moyenne, 70 à 80 % des patients seront guéris à 2
ans. La mortalité de cette affection est évaluée à 3 %.
Cela suggère une évolution et un pronostic comparable
entre les formes « primitives » et celles survenant sous
IFN.
La physiopathologie de survenue de la sarcoïdose
après traitement par PEG-IFN et ribavirine est mal
connue. L’hypothèse d’un dérèglement immunitaire
avec réaction inflammatoire chronique provoqué par
l’infection par le VHC et exacerbé par IFNaest la plus
vraisemblable. On peut penser que l’infection par le
VHC provoque une stimulation antigénique permettant
à l’IFNade faire développer la maladie chez des
patients génétiquement prédisposés [6]. En effet,
l’infection chronique virale C est associée à plusieurs
pathologies auto-immunes, mais la prévalence de
l’infection virale C ne semble pas plus élevée chez les
patients atteints de sarcoïdose que dans la population
générale [7]. Le très grand nombre de malades por-
teurs du VHC traités ainsi que ce rôle immunostimulant
expliquent probablement que la majorité des sarcoïdo-
ses sous IFN surviennent chez des malades porteurs du
VHC. Cela ne semble pas être le cas en cas d’infection
par le VHB, pour lequel un seul cas de sarcoïdose sous
IFN a été décrit, et où, au contraire, un autre où l’on
constatait une amélioration d’une sarcoïdose préexis-
tante. In vitro, l’IFNaest capable d’activer les lympho-
cytes T et d’entraîner la libération d’IFNcet d’IL2 [8]. Il
est donc possible de penser que l’IFNaest capable
d’induire ou de réactiver la sarcoïdose en provoquant
une réaction immunitaire médiée par les lymphocytes
CD4 Th-1, exacerbée dans cette maladie [9]. En ce qui
concerne la ribavirine, l’utilisation en association ne
permet pas d’être certain de son rôle dans la survenue
d’une sarcoïdose. Cependant, il a été suggéré qu’elle
pouvait majorer une réponse de type Th-1 et supprimer
une réponse de type Th-2, comme l’attestent les taux
des ARN messagers des cytokines impliquées dans les
deux types de réponse [10]. La survenue d’une sarcoï-
dose chez le présent patient sous IFN et ribavirine,
alors qu’il avait reçu à deux reprises de l’IFN seul sans
complication évoque un rôle notable de la ribavirine,
tout comme la forme pégylée de l’IFN, qui entraîne des
taux sanguins plus stables, et augmente ainsi la dose
reçue, suggérant un effet dose de l’interféron.
La présentation clinique de la sarcoïdose était particu-
lièrement sévère chez notre malade sous une forme
polyviscérale avec atteinte de la peau, des ganglions
superficiels, des glandes salivaires et de la moelle
osseuse, sans atteinte pulmonaire. Ensuite, malgré une
amélioration initiale après l’arrêt du traitement antivi-
ral, le patient a rechuté avec atteinte cutanée, glandu-
laire salivaire, ophtalmologique et neurologique péri-
phérique, nécessitant un traitement par corticoïdes et
immunosuppresseurs, sans sevrage possible après un
recul de 2 ans. De plus, la corticodépendance suggère
comme dans d’autres maladies auto-immunes une évo-
lution pour son propre compte du processus auto-
immun une fois déclenché, malgré l’arrêt de l’IFN et
l’éradication du VHC. La seconde particularité de ce
cas est la pancréatite aiguë développée entre les 2
poussées de sarcoïdose et compliquée de diabète
sucré. L’origine n’en étant ni alcoolique, ni biliaire, ni
médicamenteuse directe ou métabolique, une localisa-
tion sarcoïdosique est par conséquent envisageable.
La littérature recense près de 20 cas de pancréatite
sarcoïdosique dont aucune sous IFN ou chez un
malade infecté par le VHC. Elle se complique parfois
de diabète sucré [11] et peut avoir deux origines :
d’une part, inflammatoire, par infiltration granuloma-
teuse du parenchyme, et d’autre part métabolique par
hypercalcémie. La pancréatite aiguë est une complica-
tion rare du traitement par IFN et ribavirine (0,8 % des
malades porteurs d’une hépatite chronique virale C
traités par IFN et ribavirine dans une étude récente
[12]). Dans le cas présent, l’arrêt du traitement depuis
3 mois va contre cette éventualité et favorise l’origine
sarcoïdosique.
Dans le cas présent, la recherche de l’ARN du VHC
dans le sang est restée négative, malgré l’interruption
prématurée du traitement antiviral et l’administration
d’immunosuppresseurs. Cela confirme que les corticoï-
des et les immunosuppresseurs ne semblent pas entraî-
ner de risque supplémentaire de résurgence de la
maladie virale lorsqu’une réponse virologique durable
est obtenue.
En conclusion, l’apparition d’une sarcoïdose n’est pas
exceptionnelle chez les malades traités par interféron
pour une hépatite C. En cas d’apparition de signes
généraux, de symptômes respiratoires, d’adénopa-
thies ou de signes cutanés atypiques, il ne faut pas
hésiter à réaliser les investigations nécessaires afin de
diagnostiquer plus précocement cette affection. La
régression spontanée de la maladie est fréquente, mais
inconstante, après l’arrêt du traitement antiviral, qui
doit être discuté au cas par cas, en fonction de la
sévérité respective de l’hépatite C et de la sarcoïdose.
Références
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sarcoidosis ; report of the subcommittee on classification and definition.
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742).
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sis following interferon therapy for advanced renal cell carcinoma.
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Cas clinique
Hépato-Gastro, vol. 14, n°2, mars-avril 2007
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