revue générale Virus respiratoires émergents : virus du Sras et virus

revue générale
Virus respiratoires émergents : virus du Sras
et virus influenza A/H5N1 hautement pathogène
A. Goffard
M. Lazrek
C. Schanen
P.-E. Lobert
L. Bocket
A. Dewilde
D. Hober
Service de virologie, UPRES-EA3610,
CHRU Lille, Faculté de Médecine,
Université Lille 2,
Bâtiment P. Boulanger, Lille
Article reçu le 27 janvier 2006,
accepté le 20 mars 2006
Résumé.Cette synthèse a pour but de faire le point des connaissances concer-
nant le virus du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) et le virus A/H5N1
hautement pathogène. En cas de suspicion d’infection par SARS-CoV, les
recherches virologiques sont réalisées à partir d’une aspiration rhino-
pharyngée, d’une expectoration, d’un écouvillonnage de gorge ou d’un liquide
de lavage broncho-alvéolaire (LBA) mais aussi des selles, des urines voire du
sérum d’un patient venant d’une région où le virus du Sras aurait réémergé (ou
travaillant dans un laboratoire étudiant le virus du Sras). L’isolement du virus
sur culture cellulaire ou l’extraction de l’ARN viral en vue d’une RT-PCR
doivent être réalisés dans un laboratoire de niveau de confinement BSL3 (Bio-
safety level 3). Une RT-PCR spécifique du virus du Sras permet le diagnostic
virologique. En raison de la moindre sensibilité de la RT-PCR spécifique du
Sras, l’analyse des échantillons cliniques doit être répétée pendant plusieurs
jours. La prise en charge d’échantillons biologiques pour une suspicion
d’infection par le virus A/H5N1 hautement pathogène (tableau clinique de
grippe chez une personne revenant d’une région où circule le virus A/H5N1),
respecte la même procédure. En effet, le diagnostic virologique repose sur la
mise en évidence du virus ou de son ARN génomique. Les échantillons biolo-
giques permettant le diagnostic sont des prélèvements respiratoires, des selles,
du sérum ou du liquide céphalorachidien (LCR). L’isolement du virus sur
culture cellulaire doit être réalisé dans un laboratoire de niveau de confinement
BSL3. Pour la recherche de l’ARN génomique, l’extraction de l’ARN doit, elle
aussi, être réalisée dans un laboratoire de niveau de confinement BSL3. Une
RT-PCR en temps réel ciblant un fragment du gène de l’hémagglutinine H5
permet un diagnostic spécifique de la grippe A/H5N1. Ces procédures sont
actuellement en place dans les laboratoires de virologie afin de diagnostiquer
les éventuels premiers cas de grippe à virus A/H5N1 ou la réémergence du
virus du Sras.
Mots clés :grippe aviaire, A/H5N1, SARS-CoV, Sras, virus émergent
Abstract.Two viral agents with RNA genome are responsible for emerging
illnesses: influenza virus A/H5N1 and Severe Acute Respiratory Syndrome
virus (SARS). For the diagnosis of SARS virus infection, an epidemiological
investigation is necessary to know whether the patient has been exposed to a
risk in a country where the SARS virus is circulating or whether the patient had
worked in a laboratory handling SARS virus. The detection of SARS virus is
possible in various clinical samples (including urine) by viral culture or
RT-PCR. The handling of those samples and RNA extraction must be perfor-
med in a BSL3 laboratory. The SARS virus RT-PCR is poorly sensitive, there-
fore the test should be performed on samples collected consecutively for seve-
ral days. In front of a suspicion of A/H5N1, similar procedures are
recommended. An epidemiologic investigation is necessary to specify whether
the patient stayed in a country where A/H5N1 virus was circulating. Clinical
Tirés à part : D. Hober
abc
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samples needed for a specific diagnosis are: nasopharyngeal, throat-swab or
fecal samples, cerebrospinal fluid and blood. The presence of A/H5N1 virus is
confirmed by viral isolation or RNA detection by RT-PCR. RNA extraction
must be performed in a BSL3 laboratory. For diagnosis of A/H5N1 virus
infection, RT-PCR test amplifies specifically a fragment of H5 gene (Hemag-
glutinin). In french laboratories of medical virology, procedures are ready to
diagnose the first case of A/H5N1 virus infection and cases of reemerging
SARS virus infection.
Key words:avian flu, A/H5N1, SARS-CoV, SARS, emerging virus
La notion de virus émergent est difficile à définir. En effet,
les « nouveaux virus » peuvent être associés à d’anciennes
maladies (exemple du virus HHV6 récemment identifié
comme étant l’agent responsable de la roséole) et les
« nouvelles maladies virales » peuvent être dues à
d’anciens virus (exemple de l’identification des virus des
hépatites qui ont permis de définir la notion d’hépatite
virale). Le développement des méthodes de diagnostic
(notamment des outils moléculaires) et des réseaux de
surveillance des maladies a permis la mise en évidence de
virus que l’on peut qualifier de « nouvellement identifiés »
qui ne sont pas, pour autant, de nouveaux virus. On peut
ainsi parler de virus « d’évolution nouvelle » : il s’agit de
virus descendant de virus existants qui ont acquis une
virulence plus importante grâce à différents mécanismes
de mutations ou de réassortiments génétiques (comme les
virus grippaux par exemple). Il peut aussi s’agir de virus
existants dans des conditions écologiques qui ont été
modifiées favorisant les contacts entre des animaux ou des
insectes porteurs de virus pathogènes et l’homme (exem-
ple du virus de la fièvre jaune) ou favorisant la transmis-
sion interhumaine. Au moins trois mécanismes d’émer-
gence peuvent être proposés : évolution d’un nouveau
variant viral, passage d’un virus existant à une autre
espèce (franchissement de la barrière d’espèce) ou dissé-
mination large d’un virus auparavant confiné à un petit
groupe de population. Les épidémies d’infections respira-
toires ayant eu lieu ces dernières années permettent
d’illustrer deux de ces points : l’épidémie d’infection à
virus influenza A/H5N1 hautement pathogène est actuelle-
ment une épizootie et on redoute le passage direct d’un
virus aviaire, le virus A/H5N1, chez l’homme et l’épidé-
mie de Sras était due soit à un virus animal transmis à
l’homme dont le réservoir n’a pour le moment pas été
identifié soit à l’acquisition d’un pouvoir pathogène par un
coronavirus humain non pathogène jusque-là et donc
inconnu. Dans cette synthèse, nous ferons le point des
connaissances actuelles sur le virus du Sras et le virus
A/H5N1 hautement pathogène.
Le virus du Sras (SARS-CoV)
Le Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) est la pre-
mière maladie grave et transmissible à émerger au XXI
e
siècle. L’épidémie qui a démarré en Chine fin 2002, s’est
propagée au niveau mondial courant 2003 touchant plus
de 8 000 personnes et faisant plus de 800 victimes (pour
en savoir plus, http://www.invs.fr). Grâce à la mobilisation
internationale motivée par l’alerte lancée par l’OMS en
mars 2003, l’épidémie a pu être endiguée par des mesures
d’isolement et de mise en quarantaine. La mobilisation
des services de santé, de surveillance et des scientifiques a
permis l’identification rapide de l’agent causal du Sras, un
coronavirus totalement inconnu.
Caractéristiques des coronavirus
Les coronavirus sont des virus enveloppés à ARN simple
brin de polarité positive appartenant à la famille des Coro-
naviridae, au genre des coronavirus [1]. En microscopie
électronique, les particules virales présentent des protubé-
rances de surface leur donnant un aspect « en couronne »
(corona, en latin) qui a servi à la dénomination de ces
virus. La classification des virus au sein de la famille des
coronavirus est basée à la fois sur les réactions sérologi-
ques et sur les résultats des analyses des séquences géno-
miques. La famille des Coronaviridae est divisée en trois
groupes : les groupes 1 et 2 comprennent les virus infec-
tant des mammifères alors que le groupe 3 est constitué de
virus exclusivement aviaires. Dans le groupe 1, on trouve
le coronavirus canin, le virus de la péritonite infectieuse
féline, le virus de la gastroentérite transmissible du porc,
le virus respiratoire porcin et le coronavirus humain
229E ; dans le groupe 2, le coronavirus bovin, le virus des
hépatites murines, le virus de la silodacryonite du rat et le
coronavirus humain OC43. Enfin, dans le groupe 3, on
trouve le virus de la bronchite infectieuse aviaire et le
coronavirus du dindon. Le coronavirus associé au Sras
(SARS-CoV) semble être le premier virus de cette famille
à provoquer systématiquement une maladie grave chez
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l’homme. En avril 2003, le séquençage du génome du
coronavirus associé au Sras a été achevé. Les caractéristi-
ques génomiques de ce virus montrent que le SARS-CoV
n’appartient à aucun des groupes connus de coronavirus et
qu’il présente très peu d’homologies de séquences avec
les deux coronavirus humains, HCoV-OC43 et HCoV-
229E. Il a donc été proposé que ce nouveau virus définisse
un quatrième lignage de coronavirus, le groupe 4 [2]. Les
données du séquençage du génome montrent que ce virus
n’est ni un mutant d’un coronavirus connu, ni un recombi-
nant entre des coronavirus connus.
La structure des coronavirus et celle du SARS-CoV ne
sont pas encore parfaitement connues. Les coronavirus
sont des virus sphériques enveloppés dont la nucléocap-
side serait icosaédrique [3]. Leur génome est constitué
d’un ARN linéaire simple brin de polarité positive qui
code 7 à 10 protéines virales. Certaines protéines virales
sont bien caractérisées. Ainsi, la protéine N s’associe à
l’ARN viral pour former la ribonucléoprotéine (figure 1).
Les protéines S et E sont présentes à la surface de la
particule virale sous la forme de spicules qui assurent les
fonctions de récepteurs viraux. La protéine E est une
petite protéine d’enveloppe. La protéine S forme des tri-
mères qui reconnaissent les acides sialiques à la surface
des cellules de l’arbre respiratoire et confère des proprié-
tés hémagglutinantes au virus. Au cours d’une infection à
coronavirus, les anticorps développés contre la protéine S
sont neutralisants. La protéine M constitue la capside de la
particule virale. Elle tapisse l’intérieur de l’enveloppe et
est en contact avec la protéine S, d’une part, et la ribonu-
cléoprotéine, d’autre part. Certaines souches virales pré-
sentent une protéine HE au niveau de leur enveloppe
virale. Cette protéine aurait des fonctions de type estérasi-
que. Enfin, une protéine non-structurale a été caractéri-
sée : la réplicase qui présente des homologies de séquen-
ces avec la famille des protéases et des ARN polymérases
ARN dépendantes. La réplicase est probablement clivée
en différentes enzymes nécessaires à la réplication au
cours du cycle viral.
La structure du SARS-CoV est encore moins bien connue.
Le séquençage du génome viral confirme l’appartenance
du virus à la famille des coronavirus. Le gène de la répli-
case est bien présent ainsi que ceux des protéines de struc-
ture S, E, M et N. Le gène de la protéine HE est absent.
Par ailleurs, une dizaine de cadres de lecture ouverts sup-
plémentaires sont présents qui ne présentent pas d’homo-
logies avec les séquences des protéines des autres corona-
virus connus.
Variabilité des coronavirus
Comme tous les virus à ARN, les coronavirus sont doués
d’une grande capacité de mutations. En effet, les ARN
polymérases ne possèdent pas d’activité correctrice
d’erreurs ce qui rend possible l’intégration de nombreuses
mutations dans le génome viral au cours de la réplication.
Par ailleurs, les coronavirus sont capables de nombreuses
recombinaisons entre des coronavirus différents. Les
mécanismes de ces recombinaisons ne sont pas clairement
définis mais les coronavirus sont capables de « capturer »
les gènes pathogènes appartenant à d’autres virus. Ils sont
aussi capables « d’abandonner » une partie de leur
génome et de modifier ainsi leurs cibles cellulaires par
exemple. La séquence des protéines prédite à partir du
séquençage du génome complet du SARS-CoV n’est pas
en faveur d’une apparition du virus par mutation ou
recombinaison. En effet, les pourcentages d’homologies
des séquences sont faibles et les régions homologues sont
réparties de façon très disparate sur les séquences protéi-
ques. Les données actuellement disponibles suggèrent
plutôt que le SARS-CoV serait issu soit d’un coronavirus
humain non pathogène encore inconnu soit d’un virus ani-
mal ayant franchi la barrière d’espèce [4].
Épidémiologie des infections par le SARS-CoV
Le Sras est une maladie infectieuse nouvelle identifiée en
février 2003 (pour en savoir plus : http://www.SARS
Refence.com). Il est apparu pour la première fois en
novembre 2002 dans la province du Guangdong en Chine.
Il a fallu deux mois pour que l’infection se propage à
Hong-Kong, région pourtant proche du foyer initial, sug-
gérant une faible contagiosité du virus. Les épidémies qui
ont suivi sont restées limitées à des groupes familiaux
résidant dans des zones de forte densité de population, à
des hôtels (Hong-Kong) ou à des hôpitaux (Hanoï,
Toronto). Cette extension limitée est un argument en
Illustration X. Dufour
S (spicule)
Nucléocapside (protéine N + ARN)
HE (hémagglutinine estérase)
M (protéine membranaire intégrée)
E (petite protéine d’enveloppe)
Figure 1. Représentation schématique d’un coronavirus. Les
coronavirus sont des virus sphériques enveloppés dont la nucléo-
capside serait icosaédrique. Leur génome est constitué d’un ARN
linéaire simple brin de polarité positive associé à la protéine N
pour former la ribonucléoprotéine. Les protéines S et E sont
présentes à la surface de la particule virale sous la forme de
spicules. La protéine M constitue la capside de la particule virale.
Certaines souches virales présentent une protéine HE au niveau
de leur enveloppe virale.
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faveur de la faible transmissibilité du virus. Comparé aux
virus grippaux qui sont capables d’infecter rapidement des
millions de personnes dans le monde entier, le virus du
Sras ne semble pas se propager rapidement. À ce jour, une
seule épidémie de Sras a eu lieu, en 2003. Elle avait tou-
ché au moins 8 000 personnes, un certain nombre de cas
secondaires n’ayant probablement pas été identifiés.
L’année suivante, en 2004, 9 cas ont été signalés, unique-
ment en Chine. Cette année-là, les cas index étaient systé-
matiquement décrits chez des personnes travaillant dans
des laboratoires étudiant le virus responsable du Sras (étu-
diante en virologie, étudiant en stage post-doctoral). Ces
cas index étaient à l’origine de la contamination des autres
personnes touchées (parents, infirmière, etc.).
Le virus du Sras se propage essentiellement par contact
direct avec des gouttelettes de sécrétions respiratoires pro-
venant d’une personne infectée. La notion de « super-
contaminateur » a été définie pour des patients capables
d’infecter individuellement un nombre important d’autres
personnes. Cette notion est probablement liée aux quanti-
tés importantes de virus excrétées par ces patients. Des
données complémentaires sont nécessaires pour mieux
connaître les modes de transmission du virus du Sras. Une
transmission par voie environnementale semble possible
mais moins fréquente. En effet, en 2003, un des foyers
d’infection survenu dans un quartier de Hong-Kong sem-
ble s’être développé à partir d’eaux d’égouts contaminées.
Enfin, le virus du Sras peut contaminer le personnel soi-
gnant au cours d’une hospitalisation. Cette contamination
a lieu soit au cours d’actes médicaux créant des aérosols
infectés (bronchoscopie, intubation endotrachéale...) soit
au cours des soins quotidiens apportés aux patients. Au
cours de l’épidémie qui s’est développée en 2003, le per-
sonnel de santé a été fréquemment infecté par le virus du
Sras. À Hanoï, où l’épidémie a commencé, 63 % des per-
sonnes infectées faisaient partie du personnel de santé, à
Hong-Kong, c’était 46 % des cas qui appartenaient à ce
corps professionnel [5]. Par ailleurs, à Taïwan, un pour-
centage non négligeable (11,5 %) du personnel soignant a
été colonisé par le virus du Sras sans développer de signe
d’infection respiratoire [6]. L’absence de signes d’infec-
tion respiratoire chez ces personnes suggère qu’il pourrait
exister des porteurs sains du virus, mais cette notion n’a
pas été confirmée pour le moment.
Des travaux sont en cours pour évaluer la résistance du
virus du Sras dans l’environnement. Les données actuelles
montrent que le virus est stable dans les urines ou les
selles pendant 24 à 48 heures à température ambiante. Sa
stabilité est plus grande en cas de selles diarrhéiques. La
stabilité du virus dans les surnageants de culture est
remarquable : la diminution de la concentration virale est
très faible après 21 joursà4°Couà–8C.Après
48 heures à température ambiante, la quantité de virus a
diminué d’un log. Toutes ces données prouvent que le
SARS-CoV est plus stable dans ces conditions que les
autres coronavirus. L’exposition à la chaleur (56 °C) inac-
tive rapidement le virus. L’effet neutralisant des déter-
gents et fixateurs utilisés couramment en laboratoire n’est
pas encore confirmé. Afin d’étayer l’hypothèse du fran-
chissement de la barrière d’espèce, les spécialistes sont à
la recherche de l’hôte animal du SARS-CoV. Le virus du
Sras a été isolé chez la civette palmiste à masque, un
animal dont la viande est consommée en Chine [7]. Les
séquences des virus isolés chez les civettes étaient très
proches de celle du Sras responsable de l’épidémie
humaine. Cependant, on ne sait pas pour le moment quel
rôle joue la civette dans l’épidémiologie du virus. En effet,
les civettes infectées étaient des animaux sauvages captu-
rés puis élevés dans des fermes avant l’abattage. Elles ont
donc pu être contaminées par d’autres animaux sauvages,
domestiques voire même par des humains au cours de leur
captivité. L’origine animale du SARS-CoV reste donc à
démontrer. À l’heure actuelle, la contamination humaine à
partir de marchandises animales ou d’animaux sauvages
ou domestiques n’a jamais été démontrée.
Symptomatologie d’une infection par le SARS-CoV
Le diagnostic d’une infection par le SARS-CoV repose
sur l’examen clinique, les signes radiologiques et la notion
de voyage dans un pays où le virus a été détecté [8]. Les
signes initiaux de l’infection ne sont pas spécifiques et ce
diagnostic reste un diagnostic d’exclusion. Le symptôme
le plus habituel du Sras est une fièvre supérieure à 38 °C
apparaissant assez brutalement après une période d’incu-
bation de2à10jours. Cependant, cette fièvre peut être
absente au début de la maladie ou chez des patients por-
teurs d’une autre pathologie altérant les réactions fébriles.
La fièvre peut être associée à un malaise général, à des
frissons, des myalgies, des céphalées... La symptomatolo-
gie initiale ressemble surtout à un tableau de pneumopa-
thie atypique. Une toux productive, une dysphagie dou-
loureuse, des nausées et vomissements sont plus rares. La
diarrhée a été un symptôme fréquent dans un foyer épidé-
mique rapporté à Hong-Kong, mais semble rare dans les
autres groupes qui ont été décrits. L’auscultation pulmo-
naire peut trouver des râles inspiratoires au niveau des
bases mais il n’existe habituellement pas de sibilance. Sur
le plan biologique, de nombreuses anomalies hématologi-
ques ont été rapportées au cours de l’évolution de la mala-
die [9]. Une lymphopénie est présente chez 98 % des
patients avec les taux les plus bas observés au cours de la
deuxième semaine d’évolution et une normalisation au
cours de la troisième semaine. Cependant, dans 30 % des
cas, la lymphopénie persistait à la cinquième semaine
d’évolution. À la phase initiale de la maladie, les taux de
CD4 et CD8 pouvaient être abaissés. Selon certaines étu-
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des, des taux bas de CD4 et CD8 seraient un facteur de
mauvais pronostic [10]. Une leucopénie transitoire a été
rapportée chez 64 % des patients au cours de la première
semaine de la maladie. Chez 61 % des malades, une leu-
cocytose était retrouvée au cours de la deuxième et de la
troisième semaine d’évolution. Une neutrophilie est obser-
vée dans 82 % des cas, probablement liée au traitement
par corticoïdes. Une thrombocytopénie relative spontané-
ment résolutive a été retrouvée chez 55 % des patients.
Aucune hémorragie grave n’a été observée. Le reste du
bilan biologique montre une élévation des LDH, des tran-
saminases et de la créatine kinase. Les taux élevés de
LDH et de transaminases peuvent être secondaires au trai-
tement par la ribavirine. Cependant, dans certaines études,
le taux élevé de LDH est rapporté comme étant un facteur
de mauvais pronostic [10]. Enfin, les D-dimères peuvent
être élevés et le TCA allongé chez un nombre important
de patients. L’imagerie radiologique occupe une place
importante dans le diagnostic initial de l’infection par le
Sras puis dans le suivi de l’efficacité du traitement [11].
Les images les plus typiques comportent une localisation
périphérique prédominante, des opacités alvéolaires unila-
térales et focales progressant sous traitement vers une
atteinte unilatérale multifocale ou bilatérale. Il n’existe ni
excavation, ni adénopathie, ni épanchement pleural. Le
scanner thoracique est un examen complémentaire qui
permet en général de préciser les signes de pneumopathie
sévère.
L’évolution de la maladie et son pronostic sont assez
homogènes dans les différentes études cliniques publiées
[12] : la première semaine de la maladie est marquée par
la fièvre, les myalgies et les symptômes respiratoires qui
s’améliorent rapidement. La deuxième semaine, la fièvre
récidive associée cette fois à une diarrhée et une désatura-
tion en oxygène. Sur le plan radiologique, l’aggravation
des lésions est rapportée dans 80 % des cas. Cette période
correspond à l’élévation de la charge virale du SARS-CoV
qui reflète une multiplication accrue du virus [12]. Cette
activité virale intense pourrait être responsable de l’aggra-
vation clinique. Dans 20 % des cas, les patients évoluent
vers une troisième phase caractérisée par une détresse res-
piratoire nécessitant une ventilation assistée. Pendant cette
phase évolutive, on observe un « orage cytokinique » qui
pourrait être à l’origine de la détresse respiratoire obser-
vée. Au total, la mortalité globale due au Sras est estimée
à 15 % par l’OMS, pouvant aller jusqu’à 50 % chez les
personnes de plus de 65 ans présentant d’autres patholo-
gies associées.
De nombreux tableaux atypiques ont été décrits : patients
apyrétiques, présence d’une diarrhée sans signe respira-
toire... Ces formes atypiques constituent une menace pour
les malades, le personnel hospitalier et les proches.
L’OMS a défini précisément les critères de cas probable
de Sras : une fièvre supérieure à 38 °C associée à des
signes d’atteinte respiratoire basse (toux, dyspnée, gène
respiratoire, etc.) survenant chez une personne en prove-
nance d’un pays ou d’une zone où une transmission active
du Sras a été décrite ou chez une personne travaillant (ou
ayant travaillé) dans un laboratoire manipulant (ou ayant
manipulé) du Sras (quelle que soit sa localisation géogra-
phique).
Diagnostic virologique d’une infection
par le SARS-CoV
Actuellement, le diagnostic de Sras ne peut être posé
qu’après avoir éliminé les autres étiologies de pneumonie.
En 2004, différentes méthodes virologiques de diagnostic
du Sras ont été validées par l’OMS. Depuis, les laboratoi-
res industriels ont développé d’autres tests ou ont affiné la
sensibilité et la spécificité de tests existants mais en
l’absence de résurgence épidémique, ces tests de diagnos-
tic n’ont pas été validés par l’OMS. Le diagnostic virolo-
gique repose sur l’isolement du SARS-CoV en culture
cellulaire ou sur la mise en évidence du génome viral par
une technique de RT-PCR amplifiant un fragment du gène
de la polymérase. Les recherches sont effectuées sur des
prélèvements nasaux, pharyngés, des expectorations, des
aspirations endo-trachéales, du sang, des selles ou des
urines (tableau 1). L’excrétion du virus SARS-CoV assez
faible au début de la maladie, est maximale environ
10 jours après le début des signes cliniques. Le virus est
alors retrouvé dans les sécrétions respiratoires et dans les
selles. Une étude portant sur l’utilité clinique des diffé-
rents tests diagnostiques a montré que l’ARN du SARS-
Tableau 1. Échantillons cliniques dans lesquels les virus du Sras
et A/H5N1 peuvent être recherchés. La direction générale de la
santé (DGS) préconise la recherche du virus A/H5N1 dans les
aspirations rhino-pharyngées. Cependant, le virus peut aussi être
recherché dans d’autres types d’échantillons. Le diagnostic
sérologique permet un diagnostic rétrospectif.
Type d’échantillon Virus A/H5N1 SARS-CoV
Diagnostic direct
Aspiration nasopharyngée X X
Expectoration X X
Écouvillonnage de gorge X X
Aspiration endotrachéale X X
Liquide de LBA X X
Urines Non X
Selles X X
Écouvillonnage rectal X X
LCR X Non
Sérum X X
Diagnostic indirect
Sérums
a
XX
a
pour le diagnostic sérologique, deux sérums doivent être prélevés à trois
semaines d’intervalle.
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