Mion et coll : du Qât au Cat...
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-il remplacer la cocaïne ?
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G MION, C AVERSENQ, M RÜTTIMANN, M OBERTI
Service d’Anesthésie-Réanimation-Urgences, Centre Hospitalier des Armées Bouffard,
SP 85024, 00812 ARMEES, DJIBOUTI.
Le Qât (Catha edulis) est mâché quotidiennement depuis l’antiquité par des millions de personnes dans la corne
de l’Afrique (Ethiopie, Somalie, République de Djibouti) et au Yémen ; il gomme les sensations de fatigue et de
faim, mais est surtout prisé pour l’état euphorique et les talents communicatifs qu’il procure. L’habitude de
chiquer les feuilles de Qât (Khat chewing, les djiboutiens disent « brouter »), ou Qâtisme, est une toxicomanie
légale en République de Djibouti, où l’on en consomme quotidiennement 8 à 10 tonnes. Importées d’Ethiopie, où
elles ont été cueillies la veille, les feuilles sont mastiquées l’après midi dans une pièce appelée Mabraz, lors de
séances communautaires considérées comme essentielles à la vie sociale masculine.
Depuis quelques années, l’usage du Qât tend à se répandre en occident. Les communautés yéménites,
somaliennes et éthiopiennes implantées en Grande Bretagne et aux USA ont largement conservé l’habitude de
cette toxicomanie ancestrale qui connait un nouvel essor depuis l’intervention américaine en Somalie. Si un cas
de toxicomanie à partir de plants de qât cultivés en appartement a été rapporté, à l’heure actuelle le Qât,
emballé dans des feuilles de bananiers ou des sacs de plastique, est importé en Europe par voie aérienne. Les
feuilles de Qât sont également vendues sous forme de poudre, bien moins active que le produit frais. De
nombreux soldats américains recherchent cette drogue depuis leur retour de Mogadicio où les « seigneurs de
guerre », comme jadis le vieux de la montagne avec ses ashishins, tiennent leurs troupes en leur fournissant du
Qât en abondance.
La consommation de Qât provoque une stimulation adrénergique souvent responsable d’hypertension artérielle
et d’accidents coronariens ou vasculaires cérébraux chez des sujets probablement prédisposés. Des difficultés
dans l’induction anesthésique des patients qui en usent régulièrement ont été rapportées. La plante est riche en
nor-pseudoéphédrine ou cathine et en son précurseur, la S-α-aminopropiophénone ou cathinone, beaucoup plus
puissante et présente seulement dans les feuilles fraiches, qui pour cette raison sont les plus prisées. La
structure chimique de ces alcaloïdes en fait de véritables amphétamines végétales et la plante a été inscrite au
tableau II par le gouvernement français. La cathinone stimule le système sympathique : effets inotropes positifs,
arythmogènes et vasoconstricteurs, augmentation de la consommation d’oxygène et de la température
corporelle. La pression artérielle tend à augmenter. Ces effets durent en moyenne 18 heures. A la longue, la
consommation chronique induit une tolérance - observée également avec les amphétamines - qui pourrait
s’expliquer par un phénomène de « down regulation » des récepteurs adrénergiques. La cathinone interfère
avec les voies dopaminergiques centrales et le sevrage peut être facilité par l’utilisation de bromocryptine. Ses
effets neuro-psychiques sont de type amphétaminique : excitation, euphorie, anorexie, insomnie et certains
effets analgésiques. Plusieurs cas de psychoses aiguës de type paranoïde avec agressivité et traits dissociatifs
ont été rapportés. En fait, si on met à part ses effets toxiques à long terme et les ravages financiers et sociaux
qu’il exerce dans les ménages les plus pauvres, le Qâtisme est une toxicomanie relativement douce dans la
mesure où la plante est riche en acide ascorbique, qui est une excellente antidote aux amphétamines ; surtout,
l’absorption des alcaloïdes toxiques est limitée en quantité et en vitesse par le type d’ingestion (la célèbre boule
de Qât).
Comme la cathinone, la cocaïne était à l’origine absorbée par la population andine, pour lutter contre la fatigue
et des conditions d’existence rudes, en mâchant des feuilles de coca. De même, les feuilles d’Ephedra sont
consommées en tisane depuis des millénaires en Chine sous le nom de « ma huang ». C’est l’extraction et la
synthèse du principe actif qui ont entraîné l’apparition de la cocaïnomanie en Occident. Des européens (Alles,
Lewin) se sont intéressés au Qât dans les années 30, mais n’y ont décelé que la présence de cathine. Dans les
années 70, Glennon s’intéressait aux effets amphétaminiques des phényl-isopropyl-amines, et aboutit à la
synthèse d’une benzyl-kéto-amphétamine, qui n’est autre que le composé racémique de la cathinone, l’isomère
lévogyre ! La cathinone n’avait pas été isolée jusqu’à lors, parce qu’elle se transforme en cathine lorsque les
feuilles sèchent. Par analogie avec la methamphétamine, dérivé N-méthylé plus puissant que l’amphétamine, il
synthétise un nouveau composant amphétamine-like : la meth-cathinone. En réalité, cette molécule avait déjà
été synthétisée en Allemagne dès 1928, et servait d’antidépresseur en URSS dans les années 30 et 40.
La methcathinone, dérivé synthétique de la cathinone et plus puissante qu’elle, est devenue une drogue connue
dans les rues d’Amérique du Nord sous le nom de « cat », « wild cat » (chat sauvage ou Qât sauvage?),
« cadillac express », « speed » et en ex-union soviétique sous le nom d’« ephedrone , « mulka »» ou « Jeff ».
Ce produit que les américains ont déclaré « schedule I narcotic » (la catégorie la plus restrictive de la drug
enforcement administration, DEA) par une procédure d’urgence en Mai 92, était l’objet d’une importante
toxicomanie en union soviétique dès la fin des années 60, mais ce problème avait été étouffé pour raisons
politiques. Pourtant, cette toxicomanie a décuplé entre 1984 et 1988, et est considérée comme le problème de
drogue le plus sérieux actuellement en Russie. On l’a d’ailleurs décelée au Kirguistan (où elle est synthétisée à