Cellules souches mésenchymateuses et immunotolérance : vers

Revue
Cellules souches mésenchymateuses
et immunotolérance :
vers quelles applications cliniques ?
Mesenchymal stromal cells and immune tolerance:
towards clinical applications?
Danièle Noël
1,2,3
Farida Djouad
2,3,4
Dominique Mrugala
2,3
Carine Bouffi
2,3
Christian Jorgensen
2,3,5
1
Inserm, U844, 34091 Montpellier,
France
2
Université montpellier 1,
UFR de médecine, 34000 Montpellier,
France
3
Unité de thérapie cellulaire et
génique, Hôpital Saint-Eloi,
34295 Montpellier, France
4
Adresse actuelle :
Cartilage Biology and Orthopaedics
Branch, NIH, Bethesda, USA
5
Service d’immuno-rhumatologie,
Hôpital Lapeyronie,
34295 Montpellier, France
Résumé.Les cellules stromales mésenchymateuses multipotentielles, ou cellules
souches mésenchymateuses (CSM), sont isolées principalement de la moelle
osseuse et du tissu adipeux mais elles ont été identifiées dans d’autres tissus tels que
le synovium, le périoste ou le placenta. Elles se caractérisent par leur propriété
d’adhérence au plastique, leur phénotype et leur capacité de différenciation en
trois lignages cellulaires (chondrocytes, ostéoblastes et adipocytes). Plus récem-
ment, ces cellules ont montré leur capacité à échapper à la reconnaissance
immunitaire et à inhiber les réponses immunes. Les CSM peuvent moduler la
fonction de la majorité des populations de cellules immunitaires, incluant les
cellules présentant l’antigène, les cellules T, les cellules B et les cellules natural killer.
Le but de cette revue est de faire le point sur les mécanismes moléculaires, encore
mal connus, qui sont responsables de l’effet immunosuppresseur induit par les
CSM. Enfin, une présentation des données obtenues in vivo dans différents modèles
expérimentaux ainsi que les applications thérapeutiques potentielles sont égale-
ment décrites.
Mots clés : cellule souche mésenchymateuse, immunosuppression, caractérisation
Abstract.Multipotent mesenchymal stromal cells, or mesenchymal stem cells
(MSC), are isolated mainly from bone marrow and adipose tissue but are identified
in other tissues such as synovium, periosteum or placenta. They are characterized
by their property to adhere to plastic, their phenotype and their ability to
differentiate into three lineages (chondrocytes, osteoblasts and adipocytes). More
recently, these cells were shown to escape immune recognition and inhibit immune
responses. MSC may modulate the function of the major immune cell populations,
including antigen-presenting cells, T cells, B cells and natural killer cells. The aim of
this review is to focus on the molecular mechanisms, still poorly understood, which
are responsible of the immunosuppressive effects mediated by the MSC. Finally, the
data obtained from in vivo experimentation in various animal models as well as
potential therapeutic applications will be presented.
Key words: mesenchymal stem cell, immunosuppression, characterization
Tirés à part :
D. Noël
Hématologie 2007 ; 13 (4) : 235-42
Hématologie, vol. 13, n° 4, juillet-août 2007
235
doi: 10.1684/hma.2007.0161
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Définition de la cellule stromale
mésenchymateuse multipotentielle
Les CSM ont tout d’abord été identifiées en 1966 dans le
compartiment stromal de la moelle osseuse [1]. Elles ont été
également isolées de nombreux tissus, en particulier du tissu
adipeux, de la membrane synoviale, du cartilage, du
périoste, du placenta et du sang de cordon [2]. Depuis,
d’autres types de cellules souches adultes possédant un
potentiel de différenciation plus étendu ont été identifiées
dans la moelle osseuse. Il s’agit notamment des cellules
progénitrices adultes multipotentielles (MAPC) et des cellules
multipotentielles inductibles isolées de la moelle adulte
(MIAMI) [3, 4]. Les CSM sont les cellules souches les plus
étudiées et les mieux caractérisées bien que, selon les labora-
toires, différentes méthodes d’isolement, d’amplification et de
caractérisation sont utilisées. Les méthodes d’isolement les
plus couramment utilisées font appel à la culture des cellules
mononucléées de la moelle osseuse sur boîte de culture soit
directement sans lyse des érythrocytes soit après une étape
de centrifugation sur gradient de ficoll. Certaines équipes
procèdent à une sélection positive des CSM à partir de la
moelle totale grâce à l’expression de marqueurs de surface,
tels que STRO-1 ou le nerve growth factor receptor
(NGFR)/CD271 [5, 6]. Ainsi, dans un souci de clarification
de la nomenclature et pour favoriser le développement d’étu-
des comparatives entre laboratoires, la Société Internatio-
nale pour la Thérapie Cellulaire (ISCT) a récemment proposé
une définition de la CSM [7]. La CSM est définie selon trois
critères :
ses propriétés d’adhérence au plastique,
– son phénotype : CD14
-
ou CD11b
-
, CD19
-
ou CD79a
-
,
CD34
-
, CD45
-
, HLA-DR
-
, CD73
+
, CD90
+
, CD105
+
,
sa capacité à se différencier en trois lignages : chondro-
cyte, ostéoblaste et adipocyte.
Par ailleurs, les CSM sont caractérisées par l’expression, ou
l’absence d’expression, de nombreux autres marqueurs de
surface (tableau 1).
Caractéristiques de la cellule
stromale mésenchymateuse
multipotentielle
La capacité de différenciation des CSM en os, cartilage et
tissu adipeux a été décrite et caractérisée dans de nombreux
Tableau 1
Caractérisation phénotypique des cellules stromales mésenchymateuses multipotentielles :
principaux marqueurs utilisés
Nom usuel CD Détection
ALCAM CD166 +
ICAM-1 CD54 +
ICAM-2 CD102 +
ICAM-3 CD50 +
NCAM CD56 +
HCAM CD44 +
VCAM CD106 +
ITG-a1 CD49a +
ITG-a2 CD49b +
ITG-a3 CD49c +
ITG-a4 CD49d -
ITG-a5 CD49e +
ITG-a6 CD49f +
Chaîne CR4aCD11c -
Mac1 CD11b -
Tetraspanne CD9 +
récepteur LPS CD14 -
- CD19 -
- CD34 -
Leucocyte common antigen CD45 -
B7-1/B7-2 CD80/CD86 -
HB-15 CD83 -
Thy-1 CD90 +
Endogline CD105 +
MUC18 CD146 +
BST-1 CD157 +
NGFR CD271 +
- STRO-1 +
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laboratoires [2]. Même si les CSM sont définies par leur
capacité à se différencier vers ces trois lignages cellulaires,
elles possèdent un potentiel de différenciation plus large.
Ainsi, les CSM ont également été décrites pour leur capacité
à se différencier en tendinocytes et ligamentocytes [8]. La
différenciation myogénique des CSM est possible après
culture en présence d’azacytidine pendant 24 heures. Au
bout de 7 jours des myotubes multinucléés sont visibles dans
la boîte de culture [9]. Lorsque les CSM sont traitées à
l’azacytidine, au basic fibroblast growth factor (bFGF) et à
l’amphotéricine, les cellules expriment les marqueurs spécifi-
ques du cardiomyocyte (la desmine, l’a-actine cardiaque, la
chaîne lourde de la myosine et la troponine T cardiaque) et se
mettent à battre spontanément en culture [10]. Elles peuvent
aussi former des cellules neuronales en présence de glial cell
line-derived neurotrophic factor (GDNF) et d’interleukine
(IL)-1bet exprimer les marqueurs caractéristiques des neuro-
nes différenciés tels que la neuron-specific enolase (NSE), la
nestine, la microtubule-associated protein 2A (MAP-2a) et la
tyrosine hydroxylase (TH) [11, 12]. Dans une large majorité
des cas, ces études réalisées sur des populations cellulaires
ne permettent pas de conclure sur la multipotentialité des
CSM. Cependant, quelques données sur la nature et l’état
d’engagement de clones non-immortalisés de CSM sont dis-
ponibles. Ainsi, dans une première étude, seuls 30 % des
clones présentent un potentiel de différenciation vers les trois
lignages (ostéoblaste, chondrocyte et adipocyte), les 70 %
restants ne possédant qu’un potentiel ostéoblastique/
chondrocytaire ou uniquement ostéoblastique [13]. Plus
récemment, une autre étude a montré que 17 % des clones
de CSM ont la capacité à se différencier vers les trois
lignages alors que 60 et 23 % des clones se différencient,
respectivement, vers deux ou un seul lignage [14]. Dans cette
étude, les clones de CSM se différencient non seulement en
chondrocyte, adipocyte et ostéoblaste mais également en
cellules neuronales.
Au-delà des critères définis par l’ISCT, les CSM présentent
d’autres propriétés caractéristiques. Ce sont des cellules de
soutien de l’hématopoïèse en fournissant aussi bien un sup-
port physique aux cellules souches hématopoïétiques (CSH)
que les cytokines nécessaires à leur différenciation [15]. Les
CSM synthétisent de très nombreux facteurs de croissance
tels que le stem cell factor (CSF), l’IL-6, le lymphocyte inhibi-
tory factor (LIF), actifs sur les précurseurs hématopoïétiques
les plus primitifs, ou le granulocyte macrophage-colony stimu-
lating factor (GM-CSF), le G-CSF ou le M-CSF agissant sur les
progéniteurs hématopoïétiques ou la thrombopoïétine active
sur les cellules plus matures. Elles produisent également des
régulateurs négatifs de l’hématopoïèse tels que l’IL-8, le
macrophage inflammatory protein (MIP)-1a,letransforming
growth factor (TGF)-bet des cytokines induisant la synthèse et
la sécrétion d’autres cytokines par les macrophages (au
premier chef, les cytokines pro-inflammatoires IL-1 et tumor
necrosis factor (TNF)-a. En fait, ces cytokines ont souvent des
rôles multiples : elles agissent à différents niveaux de l’héma-
topoïèse, sont à la fois régulateurs négatifs et facteurs de
croissance (TGFb, MIP-1a) selon la cible et actifs sur les
cellules hématopoïétiques mais aussi sur les cellules stroma-
les, dont elles contrôlent la prolifération (M-CSF, IL-6, TGFb,
IL-1, TNFa). D’autres cytokines telles que le fibroblast growth
factor (FGF) basique, produites par les cellules stromales,
sont avant tout des facteurs de croissance mésenchymateux,
encore que des effets sur l’hématopoïèse ont également été
décrits [16].
Les CSM produisent aussi des molécules d’adhésion qui sont
des médiateurs impliqués dans le contrôle de l’hématopoïèse
par le stroma : elles peuvent être membranaires ou extracellu-
laires. Les molécules d’adhésion membranaires sont de diffé-
rents types. Il peut s’agir de cytokines liées soit directement à
la membrane telles que l’isoforme transmembranaire du SCF,
soit à des molécules membranaires, tel que le sulfate d’hépa-
rane liant l’IL-3 et le GM-CSF. Il peut également s’agir de
molécules d’adhésion membranaires proprement dites
appartenant à la classe des intégrines (a1b1, a5b1),àla
superfamille des immunoglobulines (ICAM-1, VCAM-1,
HCA) ou du CD44, ligand de l’acide hyaluronique, ou
d’autres molécules de la matrice extracellulaire (MEC). Par
ailleurs, les cellules stromales synthétisent et assemblent de
nombreuses molécules de la MEC : fibronectines, laminines,
collagènes, tenascines, glycosaminoglycanes. Les molécules
de la MEC donnent à la couche adhérente une architecture
permettant l’ancrage des CSH et servent de réservoir pour un
grand nombre de cytokines (SCF, IL-3, GM-CSF, M-CSF,
TGFb, bFGF, MIP-1a).
Les CSM sont identifiées par leur potentiel clonogénique
déterminé par le test des Fibroblast colony forming units
(CFU-F). Ces CFU-F cultivées à partir de prélèvements de
moelle osseuse ont une fréquence moyenne d’une cellule
pour 10
4
-10
5
cellules mononucléées [17, 18]. Le pourcen-
tage de cellules mononucléées de la moelle capables de
former des CFU-F diminue avec l’âge du donneur [19]. De
plus, comme pour la majorité des cellules souches adultes,
chaque division cellulaire des CSM est accompagnée d’un
raccourcissement des télomères qui atteignent avec l’âge une
taille critique au-delà de laquelle surviennent des anomalies
de la division.
Enfin, plus récemment, ces cellules ont montré leur capacité à
échapper à la reconnaissance immunitaire et à inhiber les
réponses immunes.
Immunotolérance in vitro
Réaction lymphocytaire mixte
La réaction lymphocytaire mixte ou MLR, basée sur la prolifé-
ration de lymphocytes T allogéniques, est le test le plus utilisé
pour mettre en évidence l’effet immunosuppresseur des CSM.
Ce test consiste à mettre en présence des cellules répondeu-
ses (lymphocytes T) et des cellules stimulatrices (cellules
présentatrices d’antigènes telles que les cellules dendritiques
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(DC) et les macrophages). Ces cellules peuvent être purifiées
ou présentes au sein de populations cellulaires mixtes telles
que les splénocytes ou les cellules mononucléées du sang
périphérique. En réponse à l’activation par les cellules stimu-
latrices, les cellules répondeuses secrètent de l’IL-2, de l’IFN-c
et prolifèrent. La prolifération cellulaire est détectée par des
mesures d’incorporation de
3
H thymidine ou de quantifica-
tion du nombre de cellules viables par mesure de l’ATP
(directement proportionnel au nombre de cellules) au bout de
3-4 jours de culture. L’addition de CSM dans la MLR permet
de mettre en évidence leur effet sur la prolifération des
cellules répondeuses.
Inhibition de la réponse immunitaire
Les CSM inhibent la prolifération des lymphocytes T induite
par des antigènes allogéniques (MLR), des mitogènes (phyto-
hémagglutinine ou concavaline A) ou des anticorps anti-CD3
ou CD28. Les CSM inhibent la prolifération de toutes les
sous-populations lymphocytaires T : CD3
+
,CD4
+
ou CD8
+
.
Elles expriment de base uniquement les molécules du com-
plexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I mais les
molécules de classe II peuvent être induites après stimulation
par l’IFN-c[20-22]. L’augmentation de l’expression des molé-
cules CMH de classe II par l’IFN-cne semble pas stimuler une
réponse proliférative [20, 21, 23] mais ces données sont
controversées [24, 25]. Le rôle immunomodulateur des CSM
est indépendant de la présence de ces molécules et des CSM
qui expriment ces deux types d’antigènes ou qui en sont
dépourvues, sont tout aussi capables d’inhiber l’activation et
la prolifération des lymphocytes T [23, 26]. Plusieurs études
ont montré que l’effet immunosuppresseur des CSM franchit
la barrière d’espèce puisque des CSM humaines ou murines
peuvent supprimer la réponse prolifératrice de lymphocytes T
allo- ou xénogéniques [27].
L’effet suppresseur des CSM est dose-dépendant, diminuant
avec des quantités décroissantes de CSM dans la MLR mais
une faible concentration de CSM aurait un effet stimulateur
de la prolifération des cellules T [23, 28]. La suppression de
la réponse immunitaire est liée à la présence d’un facteur
soluble, sécrété par les CSM après leur stimulation par des
lymphocytes. Il semble que l’IL-1bsécrété par les cellules
CD14
+
et/ou l’IFN-cproduit par les lymphocytes T activés ou
les cellules NK sont responsables de l’activation des CSM
[20, 29]. L’identité du facteur soluble produit par les CSM
stimulées ainsi que le mécanisme d’action de ces cellules sont
encore l’objet de controverses.
Outre les lymphocytes T, les CSM inhibent la prolifération des
lymphocytes B, stimulés par l’addition d’un mitogène [30]. Le
rôle inhibiteur des CSM sur la prolifération des lymphocytes B
a été confirmé après avoir ajouté dans le milieu de culture de
l’IL-4 et des anticorps anti-CD40 [31]. En outre, une étude
récente montre que la prolifération des cellules B est inhibée
au travers de l’arrêt des cellules au stade G0/G1 du cycle
cellulaire [32].
Les natural killers (NK) et les lymphocytes T cytotoxiques (CTL)
CD8
+
sont des cellules effectrices possédant des propriétés
cytotoxiques importantes pour l’élimination des cellules trans-
formées ou infectées. Les lymphocytes T cytotoxiques (CTL)
CD8
+
sont activés après interaction avec les peptides présen-
tés par les molécules du CMH de classe I. Les CSM semblent
insensibles à la lyse des CTL mais sont capables de supprimer
la cytotoxicité des CTL de manière dose dépendante
lorsqu’elles sont présentes au moment du priming des CTL
dans la MLR [33, 34]. Les cellules NK sont constitutivement
cytotoxiques contre les cellules qui n’expriment pas les molécu-
les du CMH de classe I ou lorsque celles-ci ne croisent pas avec
les récepteurs killer de type immunoglobuline (KIR) des cellules
NK. Bien que les CSM ne soient pas lysées par les cellules NK
non activées [34]
, elles inhibent la production d’IFN-cpar des
cellules NK stimulées par l’IL-2 [35] et sont sensibles à la lyse
par des cellules NK activées en IL-2 [36, 37].
Enfin, les CSM modulent la fonction des cellules présentatri-
ces d’antigènes en inhibant l’augmentation des molécules de
costimulation, telles que CD1a, CD40, CD80, CD86 et
HLA-DR lors de la maturation des cellules dendritiques (voir
plus loin, Mécanismes d’action des CSM) [38, 39].
Facteurs solubles sécrétés par les CSM
Parmi les facteurs solubles présentant des propriétés immuno-
suppressives, le TGF-bet l’hepatocyte growth factor (HGF)
ont été largement étudiés. Bien que des résultats contradictoi-
res aient été rapportés dans la littérature, liés probablement
aux différents types de cellules répondeuses et de mitogènes
utilisés, il semble que le TGF-bseul n’ait aucun rôle inhibiteur
mais il pourrait agir en synergie avec l’HGF [40]. Un rôle
possible d’autres cytokines telles que l’IL-10 ou l’IL-6 a égale-
ment été décrit [40]. L’IL-6 est sécrétée à des taux élevés par
les CSM après leur stimulation dans une MLR (Djouad et al.,
manuscrit en correction) et l’addition d’anticorps recombi-
nants restore partiellement la prolifération lymphocytaire
[38, 39].
La prostaglandine E2 (PGE
2
) joue un rôle dans de nombreu-
ses fonctions immunitaires, incluant l’activation des lympho-
cytes B et l’induction de cellules T régulatrices. Les CSM
expriment les deux isoformes de la cyclooxygénase, COX-1
et COX-2, responsable de la synthèse de PGE
2.
Il en résulte
une production constitutive de PGE
2
qui peut être inhibée par
l’indométhacine. L’inhibition de la synthèse de PGE
2
restore
partiellement la prolifération de cellules T en présence de
CSM d’origine humaine ou murine [35], suggérant un rôle
probable mais pas essentiel de cette molécule.
Mécanismes d’action des CSM
Plusieurs mécanismes d’action des CSM ont été proposés.
Induction d’une activité IDO
L’indoléamine 2,3-dioxygénase (IDO), induite par l’IFN-c,
catalyse la conversion du tryptophane en kynurénine, provo-
quant d’une part, la déplétion du milieu extracellulaire en cet
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acide aminé essentiel pour la prolifération lymphocytaire et
d’autre part, l’accumulation de composés de dégradation de
la kynurénine, toxiques pour les cellules. Une première étude
a montré que cette enzyme est exprimée par les CSM et
qu’elle est fonctionnelle après activation par l’IFN-c[41]. Des
études plus récentes apportent des données contradictoires.
Ainsi, selon la nature des CSM ou les tests fonctionnels
utilisés, l’implication d’une activité IDO est proposée ou
exclue [21, 42, 43]. Toutefois, un rôle partiel mais probable
de l’IDO est suggéré par une majorité des études.
Induction de l’anergie des lymphocytes T
En réponse à une stimulation antigénique, les lymphocytes T
naïfs sont activés par un premier signal (interaction entre le
récepteur des cellules T et les molécules de CMH présentant
l’antigène) et un deuxième signal de co-stimulation (interac-
tion entre le récepteur CD28 et les molécules B7). En
l’absence de signal de co-stimulation, le lymphocyte T devient
anergique, c’est-à-dire qu’il ne peut pas proliférer ni sécréter
de l’IL-2 en réponse à la stimulation antigénique. L’anergie
peut cependant être levée par addition d’IL-2 exogène. Les
CSM n’exprimant pas de molécules de co-stimulation (CD40,
CD80, CD86) pourraient induire l’anergie des lymphocytes T
[44, 45]. Toutefois, Glennie et al. ont montré qu’après retrait
des CSM, la production d’IFN-cmais pas la prolifération des
lymphocytes T est restaurée et ce, même après addition d’IL-2
[30]. En fait, ces auteurs suggèrent un blocage de la prolifé-
ration des lymphocytes T aux stades G
0
/G
1
du cycle
cellulaire.
Induction de l’apoptose des lymphocytes T
Un mécanisme possible d’inhibition de la prolifération lym-
phocytaire pourrait être l’induction de la mort cellulaire par
apoptose. Ainsi, récemment, Plumas et al. ont montré que les
CSM inhibent la prolifération cellulaire en induisant l’apop-
tose des lymphocytes T activés [46]. Dans leurs conditions,
l’apoptose est associée à la présence d’une activité IDO.
Plusieurs études, cependant, contredisent ces résultats [21,
44, 45].
Induction de cellules T régulatrices
Les cellules T régulatrices jouent un rôle fondamental dans la
suppression des réponses immunes, notamment dans le cas
des pathologies auto-immunes. Il a été montré que les CSM
augmentent le nombre de cellules T régulatrices
CD4
+
/CD25
+
dans une MLR [35, 47] alors qu’une autre
étude montre que la déplétion en cellules CD4
+
/CD25
+
avant stimulation antigénique n’a aucun effet sur la suppres-
sion induite par les CSM [48]. Dans un autre modèle, notre
équipe a montré que l’inhibition de la prolifération de spléno-
cytes induite par des cellules allogéniques est liée à une
population de cellules T régulatrices CD8
+
[27]. La diver-
gence entre ces données de la littérature suggère que les
CSM puissent contribuer à l’expansion d’une population de
cellules T régulatrices sans induire une nouvelle population
régulatrice à partir de cellules T naïves.
Action sur les cellules présentatrices d’antigènes
Les CSM inhibent la génération de DC matures à partir des
monocytes ou des cellules progénitrices de la moelle osseuse
et elles peuvent induire la réversion du phénotype des DC
vers un stade moins mature en diminuant l’expression des
molécules du CMH de classe II et de co-stimulation (CD40,
CD80, CD86) [38, 39]. Ces DC possèdent une capacité
réduite à stimuler la prolifération lymphocytaire dans une
MLR et dans ces conditions, une diminution de la production
des cytokines pro-inflammatoires IFN-c,TNF-a, IL-2 est égale-
ment observée. Un des mécanismes d’action des CSM serait
donc d’orienter la maturation des DC vers un phénotype
suppresseur afin d’atténuer la réponse des cellules T.
L’ensemble des données récentes de la littérature suggère
donc qu’après activation par des cytokines telles que l’IFN-c
et l’IL-1b, les CSM exercent leur effet immunosuppresseur en
sécrétant des facteurs solubles (cytokines, PGE
2
)(figure 1).
Ceux-ci orienteraient les DC vers un phénotype suppresseur
responsable de la diminution de la prolifération lymphocy-
taire T probablement associée à la génération de cellules T
régulatrices. Néanmoins, ces mécanismes ne sont que par-
tiellement responsables de l’immunomodulation des CSM
puisque ces cellules peuvent agir indépendamment de la
présence des DC. L’activité IDO pourrait également jouer un
rôle partiel dans l’effet suppresseur des CSM.
Immunosuppression in vivo
Les capacités immunosuppressives des CSM ont également
été évaluées dans des modèles animaux. Bartholomew et al.
ont été parmi les premiers à montrer que l’injection intravei-
neuse de CSM prolonge la survie d’une greffe de peau
allogénique chez des babouins [49]. Ultérieurement, notre
équipe a montré d’une part, que des CSM allogéniques ne
sont pas rejetées après implantation chez une souris immuno-
compétente et d’autre part, que l’injection systémique de
CSM permet la prolifération de cellules tumorales allogéni-
ques, selon un mécanisme certainement très proche d’une
allogreffe [27]. Plus récemment, Zappia et al. ont rapporté
l’intérêt des CSM dans le modèle murin de la sclérose en
plaques, l’encéphalomyélite auto-immune expérimentale
(EAE) [45]. Les CSM diminuent les signes cliniques attribués à
la démyélinisation (ataxie, paralysie d’un ou plusieurs mem-
bres) lorsqu’elles sont injectées avant ou au moment de
l’apparition des symptômes. Par contre, aucun effet thérapeu-
tique n’est observé quand l’injection a lieu après stabilisation
de la maladie. Une autre équipe a montré que l’injection de
CSM autologues ou allogéniques chez le primate, associée à
une greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH), per-
met une récupération hématopoïétique plus rapide selon un
effet dose-dépendant [50]. Cependant, deux études récentes
viennent tempérer ces résultats. Dans un premier modèle de
greffe allogénique de CSH chez la souris, les auteurs
montrent que si les CSM du receveur améliorent la greffe à
long terme, quand les CSM proviennent du donneur,
Hématologie, vol. 13, n° 4, juillet-août 2007
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