL
Mme J. est une femme de 49 ans, mariée, 2 fils, qui a subi une mastectomie à gauche, suite
à un cancer du sein diagnostiqué 2 mois auparavant. A J2 de l’intervention, à l’occasion de
la première réfection de pansement, Mme J. allait voir pour la première fois sa cicatrice.
J’avais remarqué que le mari de la patiente était dans sa chambre et j’ai alors proposé à
cette dernière si elle voulait que son mari soit présent pendant le soin. Mme J. a alors
demandé à son mari son avis. M. J. a acquiescé puis la patiente a alors déclaré : « de toute
façon il faudra bien que tu le vois un jour ou l’autre ».
Le mari de Mme J. souriait à sa femme pendant la réfection du pansement, bien qu’au
départ il ait grimacé à la première vue de la cicatrice. Avant ce jour, Mme J. avait déjà
verbalisé la « dysharmonie » entre ses deux seins. Lorsque j’ai retiré le pansement, cela a
été un véritable choc pour la patiente qui n’a alors pu retenir ses larmes. Le soin terminé, je
suis sortie de la chambre et une infirmière m’a interpellée pour me signaler que l’on ne devait
pas faire rentrer les conjoints dans les chambres, car « cela n’était pas hygiénique ».
A 3 semaines de son intervention, j’ai pu revoir Mme J. qui m’a alors confiée qu’elle avait
l’impression d’avoir perdu une part de sa féminité et que dès lors de son retour à domicile,
malgré la prothèse en mousse, elle avait changé ses habitudes de vie ; elle refusait de porter
des vêtements pouvant laisser deviner son intervention. Mme J. avait énormément de mal à
se regarder dévêtue devant un miroir, sa cicatrice l’affectait terriblement.
9
J’ai alors abordé le sujet de son mari et de leur vie de couple. Elle m’a confié qu’elle ne
comprenait pas comment lui pouvait supporter ce physique, qu’elle n’arrivait pas elle-même
à accepter.
A travers cette situation, nous nous sommes interrogées sur le cancer du sein, la
mastectomie et ses répercussions :
QUESTIONNEMENT :
Quelles sont les conséquences de la maladie et de ses traitements sur la vie de ces
femmes?
Comment les patientes vivent-elles leur cancer physiquement mais aussi psychologiquement
et quels sont les moyens mis à leur disposition afin de leur venir en aide?
La diminution de l’estime de soi peut-elle représenter un facteur limitant dans le processus
de guérison de la maladie ?
Comment les aider à réinvestir ce corps changé, mutilé ?
Quel est l’impact psychologique de l’altération de l’image corporelle engendrée par un
cancer et ses traitements?
Comment ces femmes vivent-elles les changements physiques au niveau de leur féminité,
de leur vie de couple ? Existe-t-il des répercussions, des perturbations au niveau sexuel ?
Les infirmiers(ères) sont-ils(elles) toujours formé(es) à l’accompagnement de ces femmes
ayant subi une opération mutilante ou victimes de séquelles physiques suites aux
traitements ?
Quel peut être le rôle de l’infirmier(ère) dans l’acceptation de l’image de soi des patientes ?
Quelle est l’importance de la relation soignant/soigné dans le cadre d’un suivi d’un cancer ?
Dans quelles mesures l’IDE peut-elle réaliser un accompagnement psychologique efficace
tout au long de la maladie de ces femmes ?
Au niveau de ses compétences, quelles sont les limites de l’IDE face à leur détresse
psychologique ?
DETERMINATION DE LA QUESTION DE DEPART :
Un thème, de notre situation de départ et de notre questionnement, apparaît alors : Le rôle
infirmier dans l’accompagnement des changements corporels dus aux cancers féminins.
10
Lors de notre première séance de guidance avec Mme GOUNAND, nous avons été
amenées à préciser le type de cancer et préciser quels champs de perturbation nous
souhaitions développer. Avec l’aide de notre formatrice de guidance et de sa méthodologie,
une question de départ
a
été initialement
établie :
Dans
quelle
mesure
un
accompagnement infirmier adapté peut-il aider les femmes ayant subi des
modifications corporelles suite à un cancer du sein, à mieux accepter leur nouvelle
image ?
Nous avons alors décidé d’axer nos recherches sur le cancer du sein, ses traitements, ainsi
que sur les domaines pouvant être perturbés (sexualité, image corporelle, féminité,
maternité, vie sociale et professionnelle, etc.) afin de mieux comprendre le vécu de ces
femmes. De plus, des recherches sur le rôle infirmier et les soins de support sont
nécessaires afin de comprendre l’influence de l’accompagnement sur le vécu de ces
patientes Nous avons chacune résumé ces articles répartis selon différents thèmes. Une
synthèse a ensuite été réalisée grâce à la mise en commun de nos travaux respectifs.
Lors de notre deuxième séance de guidance, nous avons pu, avec Mme GOUNAND, faire
ressortir plusieurs thématiques de nos recherches. Ainsi, nous avons dû déterminer
précisément les domaines sur lesquels nous voulions travailler : « choisir, c’est renoncer ».
C’est ainsi que nous avons vécu cette situation, car, passionnées par le sujet, nous avions
envie de traiter l’intégralité de la thématique, ce qui nous a été fortement déconseillé car cela
était trop vaste.
Suite à cette séance de guidance et afin de reformuler notre question de départ, nous avons
retenu des mots clefs devant apparaître dans la formulation : féminité, sexualité, rôle IDE,
femme, cancer du sein, mastectomie.
Notre seconde question de départ a ainsi pris forme : Dans quelle mesure l’infirmier(e)
peut-il/elle aider les femmes ayant subi une mastectomie à conserver/retrouver une
féminité et une sexualité épanouie ?
Nous avons ensuite rencontré des personnes ressources : d’une part Mme C., présidente
d’une association de sensibilisation au cancer du sein (Cf. annexe 1), et d’autre part Mme K.,
sexologue (Cf. annexe 2). Ces deux femmes sont également d’anciennes patientes, toutes
deux ayant subi une mastectomie. Ces échanges nous ont permis de cerner les points
positifs et négatifs du parcours de soins de ces patientes, leur ressenti et nous ont aidé à
formuler les questions de notre trame d’entretien .De plus, cela nous a permis de déterminer
précisément quel domaine de compétence infirmière nous voulions approfondir. En effet, le
rôle infirmier dans sa globalité que nous voulions traiter à la base aurait été trop vaste. Cela
ne nous aurait permis d’aborder que superficiellement la relation d’aide, outil indispensable
11
dans l’accompagnement de ces femmes, et aussi une composante importante de notre
métier.
Notre question de départ définitive devient : Dans quelle mesure la relation d’aide
conduite par un(e) infirmier(e) peut-elle aider une femme ayant subi une mastectomie
à conserver ou retrouver une féminité et une sexualité épanouies ?
Pour tenter de répondre à cette question, nous apporterons tout d’abord un éclairage
théorique basé sur nos recherches bibliographiques. Dans un même temps, nous
confronterons le résultat de nos lectures à la réalité du terrain à l’aide d’entretiens auprès de
professionnels
de
santé
de
trois
établissements
d’accompagnement en sénologie (IDE 1), une infirmière
différents
:
une
infirmière
d’oncologie formée en socio-
esthétique (IDE 2) et une infirmière de chirurgie gynécologique (IDE 3). Nous avons au
préalable établi une trame d’entretien (Cf. annexe 3) traitant des différents concepts
fréquemment retrouvés dans la littérature.
Dans un premier temps, nous aborderons le cancer du sein et ses traitements, en particulier
la mastectomie. Puis nous développerons les répercussions de ceux-ci sur la féminité et la
sexualité des femmes ayant subi cette intervention. Enfin, après avoir défini le concept de la
relation d’aide, nous verrons comment elle peut influencer et limiter les conséquences
psychiques d’une telle intervention.
DEVELOPPEMENT
13
1. Le cancer du sein
1.1. GENERALITES
Le cancer du sein est un véritable problème de santé publique. En effet, il représente le
« premier cancer féminin en termes de fréquence et de mortalité » [1, p.13]. Il touche « 53
000 femmes par an en France ». [2, p.22]
Bien que le nombre de nouveaux cas augmente chaque année, son taux de mortalité reste
stable. Il représente malgré tout « la première cause de mortalité chez la femme » [2, p.22].
Ceci est dû en partie aux avancées thérapeutiques mais surtout aux dépistages précoces qui
contribuent à améliorer le pronostic.
Les principaux facteurs de risque de ce cancer sont « l’âge, les antécédents personnels et
familiaux de cancer du sein, une certaine prédisposition génétique, l’exposition aux
hormones, le tabac, l’alcool, le surpoids et l’obésité ». [3, pp.7-8]
Un cancer du sein peut être suspecté devant une anomalie clinique (palpation, écoulement)
et/ou radiographique lors d’un examen de dépistage (mammographie, échographie, IRM).
Seul l’examen anatomopathologique permet de poser avec certitude le diagnostic.
Concernant les traitements (chirurgie, chimiothérapie/thérapie ciblée, radiothérapie,
hormonothérapie), la décision est prise en Réunion de concertation Pluridisciplinaire. Un
Projet Personnalisé de Soins est alors proposé à la patiente. « Quand elle le peut la chirurgie
doit être conservatrice » [1, p.14]. La zonectomie est une chirurgie permettant d’« enlever la
totalité de la tumeur avec une zone de sécurité en respectant l’esthétique du sein ». [1, p.14]
Grâce aux progrès des thérapeutiques, la mastectomie est devenue moins fréquente mais
dans certains cas, elle est incontournable.
1.2. LA MASTECTOMIE
« La mastectomie totale consiste à enlever tout le sein (glande mammaire, une partie de la
peau du sein, l’aréole et le mamelon) » [4]. Le plus souvent l’ablation de la glande mammaire
est associée au prélèvement d’un ganglion sentinelle ou à un curage axillaire, dans le but de
stadifier la maladie et proposer un éventuel traitement adjuvant (chimiothérapie,
radiothérapie). La mastectomie est nécessaire pour « environ 20 à 30 % des femmes
traitées pour un cancer du sein ». [5, p.37]. « Sa réalisation n’est pas liée à la gravité du
cancer mais plutôt à sa forme. La taille de la tumeur, une double localisation ou encore son
caractère diffus nécessitent une mastectomie ». [4]
14
2. Répercussions du cancer du sein et de ses traitements
Le sein est une partie du corps fortement investie par les femmes. Il est symbole
de « féminité », a un rôle dans la séduction et la « sexualité », mais il est aussi « lié à la
relation à la mère et au regard des autres. » [6, p.25]. Pour cela, nous pouvons affirmer que
la mastectomie est une intervention qui atteint la personne à la fois dans son intégrité
physique mais qui a aussi un « retentissement psychique considérable » [6, p.25]. De plus,
le cancer est une maladie fortement associée à l’idée qu’on ne peut pas guérir, à l’idée de
mort. La mastectomie est donc une intervention source de fortes angoisses.
2 .1. IMAGE CORPORELLE ET FEMINITE
L’image corporelle est « l’image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit,
autrement dit, la façon dont notre corps nous apparaît à nous-mêmes » [7].
Le cancer et ses traitements en général, plus précisément la mastectomie, entraînent des
transformations corporelles importantes, vécues différemment d’une personne à une autre.
Elle est parfois assimilée à une
véritable mutilation, voire une amputation, comme le
confirme l’IDE 2 en évoquant la mastectomie : « c’est quand même une partie soi, c’est une
amputation, une mutilation ».
Ces transformations corporelles peuvent donc altérer la perception que la personne a d’ellemême, c’est-à-dire affecter l’image de soi, et sont susceptibles d’entraîner des répercussions
importantes sur le plan social et professionnel. En effet, la perturbation de l’image corporelle
se définit comme « la confusion ou l’insatisfaction dans la représentation du moi physique »
[8, p.443].
L’organe du sein se situe au cœur de la triade féminité, sexualité et maternité. Selon les
cultures, le sein est symboliquement investi différemment. Dans notre société occidentale,
où le corps est commercialisé à outrance et s’affiche partout, le sein est perçu comme un
atout de séduction indispensable à la femme, un attribut essentiel à la féminité.
« La féminité se définit comme l’ensemble des caractères anatomiques et physiologiques
propres à la femme » [9].
Nos recherches théoriques ont souligné le fait que la mastectomie engendre une perte de
féminité. « La mastectomie entraîne chez les femmes de tout âge une perturbation du
schéma
corporel et de la féminité » [10, p. 40]. Lydia Taïeb, psychologue et ancienne
patiente parle même de « défiguration du féminin » [11, p.16]. Cependant, les
professionnelles que nous avons rencontrées nuancent ce propos en disant que « pour elles,
elles ont perdu leur féminité entre guillemets mais en même temps elles se disent voilà je
15
compense par autre chose […], elles redoublent d’efforts sur certaines choses justement
pour rester féminines à leur façon » (IDE 1). En effet, cette dernière nous explique qu’au
début du parcours de la maladie, « les femmes s’oublient », leur principale préoccupation
étant « la guérison ». Ensuite, elles vont rapidement se préoccuper du « regard des autres »
et ainsi « compensent assez vite par du maquillage, le port de bijoux, de foulards » etc.
L’IDE 2, en parlant de la féminité, est convaincue qu’ « on ne ressort pas pareil ». En
revanche, l’IDE 3 affirme que la féminité n’est pas du tout perturbée : « Non non, du tout au
contraire, il y en a même qui sortent beaucoup plus fortes de ce parcours de la maladie,
donc c’est pas du tout une réalité de terrain». Par ailleurs, en général, il est constaté une
différence selon l’âge des patientes, les femmes plus âgées voyant dans la mastectomie le
prolongement de leur vie plutôt qu’une altération de leur féminité (IDE 1 et 2). L’IDE 3
contredit cette affirmation en évoquant le fait que parfois, les femmes plus jeunes « pour qui
la mastectomie n’est absolument pas un frein, au contraire, […] vont peut-être être plus dans
la projection sur l’avenir, sur les enfants […] alors que des femmes plus âgées qui ont peutêtre plus été à l’écoute de leur corps, vont avoir plus de problématiques […] après la
chirurgie».
En revanche, toutes les infirmières interrogées s’accordent à dire que les répercussions sur
la féminité sont propres à chaque femme selon sa personnalité et son parcours de vie.
2.2. SEXUALITE ET VIE DE COUPLE
Pendant de nombreuses années, le maintien en vie des patients atteints de cancer a
représenté la principale préoccupation des équipes soignantes. De nos jours, grâce aux
progrès médicaux, les changements relatifs à la prise en compte de la qualité de vie des
patients s’amorcent.
Le cancer du sein est une des pathologies malignes qui engendre le plus de troubles
sexuels : «on observe […], parmi les types de cancers les plus fréquemment mentionnés
dans une problématique sexuelle, les cancers du sein […] » [12, p.228]. Selon une enquête
réalisée par l’Institut Curie de Paris (2005-2006), « 41% [des femmes interrogées] estiment
que le cancer ou ses traitements les affectent dans leur vie sexuelle avec, pour plus de la
moitié, un désir sexuel diminué ou disparu » [13, p.23]. De plus, « la plupart des études
montre que plus de 50% des femmes mastectomisées ont des troubles sexuels dans l’année
qui suit l’intervention » [14, p.2030]. La sexualité se définit par « l’ensemble des
comportements visant à la satisfaction de l’instinct sexuel (santé, plaisir, procréation) » [15].
Le besoin sexuel est un besoin fondamental, qui, en étant satisfait, contribue à obtenir une
qualité de vie optimale. En effet, selon la pyramide de Maslow, la sexualité est un besoin
primaire, physiologique et de survie pour chaque individu. L’OMS définit donc la santé
16
sexuelle comme étant « l’intégration des aspects somatiques, émotionnels, intellectuels et
sociaux du bien-être sexuel en ce qu’ils peuvent enrichir et développer la personnalité et
l’amour. » [16, p.48]. Il est très fréquent que les femmes ayant subi une mastectomie
rencontrent des problèmes dans leur vie de couple. Entre refus de se dénuder et sensation
de n’être plus désirées, une perturbation de la vie sexuelle s’installe. Certaines femmes
vivent même parfois une véritable perte d’identité rendant les marques de tendresse et les
rapports sexuels impossibles. Parfois même, un « dégoût de la sexualité » [17, p.232] peut
apparaître. En effet, les IDE 1 et 2 que nous avons rencontrées rapportent une « baisse »,
voire une « perte de la libido » quasiment systématique. Dans la prise en charge holistique
de ces patientes, il apparaît donc incontournable de prendre en compte les perturbations
concernant la sexualité suite à une mastectomie.
De plus, cette dernière n’est pas l’unique source de perturbation. Les effets indésirables des
traitements
(chimiothérapie,
radiothérapie,
hormonothérapie)
sont
responsables
de
symptômes physiques et psychiques tels que l’alopécie, la baisse de la libido, la sécheresse
vaginale, l’asthénie, les nausées/vomissements, qui peuvent affecter la vie sexuelle. L’IDE 2
parle de « sécheresse vaginale », de « modification de l’envie », de « la chimio qui fatigue »,
« de prise de poids ». Comme nous l’explique l’IDE 1, certains de ces effets indésirables
peuvent se traiter facilement s’ils sont évoqués par la patiente : « on peut traiter certaines
choses… la sécheresse vaginale, tout ça, on peut traiter», d’où l’importance de favoriser les
échanges à ce propos.
Une enquête publiée par l’INCa en juin 2014, révèle un manque évident de communication
entre les patientes atteintes de cancer et les soignants sur les problématiques relatives à la
sexualité : « alors que 41,7 % des femmes interrogées rapportent une baisse de rapports
sexuels et que 24,4% s’en montrent insatisfaites, à peine plus d’une sur dix déclare en avoir
parlé avec l’équipe soignante, soit de sa propre initiative (4%), soit de celle des soignants
(6,7%) » [18]. Ce manque de communication au niveau des problématiques sexuelles peut
s’expliquer de différentes manières.
Pour beaucoup de personnes, le cancer renvoie à l’idée de finitude. « L’urgence est à la
survie, se débarrasser au plus vite de ce mal qui ronge […] faire le sacrifice d’une part de soi
pour sauver le tout » [19, p.460]. Les trois infirmières se rejoignent sur l’idée que la première
préoccupation des femmes est le « combat contre la maladie », la « guérison », et que « la
survie prime ». De plus, l’IDE 2 ajoute : « ça se fait par étapes […] la sexualité, c’est pas le
sujet du moment » (en parlant du temps d’hospitalisation en chirurgie).
Nous comprenons alors que parler de sexualité n’apparaît pas comme une priorité, tant pour
les patients et leurs proches que pour les soignants. Pendant la phase des traitements, la
survie prime : « A cette étape de la maladie, la sexualité fait partie des préoccupations
secondaires. » [14, p.2030].
17
De plus, ces femmes n’osent pas aborder d’elles-mêmes la sexualité car le sujet leur paraît
dérisoire par rapport à la gravité de leur pathologie, et voient ces problèmes comme des
« préoccupations futiles et honteuses à aborder spontanément.» [17, p.233].
Le Docteur Edith VANLERENBERG confirme cette affirmation : « […] certaines peuvent
aussi éluder le sujet par honte, se disant qu’on pourrait les prendre pour des femmes futiles
alors qu’on est dans un objectif de guérison » [18].
Par ailleurs, la sexualité est peu évoquée par les soignants, d’une part car ils craignent d’être
indiscrets, ensuite, par « manque de temps » [20, p.18], ce que confirme l’IDE 3 : « […] ça
prend du temps, on peut pas non plus faire que ça, donc c’est une réalité de terrain». D’autre
part, les « lacunes [des soignants] sur le sujet » [20, p.18] apparaissent comme un frein à la
communication. Enfin, « les soignants sont persuadés que leurs patientes se désintéressent
de toute vie sexuelle » [18].
Par rapport au manque de communication soignant-soigné sur le sujet de la sexualité, les
IDE 1 et 2 pensent que le thème est « délicat » à aborder et qu’il « est important de savoir
de quoi on parle ». L’IDE 2 avoue ne pas évoquer le sujet d’elle-même par peur de ne pas
avoir les compétences suffisantes pour y répondre. De plus, l’IDE 3 soulève le problème d’un
manque de formations spécifiques sur la sexualité pour aborder ces sujets de manière
adaptée, « avec la bonne distance ». Enfin, l’IDE 1 souligne que « cette problématique arrive
plus tard, après les traitements ».
Il est donc essentiel de lutter contre les préjugés selon lesquels la sexualité n’est pas une
priorité pour les patientes et que rien ne peut être fait. De meilleures connaissances sur les
traitements, un accompagnement adapté peuvent contribuer à améliorer le bien-être des
patientes et de leur partenaire.
Toutefois, il apparaît que les patientes, comme les soignants, demeurent réticents à parler
des sujets relatifs à la sexualité. En effet, la sexualité reste un sujet tabou. « La sexualité est
un sujet difficile à aborder, même au 21ème siècle en occident. Il demeure tout aussi
complexe, sinon plus, d’en parler dans les établissements de soins, médico-sociaux ou
sociaux. » [21, p.18]
Les trois professionnelles interrogées sont en effet unanimes sur le fait que la sexualité
représente un sujet tabou. L’IDE 1 définit même la sexualité comme « l’intimité extrême » de
la personne. L’IDE 2 précise que le sujet n’est tabou que pour les patientes, car pour l’équipe
soignante : « c’est un quotidien et on a vraiment envie que les choses changent, heu entre
nous dans l’équipe c’est pas tabou, heu pour les médecins non plus ». Par ailleurs, l’IDE 2
nuance ce propos en parlant plutôt de « pudeur », surtout pour les personnes d’un certain
âge. Elle déclare même faire une « ségrégation» entre les femmes jeunes et celles plus
âgées avec qui « on parle pas de choses comme ça ».
De plus, on observe un paradoxe entre les propos, d’une part, des IDE 1 et 2, qui n’abordent
pas le sujet si la patiente n’en parle pas, et d’autre part, de l’IDE 3 qui explique : « on peut
18
aussi brutaliser un peu la question […] c’est fait exprès par contre quand on sent que y a
besoin».
L’IDE 1 met en exergue la contradiction selon laquelle la sexualité reste taboue dans une
société où la nudité est surexposée. Ce que confirme Thierry Goguel d’Allondans,
anthropologue et éducateur : « la sexualité se lit partout mais ne se dit nulle part » [21, p.18].
De plus, Eliane Marx, chef de l’unité de psycho-oncologie Paul-Strauss à Strasbourg,
souligne l’association de deux concepts difficilement évoqués dans notre société : « d’une
manière générale, tout ce qui touche à la sexualité ou à la mort n’est pas facile à aborder.
Alors quand les deux se rejoignent sur le même terrain… » [18]. L’IDE 1 exprime également,
sur un ton ironique, l’idée que sexualité et maladie ne sont pas compatibles dans notre
société : « […] ça reste encore tabou dans la société, la patiente malade, mais quelle idée
elle aurait d’avoir des relations sexuelles ? […] Mais comment on peut imaginer qu’une
patiente qui est en chimiothérapie, elle ait des désirs, elle ait des envies ? C’est pas tolérable
dans la société de nos jours ! »
Dans ce contexte, on peut se demander quelle place tient le partenaire dans la maladie de
sa compagne et comment le couple survit ou non à cette épreuve. Bien souvent, le
compagnon, qui, auparavant tenait la place d’amant aimant, occupe dès lors une place
d’aidant, étant à l’écoute et compatissant pour sa compagne. Il « peut ressentir une profonde
détresse face à la maladie et aux modifications psychologiques et corporelles. » [16, p.49].
L’IDE 1 souligne le fait qu’on ne donne pas suffisamment la parole aux partenaires : « ils
subissent tout ça donc voilà, on leur donne pas trop la parole». Cependant, les trois
professionnelles déclarent les inclure en général dans les soins lorsqu’ils le souhaitent et
quand les patientes le désirent, ce qui n’est pas toujours le cas. La plupart du temps, les
partenaires accompagnent les patientes, cependant, les femmes plus âgées préfèrent venir
avec une de leurs filles ou une amie.
De plus, les partenaires, inquiets par rapport au pronostic, relativisent souvent les effets
indésirables des traitements, selon les IDE 1 et 2.
Même si la vie sexuelle est mise de côté pendant la maladie, les partenaires peuvent vivre
leur vie intime de manière différente, se redécouvrir autrement au travers de marques de
tendresse, d’affection, loin des performances physiques, ce qui va renforcer le lien
amoureux. Le maintien de la « communication », « le partage et une mutuelle
compréhension des problématiques » [17, p.235] apparaissent comme des notions
essentielles à la survie du couple.
Le cancer peut être le catalyseur de problèmes de couple sous-jacents. Par exemple, « les
difficultés sexuelles ne sont que partie visible d’une problématique complexe et ancienne. Le
cancer peut parfois être le prétexte à l’arrêt d’une vie sexuelle peu épanouissante » [16,
p.49].
19
Selon l’IDE 1, les couples qui se séparent suite à la maladie sont souvent les couples les
plus jeunes. En revanche, pour les couples les plus anciens, cette épreuve renforce les liens.
Face aux problèmes que les couples peuvent rencontrer pendant la maladie, le rôle de
l’infirmier(e) est de prendre en compte leurs besoins, d’évaluer les problèmes et de
s’enquérir de toujours laisser un espace de paroles propice aux échanges.
Ecouter la personne en souffrance, c’est déjà aider. Il est du rôle du soignant d’aborder ces
problèmes assez tôt afin de limiter au maximum les répercussions de la mastectomie. Pour
cela, un climat de confiance est indispensable aux confidences des femmes sur leurs
problèmes intimes. L’IDE 1 confirme qu’: « il faut vraiment avoir une relation de confiance »
et l’IDE 2 parle d’un « certain feeling » propice aux échanges.
3. Rôle infirmier dans la prise en soins
Chaque femme vit la maladie de manière différente selon sa personnalité, son histoire de
vie, etc. Cependant, toutes doivent passer par un processus de deuil. Ces femmes sont
d’abord confrontées à la perte de leur bonne santé dès l’annonce du diagnostic. Elles
doivent ensuite faire face à la perte de plusieurs symboles féminins : le sein dans la
mastectomie et parfois en cas de chimiothérapie, leur chevelure, leur peau, leurs ongles
seront également touchés.
Ces femmes doivent donc accomplir un véritable cheminement qui s’apparente au travail de
deuil. Nous comprendrons donc que du temps est nécessaire à ces femmes afin d’intégrer
ces modifications corporelles, ainsi qu’un accompagnement de qualité.
3.1. LE DEUIL
« Le deuil a la même racine latine que la douleur exprimé par le mot dolus. Ainsi,
l’expression « faire son deuil » veut dire « passer à travers sa douleur ». Le deuil est la perte
d’une personne, d’un objet, d’une valeur ou d’un changement dans l’état de santé auxquels
la personne est fortement attachée.
Chaque rupture met en place un processus d’oubli : le travail de deuil. Celui-ci provoque des
réactions physiques, psychologiques, affectives, comportementales et sociales […] .Pour
Elisabeth Kübler-Ross, chaque personne passe par différentes étapes de deuil, sans
forcément les éprouver dans le même ordre. La durée de chaque étape varie également
selon chacun. » [22].
20
Tout d’abord, la phase initiale, qui peut durer de quelques heures, à quelques jours voire une
semaine. Elle correspond au moment de l’annonce du diagnostic et d’une éventuelle
mastectomie. La patiente est à ce moment dans un état de choc et de déni. Elle refuse, par
un mécanisme de défense inconscient l’impensable réalité.
Vient ensuite la phase centrale, caractérisée par l’expression intense des émotions et d’un
épuisement physique et psychique (tristesse, culpabilité, colère…). La patiente est en colère,
elle ressent un sentiment d’injustice et de « révolte ».
Survient ensuite une période de marchandage au cours de laquelle la femme est en voie
d’accepter la maladie et ses traitements mais se trouve dans un processus de négociation.
La patiente entre ensuite dans une période de dépression, marquée par un processus de
régression, un isolement social et une tristesse intense.
Puis, la phase de résolution du deuil marque l’acceptation : c’est une période durant laquelle
la femme regagne sa pulsion de vie : « elle se permet de faire des projets et de regarder
vers l’avenir » [22]. L’acceptation n’est effective seulement lorsque la personne est dans la
capacité de remplir à nouveau son rôle familial, professionnel et social. La guérison
psychique réside dans le fait d’accepter de ne plus être la même personne qu’avant,
d’admettre le fait d’être « autrement la même » [22].
Parfois, le processus de deuil normal peut être perturbé. En effet on parle alors de deuil
compliqué, « intensifié, absent ou retardé, ou encore inachevé » [22] ou de deuil
pathologique, dans le cas où la patiente n’accepte jamais sa mastectomie.
Les IDE 1, 2 et 3 s’accordent à dire que les femmes qui subissent une mastectomie doivent
passer par un processus de deuil.
Même si elles ne le vivent pas toutes de la même façon, selon l’âge par exemple comme
nous l’a fait remarquer l’IDE 1. Ces femmes font face à la perte « d’une partie de soi », d’une
« amputation » (IDE 2). Le deuil et les mécanismes de défenses apparaissent donc comme
des processus logiques face à la perte de ce symbole féminin, et de leur bonne santé
comme le signale l’IDE 3.
Cependant, l’IDE 1 nous explique que parfois, certaines femmes ne font jamais le deuil de
cette mutilation, ce qui relève du deuil pathologique.
L’idée d’une reconstruction du sein peut apparaître comme aidante dans le processus de
deuil de ces femmes. Néanmoins, l’IDE 1 met un bémol sur le fait qu’il est indispensable
d’avoir accompli son travail de deuil avant la réalisation de la reconstruction, d’avoir accepté
la perte de son sein, la perte de son corps d’avant : « quand il y a des choses qui ne sont
pas spécialement bien acceptées sur la mastectomie, il y a des choses qui foirent sur la
reconstruction derrière ».
21
3.2. LA RECONSTRUCTION
Il faut savoir que 70% des femmes ayant subi une mastectomie n’effectuent pas de
reconstruction, le plus souvent pour ne pas être à nouveau confrontées au milieu hospitalier
par « peur d’une nouvelle intervention, d’avoir mal, du résultat » selon L’IDE 3. Cependant, la
plupart d’entre elles utilisent une prothèse externe quotidiennement.
Il existe différentes techniques pour reconstruire un sein. L’IDE 3 souligne par ailleurs, que
les techniques chirurgicales évoluent et peuvent être adaptées à chaque situation. La
reconstruction immédiate ou proche de la mastectomie peut limiter les conséquences sur la
féminité et la sexualité, mais n’est hélas pas toujours possible.
Nous avons eu l’occasion de pouvoir assister à une réunion de présentation des différentes
techniques de reconstruction mammaire dans un Centre Hospitalier Universitaire (Cf. annexe
4). Une infirmière et un médecin spécialisé dans la chirurgie réparatrice ont présenté les
différentes techniques.
Il faut tout d’abord savoir qu’il existe une perte de matière suite à la mastectomie et qu’il
existe différentes solutions pour « gagner de la peau » : l’expansion cutanée (petite prothèse
gonflée progressivement), le lifting abdominal (excédant de peau, de graisse et de muscle
abdominal) et le lambeau (structure vascularisée du muscle grand dorsal).
Deux procédés s’opposent : avec prothèse ou sans prothèse. La prothèse peut être associée
à un lambeau :
-
Lambeau graisseux DIEP (préserve le muscle abdominal grand droit, ne prend que la
graisse et les vaisseaux sanguins (microchirurgie))
-
Lambeau graisseux grand dorsal autologue
-
Graisse (aspiration des adipocytes, centrifugation puis graisse pure réinjectée)
-
Graisse BRAVA (cloche qui crée dépression, crée de l’œdème et étend tissus).
La reconstruction de l’aréole et du téton finalise le travail et est considérée par les patientes
et les médecins comme « la cerise sur le gâteau ». Pour ce faire, l’aréole est reconstituée à
l’aide d’une greffe de peau d’un endroit plus mate du corps ou d’un tatouage. Le téton quant
à lui est reconstruit grâce au téton controlatéral ou grâce à un lambeau du dos replié en
trèfle.
L’IDE 1 insiste sur la nécessité de bien préparer les femmes avant la reconstruction car le
travail du deuil doit être accompli en amont. Mais il arrive que certaines femmes parviennent
à la phase d’acceptation sans pour autant avoir besoin de passer par la reconstruction.
22
L’IDE 2 relativise la chirurgie réparatrice car elle apparaît trop souvent aux yeux des femmes
comme une solution miracle. Mais, elle explique bien que cette intervention est « aidante »
car, même si l’on ne retrouve jamais son corps d’avant, « on retrouve quand même ses
formes ». L’IDE 3 estime également que la reconstruction peut être aidante pour ces
femmes. Cependant, elle peut aussi être source d’angoisse. Il arrive que certaines femmes
refusent la reconstruction au départ et qu’elles reviennent sur leur décision des années plus
tard (acceptation plus tardive, changement de partenaire et/ou de vie, etc.), « il faut qu’elles
puissent se l’autoriser » et qu’elles sachent que cela reste possible, « on ne leur ferme pas la
porte ».
3.3. LA RELATION D’AIDE
La relation d’aide représente l’ « ensemble d’interactions verbales et/ou non verbales entre
deux ou plusieurs personnes basées sur la confiance, dans le but de faire évoluer
positivement une situation. Elle nécessite de la présence, une écoute active, de l’empathie,
la capacité de reconnaître l’autre dans toutes ses dimensions (biologique, psychologique et
sociale) en considérant ses valeurs et ses ressources, tout en respectant une certaine
distance thérapeutique. » [23].
La relation d’aide s’appuie sur un postulat de Carl Rogers : « tout individu est porteur du
potentiel suffisant pour trouver sa propre réponse à ses difficultés » [24, p.35].
Selon lui, toute relation d’aide est basée sur des principes essentiels avant d’être débutée.
En effet, il est attendu de la part de l’aidant de créer un climat de confiance (confirmé par
l’IDE 1) et de répondre à un certain comportement. L’infirmier peut tout d’abord commencer
par accueillir le patient chaleureusement et lui prouver que toute son attention et son écoute
sont à sa disposition. Bien que parfois des situations peuvent toucher émotionnellement
l’aidant, la relation d’aide doit se tenir uniquement à une relation soignant-soigné, c’est-à-dire
« strictement se limiter au bien du patient. » [25, p.94], sans « sur-implication » [25, p.95],
tout en se montrant empathique. Mais la base, la clé de la relation d’aide réside dans le fait
de « conseiller, suggérer […] » [25, p.96], afin que le patient puisse par lui-même trouver la
solution à son problème, « […] se départir de ses mécanismes de défense » [25, p.96].
L’intervention de l’équipe pluridisciplinaire prend donc tout son sens, l’accompagnement de
ces femmes doit se faire dans une relation chaleureuse.
La relation d’aide nécessite de la part des soignants des qualités d’écoute, de disponibilité,
de patience, d’observation et de compréhension des mécanismes de défense, ce qui aidera
ces patientes à progressivement retrouver confiance en elles et amorcer l’acception de leur
nouveau corps.
23
La relation d’aide doit être interactive, le soignant doit aider la patiente à développer les
compétences adaptées à ses possibilités et à ses motivations pour améliorer la perception
que la personne a d’elle-même. Pour ce faire, plusieurs moyens sont mis en œuvre : être
présent et disponible pour l’autre en ayant un comportement adapté, évaluer avec la
personne ses capacités, identifier les ressources personnelles et externes et les mobiliser,
valoriser la personne, l’aider à renforcer l’estime d’elle-même, mettre en valeur ses aptitudes
existantes et les coordonner avec sa réalité, aider à fixer de nouveaux objectifs. Cela peut
aider progressivement la personne à regarder et toucher la partie atteinte, mais aussi à
verbaliser. Il paraît également essentiel de laisser un espace de parole sur la question de la
sexualité.
En effet, le soignant doit se montrer à l’écoute de la patiente, du désir de celle-ci et non de
ses propres représentations. Il doit faire attention à ne pas être dans l’identification projective
(mécanisme qui consiste à prêter à l’autre certains aspects de sa personnalité). Pour
conduire une relation d’aide, il est important de bien se connaître, de comprendre et
d’appréhender ses propres angoisses par rapport à son ressenti et à son propre vécu. Il
apparaît indispensable pour le soignant de pouvoir partager ses difficultés avec le reste de
l’équipe professionnelle.
Les trois infirmières rencontrées s’accordent à dire que les techniques de relation d’aide
dispensées au cours de la formation initiale IDE sont certes utiles mais insuffisantes : «c’est
un minimum syndical, on apprend sur le terrain » (IDE 1), « les formations sont toujours
positives […] je pense que c’est plutôt l’expérience » (IDE 2), « formation initiale très large,
assez vague et insuffisante » selon l’IDE 3 qui pense qu’une formation spécifique serait
nécessaire pour aborder les problématiques de ces femmes avec la « bonne distance ».
Selon les infirmières interrogées, les entretiens d’aide peuvent être conduits d’une part, de
manière informelle « la relation d’aide, on en fait tout le temps. » « L’accompagnement ne se
fait pas que sur un bureau, sur un temps dédié. Il se fait dans le service, dans les soins,
pendant les soins en esthétique […], on est tous capables d’en faire après, faut aimer
prendre du temps aussi. (IDE 1) . De plus, l’IDE 2 souligne qu’on ne peut pas prévoir le
moment où la patiente en aura besoin. D’autre part, la relation d’aide peut être entreprise de
manière plus formelle, comme nous le précise l’IDE 3, lors de moments cruciaux de la prise
en charge, tels que la consultation post annonce, l’accueil de la patiente en chirurgie, qui
représente « un point d’honneur », selon IDE 3, et la consultation pansement. Cette dernière
apparaît comme un moment propice à la relation d’aide, comme un « moment de mise en
confiance », « on a le prétexte du soin » (IDE 1), et « un prétexte à la discussion » (IDE 3).
Cependant, l’infirmier(ère) peut rencontrer certaines limites dans la relation d’aide et orienter
la patiente vers différents soins de supports. Il/elle pourra alors proposer une rencontre avec
des personnes ayant vécu une situation similaire, des adresses d’associations de soutien,
l’intervention d’une conseillère en image et socio-esthéticienne. Par ailleurs, l’intervention
24
d’un psychologue aura pour fonction d’aider la patiente à se maintenir psychiquement en vie,
de diminuer ses angoisses en les verbalisant. L’IDE 1 comme l’IDE 2 soulignent l’importance
d’une étroite collaboration entre elles et les psychologues.
25
PROBLEMATIQUE
A travers nos recherches, nous avons pu constater que la relation d’aide conduite par
l’infirmier(ère) ne s’établissait finalement que sur une courte durée. De plus, les durées
d’hospitalisations tendent à diminuer avec le développement de la chirurgie ambulatoire.
Pour ces femmes, tout s’enchaîne très vite. Dès l’annonce du cancer et de la mastectomie,
leurs vies sont rythmées par les rendez-vous, les examens, les hospitalisations… Pendant
cette période, ces femmes bénéficient d’un accompagnement personnalisé par des
professionnels de santé disponibles et à l’écoute.
Vient enfin la période de rémission, qui représente pour ces patientes un soulagement
marqué par la fin des traitements.
Nos recherches nous ont permis de démontrer que le besoin en termes de relation d’aide sur
les problématiques de la sexualité intervenait plus fortement à ce moment-là, c’est à dire
pendant la rémission.
L’après cancer représente en effet une période difficile pour les patientes qui peuvent alors
se sentir abandonnées, emprises d’un sentiment de grand vide après de longs mois de prise
en charge soignante. De plus, la peur de la récidive demeure omniprésente alors qu’elles
sont censées reprendre leur vie d’avant.
En tant que futures professionnelles, nous nous sommes alors demandé comment il serait
possible d’améliorer la prise en charge de ces femmes. Nous sommes donc arrivées au
questionnement suivant :
« Dans quelle mesure la continuité de la prise en soins de ces femmes par l’infirmier(ère) à
l’issue des traitements, pourrait contribuer à améliorer leur qualité de vie ? »
Conclusion
27
Pour conclure, malgré nos à priori, notre travail de fin d’études nous a permis de rencontrer
des personnes souriantes, positives, possédant une véritable pulsion de vie. En effet, ces
femmes, qui ressortent plus fortes de cette épreuve, ont réussi à nous transmettre leur goût
de vivre.
Nous pouvons cependant affirmer que la mastectomie représente pour toutes les patientes
un traumatisme impactant toutes les dimensions de leur vie.
Grâce à nos recherches théoriques et à nos explorations sur le terrain, nous nous sommes
rendu compte que ces femmes doivent accomplir un cheminement qui s’apparente à un
véritable travail de deuil, deuil de leur santé mais aussi de leur corps d’avant. Du temps et un
accompagnement adéquat sont donc nécessaires afin de les guider durant ce long
processus.
Pour cela, nous avons compris que la relation d’aide conduite par l’infirmier(ère) s’avère
indispensable à chaque étape de la maladie. La relation d’aide ne doit pas être formalisée
mais apparaît plutôt comme un outil de prise en soins individualisé qui s’adapte aux besoins
de chaque patiente. Cependant, notre travail nous a permis de réaliser qu’il existait des
limites dans la prise en soins de ces femmes. En effet, la période de l’après cancer
correspond à un moment de vide au niveau de la prise en charge soignante alors qu’elle
semble correspondre à une recrudescence des angoisses. Toutefois, des changements
s’amorcent concernant l’amélioration de la qualité de vie des patients à l’issue des
traitements grâce aux différentes mesures de santé publique, notamment aux plans cancer
et à la loi récemment votée concernant le droit à l’oubli.
Par ailleurs, les images du « corps parfait » véhiculées par notre société peuvent représenter
un frein dans le processus d’acceptation de la nouvelle image corporelle des femmes ayant
subi une mastectomie.
28
BIBLIOGRAPHIE
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21. GOMEZ Jean François. La sexualité dans l’institution : entre déni et prescription. La
revue de l’infirmière, décembre 2011, n°176, pp.18-20.
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www.infirmiers.com/étudiants-en-IFSI/cours/cours-IFSI-le-travail-de-deuil.html (consulté le
27.04.2015)
23. Cours du 25.09.2013, 4.2.S3 « La relation d’aide », IFSI Besançon.
24. Rogers Carl. La relation d’aide et la psychothérapie. Tome 1. Paris : ESF éditeurs, février
2014, 242p.
30
25. Rogers Carl. La relation d’aide et la psychothérapie. Collection art de la psychothérapie,
Paris : ESF éditeurs, 2010, 235p.
Annexes
Annexe 1
Entretien personne ressource N° 1 :
Mme C., Présidente d’une association de sensibilisation
Pour la lutte contre le cancer du sein
Moments forts/importants dans le parcours de soin et dans le changement de l'image
corporelle
Vécu du changement / des modifications corporelles
→ Quelle a été l’impact de la mastectomie sur votre féminité ? A-t-elle eu un impact sur votre
sexualité ?
Implication du partenaire dans le parcours de soin
→ Quel a été le vécu de votre partenaire ?
Rapport à la féminité et à la sexualité dans les soins
→ Quel type de prise en charge par rapport à ses deux thématiques ?
Axes d'amélioration à proposer au corps médical et paramédical
→ Qu'auriez-vous souhaité entendre / qu'il soit fait : à l'annonce / pendant votre
hospitalisation / en phase de rémission / en post-cancer
Gain de la photothérapie
Raisons de sa reconstruction mammaire
Rapport à la féminité à présent
Le mardi 10 mars 2015, dans le cadre de notre travail de recherche, nous avons
rencontré Mme C., présidente d’une association, mais également patiente, ayant subi
une double mastectomie.
33
En août 2012, Mme C. apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein à gauche. Alors
qu'elle allaitait son enfant, elle sent la présence d'un ganglion. Bien que pendant l'été
2012 la masse ait diminué, elle décide alors de consulter son gynécologue, et tout s'est
enchaîné très vite.
En septembre, elle commence une chimiothérapie néo-adjuvante, de l'ordre de 8
séances, pour diminuer la masse tumorale ; les médecins lui ont alors déclaré qu'une
mastectomie ne serait sans doute pas nécessaire.
En janvier 2013, elle apprend qu'elle doit subir finalement une mastectomie à gauche,
qui sera réalisée en mars.
Pour elle, c'est comme un déclic, elle ne prend pas le temps de réfléchir, et contacte
une amie photographe pour débuter ce qu'elle appellera par la suite sa
«photothérapie».
Durant la période de mai/juin, Mme C. continue son traitement par de la radiothérapie,
et là, nouveau choc, elle apprend qu'elle est porteuse du gène BRCA2 ; elle risque
alors une réplication anormale des cellules, et risque surtout de développer un autre
cancer au sein ou aux ovaires.
Elle décide alors de subir une mastectomie de prévention sur le second sein en
septembre.
Bien qu'elle ne souhaitait pas de reconstruction au départ, soutenue par son mari, Mme
C. se rend à diverses réunions de femmes mastectomisées, et rencontre des femmes
qui, encore 10 ans après leur mastectomie et sans reconstruction, restent « bloquées »
dans leur vie personnelle, et n'osent même pas se montrer dénudées devant leur
partenaire.
Mme C. décide alors de faire reconstruire sa poitrine grâce au lipofilling, « solution la
plus naturelle » selon elle, et pour « ne pas devoir changer de prothèses mammaires
tous les dix ans ». Son lipofilling a débuté en septembre 2014, et se déroulera jusqu'à
juillet 2015 ; une anesthésie générale est nécessaire à chaque intervention. Pour elle,
c'est une manière de « mettre fin à cette histoire, à son cancer… pour ne plus en parler
dans dix ans ».
Lorsque nous avons abordé la féminité avec Mme C. , elle nous a alors confié que la
chimiothérapie lui a permis de mieux « digérer » l'annonce de la mastectomie car elle
avait déjà perdu ses cheveux. Cette chimiothérapie n'a pas été mal vécue dans le sens
où elle s'est dit ne pas avoir eu le choix. Dès lors qu’elle a commencé à perdre ses
cheveux, elle est devenue beaucoup plus coquette qu'auparavant (bijoux, maquillage,
etc.).
Mais selon elle, la féminité en « prend un coup », car un sein manquant est moins facile
à cacher qu’une alopécie, qui peut se masquer avec une perruque, même si « les gens
se sont pas dupes! », nous dit-elle en souriant.
34
Lors du premier pansement après la mastectomie, elle demande alors à voir, et
relativise, « ce n'était pas aussi grossier que ce que je m'étais imaginé ».
Lors de son retour à domicile, elle est tout de même gênée de se montrer devant son
mari, mais celui-ci a alors été très doux et compréhensif, il lui a dit qu'elle n'avait pas à
se cacher.
C'est aussi pour cette raison là que Mme C. décide de se faire reconstruire, « la
journée on peut cacher avec une prothèse, mais pas lorsque je suis nue ».
Nous avons ensuite abordé la photothérapie, qui pour elle, au départ, avait juste pour
but de garder un souvenir de son corps d’avant, corps qui ne sera plus jamais le même.
Mais à présent grâce à ses photos, Mme C. se dit « un jour ce ne sera plus moi, ce
n'est déjà plus moi car maintenant j'ai des cheveux, et c'est une façon de se dire que la
vie continue, il y a de l'espoir ! ». Elle continue encore, pendant sa reconstruction, les
séances photos, « grâce à cela, on se voit belle et sexy ».
De plus, lors de son parcours de soin, elle a traversé une période de remise en
question, « l'ancien moi m'énerve », d'après elle la vie est courte ; elle est devenue
beaucoup plus spontanée, il n'y a plus de place pour les longues réflexions dans sa vie.
Pour elle, retrouver une féminité épanouie c'est avant tout accepter l'image de soi dans
sa tête, « accepter de se voir avec un trou à la place du sein », accepter son schéma
corporel.
Le sujet de la sexualité a ensuite été abordé, et pour Mme C. « il n'y a pas que le sexe
dans la vie, il y a la tendresse par exemple, il faut trouver un autre moyen pour combler
le manque. Le sexe n'a pas été la priorité à l'annonce de son cancer, on pense à la
survie ».
En ce qui concerne la place de son mari dans son parcours de soin, il a toujours été
présent (Rdv, chimiothérapie, etc.). Lors de l'entretien d'annonce, le médecin l’a vu à
part en entretien : « il va falloir être fort », « être à ses côtés ». Ces mots ont énervé
Mme C. car pour elle il n'avait pas à lui dire cela, il n'avait rien demandé ».
Mme C. a trouvé cela plus facile d'avoir été accompagné par son mari.
En ce qui concerne les axes d'amélioration dans la prise en charge, elle nous dit avoir
eu l'impression de « porter le monde sur ses épaules », lors de l'entretien post-annonce
infirmier, mais pour elle le contact avait été plus humain qu'avec le chirurgien. Elle ne
se rappelle pas si on lui a parlé de sexualité à ce moment-là, mais la féminité a été
abordée avec notamment les effets indésirables de la chimiothérapie.
Son mari lui, au contraire avait été prévenu lorsqu'il avait été vu seul par le médecin,
qu'une possible diminution du désir sexuel était possible, mais que cela ne serait pas
de la faute de son épouse ni de lui, mais celle de la maladie.
35
Mme C. juge avoir été bien accompagnée pendant son parcours de soins, mais
regrette que les effets indésirables de l’hormonothérapie qu'elle subit actuellement,
soient banalisés (sécheresse vaginale, irritabilité, bouffées de chaleur, douleurs
articulaires, fatigue, etc.).
Si elle devait améliorer quelque chose, elle ferait en sorte qu'il y ait plus de groupes de
paroles, d'ateliers, hors de l'hôpital pour échanger avec d'autres femmes. De plus, en
amont, elle pense que les couples devraient être plus préparés, prévenus des
possibles répercussions. Elle pense qu'un rendez-vous avec le partenaire devrait être
obligatoire pour avoir leur ressenti, savoir « où cela coince », pour avoir son vécu de la
situation, « il y a pas que la femme qui est en souffrance ».
D'elle-même, Mme C. s'est rendue à la Journée Glamour de Paris, créée pour les
femmes qui ont subi un lourd traitement ayant des répercussions sur leur féminité. Lors
de cet événement, les femmes sont maquillées, coiffées et photographiées pour se
sentir plus féminines. Mme C. pense qu'il faut s'y rendre quelque temps après
l'opération, pour être dans un autre état d'esprit, prendre le temps de « digérer » tout
cela.
Elle a également participé à un groupe de paroles qui se déroule 2 fois par an dans un
Centre Hospitalier Universitaire, et qui est organisé par le service de gynécologie, pour
aborder à la suite de la mastectomie, le sujet de la reconstruction.
36
Annexe 2
Entretien personne ressource n°2 :
Mme K., sexologue
Mme K., ancienne éducatrice spécialisée, exerce son activité de sexologue en libéral depuis
seulement 4 mois lorsqu’elle sent une boule à l’autopalpation de sa poitrine. Elle consulte
alors sa gynécologue qui lui prescrit une mammographie suivie d’une biopsie. On lui
annonce alors un cancer du sein. Elle subit plusieurs zonectomies dans le but de conserver
son sein. Cependant, au bout de la 4ème intervention chirurgicale, une mastectomie totale est
réalisée. A l’annonce de cette ablation, Mme K. est effondrée. Elle évoque les mots
prononcés à ce moment par l’oncologue : « Oui, vous serez mutilée ». Elle a ressenti ces
paroles comme un choc mais aussi comme une reconnaissance à la hauteur de sa
souffrance. Pour surmonter cette épreuve et la dédramatiser auprès de son entourage, elle
ressent le besoin de fêter son « EVN » : « son enterrement de vie de nichon » comme elle
nous l’explique. Elle voit cette fête comme un rituel pour accepter cette annonce et nous
confirme que la perte d’un sein s’apparente au processus de deuil avec ses différentes
étapes.
Pour Mme K. comme pour toutes les femmes, le sein est symbole de féminité, « c’est ce
qu’on donne à voir », il permet la reconnaissance d’un individu sexué. Lorsque le sein d’une
femme est atteint, cette dernière est touchée dans son identité de femme. Lorsque la
mastectomie est envisagée, il est alors non seulement question d’identité, mais aussi
d’esthétisme et d’érotisme.
Par rapport à l’intégration du partenaire dans le parcours de soins, Mme K. a préféré tenir à
l’écart son amie car elle n’avait pas envie de partager le soin avec elle et ne voulait pas être
vue comme une malade. Pour elle, il était important de garder «l’image d’une maîtresse et
non celle d’une malade ». Ceci afin de conserver une barrière entre vie érotique et
soins/maladie. Elle nous explique l’importance de l’équilibre à être à la fois une femme, une
mère et une maîtresse. La problématique du sein est en fait au cœur de ce triptyque puisqu’il
symbolise à la fois la féminité, la maternité et la sexualité.
En réponse à l’une de nos question, Mme K. nous répond que les conséquences de la
mastectomie sur la féminité et sur la sexualité ne sont pas abordées pendant la consultation
post-annonce, ni tout au long du parcours de soin. Elle l’explique par le fait que pour les
soignants c’est encore un sujet tabou et qu’ils manquent de formations sur ces sujets, et que
les patientes, à ce moment ne sont pas encore en mesure de les aborder. Mme K. pense
qu’il manque des espaces pour que ces sujets soient parlés, qui demandent à être nommés,
discutés. Si ces sujets étaient abordés avant l’intervention, et même si à ce moment-là les
patientes ne sont en mesure d’entendre, cela pourrait amorcer la conscience des
37
conséquences de l’intervention. Et surtout, cela permettrait d’être considérée en tant que
femme et pas seulement en tant que patiente.
Mme K. explique qu’elle a du se faire violence, tout d’abord, pour se regarder dans un
miroir après la mastectomie, afin d’intégrer son nouveau schéma corporel. Puis lors d’une
cure thermale où elle a du se mettre en maillot de bain et recevoir des soins. Cette cure lui a
d’ailleurs été très bénéfique car elle lui a permis de se reposer, de faire de belles rencontres
et finalement d’accepter son corps ainsi. Notons que Mme K. a continué son activité libérale
tout au long de son parcours de soins et que sa patientèle ne s’est rendu compte de rien.
Elle reconnaît que sa profession l’a beaucoup aidée tout d’abord à titre personnel, mais elle
dit que le fait d’avoir du continuer à aider ses patients lui a permis de ne pas rester centrée
sur elle-même. Après la chirurgie, un suivi psychologique lui a été proposé mais elle a
préféré continuer un suivi auprès d’un thérapeute qui la suivait déjà. Cependant, pour Mme
K., l’intellect, c’est-à-dire le suivi psychologique est important mais ne suffit pas. En effet, il
est tout aussi important de prendre en compte la souffrance dans la corporalité. Elle nous
explique que « re-corporaliser » c’est donner la possibilité à son corps d’être dans l’agir, de
sentir son corps bouger : ’idée du « corps-plaisir ». Cela passe déjà par reprendre du plaisir
avec soi-même pour ensuite pouvoir prendre plaisir avec l’autre.
Mme K. envisage aujourd’hui une reconstruction mammaire par prothèse. Elle nous invite
d’ailleurs à participer à une réunion d’information sur la reconstruction qui a lieu le lendemain
et nous donne les coordonnées de l’infirmière qui organise ces réunions. Karine n’aime pas
le terme « reconstruction », elle le trouve inapproprié dans le sens où on ne reconstruit pas
un sein mais un volume, dénué de sensibilité. Elle souhaite aujourd’hui se faire « construire
un volume de confort» pour pouvoir porter un décolleté, se mettre en maillot de bain… Son
intervention est prévue pour le mois de mai.
38
Annexe 3
Trame d’entretien auprès des professionnels
 Pouvez-vous en quelques mots nous présenter votre parcours professionnel ? (date DE,
expériences professionnelles…)

Pouvez-vous nous relater une situation où vous avez pris en charge une patiente ayant subi
une mastectomie ? D’une manière générale, comment sont vécus les changements
corporels engendrés par une telle intervention ?

La mastectomie entraine une perturbation de l’image de soi, direz-vous que cela engendre
obligatoirement un sentiment de diminution de la féminité chez ces femmes ?

Quelles sont selon vous les principales préoccupations des femmes suite à leur
mastectomie ?

Est-ce que les femmes vous parlent d’elles même d’éventuels troubles de leur féminité et/ou
de leur sexualité ? De difficultés au sein de leur couple ?

Ces patientes viennent-elles seules ou accompagnées de leur partenaire ? Les incluez-vous
dans les soins ? Quel est en général le vécu du partenaire ?

D’après vous, à quel moment dans le parcours de soin, les femmes se soucient-elles de la
problématique de leur sexualité ?

Peut-on dire que ces femmes passent par un processus de deuil ? L’idée d’une
reconstruction mammaire peut-elle être aidante ?

Abordez-vous les sujets relatifs à la sexualité en tant que professionnelle?
- Si non, pour quelles raisons ?
- Si oui, de quelle manière (concepts de soins relationnels, documentation, etc.)? A
quel moment ?
Vous sentez-vous à l’aise pour en parler ?
 Les techniques de relation d’aide enseignées lors de la formation initiale IDE vous aident
elles dans votre prise en charge ?
 Dans la prise en charge de ces femmes, y a-t’il selon vous des moments cruciaux où une
relation d’aide se révèle indispensable ?
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 Avez-vous bénéficié d’une formation complémentaire pour l’accompagnement de ces
femmes ? Si non, en avez-vous ressenti le besoin ?
 Pensez-vous que le sujet reste encore tabou, tant au niveau des patients que des
soignants ?
 Comment informez-vous ces femmes et les préparez-vous à une telle chirurgie ?
 Une prise en charge spécifique ou un suivi sont-ils proposés à ces femmes à la fin de leur
traitement ?
 D’après-vous, existe-t-il un manque dans la prise en charge de ces femmes afin de limiter
ou de prévenir ces éventuelles perturbations ?
 Selon vous, que pourrait-il être mis en place afin de prévenir / limiter les conséquences de la
mastectomie sur la féminité et la sexualité.
40
Annexe 4
Compte rendu de la réunion de présentation des différentes techniques de
reconstruction mammaire
Présence de :
-
Patientes venant de subir une mastectomie
-
Patientes ayant eu une reconstruction par le Dr Pauchot
-
Association Vivre Comme Avant
-
Psychologue d’oncologie
-
Mme D. IDE et organisatrice de la réunion
-
Pr. P., chirurgien plasticien
La reconstruction mammaire :
Les patientes sont souvent déçues par la complexité des techniques de reconstruction
mammaire.
Le sein est à la fois symbole de féminité, maternité et sexualité.
Sein composé : d’un étui (peau) + d’un volume + l’aréole et le téton.
3
situations
de
reconstruction :
reconstruction
mammaire
différée
et
immédiate
(=préservation de l’étui cutané)
Différentes solutions pour « gagner de la peau » :
-
Peau épargnée = garder la peau en trop
-
Expansion cutanée = petite prothèse que l’on va progressivement gonfler, nécessité
d’une 2ème intervention pour la remplacer par la prothèse définitive. Contre indiquée
après radiothérapie.
-
Lifting abdominal = excédant peau + graisse + muscle du ventre.
-
Lambeau = structure vascularisée du muscle grand dorsal (dos)
le passant de
derrière à devant.
2 procédés s’opposent :
-
Avec prothèse :
Avantage : simple, apport de volume immédiat, sans cicatrices supplémentaires.
Inconvénients : corps étranger, changement tous les 12-15 ans, durcissement
possible, forme sein=forme prothèse.
-
Sans prothèse :
Avantage : meilleur résultats statiques, dynamiques, palpation dans le temps.
Inconvénients : cicatrice supplémentaire, chirurgie +complexe, volume limité par la
patiente (morpho-compatible).
41
Prothèses :
Enveloppe en élastomère de silicone, intérieur gel cohésif ou sérum physiologique (risque de
fuite).
Différentes formes : rondes/ anatomiques (utilisées pour reconstruction)/ asymétriques (PIP
plus utilisées).
La prothèse peut être associée à un lambeau :
-
Lambeau graisseux DIEP = préserve le muscle abdominal grand droit, ne prend que
la graisse et vaisseaux sanguins (microchirurgie)
-
Lambeau graisseux grand dorsal autologue
-
Graisse = aspiration des adipocytes, centrifugation puis graisse pure réinjectée
-
Graisse BRAVA = cloche qui crée dépression, crée de l’œdème et étend tissus
Aréole et téton :
« Cerise sur le gâteau », finalise le travail sinon reste juste un volume, souvent sous
anesthésie locale.
Surface (aréole) =greffe de peau d’un endroit plus mate ou tatouage
Téton : téton controlatéral ou lambeau du dos (replié en trèfle).
Questions des participantes au Pr P. :
 Pourquoi le chirurgien décide de laisser ou non la peau ?
Priorité du chirurgien oncologue = éradiquer la maladie. Parfois complications
(séromes) et retards de cicatrisation. Facteur limitant : la radiothérapie (modifie la
peau et son comportement).
 Il existe des prothèses amovibles ?
Oui, adhésives à retirer et à nettoyer le soir ou non adhésives à glisser dans un
soutien-gorge adapté.
 Combien de temps doit-on attendre pour la reconstruction ?
1 an après la radiothérapie minimum. Si pas de radiothérapie, possible dès la
mastectomie.
 Qu’est-ce que le lymphome anaplasique à grandes cellules ? Y a t-il un risque ?
Relation récemment démontrée entre un type de cancer et un type de prothèse.
Inflammation des tissus à cause des prothèses macro granulées. Symptômes :
épanchements récidivants.
 Peut-on choisir la méthode ?
42
Selon morphologie
Discuter avantages/inconvénients (problème des arrêts de travail)
1ère consultation : donner plusieurs choix possibles à la patiente qui choisit ensuite
avec le plasticien.
Toutes les techniques ne sont pas pratiquées en cliniques car non rentables (ex :
DIEP)
 Une longue anesthésie (10/12h) est-elle dangereuse ?
Plus l’anesthésie est longue, plus les complications sont possibles (phlébite) mais
possibilité de les prévenir en les prévenant (bottes massantes…). Toute intervention
présente des risques de complications. Préparation de
l’intervention++ (bilan
sanguins, état des vaisseaux sanguins pour la DIEP par exemple).
 Y a-t-il des techniques plus douloureuses que d’autres ?
Injection de graisse la technique la moins douloureuse.
Pour intervention concernant les muscles : attention si patiente sportive ou douleurs
dorsales existantes.
 La technique muscle grand dorsal est-elle compatible avec un curage axillaire ?
Oui, toutes les techniques présentées le sont.
 Si on a déjà eu une DIEP est qu’on rechute sur l’autre sein, peut-on en refaire une ?
Non, mais on peut faire une double DIEP dans un même temps opératoire (on sépare
la graisse du ventre en 2) D’où l’importance d’attendre quand recherches génétiques.
Nos questions au Pr P.:
 Quelle technique est la plus choisie par les patientes?
Reconstructions naturelles = DIEP et graisse
 Pour quelles raisons éprouve-t-on le besoin d’une reconstruction ?
Permet de tourner la page, boucler la boucle et passer à autre chose. Ne plus voir ce
« non sein » dans le miroir.
 Au niveau de la sensibilité ?
Seule la technique de la graisse permet de garder une certaine sensibilité. Aucune
sensibilité du tout avec les autres techniques.
 70% des femmes n’ont pas recours à la reconstruction, confirmez-vous ce chiffre ?
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Oui c’est vrai, car pas envie d’une nouvelle intervention. A noter que les partenaires
ne poussent jamais à la reconstruction.
Temps d’échange avec la psychologue :
Les questions concernant l’intimité sont abordées avec elle car elles ne sont abordées nulle
part ailleurs dans le parcours de soins. Souvent liés aux effets indésirables de
l’hormonothérapie : sécheresse vaginale, prise de poids (Tamoxifène)…
Dans l’après cancer, seuls les suivis psycho et kinés sont proposés. Les patientes se
trouvent alors face aux problèmes mais surtout face aux séquelles. Elles observent un
décalage entre la réalité et ce qu’on dit du cancer du sein : « on guérit bien du cancer du
sein », cependant, on ne s’attarde jamais sur les séquelles.
La psychologue intervient surtout pendant l’hospitalisation pour un premier contact. Les
patientes sont parfois accompagnées de leur partenaire. Les hommes auraient peut-être un
besoin psycho ponctuel par rapport à des questions qu’ils n’osent pas poser, mais les
hommes ne sont pas très psycho…
Les femmes souffrent souvent que leurs partenaires verbalisent beaucoup moins qu’elles.
Elles ont plutôt des silences au lieu des marques d’affections qu’elles attendent. Silence
qu’elles interprètent souvent à tort. Elle conseille de lire « Les hommes viennent de Mars et
les femmes de Vénus ».
Aussi, les patientes n’osent pas aborder ces questions avec leur gynécologue car elles « ne
veulent pas leur faire perdre leur temps avec ça ».
Concernant l’après cancer, tant que les patientes sont en soins, elles sont en action, ce n’est
pas le moment de s’écrouler, c’est ensuite qu’a souvent lieu l’effondrement des affects.
Elles éprouvent aussi parfois de la culpabilité de regretter la période où elles étaient malade
car on s’occupait d’elles à ce moment-là.
La relation d’aide pour préserver la sexualité des patientes après une mastectomie
Le cancer du sein représente la première cause de mortalité par cancer chez les femmes en
France. Malgré les avancées thérapeutiques, dans certains cas, la mastectomie demeure
inévitable.
Au cours de nos différents stages, nous avons eu l’occasion de rencontrer des patientes
mastectomisées qui souffrent bien souvent d’une altération de leur image corporelle. Nous
nous sommes alors demandé en quoi la relation d’aide pouvait contribuer à préserver une
féminité et une sexualité épanouie chez ces patientes.
Afin d’élaborer notre projet de recherche, nous avons effectué des recherches conceptuelles
et réalisé des entretiens auprès de trois professionnelles.
Après avoir confronté nos recherches théoriques avec nos résultats sur le terrain, nous
avons pu mettre en évidence que les femmes mastectomisées compensent rapidement la
perte de féminité engendrée par une telle chirurgie et qu’elles rencontrent souvent des
difficultés au niveau de leur sexualité et de leur vie de couple. Cependant, ces problèmes ne
sont pas suffisamment abordés. D’une part, la sexualité n’est pas une priorité au départ
puisque la survie prime et que d’autre part le sujet demeure tabou. Il existe également des
lacunes au niveau des connaissances des soignants.
Il apparaît donc important que les professionnels soient mieux formés aux questions
relatives à la sexualité et que des temps soient prévus pour laisser les patientes s’exprimer,
à distance des traitements, justement au moment où interviennent davantage ces
problématiques.
Nurse counselling in sexuality issues for breast cancer patients post mastectomy
Breast cancer is the most frequent cause of women death from cancer in France. Despite
therapeutic advances, mastectomy remains necessary in some cases.
Throughout our different placements, we have met patients post mastectomy who have often
suffered from a damaged body image. So we have wondered how nurse counselling and
support could help these patients feel like a woman and have a fulfilled sexual life.
In order to carry out our investigation project, we have done a conceptual research and have
interviewed three different professionals.
After comparing our theoretical research and our results in practical life, we found that
women who had a mastectomy quickly compensate the loss of feminity generated by such
surgery, and often experience troubles in sexuality or in their couple’s life.
However these issues are not enough discussed.
On the one hand, in the beginning, sexuality is put on a second plan because survival
becomes the priority, and on the other hand, it remains a taboo subject.
A lack of knowledge also exists in nursing staff. Therefore, it seems important that health
care professionals become more trained about sexuality issues and that dedicated times
should be planned to allow those patients to express themselves, afar from treatments,
exactly when those issues may arise.
Mots clés : cancer du sein, mastectomie, image corporelle, féminité, sexualité, relation
d’aide, deuil, reconstruction.
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