Dérivés des cathinones : revue bibliographique Charlotte MAYER-DUVERNEUIL, CHU R. Poincaré, Garches Service de pharmacologie-toxicologie du Pr ALVAREZ 20ème Congrès Annuel de la SFTA -Chambéry Réunion des Jeunes Scientifiques, mardi 18 septembre 2012 Avec le support financier de la Société Française de Toxicologie Analytique Introduction (1) • Emergence extrêmement importante de nouvelles substances psychoactives • Pour la seule année 2010 : 42 nouvelles substances détectées : 42 nouvelles molécules en Europe (24 cathinones) 25 nouvelles molécules en France (dont 8 cathinones) • Ces nouvelles drogues psychoactives se classent principalement en 4 groupes: • • • • Cannabinoïdes de synthèse Stimulants « amphetamine-like » Substances « opioid-like » Hallucinogènes Introduction (2) • Molécules naturelles ou synthétiques • Obtention aisée (internet, « head shops », rave party, entre amis…) • Vendues sous différentes appellations : engrais pour plantes, sels de bains (« Bath salts ») insecticides, articles innovants, produits pour la recherche… • Portent la mention « not for human consumption » • Présentées auparavant comme étant de la MDMA ou de l’amphétamine par les revendeurs ou comme alternatives légales aux amphétamines (« Legal Highs ») • Depuis mi-2010, circulent sous leurs propres noms • Recherchées pour leurs effets similaires aux drogues illicites Les cathinones • Alkaloïdes naturellement présents dans les feuilles de la plante Catha Edulis ou Khat : • Composition des feuilles de khat (pour 1g de feuilles fraîches) environ 1 mg de cathinone environ 0,9 mg de cathine (ou S,S-norpseudoéphédrine) environ 0,5 mg de R,S-noréphédrine • Feuilles mâchées à la recherche d’effets euphorisants et stimulants : cathinone surtout responsable des effets euphoriques « amphetamine-like » (cathine, moins active) La cathinone 1 ) Chimie • (2S)-2-amino-1-phenylpropan-1-one ou 2-aminopropiophenone • Structurellement similaire à la d-amphétamine, représente l’analogue β-céto de l’amphétamine (PM = 149,19 g/mol) Similarité de structure entre l’amphétamine (à gauche) et la cathinone (à droite) • Environ 1/3 moins puissante que l’amphétamine • Labile en présence d’oxygène, décomposée après séchage des feuilles pendant 3-4 jours. • Métabolisée en cathine dans la plante mature (réduction enzymatique de la fonction cétone) Cathinone et cathine 2) Pharmacologie • Stimulants du SNC mais moins actifs • Causent le relarguage de catécholamines depuis les sites de stockage pré-synaptique dans le SNC et le SNP. • Auraient aussi des effets d’inhibition de la monoamine oxidase • Début des effets psychoactifs du khat : après 1h de mastication • Pic plasmatique de la cathinone : 1,5 à 3,5h après début mastication, plus détectable après 8h environ • Elimination d’une dose orale en 24h dans les urines en : o o o Substance mère (2,4%) Noréphédrine (28%) Norpseudoéphédrine (cathine, 3,8%) • ½ vie d’élimination : cathinone: 1,5h ; cathine : 5,2h Cathinone et cathine 3) Toxicologie • Effets recherchés : euphorie, accroissement de la vigilance, hyperactivité psychomotrice • Effets délétères : diminution de l’appétit, insomnie, anxiété, irritabilité, dépression, hallucinations… • Effets chez les consommateurs chroniques : agitation, vertiges, tachycardie, maux de tête, nausées, vomissements, perte de mémoire, troubles de la personnalité, psychoses, paranoïa, augmentation du risque d’infarctus du myocarde… • Abus, tolérance et dépendance déjà observés… Les dérivés des cathinones 1) Chimie • Analogues β-céto des cathinones naturelles. • Apparition de la plupart des cathinones de synthèse sur le marché des drogues euphorisantes dans le milieu des années 2000. • Mélange de différentes substances dans les produits vendus • Première cathinone de synthèse sur le marché des drogues récréatives : Méthcathinone (β-céto-méthamphétamine ou éphédrone ou N-méthylcathinone) Les dérivés des cathinones • Plus répandue : la Méphédrone (4-méthylméthcathinone ou 4MMC Similarité de structure entre méphédrone (gauche) et méthamphétamine (droite) • Autres cathinones de synthèse récemment apparues: Méthylone (β-céto-MDMA ou 3-4-méthylènedioxy-N-méthylcathinone) MDPV (3,4-méthylènedioxypyrovalérone) Méthédrone (β-céto-PMMA ou 4-méthoxyméthcathinone) PPP (α-pyrrolidinopropiophénone) Benzédrone (4-MBC ou méthylbenzylcathinone) Bréphédrone (4-BMC ou 4-bromomethcathinone) … Les dérivés des cathinones • Structure générale d’un dérivé de la cathinone présentant des schémas de substitution : Classification structurale des dérivés de la cathinone Les dérivés des cathinones 2 ) Pharmacologie • Stimulants du SNC mais puissance inférieure à leurs analogues de la famille des phénéthylamines • Molécules plus polaires, moins aptes à passer la barrière hémato-encéphalique • Effets exercés en inhibant la recapture de la dopamine, de la sérotonine et la norépinéphrine • Métabolisme : N-déméthylation, réduction de la fonction cétone en groupement hydroxyle et oxydation du noyau alkyle • Début et durée des effets des dérivés de la cathinone variables en fonction des molécules: - Ex d’une prise orale de 100-200 mg de méphédrone ou méthylone : effets dès 30-45 mn après prise, durée : 2-5h - ex d’une prise orale de MDPV : effets dès 15-30mn, durée : 2-7h Les dérivés des cathinones 3 ) Effets cliniques et toxicité • Effets attendus et observés : euphorie, augmentation de la vigilance, augmentation du désir sexuel… • Besoin de répéter les doses pour prolonger les effets • Effets délétères : nausées, vomissements, tremblements, agitation, insomnie, maux de tête, vertiges, troubles visuels, confusion, diminution de la mémoire à court terme, dépression, comportement psychotique, agressivité exacerbée, tendance suicidaire, dépendance, tolérance… • Toxicité aigüe : agitation psychomotrice, syndrome de Parkinson, tachycardie; mydriase, hypertension, hyperthermie, psychose paranoïaque, œdème cérébral… • Effets à long terme mal connus (neurotoxicité probable) • Intoxications fatales déjà observées Les dérivés des cathinones 4 ) Consommation • Souvent en association avec de l’alcool ou d’autres stupéfiants (cocaïne, cannabis, kétamine, MDMA…) • Se présentent: sous forme de poudres amorphes ou cristallines blanches ou brunes Parfois gélules ou comprimés • Sont le plus souvent ingérées, parfois sniffées ou encore injectées Les dérivés des cathinones 5 ) Techniques d’identification et de quantification • Dépistage ELISA mais peuvent donner des résultats faussement positifs au dépistage ciblé aux amphétamines • HPLC/BD • CG/SM après dérivatisation • CL-ESI-SM/SM souvent après extraction liquide/liquide • Pureté obtenue très élevée mais déjà des produits de coupage détectés (benzocaïne, caféine, paracétamol) Les dérivés des cathinones 6 ) Législation • Classement de la méphédrone comme stupéfiants (JO du 11 juin 2010) : elle rejoint 3 autres substances de la famille des cathinones : la cathinone elle-même, la méthcathinone et la pyrovalérone. • Classement de l’ensemble de la famille des dérivés des cathinones sur la liste des stupéfiants par le Ministère de la Santé (Arrêté publié au JO du 02 août 2012). Conclusion • Phénomène en pleine expansion • Risques encourus encore assez méconnus • Substances encore perçues comme sûres et légales La consommation de ces dérivés des cathinones doit être considérée comme un vrai problème de Santé Publique Intérêt de les rechercher et de les doser et donc nécessité d’améliorer les techniques d’identification et de quantification Merci pour votre attention