Les prions - anne decoster

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- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 1 -
LES "AGENTS" TRANSMISSIBLES NON CONVENTIONNELS (ATNC)
Cette dénomination s'applique à deux types d’agents transmissibles qui ne sont ni des bactéries, ni des virus :
- les viroïdes = information génétique sans protéine
- les prions = protéine sans information génétique ?
I - LES VIROÏDES
À ce jour, les viroïdes n'ont été observés que dans le règne végétal.
Un viroïde est un ARN monocaténaire circularisé de taille infime (200 à 400 nucléotides). L'appariement d'une
grande partie des nucléotides donne aux viroïdes l'apparence d'un ARN bicaténaire, compacté en bâtonnet.
L'ARN ne code aucune protéine. C'est dans le noyau de la cellule infectée que se situe la réplication des
viroïdes, effectuée par l'ARN polymérase cellulaire.
En perturbant la production des ARN-messagers et le fonctionnement des ribosomes, les viroïdes entraînent
d'importants désordres dans le métabolisme cellulaire.
Le premier viroïde, isolé en 1967, cause la maladie des tubercules fusiformes de la pomme de terre. Les
tubercules sont allongés, noueux et leur surface est sillonnée de profondes crevasses, ce qui les rend
impropres à la consommation.
De nombreuses espèces végétales sont infectées par des viroïdes; les dégâts qu'ils causent sont surtout
considérables dans les pays chauds.
les viroïdes sont essentiellement transmis par contact, en particulier par les instruments de culture.
structure d'un viroïde
le rectangle de la région centrale correspond à une
séquence retrouvée chez tous les viroïdes
L e vi r u s d e l ' h é p a t i t e d e l t a ( v o i r a u s s i l e c o u r s s u r l e s v i r u s d e s h é p a t i t e s )
Le virus de l'hépatite delta (VHD), spécifique de l'homme, est le seul membre du genre Deltavirus.
Le VHD est un virus défectif, car il ne peut se multiplier qu'en présence du virus de l'hépatite B dont il "emprunte"
l'enveloppe.
Le génome du VHD est apparenté à celui des viroïdes :
c'est un ARN circulaire − (taille = 1,7 kb) compacté en bâtonnet, association d'un segment ressemblant à
celui des viroïdes avec un unique gène codant une protéine1 : l'antigène delta. (Ag δ).
L'antigène δ dirige la réplication, la morphogenèse et la libération des nouveaux virus.
L'ARN-polymérase cellulaire synthétise l'ARN-m de l'Ag δ. et réplique le génome. Le complexe ARN − / Ag δ quitte
le noyau et acquiert l'enveloppe du VHB au niveau du réticulum endoplasmique.
1
Le VHD est le seul virus dont le génome est un ARN circulaire.
- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 2 L'infection par le VHD dépend de l'infection par le VHB : cette double infection peut résulter soit d'une coinfection (les deux virus pénètrent en même temps) ou de la surinfection d'un porteur chronique du VHB par
le VHD. Elle touche surtout les toxicomanes.
→ le VHD potentialise les effets pathogènes du VHB.
La recherche de l'antigène δ et des anticorps anti-δ (IgM et IgG) sont les examens les plus utiles pour
reconnaître une infection.
Le VHD étant recouvert par l'enveloppe du VHB, la vaccination contre l'hépatite B protège également de
l'hépatite D.
II – L E S P R I O N S , A G E N T S D E S E S S T
Les prions sont les agents transmissibles non conventionnels responsables des encéphalopathies
spongiformes subaiguës transmissibles (ESST)
A – DEFINITION DES ESST
ESST - l'abréviation résume les points communs de ces maladies :
Encéphalopathie
Spongiforme
Subaiguë
Transmissible
la cible principale est le cerveau
le cerveau s'altère et prend l'aspect d'une éponge
l'évolution de la maladie est intermédiaire entre l'état
aigu et l'état chronique
d'un individu infecté à un individu sain
Les ESST sont des maladies neurodégénératives caractérisées par une longue période d'incubation
asymptomatique (parfois de plus de 40 ans chez l'homme) suivie par une maladie neurologique d'évolution
subaiguë, létale chez 100 % des sujets en quelques semaines à quelques mois.
l'incubation est généralement égale à la moitié de l'espérance de vie de l'espèce considérée.
Une ESST est caractérisée par :
1. une déperdition neuronale liée à la mort des neurones.
1
2. une spongiose : par suite de l'apparition de vacuoles dans le cytoplasme des neurones et les prolongements
dendritiques.
la vacuolisation des neurones infectés (absence de coloration) donne au tissu cérébral un aspect d'éponge
3. une gliose : prolifération d'autres cellules (hyperastrocytose).
4. la présence, inconstante, de « plaques » de formes variées.
De façon surprenante, on n'observe pas :
1. de production d'interféron
2. ni de réaction inflammatoire d'où le terme d'encéphalopathie et non d'encéphalite (comme l'encéphalite herpétique)
3. ni de réaction immunitaire (l'absence d'anticorps spécifiques de l'agent infectieux empêche le diagnostic sérologique).
il ne doit donc pas s'agir de virus
L'agent infectieux se "multiplie" pourtant d'abord dans le système immunitaire puis dans le système nerveux central, très
longtemps avant l'apparition des signes cliniques.
Toutes les ESST sont transmissibles : dans la même espèce et chez certains animaux de laboratoire, en
particulier la souris.
1
voir le petit lexique neurologique en fin du document
- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 3 -
B - CLASSIFICATION DES ESST
− les ESST animales
• la tremblante du mouton ou scrapie
1730
• l'encéphalopathie transmissible du vison
1947
• l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)
1986
c'est la maladie des « vaches folles ».
− les ESST humaines
• la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ)
1920
• la maladie de Gertsmann-Sträussler-Sheinker (GSS)
1936
• le kuru
1957
• l'insomnie fatale familiale (IFF)
1986
• la nouvelle variante de MCJ (nv-MCJ)
1994
C - HISTOIRE DES ENCÉPHALOPATHIES SPONGIFORMES TRANSMISSIBLES
1°- La tremblante du mouton - XVII è m e siècle
Cette maladie est bien connue des vétérinaires puisqu'elle sévit en Europe − au moins depuis 1730 − à l'état endémique.
Elle affecte maintenant les cinq continents.
En 1990, l'incidence de la tremblante était estimée à 1 mouton sur 100 en Angleterre où l'on compte environ 40 millions de
moutons.
endémique (en = sur, demos = peuple) : qui sévit en permanence.
En Angleterre, on l'appelle la scrapie (to scrape = se gratter) : les signes cliniques de la maladie étant le tremblement et le
prurit intense.
Dès 1936, deux vétérinaires français de l'école de Toulouse ont montré le caractère infectieux de la maladie. Ils
inoculent, par voie intra-oculaire, un broyat de cerveau d'un mouton malade à deux moutons sains. Ces derniers
développent la maladie en tous points identique à la tremblante, après 20 mois d'incubation.
L'agent infectieux est présent dans le cerveau, mais aussi dans la rate et dans le placenta.
→ Comment se transmet la tremblante ?
Le placenta expulsé par les brebis est mangé par les autres moutons.
longtemps une infectiosité significative.
L'herbage et le sol contaminé conservent
En 1938, les mêmes auteurs démontrent expérimentalement la transmissibilité de la
tremblante du mouton à la chèvre.
Il n'existe pas d'argument épidémiologique pour penser que l'agent de la tremblante du mouton soit pathogène
pour l'homme.
2°- L'encéphalopathie spongiforme du vison - USA, 1947
Elle est due à l'alimentation de ces animaux en élevage par des carcasses de ruminants atteints d'ESST
(tremblante ou encéphalite spongiforme bovine).
Certains cas suggèrent en effet la transmission d'une ESB qui n'aurait pas été diagnostiquée chez les bovins.
La maladie du vison se maintient dans les élevages du fait du cannibalisme : les visons consommant leurs
congénères morts.
- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 4 -
3°- Le kuru - 1957
Un médecin australien de la Santé publique, nommé en Nouvelle-Guinée, Vincent Zigas, chargé de la santé des tribus du
nord-est de l'île (qui vivent encore à l'âge de pierre), constate une maladie curieuse : elle atteint spécifiquement une tribu,
les Fores, qui compte environ 15 000 membres, et qui appelle cette maladie le « kuru », ce qui signifie « trembler de
peur ».
La maladie atteint surtout les femmes et les enfants et se manifeste par des tremblements de la tête, du
tronc et des membres, des signes d’ataxie cérébelleuse (trouble de la coordination du mouvement volontaire),
d’où une démarche chancelante. Les symptômes s’amplifient progressivement. Des signes de démence
apparaissent. Le malade devient incapable de se mouvoir. En 3 à 6 mois, la mort est constante, liée aux
complications infectieuses du décubitus (le sujet devenant grabataire et incontinent).
L'analyse de cerveaux révèle une spongiose constituée de multiples vacuoles et une déperdition neuronale importante.
Pour l'anatomopathologiste, la seule autre maladie conduisant à des anomalies de ce type lui paraît être la maladie de
Creutzfeldt-Jakob. Il note la présence fréquente de plaques amyloïdes dans le cortex.
4°- Le kuru et la tremblante du mouton - 1959
À la fin de l'année 1957, Zigas et Gajdusek publient un article résumant ce qu'ils ont appris de cette maladie
obscure...
L'origine du kuru : (selon Gajdusek)
cette maladie étant inconnue avant 1930, un cas de MCJ sporadique est apparu dans la tribu
des Fore. La pratique du cannibalisme rituel des morts en a favorisé la dissémination de
famille en famille, créant ainsi une nouvelle maladie.
En 1959, un vétérinaire américain, William Hadlow, lit cet article et écrit au Lancet, pour attirer l’attention sur la
parenté clinique et neuropathologique entre le kuru et la tremblante du mouton.
Hadlow termine sa lettre en suggérant d’inoculer du cerveau de sujets décédés du kuru à des singes et d’attendre
longtemps pour voir si cette maladie est transmissible comme la tremblante.
Ce qu'entreprend Gajdusek en 1963. Il démontre que le kuru est transmissible au chimpanzé : on retrouve
chez l'animal les lésions du kuru 20 mois après l’inoculation intracérébrale.
Le kuru est donc une maladie infectieuse, liée au cannibalisme familial pratiqué par les Fore : le corps du défunt sert de
nourriture rituelle aux membres de la famille qui recueillent ainsi les vertus de leur parent.
Pour préparer le repas, les femmes doivent dépecer le défunt. Tandis que les hommes et les adolescents mangent les
muscles, symbole de force, les femmes et les enfants mangent les « abats » dont le cerveau, cuit à la vapeur...
Les femmes et les enfants se contaminent surtout par la voie cutanéo-muqueuse lors du dépeçage du défunt : muqueuses
nasales et oculaires ou via les abrasions de la peau et aussi, peut-être, par la voie orale.
Depuis l'interdiction du cannibalisme en 1957, la maladie a presque disparu.
Les très rares cas actuels font suite à des contaminations survenues il y a plus de 40 ans.
Gajdusek a obtenu le Prix Nobel de Médecine en 1976.
L'incubation de la maladie est variable : de 4 à 40 ans.
L’agent infectieux ne peut être isolé...
5°- La maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ)
La maladie porte le nom des deux neurologues allemands qui l'on décrite en 1920.
La maladie de Creutzfeldt-Jakob est la plus fréquente des encéphalopathies spongiformes transmissibles
humaines.
En 1968, Gajdusek réussit la transmission de la MCJ au chimpanzé : un an après l’inoculation intracérébrale,
on retrouve chez l'animal les lésions caractéristiques.
L’agent infectieux ne peut être isolé...
- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 5 -
On décrit trois formes de MCJ :
1.la forme sporadique : 90 % des cas
De cause inconnue, c'est la forme la plus fréquente.
La répartition de cette forme est mondiale. L'incidence est de :
1 cas par 1.000.000 d'habitants et par an (60 cas annuels en France).
Elle touche également les deux sexes.
L'âge du début de la maladie se situe habituellement entre 55 et 75 ans (extrêmes : 16-83).
La durée totale de la maladie ne dépasse pas un an dans 90 % des cas (extrêmes : 1 à 30 mois).
2.la forme familiale : 5 à 6% des cas
D’origine génétique, ces formes familiales se transmettent d'une façon autosomale dominante.
L'âge du début de la maladie se situe entre 34 et 54 ans.
Ni la forme sporadique, ni la forme familiale ne paraissent liées à une quelconque influence
extérieure.
3.la forme infectieuse : 4 à 5% des cas
Elle est d'origine iatrogénique (provoquée par un acte médical)
La période de latence varie de 18 mois à 28 ans.
Sur environ 100 cas décrits, 90 % sont dus à un traitement par l'hormone de croissance extraite
d'hypophyses ou à une greffe de dure-mère ; les 10 % restants sont attribués à des interventions
diverses : greffes de cornée, interventions neurochirurgicales ou explorations avec du matériel
contaminé.
6°- La maladie de Gertsmann-Straüssler- Sheinker (GSS)
Décrite en 1936, c'est une ESST génétiquement transmise, dont moins de 100 cas ont été publiés, appartenant à une
vingtaine de familles.
L'âge moyen de début de la maladie est de 48 ans (extrêmes : 20 et 66 ans).
La durée totale de la maladie est en moyenne de 5 ans (extrêmes : 1 à 11 ans).
7°- L'insomnie fatale familiale (IFF)
Décrite en 1986, c'est une ESST génétiquement transmise, dont moins de 100 cas ont été publiés, appartenant à six
familles.
L'âge moyen de début de la maladie est de 49 ans (extrêmes : 25 et 62 ans).
La durée totale de la maladie est en moyenne d'un an (extrêmes : 7 à 32 mois).
Les trois formes de MCJ, GSS et IFF peuvent être transmises horizontalement.
La forme familiale de MCJ, GSS et IFF sont des maladies génétiques causées par une mutation dominante.
Ces maladies sont aussi des maladies infectieuses : l'inoculation d'un broyat de cerveau à un animal sensible
entraîne une encéphalopathie spongiforme.
8° - La tremblante et l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)
Angleterre, novembre 1986...
Une nouvelle maladie, baptisée rapidement par les médias "maladie des vaches folles", apparaît
soudainement dans les élevages de vaches laitières (en moyenne 1 élevage sur 2). Elle frappe les vaches
âgées de plus de 5 ans. La mort survient 1 à 6 mois après le début des premiers symptômes, assez proches
de ceux de la tremblante du mouton.
En 1988, un vétérinaire anglais découvre l'origine de cette épidémie soudaine : les farines de viande et d'os –
les FVO, ajoutées à l'alimentation (à raison d'environ 8 %) pour accroître le rendement en lait.
Leur préparation a été modifiée en 1981-1982 :
•
le recyclage industriel des carcasses d’animaux abattus par les fermiers ou refusées par les services vétérinaires des
abattoirs, fournit des protéines et des graisses (le suif).
- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 6 •
le suif étant moins demandé, on a supprimé l'extraction des lipides par l'hexane et un traitement par la vapeur d'eau à
120° C éliminant les traces de solvant. La température de cuisson moins intense (80-90° C) ne suffit plus pour inactiver
l'agent de l'ESB.
Les animaux malades sont abattus et recyclés, ce qui amplifie progressivement la charge infectieuse des
farines... La souche est particulièrement apte à l’infection par voie orale puisque 1 gramme de cerveau de
vache atteint d'ESB suffit à contaminer un veau per os.
Cette épidémie représente pour l'Angleterre un véritable désastre : jusque juin 2000, on y a recensé 180.000 bovins atteints
(soit 99 % des cas d'ESB en Europe…), contre 1300 cas sur le continent européen (dont 95 en France, sur un cheptel
d'environ 21 millions de bovins). Après la loi interdisant l'utilisation des FVO en Angleterre (juillet 1988), l'incidence de la
maladie a rapidement décliné (8000 cas en 1996, 2300 cas en 1999, 300 cas fin juin 2001).
L'ESB est transmissible à de nombreuses espèces animales par diverses voies parentérales : intracérébrale,
intraveineuse, intrapéritonéale et orale.
9°- ESB et nv-MCJ
Depuis 1996, en Angleterre, on a décrit plus de 100 cas de MCJ atypique (nouvelle variante de MCJ ou nvMCJ)
La maladie atteint des sujets jeunes (en moyenne : 29 ans). Les premiers symptômes sont inhabituels : troubles
psychiatriques (dépression). Les lésions caractéristiques des ESST sont associées à la présence de plaques amyloïdes
souvent entourées d'une couronne de vacuoles donnant un aspect de fleurs : les plaques "florides" (déjà rencontrées
dans le kuru). La durée de la maladie est en moyenne de 14 mois.
L'agent infectieux extrait des cerveaux possède, dans tous les cas, les mêmes caractéristiques que la "souche"
responsable de l'ESB. Ces cas sont à ajouter à la forme infectieuse de la MCJ.
D - ÉTIOLOGIE DES ESST : DES ATNC AUX PRIONS…
Jusqu’à présent il a été impossible d’isoler les agents responsables des encéphalopathies spongiformes
transmissibles, qu'elles soient animales ou humaines.
- i l s r e s s e m b l e n t à d e s vir u s :
• ils sont spécifiques d’une espèce
• ils sont filtrables : leur taille est estimée entre 15 à 40 nm (à titre de comparaison, la taille des picornavirus est de
25 nm).
• ils sont titrables (on peut calculer les doses infectieuses).
• ils peuvent "muter" (on peut distinguer des "souches").
• ils ressemblent aux virus lents : infection progressive et incubation très longue (analogie avec le virus de la rougeole
et la PESS − panencéphalite sclérosante subaiguë).
- mais n'en ont pas toutes les caractéristiques :
• ils échappent à toute observation en microscopie électronique.
• ils ne suscitent ni production d’interféron, ni réaction inflammatoire, ni réponse immunitaire chez leur hôte.
• les procédés d'inactivation habituellement efficaces sur des virus − la chaleur, les ultraviolets, les radiations
ionisantes et les nucléases − ne parviennent pas à réduire le pouvoir infectieux des cerveaux contaminés, ce qui
laisse à penser que "l'agent" responsable est dépourvu d'acide nucléique.
En revanche, l'agent est sensible à certains procédés drastiques qui dégradent les protéines : urée, soude, eau de
Javel.
La stérilisation
Les traitements capables de stériliser le matériel pouvant être contaminé sont :
- le traitement par la soude 1 N (1 h à 20° C)
- l'hypochlorite de sodium (eau de Javel) à 6° chlorométriques (1 h à 20° C).
- l'autoclavage à 136° C (30 minutes)
- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 7 -
Prusiner : Protéine, PrP et Prion
À partir de 1978, un neurologue américain, Stanley Prusiner1, entreprend d'isoler l'agent de la tremblante qu'il inocule au
11
hamster. Après plusieurs années de travail, il obtient une fraction hautement infectieuse contenant 10 doses létales par
gramme : 1 g de cette fraction pourrait donc tuer 100 milliards de hamsters…
Le constituant majeur (95 %) de cette fraction est une protéine qui possède une forte tendance à l'agrégation et qui résiste
aux protéases − ce qui suggère une structure compacte. Prusiner l'appelle PrP.
P r P → P rotease- r esistant P rotein
Cette protéine doit être le support unique du pouvoir infectieux. Prusiner appelle cette protéine, le prion ( Proteic virion)
Mais d'où vient cette protéine ?
La séquence d'une extrémité de la PrP est déchiffrée, ce qui permet de synthétiser une sonde d'ADN.
Surprise ! la sonde révèle qu’un gène du hamster code une PrP.
Un gène cellulaire code une PrP et il s'exprime chez le hamster normal : la PrP est une glycoprotéine de
membrane, présente à la surface de nombreuses cellules, mais tout particulièrement à la surface des neurones.
PrP cellulaire et PrP infectieuse
la PrP cellulaire normale est totalement dégradée par les protéases : on l'appelle la PrPC
la PrP infectieuse résiste partiellement à l'action des protéases : on l'appelle la PrPRES
a - La PrPC, forme normale de la PrP
La PrPC est une glycoprotéine de surface synthétisée par presque toutes les cellules.
neurones du SNC qu'on observe les plus hauts niveaux de production.
C'est dans les
Chez l'homme, le gène PRPN (N pour normale) qui code la PrPC est situé sur le bras court du chromosome 20.
La protéine native de 254 acides aminés est remaniée au cours des modifications post-transcriptionnelles :
Le peptide signal (22 aa) est éliminé, la PrP-c est glycosylée, un pont disulfure est créé. Enfin, l'extrémité C terminale de
la protéine native est amputée d'une séquence hydrophobe (23 aa) qui est remplacée par un résidu glyco-phosphatidylinositol (GPI) qui permet d'ancrer la protéine dans la membrane cytoplasmique.
Le turn-over de la PrPC membranaire est rapide : elle est endocytée et catabolisée par les lysosomes (sa demi-vie n'est
que de cinq heures). Sa fonction est encore hypothétique (elle interviendrait dans la transmission synaptique).
b - La PrPRES, forme anormale de la PrP
La PrPRES est la forme pathologique de la PrP : on ne la retrouve que dans le cerveau des personnes ou des
animaux atteints d'encéphalopathies spongiformes transmissibles.
La seule différence entre PrPC et PrPRES est une différence de conformation de la protéine.
la PrPRES possède davantage de feuillets plissés β que la PrPC
La PrPRES possède de ce fait des propriétés physico-chimiques particulières, notamment l'agrégabilité, et la
résistance à l'action des protéases.
1
Prix Nobel de Médecine en 1997
- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 8 -
Les maladies à prion seraient ainsi la conséquence de l'accumulation de la protéine PrPRES :
1 - l'infectiosité de la PrPRES serait liée à son aptitude à transconformer les molécules de PrPC de l'hôte en
l'isoforme PrPRES :
(1)
(2)
(1) une molécule de PrPRES se lie à une molécule de PrPC et lui imprime sa conformation.
(2) une fois séparés, les deux monomères pourront interagir avec d'autres molécules de PrPC.
2 - la conversion progressive en PrPRES est responsable de l'effet pathogène : la PrPRES s'accumule dans
les neurones, car elle ne peut être dégradée par les protéases cellulaires.
PHYSIOPATHOLOGIE DE l'ATTEINTE DU SNC
Le rôle de la PrP cellulaire
La PrP cellulaire est indispensable à la "multiplication" de la forme infectieuse :
C
• des souris knock-out pour le gène codant la PrP sont réfractaires aux prions infectieux.
C
• la présence de la PrP explique l'absence de réponse immunitaire : ces souris inoculées avec la protéine infectieuse
produisent des anticorps (la PrP ne faisant plus partie du « soi » et devenant un antigène).
Cycle de "multiplication" de la PrP infectieuse 1
Dans le cas d'une infection par voie orale, la longue période cliniquement asymptomatique est une phase
active de réplication de l'agent infectieux :
• il se réplique d'abord dans le système immunitaire (amygdales, plaques de Peyer, ganglions, rate) : les cibles
cellulaires sont les lymphocytes B qui vont assurer le transport vers les follicules lymphoïdes secondaires.
• dans les formations lymphoïdes secondaires, les cellules dendritiques folliculaires sont le site de réplication privilégié.
• à partir des fibres nerveuses des organes lymphoïdes, la PrP infectieuse migre vers le système nerveux central où la
"multiplication" devient quasiment exponentielle.
• la colonisation du système nerveux central est détectable à partir du début de la seconde moitié de la phase asymptomatique.
RES
• dans les neurones, la "multiplication" a pour conséquence l'accumulation de la PrP sous forme de PrP
anormale dérive de la forme normale PrPC endocytée par la cellule pour son recyclage.
: cette forme
RES
n'est pas digérée par les protéases cellulaires et s'accumule dans des vacuoles. Quand les vacuoles
•la PrP
RES
fusionnent, elles conduisent à la spongiose optiquement visible : le neurone meurt et libère la PrP .
1
"multiplication " est à mettre entre guillemets, car la PrPRES ne se multiplie pas à proprement parler : sa présence modifie
la PrP cellulaire en PrPRES.
- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 9 -
La PrPRES libérée
se fixe aux neurones non infectés, ce qui induit leur apoptose
active les astrocytes, ce qui induit la gliose et une libération de cytokines capables de léser des neurones.
ATNC
transconformation de la PrPC en PrPRES
accumulation de la PrPRES dans la cellule infectée
Vacuolisation
spongiose
mort neuronale liée à l'accumulation de PrPRES
Présence extracellulaire de PrPRES
mort neuronale
par apoptose
Vacuolisation cérébrale
activation des astrocytes :
gliose
cytokines
c - Encéphalopathies et origine de la PrPRES
En ce qui concerne la maladie de Creutzfeldt-Jakob on peut décrire trois formes, qui sont toutes
transmissibles :
RES
forme
:
Origine de la PrP
sporadique
90 %
familiale
5%
- une mutation somatique
- une conversion spontanée
- une mutation germinale
infectieuse
rare
- une contamination par une PrPRES
Schématisation des différentes formes de transmission de la protéine :
PrPC
PrPRES
- JC Lemahieu et A. Decoster, ATNC, FLM, p. 10 -
- dans les formes sporadiques
Dans les formes sporadiques, l'origine de la transformation n'est pas connue : il peut s'agir de l'apparition d'une mutation
somatique ou d'un changement conformationnel spontané . La protéine anormale imprime sa conformation aux
protéines normales qui amplifient à leur tour cet événement initial
- dans les formes héréditaires
Les formes héréditaires sont liées à une mutation du gène PRPN (on a décrit une vingtaine de mutations ponctuelles). Le
remplacement d'un acide aminé favorise la conversion spontanée de la forme normale en une forme anormale
qui
devient à son tour capable d'imprimer sa conformation aux protéines normales .
- dans la forme infectieuse
RES
Dans la forme infectieuse, la protéine PrP
est introduite dans l'organisme :
− par inoculation cérébrale directe :
greffe de dure-mère ou de cornée provenant d'une MCJ ; examens ou chirurgie avec des instruments contaminés.
− par injection d'hormones hypophysaires extractives :
en particulier l'hormone de croissance extraite à partir d'hypophyses prélevées sur des cadavres (remplacée depuis
1988 par une hormone produite par génie génétique).
− par la voie orale :
c'est le cas du kuru et de la nv-MCJ.
RES
Dans tous les cas, la protéine PrP
en PrPRES
inoculée ou ingérée transconforme progressivement la protéine normale PrPC du patient
Pour en savoir plus :
www.inra.fr/Internet/Produits/dpend/vchfol00.htm (le plus intéressant).
site de la mission "environnement et société" de l'INRA consacré à l'ESB
www.afssa.fr
textes de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments remis aux Pouvoirs publics.
www.centre-info-viande.asso.fr
site du Centre d'Information des Viandes (CIV), qui a réalisé un remarquable dossier Santé sur les encéphalopathies
spongiformes des ruminants.
- JC Lemahieu et A. Decoster, FLM, annexe ATNC -
Petit lexique neurologique
Le système nerveux est formé de deux principaux
types de cellules : les neurones (10 % des cellules) et
la névroglie (90 % des cellules).
n é vr o g l i e
spongiose
(glia = glu, colle)
syn : cellules gliales, glie.
Aspect de vacuolisation de la substance grise ou de la
substance blanche cérébrale.
cellules du système nerveux assumant les fonctions du
tissu conjonctif.
Les bulles de spongiose affectent essentiellement les
prolongements neuronaux, à distance ou non des
synapses.
La névroglie du système nerveux central comprend :
•
les astrocytes
•
les oligodendrocytes
•
les cellules microgliales
•
les cellules épendymaires
Les cellules gliales présentent toutes des prolongements
qui s'intriquent avec ceux des neurones.
a s t r o c yt e s
(aster = étoile)
En microscopie électronique, elles sont intracellulaires,
sans membrane définie.
Dans les maladies à prions : c'est la lésion la plus
caractéristique : apparition de bulles entre les corps
cellulaires.
La spongiose peut survenir dans d'autres maladies : maladie
d'Alzheimer, encéphalopathies du sida, encéphalopathies
hépatiques…
gliose
cellules gliales en forme d'étoile, qui soutiennent les
neurones dans le cerveau et la moelle épinière et qui les
attachent aux vaisseaux sanguins.
prolifération pathologique de la névroglie, processus
schématiquement équivalent à la fibrose.
Les astrocytes sont riches en filaments intermédiaires de
type II constitués d'une protéine particulière : la protéine
fibrillaire acide gliale (GFAP).
Dans les maladies à prions : la réaction gliale et surtout
constituée d'une hyperastrocytose que l'on peut révéler
par le marqueur des astrocytes, la GFAP (mise en
évidence par immunohistochimie).
o l i g o d e n d r o c yt e s
(oligos = peu, dendron = ramification)
p l a q u e s a m ylo ï d e s
cellules gliales qui supportent les neurones et produisent
une gaine de myéline phospholipidique autour des axones
des neurones du système nerveux central.
la substance amyloïde est une substance extracellulaire
résistante aux protéases, qui présente une structure en
feuillets β.
Ces plaques ne sont pas constantes (MCJ : ±, IFF : −).
Les plaques amyloïdes observées au cours des maladies
à prions sont très spécifiques. Leurs multiples formes
ont permis d'identifier certaines variantes de la maladie :
plaques unicentriques (kuru), plaques multicentriques
(GSS), plaques florides (nv-MCJ).
Les prolongements sont moins nombreux et plus courts
que ceux des astrocytes
cellules microgliales
syn : microglie
petites cellules possédant très peu de prolongements : ce
sont les monocytes (donc des phagocytes) du tissu
nerveux central, habituellement stationnaires mais
capables de migrer vers des tissus nerveux lésés.
c e l l u l e s é p e n d ym a i r e s
(ependyma = vêtement de dessus)
syn : épendymocyte
cellules gliales dont le pôle apical est muni de cils, qui
tapissent les ventricules cérébraux et qui règlent les
échanges LCR ↔ cerveau.
Lésions du système nerveux central dans les
maladies à prions :
la triade lésionnelle classique :
•
perte neuronale
•
spongiose
•
gliose astrocytaire
n'est ni totalement spécifique, ni constante.
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