[11] ont mis en évidence que la phase de rappel libre
engendre moins d’intrusions que la phase de rappel
indicé chez les patients atteints de la maladie d’Alzhei-
mer. Cette étude suggère donc que les intrusions pro-
duites sont de nature différente en fonction de la condi-
tion du rappel. Des corrélations étroites ont été mises
en évidence entre intrusions en rappel libre et hypomé-
tabolisme au niveau du cortex préfrontal droit et de la
formation hippocampique gauche. La production
d’intrusion en rappel indicé, quant à elle, est liée aux
dysfonctionnements du cortex entorhinal gauche.
Les fausses reconnaissances apparaissent quand
les sujets pensent, de façon incorrecte, avoir encodé
préalablement un mot nouveau ou un nouvel événe-
ment. Ces dernières renvoient donc à la reconnais-
sance d’items non étudiés. Plusieurs paradigmes expé-
rimentaux nous permettent d’observer ces différentes
distorsions mnésiques, mais le plus utilisé reste la pro-
cédure DRM. Ce paradigme original développé par
Deese [12], revu et modifié par Roediger et McDermott
[13], a permis de montrer que l’on peut prévoir l’occur-
rence de faux souvenirs lors d’une épreuve de rappel
libre et d’une épreuve de reconnaissance. Dans cette
expérience, les sujets sains sont soumis à l’apprentis-
sage de listes de mots sémantiquement associés (par
exemple pour une des listes : lit, repos, éveillé, fatigue,
rêve, sommeiller, réveil, couverture, somnoler, couché,
ronflement, sieste) tous liés à un seul mot (l’item criti-
que : dormir) qui n’est jamais présenté. L’item critique
peut donc être défini comme un mot très fortement
associé au thème sémantique de la liste, mais qui n’en
fait pas partie. Les auteurs découvrent ainsi que certai-
nes listes amènent souvent les sujets à citer l’item
critique lors de la tâche de rappel libre immédiat et à
créer de nombreuses fausses reconnaissances sur ces
items en tâche de reconnaissance. La tâche de recon-
naissance est également accompagnée du paradigme
R/K(«Jemesouviens » ou « remember » / « Je sais »
ou « know »). Née d’une proposition de Tulving [14] et
développée ultérieurement par Gardiner et al. [15, 16],
cette procédure permet d’appréhender l’expérience
phénoménologique des sujets lors de fausses recon-
naissances. Par une approche de nature introspective,
ces auteurs demandent directement aux sujets de don-
ner une indication qualitative sur la nature des opéra-
tions mentales effectuées au moment de la reconnais-
sance de l’item. Ainsi, les sujets classent les items
reconnus en réponse « Je me souviens », lorsque la
reconnaissance est accompagnée du souvenir cons-
cient de la représentation élaborée au moment de
l’encodage (par exemple une image mentale ou une
association d’idée) ; et en réponse « Je sais » lorsque la
reconnaissance est effectuée sur la base d’un senti-
ment de familiarité, en dehors de tout accès conscient à
l’information relative au contexte d’apprentissage. Tul-
ving [14] associe la notion « Je me souviens » à celle de
conscience autonoétique, qui renvoie à la capacité d’un
sujet de se souvenir d’un événement passé en voya-
geant mentalement dans le temps, afin de revivre cet
événement particulier. La conscience autonoétique est
donc étroitement liée au système de mémoire épisodi-
que. À l’opposé, la notion « Je sais » est associée à
l’état de conscience noétique qui reflète une cons-
cience abstraite et décontextualisée du passé, et qui est
liée au système de mémoire sémantique. Les résultats
obtenus par Roediger et McDermott [13] montrent que
les faux souvenirs, c’est-à-dire la restitution d’items
critiques, sont associés à des jugements « Je me sou-
viens ». Pour ces auteurs, ces faux souvenirs sont donc
basés sur un sentiment de certitude et de reviviscence
erroné du contexte d’apprentissage, soit une erreur de
mémoire de la source.
Les fausses reconnaissances s’expliquent principa-
lement par deux théories. Selon l’hypothèse de « la
réponse associative implicite » d’Underwood [17], il y
aurait une propagation de l’activation entre les items
appartenant à une même catégorie sémantique. Les
faux souvenirs résulteraient ainsi d’une confusion de la
source d’apprentissage entre l’information générée
personnellement par le sujet, qui réalise une associa-
tion avec l’item critique, et l’information externe réelle.
La théorie de « la confusion de la trace » de Reyna et
Brainerd [18] propose quant à elle, que l’encodage d’un
mot nécessite de mémoriser son idée générale (gist
information) et sa spécificité (verbatim information).
L’apprentissage d’une liste de mots engendrerait la
création de faux souvenirs dès lors qu’il y a perte de la
spécificité des mots au profit de la prépondérance de
l’idée générale.
Depuis quelques années, nous assistons à un
regain d’intérêt de la neuropsychologie cognitive pour
l’émergence de faux souvenirs chez les sujets âgés et
dans la maladie d’Alzheimer. De nombreuses études
inspirées du paradigme DRM s’interrogent actuelle-
ment sur l’étiologie et sur les différents mécanismes
sous-jacents aux phénomènes de fausse mémoire.
Notre objectif est donc de dresser un bilan des différen-
tes études menées sur les faux souvenirs ces dernières
années, en précisant plus spécifiquement les influen-
ces du vieillissement normal et de la maladie d’Alzhei-
mer sur la création de faux souvenirs, tels que les
fausses reconnaissances. Nous essaierons également
A. Guyard, P. Piolino
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 2, juin 2006130
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