Synthèse de la Journée sur la Russie - IEIM-UQAM

publicité
Synthèse de la Journée sur la Russie de l’Institut d’Études
internationales de Montréal (IEIM), organisée en collaboration
aveclaChaireRaoul-Dandurandetl’Observatoiredel’Eurasiedu
Centred’étudessurl’intégrationetlamondialisation(CEIM)
Montréal–15Mars2017
PréparéeparLéo-PaulJacobetNicolasChibaeff,respectivementstagiaireetdiplomate
enrésidenceàlaChaireRaoul-Dandurand.
Divisée en plusieurs conférences et tables rondes, rassemblant des spécialistes en
études stratégiques et en économie politique, cette journée, organisée par l’Institut
d’ÉtudesInternationalesdeMontréalencollaborationaveclaChaireRaoul-Dandurand
etl’Observatoiredel’EurasieduCentred’étudessurl’intégrationetlamondialisation,
avaitpourbutd’analyserlesambitionsinternationalesdelaRussieetdedéterminersi
cettedernièrepossèdelesmoyensdeparveniràsesobjectifs.Voiciquelques-unesdes
conclusionsquiyfurentprésentées.
LaRussieentrelaChinedeXiJinpingetlesÉtats-UnisdeDonaldTrump
Selon Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales, la
Russie occupe une place particulière sur l’échiquier international, dans un triangle
stratégique mouvant avec la Chine et les États-Unis. Si l’on assiste à une montée en
puissance de la Chine, à la stagnation stratégique des États-Unis et au déclin de la
Russie,cettedernièresituationn‘estpaslinéaire,commelemontrentlessuccèsrécents
deMoscoupoursortirdel’isolementdiplomatique,pourprendrel’initiativeenSyrieet
pour tirer parti du désengagement occidental ainsi que de la crise de l’Union
européenne.
La politique étrangère de la Russie révèle principalement trois sortes de
préoccupations:
Tout d’abord, il y a une volonté de Moscou d’augmenter ses capacités de projection
grâce à la reconstitution de son arsenal militaire. L’on peut par exemple évoquer les
capacitésrécemmentacquisesdelaRussiedetirerdesmissilesdecroisièreduterritoire
iranien, de déployer une stratégie pour bloquer les accès aériens et de conduire des
opérations à grande échelle dans le cyberespace. Dans sa quête de prestige, la Russie
entendbienexploiterlesfaiblessesdesunsetdesautres,qu’ils’agissedelaremiseen
questiondusystèmeinternationallibéralsuiteàl’électiondeDonaldTrumpoubiendu
délitementdel’UnioneuropéennequeMoscouanticipe.Àcetégard,laRussiedoitêtre
vue comme étant une puissance alerte et en alerte, à l’affût des erreurs et des
défaillancesdesespairs.
Ensuite, la Russie reste attachée au concept du glacis, perçu comme un élément
essentiel pour la défense de son intégrité territoriale et de sa souveraineté nationale.
Hostileàl’élargissementdel’OTANenEuropedel’Estaprèsl’effondrementdel’Union
soviétique, elle cherche à renforcer ses liens militaires et économiques avec son
voisinage,qu’elleconsidèrecommeétantsasphèred’intérêtsprivilégiés.
Enfin, Moscou mise sur son arsenal nucléaire pour demeurer une pièce maîtresse des
relations internationales et maintenir l’illusion d’un directoire à trois avec Pékin et
Washington.
L’économierussefaceauxsanctionsinternationales
Danssaquêtedustatutdegrandepuissance,laRussiedoitfairefaceàuneéconomieen
berne,dufaitdessanctionsmisesenplaceparlespaysduG7etdel’Unioneuropéenne
suiteàl’annexiondelaCrimée,ainsiquedelachuteduprixdeshydrocarbures.
Dans le but d’analyser l’impact des sanctions sur l’économie russe, cette table ronde
était composée de Nicolas Fresne, vice-président aux Affaires internationales
d’Investissement Québec, de Yann Breault, co-directeur de l’Observatoire sur l’Eurasie
duCEIM,etd’IrvinStudin,professeurvisiteuràl’UQAMetchercheurinvitéàlaChaire
Raoul-Dandurand.
Selon eux, l’impact des sanctions sur l’économie russe est difficile à cerner, mais est
estimé être entre 1 et 5 % du PIB russe. Il faut néanmoins prendre en compte que la
situationéconomiqueenRussiesedégradaitbienavantlessanctionsde2014,alorsque
lepayspeinaitàrelancersonéconomiesurlesmêmesbasesquecellesexistantentre
2000 et 2007, période durant laquelle l’économie russe avait connu une forte
croissance.Deplus,toustroisestimentquelabaisseduprixdesmatièresextractivesa
eu un impact plus important sur l’économie russe que les sanctions imposées suite à
l’annexiondelaCrimée.
Cette table ronde a mis en exergue les efforts de la Russie pour se détacher d’un
système financier international dominé par le dollar américain, au travers d’un
processus de «dé-dollarisation» de son économie. Suite à la crise dessubprimes de
2008,quidémontralavulnérabilitééconomiquedelaRussie,c’estcettemêmevolonté
deconstitueruncontrepoidsaudollaraméricainquil’apousséeàcréerlegroupedes
BRICSaveclaChine,danslequelMoscoun’hésitepasàdénoncerlaplacehégémonique
qu’occupeledollardansleséchangesinternationaux.
L’opérationrusseenSyrie
Jacques Lévesque, professeur émérite à l’UQAM, analysa la récente intervention
militairerusseenSyrieetprésentalaportéedusuccèsdecetteopération.
Moscous’étaitdonnépourobjectifdes’imposeràlatêted’unecoalitioninternationale
visant à combattre l’État islamique tout en maintenant le régime de Bachar el-Assad.
AprèsdestentativeséphémèresderapprochementaveclesÉtats-Unis,laRussieachoisi
de s’imposer comme pièce maîtresse du conflit syrien et seule détentrice de sa
résolution.DansunealliancesansprécédentaveclaTurquieetl’Iran,laRussieaainsi
coopéré avec les forces syriennes de Bachar el-Assad pour la prise d’Alep, sans se
préoccuperdusortréservéauxpopulationsciviles.
L’inactiondespaysoccidentauxaalimentélediscourstriomphalistedeMoscousurlafin
del’hégémonieaméricaineauprofitd’unenouvellebipolaritéopposantlesÉtats-Uniset
sespartenairesdel’OTANàune«grandeEurasie»englobantlaRussieetlaChine.
Il reste toutefois permis de s’interroger sur les suites de l’intervention russe en Syrie.
Malgré son succès momentané, la Russie doit compter avec des ressources
économiques contraintes. Or c’est grâce au redressement de l’économie russe que
Vladimir Poutine avait acquis la confiance de la population lors de ses premiers
mandats.Leprésidentrussepourrait-ilrevenirsansrisquesauxpratiquesdelaRussie,
«puissancepauvre»,enprivilégiantlessuccèsgéopolitiquesquitteàlaissersedégrader
lesconditionsdeviedesesconcitoyens?
L’agendasécuritairedelaRussiedanslecontexted’unmondemultipolaire
Cette dernière table ronde, avec la participation d’Ekaterina Piskunova, chargée de
coursàl’UniversitédeMontréal,deNicolasChibaeff,diplomateenrésidenceàlaChaire
Raoul-Dandurand, et d’Olga Alexeeva, professeure au département d’histoire de
l’UQAM,acomplétécetourd’horizonsurtroisaspectsdelapolitiqueétrangèrerusse.
Ducôtéeuropéen,l’annexiondelaCriméeetlacriseukrainienneontconsacrél’échec
des tentatives de partenariat mises en œuvre avec l’Union européenne comme avec
l’OTANdepuislafindelaguerrefroide.Moscouaainsiabandonné,àpartirdutournant
conservateur du président Poutine en 2012, toute approche européaniste («l’Europe,
maison commune») au profit d’un pivot asiatique. Celui-ci ne sera pas exempt de
difficultés, à en juger par les exposés des spécialistes de l’Asie présentes à la table
ronde: avec le Japon, le contentieux des îles Kouriles risque de demeurer longtemps
une pierre d’achoppement ; la présence chinoise dans l’Extrême Orient russe met en
relief un décalage économique croissant en défaveur de la Russie tandis que Moscou
semblesurestimerl’attractivitédesesoffresdepartenariatauxyeuxdePékin.
Téléchargement