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Le ConCoURS méDICAL
tome 136
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n° 5
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MAI 2014
Asthme de l’adulte
La prise en charge de l’asthme de l’adulte
en France est presque un paradoxe : alors
que l’on dispose d’un panel très large de
molécules, de dosages et de dispositifs d’inhala-
tion, la proportion de patients dont le traitement
est adapté (permettant de contrôler les symp-
tômes) est de seulement 40 %(1). À l’inverse, la
baisse continue de la mortalité et des hospitali-
sations pour asthme depuis quinze ans(2) démon-
tre que la prise en charge s’améliore et que ces
traitements sont très efficaces pour l’immense
majorité des asthmatiques. Alors serait-on trop
ambitieux à vouloir à tout prix ce « contrôle op-
timal », tel que toutes les recommandations des
sociétés savantes le définissent ? Certainement
non. Contrôler l’asthme, cela veut dire pour un
asthmatique avoir une activité normale, ne pas
tousser, faire du sport, bien dormir, tout ce qui
contribue à la qualité de vie. Cela veut dire aussi
réduire l’absentéisme professionnel, les visites
aux urgences, les hospitalisations et peut-être
atteindre l’objectif de « zéro mort par asthme ».
Les traitements de l’asthme représentaient en
2010 la quatrième classe de dépenses de rem-
boursement*, pour une pathologie qui touche
6 % de la population adulte. Alors vouloir viser
le contrôle optimal, cela veut-il dire encore aug-
menter la consommation de médicaments ? Pas
forcément. Certes, dans l’étude de l’IRDES, la
proportion de patients non traités (sans traite-
ment de fond par corticoïdes inhalés) parmi les
non-contrôlés était de 25 %, et de 57 % parmi les
partiellement contrôlés**, ce qui signifie qu’une
première étape dans l’amélioration dans la prise
en charge repose, d’une part, sur la promotion
et la reconnaissance de l’éducation thérapeuti-
que pour favoriser l’observance du traitement de
fond et, d’autre part, sur un meilleur diagnostic.
En effet, le sous-diagnostic, notamment chez les
adolescents et les sujets de plus de 50 ans(3), est
fréquent. À l’inverse, au Canada, près de 30 %
des adultes qui se considéraient comme asthma-
tiques n’avaient en réalité pas d’asthme(4). Sou-
lignons que la symptomatologie de l’asthme n’a
rien de spécifique (« tout ce qui siffle n’est pas
de l’asthme ») et qu’une preuve de la variabilité
de l’obstruction bronchique est indispensable au
diagnostic.
Prescrire un traitement de fond, c’est ensuite
intégrer l’extrême variabilité de l’expression de
la maladie dans le temps : la saison pollinique,
les infections virales, les changements hormo-
naux, le stress et les émotions… contribuent à
la majoration transitoire des symptômes. C’est
l’alternance de ces phases d’activité et de phases
plus calmes, voire même de phases de rémission,
qui fait la particularité de l’asthme et constitue
la base de cette prise en charge fondée sur le
contrôle. Le traitement n’est pas prescrit « une
fois pour toutes », il doit suivre l’évolution de
la maladie, renforcé dans les périodes d’activité
mais surtout réduit jusqu’à la dose la plus fai-
ble possible de corticoïdes inhalés pendant les
périodes de calme. Tout comme on surveille la
glycémie d’un diabétique, on doit utiliser un
score de contrôle pour prescrire le traitement
de l’asthmatique. Cette stratégie, qui nécessite
un suivi régulier et du recul sur l’histoire d’un
patient, permet de réduire des prescriptions inu-
tiles, notamment d’associations fixes non justi-
fiées. Les futures recommandations sur la prise
en charge de l’asthme en cours de rédaction par
la Société de pneumologie de langue française
ne diront sans doute pas autre chose. •
L’auteure déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles : essais cliniques pour
les laboratoires GSK, Roche, AstraZeneca, Stallergènes ; activités de conseil ou conférences pour les
laboratoires Novartis, Boehringer Ingelheim, Chiesi, Pierre Fabre, Mundi Pharma, MSD, Takeda, Teva,
et avoir été prise en charge (transport, hôtel, repas), à l’occasion de déplacements pour congrès par
les laboratoires Novartis, GSK et AstraZeneca.
Le contrôle, le contrôle, et encore
le contrôle !
compétence des maladies pulmonaires rares, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, département
hospitalo-universitaire Fire, hôpital Bichat, université Paris-Diderot, Inserm U700, Paris
Le traitement n’est pas prescrit
« une fois pour toutes »
* Medic’am 2008-2010 (Ameli,
régime général - hors sections locales
mutualistes - Métropole).
** Afrite A, et al. L’asthme en
France en 2006 : prévalence,
contrôle et déterminants. IRDES
Janvier 2011, 1820.
1. Demoly P, Annunziata K,
Gubba E, et al. Repeated cross-
sectional survey of patient-reported
asthma control in Europe in the
past 5 years. Eur Respir Rev
2012;21(123):66-74.
2. Tual S, Godard P, Bousquet J,
Annesi-Maesano I. Diminution de
la mortalité par asthme en France.
Rev Mal Respir 2008;25:814–20.
3. Gibson PG, McDonald VM,
Marks GB. Asthma in older adults.
Lancet 2010;376(9743):803-13.
4. Aaron SD, Vandemheen KL, Boulet
LP, et al. Overdiagnosis of asthma in
obese and nonobese adults. CMAJ
2008;179(11):1121-31.
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