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Introduction à la critique d’arguments
1. La cohérence
Puisqu’un argument est un raisonnement, il est évident qu’un
premier point sensible est celui de la cohérence logique. L’exigence
de cohérence intervient à plusieurs niveaux : dans le contenu des
prémisses (description des faits, dénition des critères), dans les
liens entre les prémisses (adéquation entre le critère général et le
cas particulier), dans le lien d’inférence entre les prémisses et la
conclusion (les prémisses conduisent-elles à la conclusion ?), dans
la concordance entre divers arguments qui mènent à une même
conclusion, etc.
Exemple : un partisan de la politique de « discrimination posi-
tive » qui soutient qu’il est légitime de recourir à des procédés dis-
criminatoires pour assurer une plus grande égalité entre certains
groupes sociaux fait-il preuve d’incohérence ?
Cette exigence de cohérence appuie la première stratégie argu-
mentative que j’appellerai la mise en contradiction.
2. La diversité des critères
Dans un monde idéal, toute la morale se résumerait à un seul
critère : le bien. Dans la réalité, le bien se décline en une myria-
de de variantes : justice, intégrité, loyauté, impartialité, courage,
compassion, etc. Les droits fondamentaux sont multiples (liberté,
égalité, vie privée, sécurité, droit de vote, etc.) et les vertus abon-
dent(honnêteté, maîtrise de soi, générosité, humilité, patience,
etc.).
Chaque argument éthique fait appel à un critère. Mais com-
ment son auteur peut-il être certain que le critère qu’il emploie
est le bon ? Puisque les critères éthiques sont multiples, il arrive
fréquemment qu’un interlocuteur réponde à un argument avec
lequel il est en désaccord par un contre-argument fondé sur un
critère diérent. Dans le pire des cas, le contre-argument mènera
à une conclusion contraire à l’argument de départ et le désaccord
sera total : la même action sera jugée morale suivant un critère et
immorale suivant un autre. Mais, de façon générale, l’utilisation