Marqueurs prédictifs de la sensibilité et de la résistance aux anti

Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 2 - avril-mai-juin 2012
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Marqueurs prédictifs de la sensibilité
et de la résistance aux anti-HER dans
le cancer du poumon
Predictive markers of susceptibility and resistance to anti-HER in lung cancer
Jacques Cadranel1, 2, Michèle Beau-Faller3, 4, Anne-Marie Ruppert1, 2, Martine Antoine2, 5,
Roger Lacave2, 6, Marie Wislez1, 2
RÉSUMÉ
Summary
»
Le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR)
devient un oncogène pulmonaire par acquisition d’une mutation
activatrice. La présence d’une mutation activatrice de l’exon 19 ou
21 est associée à une sensibilité accrue aux inhibiteurs de l’activité
tyrosine kinase (ITK) de l’EGFR, le géfi tinib et l’erlotinib. La technique
de référence pour la détection de ces mutations est le séquençage,
mais des techniques ciblées plus sensibles ont été développées.
Les patients dont la tumeur exprime une mutation de sensibilité
aux ITK de l’EGFR peuvent bénéfi cier du géfi tinib ou de l’erlotinib
dès la première ligne de traitement. Vingt à 30 % des malades vont
présenter une résistance primaire dans les premières semaines
de traitement et les autres développer une résistance secondaire,
survenant dans les 9 à 12 mois après le début du traitement dans
50 % des cas. À ce jour, les mécanismes de résistance primaire sont
mal connus, et 4 grands mécanismes ont été décrits en cas de
résistance secondaire : la sélection d’une mutation de résistance
de l’EGFR ; l’amplification d’un récepteur transmembranaire
pour un autre facteur de croissance ; l’apparition d’altérations
moléculaires dans la signalisation d’aval ; le phénomène de
transition épithéliomésenchymateux ou même une transformation
histologique. La connaissance de ces mécanismes moléculaires est
à la base de la bonne utilisation des anti-HER dans le cancer du
poumon d’aujourd’hui et de demain.
Mots-clés : Cancer bronchique – Pronostic – Prédictif – Biomarqueur –
Récepteur tyrosine kinase – Inhibiteur de tyrosine kinase – Géfi tinib
– Erlotinib.
After mutation, the epidermal growth factor receptor (EGFR)
becomes oncogenic for the lung. The presence of an activating
mutation in exon 19 or 21 is associated with increased
sensitivity to inhibitors of the EGFR tyrosine kinase function
(EGFR-TKI), gefi tinib and erlotinib. The reference technique for
the detection of these mutations is the sequencing, but more
sensitive techniques are used. Patients whose tumor expresses
an EGFR activating mutation may benefi t from gefi tinib or
erlotinib as fi rst-line treatment. About 20 to 30% of patients
will nevertheless have a primary resistance during the fi rst
weeks of treatment and the others will develop secondary
resistance occurring in 50% of cases after 9 to 12 months of
treatment. To date, the mechanisms of primary resistance are
poorly understood and 4 major mechanisms of secondary
resistance are described: selection of a resistance mutation of
EGFR gene; amplifi cation of a trans-membrane receptor for
another growth factor; occurrence of molecular alterations
in the downstream signaling pathway; the epithelial
mesenchymal transition phenomenon and even a histological
transformation. Knowledge of these molecular mechanisms
is the basis for the proper use of anti-HER therapy today and
tomorrow in lung cancer.
Keywords: Lung cancer – EGFR – Prognosis – Predictive –
Biomarker – Tyrosine kinase receptor – Tyrosine kinase
inhibitor – Gefi tinib – Erlotinib.
1 Service de pneumologie et réanimation, hôpital Tenon, Assistance publique-Hôpitaux
de Paris.
2 Équipe de recherche2 et GRC-UPMC 04 Theranoscan, université Pierre-et-Marie-Curie,
université Paris-VI.
3 Laboratoire de biochimie et biologie moléculaire, hôpital de Hautepierre, hôpitaux uni-
versitaires de Strasbourg.
4 EA 4438, faculté de médecine, université de Strasbourg.
5 Service d’anatomie pathologique, hôpital Tenon, Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
6 Service de cytologie et biologie tumorale, hôpital Tenon, Assistance publique-Hôpitaux
de Paris.
A
vec environ 35 000 nouveaux cas par an en
France, le cancer du poumon est le quatrième
cancer en termes de prévalence, mais le pre-
mier en termes de mortalité, avec moins de 15 % de
malades encore vivants à 5 ans (1). Le principal facteur
de risque est le tabac, mais environ 20 % des cancers
du poumon surviennent chez des personnes non
fumeuses.
Marqueurs prédictifs de la sensibilité et de la résistance aux anti-HER
dans le cancer du poumon
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dossier thématique
Marqueurs prédictifs
de sensibilité et
de résistance aux anti-HER
On distingue 2 grands types histologiques : les cancers
bronchiques à petites cellules (CBPC) [environ 15 %
des cas], développés aux dépens des cellules du sys-
tème neuroendocrine associé aux muqueuses, et les
cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC)
[85 % des cas], développés, quant à eux, aux dépens de
l’épithélium de revêtement des bronches, des glandes
bronchiques et des cellules bronchioloalvéolaires (2).
Les CBNPC se divisent à leur tour en 3 grands types
histologiques : les adénocarcinomes, les carcinomes
épidermoïdes et les carcinomes à grandes cellules,
mais des histologies composites ne sont pas rares. Les
adénocarcinomes sont un groupe hétérogène au sein
duquel on distingue plusieurs sous-types histologiques
qui peuvent coexister dans la même tumeur (2).
Jusqu’à présent, le traitement des CBNPC métastatiques
reposait sur l’administration d’une chimiothérapie par
un doublet à base de sels de platine, mais il a été révo-
lutionné par le développement récent de molécules
(inhibiteurs “-ib ou anticorps “-mab”) ciblant la famille
HER et en particulier HER1, ou récepteur du facteur de
croissance épidermique (EGFR) [3, 4]. En eff et, 2 inhiteurs
spécifi ques de l’activité tyrosine kinase de l’EGFR (ITK
de l’EGFR), le géfi tinib (Iressa®) et l’erlotinib (Tarceva®),
disposent d’une Autorisation de mise sur le marché
(AMM) dans le traitement des CBNPC métastatiques.
Tous deux ont une AMM en première ligne de traite-
ment, restreinte exclusivement aux malades dont la
tumeur porte une mutation de sensibilité aux ITK de
l’EGFR ; seul l’erlotinib dispose d’une AMM en deuxième
ligne de traitement ou plus, quels que soient le type his-
tologique de CBNPC et le statut mutationnel de l’EGFR.
L’EGFR et la famille HER dans le cancer
du poumon
Au niveau de l’appareil respiratoire normal, l’expres-
sion de l’EGFR est forte dans les cellules épithéliales
bronchiques et modérée dans les cellules épithéliales
alvéolaires (4). HER2, 3 et 4 sont également exprimés
au niveau des cellules épithéliales du poumon normal.
Expression de HER2
Lexpression de HER2 étudiée par immunohistochimie
(IHC) a été évaluée dans le cancer du poumon rapide-
ment après l’utilisation du trastuzumab dans le cancer
du sein. Cette expression est retrouvée dans 10 à 15 %
des CBNPC et jusqu’à 30 % des adénocarcinomes. Elle
serait associée à un mauvais pronostic. En revanche,
une surexpression (3+) associée à une amplifi cation
du gène en hybridation in situ nest retrouvée que
dans environ 2 % des cas (5). Des mutations de HER2
(exon 20) ont également été décrites, dans moins de
2 % des CBNPC. Elles semblent plus fréquentes dans les
adénocarcinomes, chez les non-fumeurs, les femmes
et les personnes d’origine asiatique (6). Ces tumeurs
semblent sensibles aux thérapies ciblant HER2, telles
que le trastuzumab, le lapatinib ou l’afatinib, mais
peut-être de manière diff érente en fonction du type
d’anomalies moléculaires. Diff érentes études sont en
cours dans cette indication.
Figure 1. Les outils d’analyse d’EGFR.
A et B. Limmunohistochimie étudie l’expression protéique par un anticorps marqué dirigé contre
la protéine EGFR totale ou contre la forme phosphorylée active de l’EGFR (Dr Martine Antoine,
service d’anatomie pathologique, hôpital Tenon).
C et D. L’hybridation in situ évalue le nombre de copies du gène (ADN) sur des cellules isolées ou
des coupes de tissus. Diff érentes techniques sont disponibles, soit des sondes fl uorescentes FISH
(hybridation in situ en fl uorescence), soit des sondes chromogéniques CISH (hybridation in situ
par sonde chromogène) [Dr Martine Antoine, service d’anatomie pathologique, hôpital Tenon].
E et F. Le séquençage analyse les altérations de la séquence des bases codant le gène de l’EGFR
(Virginie Poulot, ER-2 université Paris-VI) :
délétion de l’exon 19 ;
mutation ponctuelle : un nucléotide T est remplacé par un nucléotide G en position 2573 au
niveau de l’exon 21.
A
C
E
B
D
F
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Expression de l’EGFR
Lexpression de l’EGFR par IHC (fi gure 1) a été évaluée
dans les années 2000 parallèlement à l’apparition
des anti-EGFR. Elle est retrouvée dans environ 60 %
des carcinomes épidermoïdes et 40 % des adénocar-
cinomes et des carcinomes à grandes cellules (4). En
revanche, aucune expression de l’EGFR nest notée dans
le CBPC. La valeur pronostique de cette expression
dans le CBNPC nest pas clairement démontrée (3, 4).
La surexpression de l’EGFR évaluée par IHC n’a pas
d’impact sur la décision thérapeutique à ce jour (3, 4).
En eff et, l’intensité de l’expression nest pas reliée à la
réponse au traitement par ITK de l’EGFR. Cependant,
dans une analyse a posteriori de l’étude FLEX, ayant
évalué l’effi cacité de l’adjonction du cétuximab à une
chimiothérapie de première ligne par cisplatine et vino-
relbine chez des malades atteints d’un CBNPC avancé,
une forte expression d’EGFR (score ≥ 200) est associée
à une meilleure survie globale chez les malades traités
par cétuximab (7).
Amplifi cation du gène de l’EGFR
L’amplifi cation du gène de l’EGFR analysée par hybrida-
tion in situ (fi gure 1) a été initialement associée à une
augmentation de la sensibilité aux ITK de l’EGFR (3, 4).
Aujourd’hui, il semble que cette amplifi cation soit, dans
la plupart des cas, un phénomène associé à la présence
d’une mutation activatrice de l’EGFR, l’allèle amplifi é
étant le plus souvent l’allèle muté (3, 4). Ce test nest
donc pas utilisé en pratique pour guider le traitement
par anti-EGFR. Il est néanmoins probable que, dans
certains cas, la surexpression de l’EGFR résulte d’un
phénomène exclusif d’amplifi cation génique, dont
l’impact thérapeutique reste imprécis.
Présence de mutations de l’EGFR
La présence de mutations de l’EGFR a été décrite par
séquençage (fi gure 2) dès les premières années de l’utili-
sation des ITK de l’EGFR dans 10 à 30 % des populations
non sélectionnées de CBNPC (9, 10). Ces mutations
ont été retrouvées chez des malades présentant une
réponse majeure aux ITK de l’EGFR. Les malades traités
par ITK de l’EGFR présentent 2 profi ls évolutifs : soit
une résistance primaire, soit une réponse majeure
et prolongée suggérant un phénomène d’addiction
oncogénique. Dans ce dernier cas, on observe, après
Figure 2. Les mutations oncogéniques de l’EGFR dans le cancer bronchique
(8)
.
Mutations
de résistance
Mutations
de sensibilité
Site de fixation
de l’EGF
Site de fixation
de l’EGF TM
Exon
D761Y
(< 1 %)
(< 1 %)
(5 %)
(5 %)
(45 %)
(40-45 %)
T790M (50 %)*
D770_N771 (ins NPG)
D770_N771 (ins SVQ)
D770_N771 (ins G), N77IT
V769L
S7681
G719C
G719S
G719A
V689M
N700D
E709K/Q
S720P
L858R (40-45 %)
N826S
A839T
K846R
L861Q
G863D
ΔE746-A750
ΔE746-T751
ΔE746-A750 (ins RP)
ΔE746-T751 (ins A/I)
ΔE746-T751 (ins VA)
ΔE746-S752 (ins A/V)
ΔL747-E749 (A750P)
ΔL747-A750 (ins P)
ΔL747-T751
ΔL747-T751 (ins P/S)
ΔL747-S752
ΔL747-752 (E746V)
ΔL747-752 (P753S)
ΔL747-S752 (ins Q)
ΔL747-P753
ΔL747-P753 (ins S)
ΔS752-I759 * Résistance secondaire
V765A
T783A
Exon 18
(région de fixation de l’ATP) Exon 21
(région activatrice)
Exon 19 Exon 20
688
728
729
761
762
823
824
875
2 5 7 13 16 17 18-21 22-24 28
Tyrosine kinase Autophosphorylation
Marqueurs prédictifs de la sensibilité et de la résistance aux anti-HER
dans le cancer du poumon
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dossier thématique
Marqueurs prédictifs
de sensibilité et
de résistance aux anti-HER
une effi cacité initiale, une résistance secondaire, dont
les mécanismes moléculaires sont multiples. Chez les
malades dont les tumeurs ne présentent pas de muta-
tion de l’EGFR, on observe une effi cacité modeste de
l’erlotinib : environ 45 % de malades contrôlés, pour
une durée médiane de l’ordre de 2 mois (11, 12). Les
déterminants moléculaires de cette effi cacité nont
pas beaucoup été étudiés. Il semble que la présence
d’une mutation de KRAS dans la tumeur de ces malades
explique pour environ 20 % le phénomène de résis-
tances observé et que les malades dont la tumeur pré-
sente une mutation de KRAS progressent en général
sous ITK de l’EGFR (3, 4).
Fréquence et caractéristiques épidémio-
logiques des CBNPC mutés pour l’EGFR
La recherche de mutations du gène de l’EGFR a ini-
tialement été réalisée par des techniques de séquen-
çage, ce qui a permis de décrire une épidémiologie
moléculaire relativement précise (3, 13). Aujourd’hui,
des techniques spécifi ques ciblées et plus sensibles
sont développées, pour permettre un diagnostic plus
rapide, y compris sur des prélèvements peu cellulaires
et moins bien préservés.
Les mutations de l’EGFR concernent les exons 18 à 21
du gène de l’EGFR, qui codent pour le domaine tyrosine
kinase du récepteur (fi gure 2) [8, 14] et en particulier pour
le site de fi xation de l’ATP, mais aussi des ITK de l’EGFR.
Elles seraient quasi exclusives de la présence d’autres
altérations moléculaires oncogéniques observées au
cours des CBNPC, telles que les mutations de KRAS et
de HER2 ou les réarrangements du gène ALK (3, 4).
Des mutations de l’EGFR sont observées dans environ
10 % des CBNPC dans les populations caucasiennes,
et 40 % pour les populations asiatiques. En 2010, en
France, la prévalence des mutations de l’EGFR était de
10,5 % sur plus de 15 000 analyses faites sur les 28 plate-
formes de l’INCa. Elles concernent, dans plus de 85 %
des cas, des délétions dans l’exon 19 et la mutation
ponctuelle L858R, située dans l’exon 21 (8, 14-15). Elles
ne sont retrouvées presque que dans des CBNPC non
épidermoïdes (en particulier, des adénocarcinomes
papillaires et lépidiques non mucineux), et leur descrip-
tion dans d’autres types histologiques (épidermoïde,
carcinome neuroendocrine) est probablement le témoin
de tumeurs composites (tableau I) [2]. Leur prévalence
est plus importante chez les non-fumeurs (40 %) que
chez les fumeurs (7 %) [tableau I] ; elle est encore plus
importante chez ceux qui ne sont pas exposés à un
tabagisme passif. Les fumeurs représentent néanmoins
près de 50 % des malades chez qui une mutation de
l’EGFR est retrouvée, même s’il s’agit dans 90 % des cas
d’anciens fumeurs (16). Enfi n, la probabilité d’observer
une mutation de l’EGFR augmente avec la durée du
sevrage tabagique. Les mutations de l’EGFR sont éga-
lement plus fréquentes chez les femmes (17 %) que
chez les hommes (6 %) [tableau I].
La prescription d’un ITK de l’EGFR en première ligne
de traitement ne peut se faire que sur la base de la
recherche d’une mutation activatrice de l’EGFR dans un
prélèvement tumoral du malade. En eff et, en l’absence
de mutation de l’EGFR, la prescription d’un ITK de l’EGFR
en première ligne de traitement a un eff et délétère sur
la survie des malades (3, 4).
Addiction oncogénique, mutations
activatrices de l’EGFR et sensibilité aux ITK
de l’EGFR
Le concept d’addiction oncogénique
Le concept d’addiction oncogénique a été bien illustré
par des modèles animaux dans lesquels l’expression
conditionnelle d’une mutation activatrice de l’EGFR a
été induite dans les pneumocytes de type II. Ces ani-
maux développent successivement une hyperplasie
alvéolaire atypique, un adénome et finalement un
adénocarcinome pulmonaire (4). L’arrêt de l’expres-
sion conditionnelle du gène de l’EGFR entraîne une
régression tumorale complète, et son rétablissement,
Tableau I. Caractéristiques cliniques associées aux mutations de l’EGFR chez les Caucasiens, selon le dépôt de dossier d’AMM du géfi tinib à l’EMA.
p Probabilité d’être
EGFR muté
Fumeurs versus
non-fumeurs
< 0,0001 × 6,5 Une mutation de l’EGFR est retrouvée dans la tumeur de 28/70 (40 %) malades
non fumeurs et 47/716 (7 %) des malades fumeurs
Adénocarcinomes versus
non-adénocarcinomes
< 0,0001 × 4,4 Une mutation de l’EGFR est retrouvée dans 63/396 (16 %) des adénocarcimones
et 12/390 (3 %) des non-adénocarcimones
Femmes versus hommes 0,0397 × 1,7 Une mutation de l’EGFR est retrouvée dans la tumeur de 40/235 (17 %) femmes
et 12/390 (3 %) hommes
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 2 - avril-mai-juin 2012
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une rechute rapide. Des résultats similaires sont obser-
vés chez l’homme au cours des essais thérapeutiques
évaluant les ITK de l’EGFR dans des populations de
CBNPC mutés pour l’EGFR. Une réponse majeure et
prolongée de la tumeur est observée chez plus de 60 %
des malades, mais l’arrêt du traitement peut entraîner
une explosion tumorale (“ are-up”) dans environ 25 %
des cas et un décès rapide dans de rares cas (17).
Mutations activatrices de l’EGFR
et sensibilité aux ITK de l’EGFR
Plus de 90 % des mutations activatrices conférant une
sensibilité accrue des CBNPC aux ITK de l’EGFR sont
des délétions dans l’exon 19 et la mutation ponctuelle
L858R, située dans l’exon 21 (fi gure 2) [8]. Ces mutations
sont également associées à un meilleur pronostic dans
3 essais de phase III comparant un ITK de l’EGFR à un
placebo (3, 4). Les délétions de l’exon 19 semblent plus
fréquentes que les mutations L858R et sont peut-être
associées à une effi cacité plus prolongée des ITK de
l’EGFR (3, 4).
L’impact thérapeutique de ces mutations a été évalué
dans 5 essais de phase III (tableau II). Ces essais, réalisés
en première ligne de traitement, ont comparé le géfi ti-
nib (18-20) ou l’erlotinib (21, 22) à plusieurs doublets
à base de platine dans des populations de malades
asiatiques (18-21) et caucasiens (22) porteurs d’une
mutation activatrice. Dans les bras ITK de l’EGFR, le
taux de réponse est supérieur à 60 %, la probabilité de
progression de la maladie est réduite de plus de 50 %
et la qualité de vie est améliorée. Aucun des essais n’a
démontré de bénéfi ce sur la survie globale dans le bras
ITK de l’EGFR. Cette absence de bénéfi ce pourrait être
expliquée par un meilleur pronostic des CBNPC mutés
pour l’EGFR, par la possibilité d’utiliser un ITK de l’EGFR
en deuxième ligne dans le bras chimiothérapie, par
l’absence de résistance croisée entre ITK de l’EGFR et
chimiothérapie permettant de conserver l’effi cacité de
l’ITK de l’EGFR en deuxième ligne ou par la meilleure
sensibilité à la chimiothérapie de cette population.
La liste des autres mutations faux-sens décrites dans les
exons 18 (G719X), 19, 20 (V765A, T787A) et 21 (L861Q)
s’allonge tous les jours (fi gure 2). Cependant, leur lien
avec la réponse aux ITK de l’EGFR est mal connue. Dans
certains cas, il peut y avoir 2 mutations, soit dans le
même exon, soit dans 2 exons diff érents.
Mécanismes de résistance sous ITK
de l’EGFR en situation d’addiction
oncogénique
Dans 20 à 30 % des cas, la progression est précoce, sug-
gérant la présence, associée à une mutation de sensi-
bilité, soit d’une mutation de résistance, soit d’autres
anomalies moléculaires en aval ou en parallèle de la voie
de signalisation de l’EGFR. Dans plus de 2 cas sur 3, la
résistance apparaît secondairement, et, dans 50 % des
cas, on observe une progression tumorale 9 à 12 mois
après la réponse initiale (18-22).
Résistance thérapeutique primaire
La présence d’une mutation de résistance de l’EGFR
devrait être détectée lors de l’analyse moléculaire ini-
tiale et ne pas conduire à la prescription d’un ITK de
l’EGFR. Dans environ 5 % des cas mutés, il s’agit d’une
insertion/duplication de lexon 20 (fi gure 2) [14, 23, 24].
Des résistances primaires ont été associées encore plus
rarement à des mutations ponctuelles dans l’exon 18,
à la mutation D761Y dans l’exon 19 et dans l’exon 21.
De manière exceptionnelle, une mutation germinale
T790M sur l’exon 20 de l’EGFR peut être responsable de
cas familiaux de CBNPC résistants aux ITK de l’EGFR (4).
La présence d’une mutation activatrice et d’une muta-
tion T790M conduit quant à elle à une diminution de
l’effi cacité des ITK de l’EGFR plutôt qu’à une résistance
totale d’emblée (24).
Les autres mécanismes de résistance primaire retrou-
vés sont de très rares cas d’association d’une mutation
activatrice de l’EGFR et d’une mutation de KRAS ou de
Tableau II. Études de phase III du géfi tinib versus chimiothérapie en première ligne dans les CBNPC mutés pour l’EGFR.
Auteur n Population ITK CT Réponse (%) SSP (mois) HR (IC95) SG (mois) HR (IC95)
Mok (18) 261 Asie G CaP 71/47 9,5/6,3 0,48 (0,36-0,64) 20/20 0,78 (0,5-1,20)
Mitsudomi (20) 172 Asie G CD 62/32 9,2/6,3 0,49 (0,34-0,71) 30,9/NA 1,64 (0,75-3,6)
Maemondo (19) 228 Asie G CaP 74/31 10,4/5,5 0,36 (0,25-0,61) 30,5/23,6 NR
Zhou (21) 154 Asie E CaG 83/36 13,1/4,6 0,16 (0,10-0,26) NR NR
Rosell (22) 173 Europe E C/Ca 58/15 9,7/5,2 0,37 (0,25-0,57) 19,5/19,3 1,07 (0,65-1,68)
ITK : inhibiteur de tyrosine kinase ; G : géfi tinib ; E : erlotinib ; CT : chimiothérapie ; Ca : carboplatine ; C : cisplatine ; P : paclitaxel ; D : docétaxel ; G : gemcitabine ; C/Ca : doublet à base de sel de
platine ; SSP : survie sans progression ; HR : hazard-ratio ; IC95 : intervalle de confi ance à 95 % ; SG : survie globale ; NA : non atteinte ; NR : non rapporté.
Marqueurs prédictifs de la sensibilité et de la résistance aux anti-HER
dans le cancer du poumon
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