Synthèse
Les troubles psychotiques
de la maladie de Parkinson
Psychotic symptoms in Parkinson’s disease
GILLES FÉNELON
Service de neurologie,
Hôpital Henri Mondor, Créteil
Résumé. Environ un tiers des personnes atteintes de maladie de Parkinson (MP) éprouve
des hallucinations. Celles-ci surviennent habituellement de manière discontinue mais chro-
nique, après plusieurs années d’évolution de la maladie. Elles sont le plus souvent visuel-
les, complexes ou mineures, réalisant des sensations de présence, de passage ou des
illusions visuelles. Plus rarement elles sont auditives (environ 10 % des cas) ou tactiles.
L’horaire en est souvent vespéral ou nocturne, la critique des hallucinations peut être
complète, partielle ou absente. Dans ce dernier cas, il existe une altération cognitive et
parfois des symptômes délirants ou des troubles de l’identification associés. Les hallucina-
tions sont favorisées par les traitements antiparkinsoniens mais plusieurs facteurs liés à la
MP ont été mis en évidence, au premier rang desquels la présence de troubles cognitifs. Les
autres facteurs associés comprennent une somnolence diurne, des troubles visuels, une
longue durée de la MP et (ou) un âge de début tardif. La prise en charge consiste à informer
et rassurer, réduire le traitement (antiparkinsoniens et traitements associés), faire un
contrôle ophtalmologique et évaluer la cognition. Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase
peuvent avoir un effet favorable sur les hallucinations. Dans les formes sévères, la cloza-
pine a fait la preuve de son efficacité, mais sa prescription nécessite une surveillance
codifiée.
Mots clés : hallucinations, illusions, délire, maladie de Parkinson, démence
Abstract. About one third of patients with Parkinson’s disease (PD) experience hallucina-
tions, mostly of a complex visual type, less often auditory or tactile. Minor hallucinatory
phenomena, including sense of presence, passage hallucinations and visual illusions are
frequent. Hallucinations primarily occur in a context of clear sensorium in patients with
longstanding PD. They are more frequent in the evening or during the night. Insight in the
hallucinatory nature of the phenomenon may be retained, partial, fluctuating, or abolished.
An altered insight is common when cognitive impairment is present, and may be associated
with delusions and (or) delusional misidentifications. Pharmacological factors such as
dopaminergic treatment clearly trigger or increase the occurence of hallucinations in PD.
However, in the recent years, emphasis has been made on disease-related factors including
cognitive impairment, diurnal somnolence, visual disorders (either contrast and color
discrimination impairment due to PD, or coincident ocular disorders), long duration of PD,
late onset, severe axial impairment and autonomic dysfunction. The pathophysiology of
hallucinations of PD is poorly understood but is likely to be multifactorial. The first steps of
the treatment consist in giving information and reassurance to the patient and his/her
caregiver, re-evaluating the antiparkinsonian treatment and associated medications, and
evaluating the patient for mood disorder, visual impairment, and cognitive impairment.
Cholinesterase inhibitors, when prescribed for associated cognitive impairment, may be
beneficial on hallucinations. In the more severe forms, clozapine has been proved to be safe
and effective.
Key words:hallucinations, illusions, delusions, Parkinson’s disease, dementia
Environ un tiers des patients atteints de maladie
de Parkinson (MP) connaît ce que l’écrivain
François Nourissier appelle « une édition illus-
trée de [sa] vie quotidienne ». Longtemps (et parfois
encore) considérées comme un épiphénomène de la
MP, un simple effet indésirable des médicaments,
l’intérêt pour les hallucinations de la MP a augmenté au
cours des dernières années. En effet, ces manifesta-
tions ont d’abord des implications pratiques. Surve-
nant dans le cours d’un syndrome parkinsonien dégé-
nératif, elles ont d’abord une valeur diagnostique, en
faveur d’une pathologie à corps de Lewy [1]. Ensuite,
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spécial 1) : S17-S24
doi: 10.1684/pnv.2006.0006
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alors que les hallucinations sont habituellement bien
supportées au début, elles finissent par poser des pro-
blèmes difficiles de prise en charge lorsqu’elles se font
plus envahissantes. Cela va généralement de pair avec
un jugement de réalité défaillant et, parfois, la présence
d’autres symptômes psychotiques. Dans certaines étu-
des, l’existence d’hallucinations constitue un facteur
prédictif de l’institutionnalisation [2]. Enfin, les halluci-
nations de la MP ont un grand intérêt pathophysiologi-
que car, si le rôle favorisant des médicaments est indé-
niable, il est encore mal compris et, surtout, les facteurs
liés à la maladie commencent à être mieux connus et
permettent de générer de nouvelles hypothèses sur les
mécanismes sous-jacents.
Historique
L’abord historique [3] a ici un intérêt particulier, car
il peut aider à répondre à une question encore en sus-
pens : des hallucinations peuvent-elles survenir dans
l’histoire naturelle de la MP non traitée ? L’expression
neuropsychiatrique de la MP a été un objet de débat
dès la fin du XIX
e
siècle. Schématiquement, de nom-
breux auteurs, parmi lesquels, en France, Charcot et la
plupart de ses élèves, considéraient que les troubles
mentaux étaient rares et résultaient d’une pathologie
coïncidente ou de l’évolution terminale de la maladie.
Cette position est restée commune jusque vers la moi-
tié du vingtième siècle. Cependant, quelques auteurs,
psychiatres ou aliénistes, avaient tenté d’attirer l’atten-
tion sur la possible survenue de troubles mentaux. En
ce qui concerne les hallucinations, trois situations pou-
vant être associées à leur développement avaient été
bien repérées. La première d’entre elles est la dépres-
sion, décrite dans un célèbre article de Ball, le premier
titulaire de la Chaire de psychiatrie à Sainte-Anne. En
1882, celui-ci publia plusieurs observations de dépres-
sion chez des patients atteints de « paralysie agitante ».
Dans un de ses sept cas, la dépression s’associait à des
hallucinations. L’année suivante, Parant, un aliéniste
toulousain, décrivait en détail le cas d’un homme souf-
frant d’une MP secondairement compliquée d’une
démence accompagnée d’hallucinations sévères, sour-
ces de troubles du comportement. La troisième situa-
tion fut pointée par Régis (1909), qui insista sur les
confusions mentales avec « délire onirique ». Par la
suite, l’interprétation de la littérature précédant l’ère de
la dopathérapie est rendue difficile par l’intrication des
cas de MP et de syndromes parkinsoniens post-
encéphalitiques après la pandémie de 1918. D’autres
raisons rendent difficile l’estimation des hallucinations
au cours de l’histoire naturelle de la MP non traitée :
d’une part, on ne dispose d’aucune étude prospective
sur la question des hallucinations (facteur de sous-
estimation) ; d’autre part, dès la fin du dix-neuvième
siècle, des alcaloïdes de solanées à propriétés anticho-
linergiques ont été utilisés à des fins thérapeutiques
(traitement ayant pu théoriquement favoriser des hallu-
cinations). Malgré ces réserves, on ne trouve pas trace,
dans ces écrits anciens, des syndromes hallucinatoires
actuellement fréquemment rencontrés qui sont faits
d’hallucinations chroniques, récidivantes, habituelle-
ment critiquées, survenant en dehors d’un épisode
confusionnel ou dépressif, et en l’absence de démence.
Il est donc probable que les traitements modernes,
anticholinergiques de synthèse à partir des années
1950 et surtout dopaminergiques à partir des années
1970, ont modifié et favorisé l’expression hallucinatoire
de la maladie.
Évaluation
et difficultés méthodologiques
Les hallucinations ne sont pas objectivables, encore
moins directement quantifiables [4]. L’examinateur est
donc entièrement dépendant de l’interrogatoire des
patients ou, en cas de troubles cognitifs sévères, de
leur entourage. Dans ce dernier cas, on risque de ne
recueillir d’informations que sur les hallucinations les
plus sévères ou (et) celles qui se sont accompagnées
d’un trouble comportemental. Seules les études pros-
pectives sont à prendre en compte, car les hallucina-
tions sont rarement rapportées spontanément : 12 %
dans une série [5]. La plupart des études de prévalence
et de phénoménologie ont utilisé des questionnaires
structurés ou semi-structurés. Les études épidémiolo-
giques et les principaux essais thérapeutiques ont uti-
lisé diverses échelles de symptômes psychiatriques ou
psychotiques, non spécifiques à la MP si l’on excepte
l’imprécise section I des troubles de la pensée de l’Uni-
fied Parkinson’s disease rating scale. Il s’agit en parti-
culier du Neuropsychiatric Inventory (un outil forgé
pour l’étude des troubles psychopathologiques de la
démence), ou encore d’échelles utilisées en psychiatrie
telles que la Scale assessment of positive symptoms,la
Brief psychiatric rating scale et les items positifs de la
Positive and negative syndrome scale. Quelques échel-
les plus spécifiques ont été proposées, mais leur vali-
dation est incomplète et leur utilisation est restée
jusqu’à présent confidentielle.
G. Fénelon
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Prévalence
Le tableau 1 présente le résultat des principales étu-
des prospectives. Les résultats sont assez homogènes,
avec, en particulier, des prévalences d’hallucinations
visuelles qui s’établissent entre 21 % et 27 % dans cinq
études sur six. Les hallucinations auditives sont plus
rares (0 à 12 %) et les hallucinations dans d’autres
modalités sensorielles sont absentes ou non recher-
chées. Lorsque les illusions et les formes « mineures »
d’hallucinations (voir plus loin) sont prises en compte,
la prévalence atteint 40 % [5], et même 50 % dans une
série rétrospective de cas anatomiquement vérifiés [1].
D’une manière générale, la prévalence des hallucina-
tions est plus élevée lorsqu’une démence complique
l’évolution de la MP (environ 70 % dans une étude [5]),
rejoignant les prévalences rapportées au cours des
démences à corps de Lewy.
Phénoménologie
La connaissance de la phénoménologie des halluci-
nations de la MP a bénéficié d’une situation particulière
par rapport à d’autres affections neurodégénératives
telles que la maladie d’Alzheimer ou la démence à
corps de Lewy : certains patients hallucinés ont peu ou
pas de troubles cognitifs et sont donc en mesure de
donner une description précise de leur expérience[5,
14].
Les phénomènes hallucinatoires mineurs
Sous ce terme, nous désignons plusieurs phénomè-
nes fréquemment rapportés au cours de la MP et qui,
isolés, n’ont pas de valeur péjorative. Les hallucina-
tions de présence consistent en une sensation forte de
la présence d’une personne (exceptionnellement un
animal), identifiée ou non. Par exemple, le sujet, en
train de regarder la télévision, ressent la présence d’un
proche à ses côtés. Ou encore, il a l’impression que
quelqu’un se trouve derrière lui. Cette présence n’est
pas « vue », et donc ne s’inscrit pas dans une modalité
sensorielle, ce qui peut l’exclure du champ des halluci-
nations si l’on adopte une définition des hallucinations
telle que celle du glossaire du DSM-IV. Certains auteurs
parlent donc plutôt d’illusion ou de sensation de pré-
sence. Ceci étant, les termes employés par les patients
se réfèrent souvent à l’imagerie (« J’ai vu quelqu’un
derrière moi »), permettant de parler, à la suite de Crit-
chley, d’hallucinations hors champ visuel (extra-
campine hallucinations). Ce type d’hallucinations n’est
pas spécifique de la MP. Il se rencontre par exemple au
cours d’états d’épuisement ou encore après la perte
d’un proche (la présence ressentie est alors celle du
disparu). Si cette dernière situation peut s’observer au
cours de la MP, le plus souvent, la présence est celle
d’un proche vivant ou d’un personnage non identifié.
La sensation de présence peut être très prégnante,
conduisant à des comportements de vérification. La
Tableau 1.Prévalence des hallucinations au cours de la maladie de Parkinson.
Table 1. Prevalence of hallucinations in Parkinson’s disease (prospective studies).
Nombre Prévalence
totale (%)
Hallucinations
visuelles (%)
Hallucinations
auditives (%)
Période étudiée
Sanchez-Ramos et al.,
1996 [6]
214 (a) Questionnaire 25,7 25,7 0 Non précisée
Graham et al., 1997 [7] 129 (a) Questionnaire 24,8 23,2 11,6 Passée / présente
Inzelberg et al., 1998 [8] 121 (a) Questionnaire [37] [37] 8 Passée / présente
Fénelon et al., 2000 [5] 216 (a) Questionnaire 39,8 22,2 9,7 3 mois précédant
l’inclusion
Holroyd et al., 2001 [9] 98 (a) Questionnaire 26,5 2 Semaine précédant
l’inclusion
Bailbé et al., 2002 [10] 152 (b) Questionnaire 23,1 21,2 6 15 jours avant
inclusion
Aarsland et al., 1999 [11] 235 (c) Section I de
l’UPDRS
15,8 Semaine précédant
l’inclusion
Aarsland et al., 1999 [12] 139 (c,d) Neuropsychiatric
inventory (NPI)
26,6 Non précisée
Schrag et al., 2002 [13] 124 (c) Questionnaire [23] Passée / présente
Toutes les études figurant dans ce tableau sont prospectives. a : consultations hospitalières spécialisées dans les mouvements anormaux ; b : consultations hospitalières ou
libérales ; c : étude réalisée dans la population générale ; d : la population de départ est la même que dans l’étude précédente (Aarsland et al., 1999a), mais les patients
survivants ont été de nouveau étudiés quatre ans plus tard.
Troubles psychotiques
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sensation de présence peut être plus diffuse, tel patient
parlant par exemple de son ange gardien.
D’autres patients ont des hallucinations de passage,
sous la forme de sensation fugace du passage d’un
animal à la périphérie du champ visuel. L’animal peut
être identifié précisément (un chien, une souris) ou
non. Enfin, les illusions visuelles sont aussi fréquentes.
Il s’agit là d’un défaut d’interprétation d’un stimulus
visuel réel. Cette transformation se fait habituellement
dans le sens de l’inanimé vers l’animé : une branche
d’arbre est vue en animal, une poussière sur la
moquette en insecte, un caillou sur le chemin en
visage.
Les hallucinations visuelles complexes
et les autres types d’hallucinations
Les hallucinations visuelles complexes constituent
le type le plus fréquent. Elles mettent habituellement
en scène des personnages, familiers ou non, mais il
peut s’agir d’animaux ou d’objets. Les scènes sont sou-
vent assez pauvres, statiques ou, plus souvent, cinéti-
ques, colorées ou non. Les contours sont volontiers un
peu flous. Le contenu hallucinatoire peut être assez
stéréotypé chez un même patient. Chaque épisode
dure quelques secondes à quelques minutes.
Les hallucinations auditives constituent volontiers
la « bande-son » d’une hallucination visuelle, par
exemple bruits de pas ou conversations de personna-
ges immatériels. Des bruits élémentaires, non enten-
dus par le conjoint, sont possibles (sonneries, coup à la
porte, etc.). Des hallucinations musicales sont occa-
sionnellement rapportées mais, dans notre expérience,
sont souvent associées à une surdité qui en constituent
un facteur favorisant classique. En revanche, les hallu-
cinations verbales à tonalité désagréable, ou les com-
mentaires en écho des pensées ou des actions sont très
rares et doivent faire évoquer une dépression sévère
ou un état psychotique chronique associé. Les halluci-
nations tactiles sont possiblement sous-estimées, car
rarement recherchées systématiquement [15]. Il s’agit
souvent de la sensation du passage d’un animal sur la
peau. Ce type d’hallucinations peut être multimodal,
conférant un certain réalisme à la scène. Tel patient, par
exemple, a senti pendant des années des musaraignes
ou d’autres petits animaux lui courir sur les jambes le
soir dans le lit. Soulevant les draps, il lui est souvent
arrivé de voir les animaux. Les hallucinations olfactives
sont exceptionnellement mentionnées.
Caractères généraux des hallucinations
Quel que soit leur type, trois caractères des halluci-
nations doivent être établis : l’horaire, la critique et les
symptômes associés. Les hallucinations peuvent sur-
venir à tout moment de la journée, mais une prédomi-
nance vespérale ou nocturne est habituelle. Lorsque la
survenue est exclusivement nocturne, le diagnostic dif-
férentiel avec des rêves, cauchemars, ou troubles du
comportement associés au sommeil paradoxal, peut
être difficile, surtout si le sujet a des troubles cognitifs.
Chez les patients fluctuants, le lien à l’état moteur est
rarement patent. Des hallucinations survenant préfé-
rentiellement au cours des périodes off ont été rappor-
tées. Il est important d’établir si les patients sont cons-
cients du caractère hallucinatoire des phénomènes. La
critique est la règle chez les patients atteints de MP et
indemnes de troubles cognitifs sévères, mais elle peut
être différée, le patient se laissant initialement prendre
par le réalisme de l’hallucination. Les hallucinations
sont alors généralement bien supportées et vécues
avec un certain détachement : il n’est pas rare que
l’entourage soit plus inquiet que le malade. Cependant,
même lorsque les hallucinations sont critiquées, elles
peuvent l’être de manière ambiguë ou fluctuante, lais-
sant supposer une part résiduelle d’adhésion. Il est
intéressant de noter qu’une même « labilité de la
croyance délirante » (Claude et Ey) ou encore cette
« attitude particulière d’hésitation » (Steck) avaient été
soulignées par d’anciens auteurs à propos des séquel-
les psychiques de l’encéphalite léthargique [3].
Lorsqu’il existe une démence, la critique est partielle
ou absente, et c’est alors que peuvent se développer
des idées délirantes à mécanisme hallucinatoire et (ou)
des troubles du comportement en rapport avec la thé-
matique hallucinatoire. À ce stade, on peut aussi obser-
ver des troubles de l’identification ou de la familiarité :
syndrome de Capgras, paramnésie reduplicative ou
non reconnaissance du caractère virtuel de l’image de
la télévision ou d’un miroir.
Évolution : hallucinations
chroniques et épisodes aigus
La situation la plus fréquente, que nous avons prise
pour type de description, est celle d’hallucinations
chroniques, sans délire ni confusion, sous la forme
d’épisodes brefs dont la fréquence est très variable
mais qui tendent à se répéter. Des études longitudina-
les à long terme ont confirmé le caractère durable du
phénomène chez la plupart des patients, ainsi que
l’augmentation de la prévalence cumulée au fil des ans
[16]. On ne dispose pas, toutefois, d’étude longitudi-
nale à long terme d’une cohorte de patients non sélec-
tionnés. Typiquement, les hallucinations apparaissent
G. Fénelon
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au cours de la deuxième moitié de l’évolution de la MP
[1]. Fait important, lorsque les hallucinations commen-
cent dans les mois suivant l’instauration de la dopathé-
rapie, le diagnostic doit être secondairement révisé
(démence à corps de Lewy, association à une psy-
chose) [17].
Plus rarement, des hallucinations peuvent émailler
un épisode confusionnel aigu, à la suite d’un facteur
déclenchant souvent médicamenteux. Elles régressent
secondairement mais pourraient constituer un facteur
prédictif du développement ultérieur de troubles cogni-
tifs. Enfin, chez des sujets plus jeunes, des hallucina-
tions ou des idées délirantes peuvent survenir sur un
mode aigu, sans confusion associée et en dehors de
toute affection psychiatrique préexistante. Les idées
délirantes sont le plus souvent paranoïdes, avec en
particulier des thèmes de persécution ou de jalousie.
Le traitement dopaminergique peut avoir un rôle favo-
risant. Il faut aussi rechercher une dépression associée.
On peut rapprocher de ces troubles les très rares états
maniaques ou hypomaniaques induits par les traite-
ments dopaminergiques ou la sélégiline. Des antécé-
dents cyclothymiques semblent constituer dans ce cas
un facteur favorisant.
Facteurs cliniques
associés aux hallucinations
Comme d’autres complications, par exemple les
dyskinésies, les hallucinations résultent de la conjonc-
tion de facteurs pharmacologiques et de facteurs liés à
la maladie.
Facteurs pharmacologiques
Les arguments en faveur du rôle des facteurs phar-
macologiques dans la survenue des hallucinations sont
tirés de l’expérience clinique quotidienne : les halluci-
nations peuvent apparaître à l’instauration ou à l’aug-
mentation d’un traitement dopaminergique, et régres-
ser à la diminution ou à l’arrêt de celui-ci. Dans les
essais comparant les traitements au long cours par la
L-Dopa et par des agonistes dopaminergiques, les hal-
lucinations sont plus fréquentes sous agonistes. Ceci
étant, le lien entre traitement dopaminergique et hallu-
cinations est complexe, comme en témoigne l’absence
de relation dose-effet simple entre les doses d’agents
dopaminergiques et le développement d’hallucina-
tions.
Les traitements dopaminergiques sont-ils suffisants
et nécessaires pour qu’apparaissent des hallucinations
au cours de la MP ? Ils ne sont pas suffisants, car
lorsqu’un traitement dopaminergique est donné dans
une indication différente de la MP, les hallucinations
sont beaucoup plus rares. Ainsi, dans une série de
patientes traitées pour un adénome hypophysaire, seu-
lement 1 % d’entre elles ont eu des hallucinations, très
différentes de celles qui sont rencontrées au cours de la
MP. De même, les patients atteints de syndromes dégé-
nératifs sans corps de Lewy (atrophie multisystémati-
sée, paralysie supranucléaire progressive...) qui reçoi-
vent un traitement dopaminergique ne développent
d’hallucinations visuelles que dans moins de 10 % des
cas [1]. Un traitement dopaminergique n’est pas non
plus une condition nécessaire. Comme il a été rapporté
plus haut, l’analyse de la littérature ancienne montre
que des hallucinations pouvaient, dans certaines cir-
constances, survenir en l’absence de tout traitement.
De plus, une étude récente de patients de novo, non
traités, a relevé un taux curieusement élevé (27 %)
d’hallucinations visuelles spontanées [18]. Par ailleurs,
des hallucinations sont fréquentes au cours de la
démence à corps de Lewy (DCL), parfois à un stade
précoce ou en l’absence de traitement dopaminergi-
que. Or, la MP compliquée de démence et la DCL sont
très proches d’un point de vue clinique et neuropatho-
logique.
En résumé, les traitements dopaminergiques sem-
blent avoir été à l’origine d’une augmentation de la
prévalence des hallucinations et d’une modification de
leur phénoménologie. Ils ne constituent cependant pas
une condition suffisante, ni même nécessaire, à leur
développement.
Facteurs liés à la maladie
L’existence de facteurs favorisants liés à la maladie
est maintenant bien établie. Le principal d’entre eux est
l’existence de troubles cognitifs. L’association entre
hallucinations et troubles cognitifs a été montrée en
utilisant des tests cognitifs abrégés, appliqués à un
grand nombre de malades [5-8]. Dans une étude, les
troubles cognitifs constituaient un facteur de risque
indépendant en analyse multivariée [5]. Une étude
clinico-anatomique rétrospective a confirmé cette asso-
ciation [1].
Un lien entre hallucinations et perturbations du
sommeil nocturne est présumé depuis longtemps,
mais encore débattu [16]. En revanche, il existe une
association entre hallucinations et somnolence diurne.
De plus, Arnulf et al. [19] ont montré que, chez des
patients parkinsoniens, des hallucinations diurnes pou-
vaient être associées à des intrusions de sommeil para-
doxal, suggérant un mécanisme voisin de celui des
hallucinations hypnagogiques de la narcolepsie. De
Troubles psychotiques
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