D O S S I E R Diagnostic biologique des infections à Chlamydia trachomatis : données pratiques actuelles et perspectives en santé publique ! A. Bianchi*, A. Ebel*, G. Cessot* L a nomenclature des actes de biologie présentée au Journal officiel du 12 août 1997 intègre les méthodes de biologie moléculaire, en particulier l’amplification génique, dans les tests utilisables pour le diagnostic d’infections à Chlamydia trachomatis. Cette mesure très attendue permet désormais d’améliorer la sensibilité du diagnostic jusqu’alors difficile de ces infections souvent pauci-bactériennes, caractérisées par un parasitisme intracellulaire strict (1). Ce sont des infections sexuellement transmissibles (MST) majeures (2), qui touchent surtout l’appareil urogénital, mais peuvent aussi atteindre les yeux, le péritoine, les articulations. Elles atteignent majoritairement la population adulte, mais la transmission de la mère au nouveau-né est possible, avec induction de conjonctivites et de pneumopathies chez celui-ci. Nous ne discuterons pas du diagnostic biologique de la lymphogranulomatose vénérienne, ou maladie de Nicolas et Favre, due à des souches particulières de C. trachomatis (sérotype L) extrêmement rares en France. Le but de cet article est de recenser les différents tests biologiques disponibles aujourd’hui en France et de déterminer leur meilleure utilisation dans chaque situation clinique d’infection à C. trachomatis tout en respectant les nouvelles règles de nomenclature. LE DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DES INFECTIONS À C. TRACHOMATIS Le diagnostic biologique d’une infection à C. trachomatis a toujours été difficile pour plusieurs raisons. Certains tests utilisés manquent de sensibilité (tests directs immunoenzymatiques, tests sérologiques alors que l’infection est localisée aux muqueuses), d’autres manquent de spécificité (certains tests d’immunofluorescence directe, sérologies) ou sont difficiles à réaliser (culture cellulaire). De plus, les techniques de prélèvement employées (prélèvement urétral ou d’endocol) sont souvent mal acceptées par les patients. Enfin, les prescriptions * Institut Alfred-Fournier, 25, boulevard Saint-Jacques, 75680 Paris Cedex 14. La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 concernant ces actes de biologie sont parfois mal adaptées. À ce titre, il faut rappeler que lorsqu’une recherche de C. trachomatis est indiquée, la prescription doit être explicite et spécifier la recherche de cette bactérie et le site de prélèvement. Cet acte ne peut être remboursé que s’il est demandé par le prescripteur, sauf chez la femme où la recherche sur prélèvement de l’endocol et de l’urètre peut être réalisée à l’initiative du biologiste sur arguments symptomatologiques ou épidémiologiques (moins de 25 ans, et/ou partenaires multiples, et/ou autre MST diagnostiquée…), mais uniquement en utilisant un test immunoenzymatique, d’immunofluorescence ou d’hybridation moléculaire. Amplification de la bactérie sous forme réplicative par culture L’isolement de la bactérie sur culture cellulaire est une méthode de diagnostic sensible et très spécifique, encore considérée comme méthode de référence, notamment dans le cas d’expertises médico-légales. Le principal inconvénient est l’absolue nécessité d’une procédure de transport et de conservation des prélèvements parfaite du fait de la fragilité de la bactérie. Le maximum de sensibilité de la culture est obtenu sur écouvillonnage d’endocol et/ou d’urètre placé dans un milieu de transport approprié de type saccharose-phosphate (2SP), qui se conserve à -20 °C avant utilisation puis à 4 °C après inoculation, et doit être ensemencé dans les heures qui suivent sur culture cellulaire. Cette technique est peu appropriée à la recherche de la bactérie dans certaines situations (prélèvement de sperme, patient sous antibiothérapie, quel que soit l’antibiotique utilisé, patiente ayant effectué une toilette vaginale récente ou ayant utilisé un traitement local, patiente présentant une mycose…). La recherche de C. trachomatis par culture cellulaire est également très peu sensible sur prélèvements profonds (sperme, biopsies, liquides de ponction…) et prélèvements de premier jet d’urine. Mise en évidence des antigènes chlamydiens Les trousses de diagnostic permettant la mise en évidence directe des antigènes de C. trachomatis sont très employées du fait de leur simplicité d’utilisation. Il s’agit des tests immunoenzymatiques (EIA) ou des tests d’immunofluorescence 21 D O S S I E directe (IFD). Ces méthodes sont le plus souvent adaptées à la recherche des Chlamydiae sur prélèvement d’endocol et d’urètre et nécessitent d’utiliser un milieu de transport propre à chaque trousse, sauf pour l’IFD, seul test permettant un contrôle de la bonne qualité du prélèvement, car il se fait sur un frottis cellulaire sur lame. Ces réactions mettent en évidence les antigènes communs aux diverses espèces de Chlamydiae (lipopolysaccharide de paroi LPS) ou bien, plus rarement, des antigènes spécifiques de l’espèce trachomatis (antigène de la membrane externe de la bactérie, PMME ou MOMP). L’IFD et certains tests EIA rapides (type savonnette) permettent d’effectuer l’analyse en quelques minutes. Le défaut de ces méthodes est souvent un manque de sensibilité, pouvant se traduire par un résultat faussement négatif lorsque le prélèvement contient peu de bactéries pour ce qui est des tests EIA (3), et une grande subjectivité de la lecture, nécessitant un biologiste entraîné pour ce qui est des IFD (4). Mise en évidence du génome de C. trachomatis par hybridation moléculaire La recherche de C. trachomatis peut se faire par simple hybridation moléculaire sans amplification génique. Il peut s’agir d’hybridation ADN-ADN ou ARN-ADN. Ces méthodes ont une sensibilité bien moindre que les techniques d’amplification, qui serait plutôt proche de celle de certains tests EIA. Il existe une trousse utilisant l’hybridation entre l’ARNr de C. trachomatis et une sonde à ADN (Gen-Probe/bioMérieux). La recherche directe des acides nucléiques de la bactérie par amplification génique Le biologiste dispose maintenant de méthodes de diagnostic direct pour la recherche du génome bactérien par amplification génique, qui associent une grande sensibilité (stabilité des acides nucléiques dans le prélèvement, détection d’un très petit nombre de bactéries, utilisation d’un contrôle interne détectant la présence d’inhibiteurs dans le prélèvement), une excellente spécificité (amplification incluant un système anti-contamination), une bonne faisabilité et une bonne reproductibilité des résultats (méthodologies simples comparables à celle des tests ELISA, automatisation possible) (3-5). De plus, la modification des techniques de prélèvement devrait considérablement améliorer l’acceptabilité d’une telle recherche par le patient, cette recherche pouvant être effectuée sur le premier jet urinaire chez l’homme et la femme, voire sur un simple prélèvement des sécrétions génitales par écouvillonnage vulvaire (6). L’amplification génique est aussi la méthode recommandée pour la recherche de Chlamydiae dans le sperme, au niveau des conjonctives, de prélèvements profonds (ponction de liquides, biopsies…). En revanche, la nomenclature ne prévoit pas le remboursement de tests d’amplification génique pratiqués sur prélèvement d’endocol ou d’urètre. Quatre trousses d’amplification génique sont actuellement disponibles et enregistrées à l’Agence du Médicament. Trois amplifient un fragment du plasmide cryptique de C. trachomatis, l’une par LCR ou Ligase Chain Reaction (Abbott), les deux autres par PCR ou Polymerase Chain Reaction (Roche 22 R Diagnostic Systems) ; la quatrième amplifie un fragment d’ARN ribosomal (ARNr) de C. trachomatis par Translated Mediated Amplification (TMA-GenProbe/bioMérieux). Le sérodiagnostic Le sérodiagnostic occupe une place limitée dans la recherche d’une infection à Chlamydiae (4, 7). Trois difficultés majeures se posent : – l’existence de réactions croisées entre les différentes espèces de Chlamydiae, – une réponse humorale très variable d’un individu à l’autre, peu corrélée à l’existence d’une pathologie active, – l’absence de méthodologie standardisée de détection des anticorps. La structure antigénique complexe de la bactérie fait que les techniques, réaction de fixation du complément (RFC), immunofluorescence indirecte (IFI) ou EIA, basées sur la recherche d’anticorps dirigés contre le LPS (antigène commun aux différentes espèces de Chlamydiae et à d’autres bacilles à Gram négatif), ne peuvent différencier les anticorps contre C. trachomatis, C. pneumoniae et C. psittaci (8). L’existence de réactions croisées très importantes entre ces espèces a fait surestimer dans de nombreuses enquêtes épidémiologiques la séroprévalence des infections à C. trachomatis (9). Seule la comparaison des taux d’anticorps respectifs de chaque espèce par technique de micro-immunofluorescence (10) permet d’évoquer un diagnostic étiologique. Il n’existe pas encore de test spécifique pour chaque espèce, mais certaines trousses ELISA utilisant des antigènes recombinants de la protéine MOMP spécifique d’espèce sont en cours d’évaluation (11). Lorsqu’une sérologie Chlamydiae est demandée, la prescription doit donc préciser une recherche simultanée vis-à-vis des deux espèces. En fait, une réponse sérologique significative ne peut être mise en évidence qu’en cas d’infection profonde, diffuse, alors même que la recherche directe de la bactérie sur endocol ou urètre peut s’avérer difficile à ce stade d’infection disséminée. La découverte isolée d’un titre élevé en IgG ne suffit pas à affirmer une infection évolutive, certains sujets gardant des IgG à forts titres longtemps après une infection efficacement traitée. La présence d’IgM témoigne généralement d’une infection récente ou évolutive, alors que la signification d’une présence d’IgA reste discutée (persistance d’IgA plusieurs mois après traitement). La recherche d’IgM spécifiques garde toute sa valeur dans le diagnostic des infections à C. trachomatis chez le nourrisson et le diagnostic des lymphogranulomatoses vénériennes chez l’adulte (4, 12). Le sérodiagnostic des infections à Chlamydiae peut permettre “d’alerter” dans le cas des infections disséminées (pneumopathie à C. pneumoniae, lymphogranulomatose vénérienne, salpingite à C. trachomatis), où des titres élevés en IgG associés à la présence d’IgM sont évocateurs d’une infection active. À l’avenir, l’étude de la réponse immunitaire cellulaire [reconnaissance de lymphocytes spécifiques activés excrétant des anticorps (Elispot), étude de la sécrétion de cytokines inflamLa Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 matoires…] permettra sans doute un diagnostic immunologique spécifique et précoce des infections à C. trachomatis. Le biologiste doit rechercher deux des trois classes d’anticorps (IgG, IgA, IgM) ; il pratiquera toujours une recherche d’IgG et fera soit une recherche d’IgM (témoignant d’une infection aiguë ou récente), soit une recherche d’IgA (de signification intermédiaire entre la présence d’IgG et celle d’IgM). Le médecin prescripteur peut préciser la classe d’immunoglobuline qu’il désire rechercher. La détermination d’un titre faible, moyen ou fort est fonction de la méthode utilisée pour réaliser le sérodiagnostic. PRÉLÈVEMENTS Quelles que soient la situation clinique et la méthode de recherche de la bactérie, la qualité du prélèvement et sa conservation sont essentielles à la bonne sensibilité du diagnostic. Lorsqu’il s’agit d’un prélèvement des épithéliums muqueux (urètre, endocol, conjonctive), un écouvillonnage franc doit permettre de ramener des cellules. On utilisera de préférence un écouvillon plastique à extrémité sécable en forme d’olive (de type Bactopick) ou une petite brosse (type cytobrush). Ces écouvillons seront placés ou déchargés dans les milieux de transport propres à chaque méthode de détection. Pour les conjonctives, il est plus pratique d’utiliser un écouvillon de coton qui sera déchargé dans le milieu de transport. La recherche de la bactérie sur urine se fait sur prélèvement de 10 à 15 ml du premier jet recueilli dans un flacon stérile. Il faut impérativement demander au patient de ne pas uriner pendant au moins une heure avant le prélèvement. Il est probable que la sensibilité de la méthode puisse être légèrement augmentée par le recueil d’un premier jet d’urine du matin, mais cela n’est pas démontré. La présence de Chlamydiae dans les urines, chez la femme, s’explique le plus souvent par une contamination des urines par les sécrétions vaginales. Chez la femme, un prélèvement des sécrétions génitales par écouvillonnage vulvaire déchargé dans le milieu de transport propre à la méthode d’amplification génique peut être utilisé. Ce geste de réalisation facile a démontré son intérêt comme autoprélèvement dans quelques études (6, 13). Le sperme, les liquides de ponction et les fragments biopsiques doivent être placés dans un flacon stérile. Les fragments biopsiques, surtout s’ils sont petits, doivent être transportés dans un milieu de transport approprié à chaque méthode, afin d’éviter une dessiccation. Seuls certains milieux de transport spécifiques destinés à la recherche du génome de la bactérie peuvent se conserver pendant quelques heures à température ambiante. Tous les autres prélèvements doivent se conserver à +4 °C pour une durée maximale de quelques heures avant l’inoculation sur culture cellulaire, ou de quelques jours avant la recherche d’antigène ou d’acide nucléique. Pour l’isolement sur culture, il est conseillé de congeler le prélèvement à -80 °C plutôt que de le conserver plus de 24 heures avant l’inoculation. Toutefois, la congélation fait diminuer le titre infectieux du prélèvement. La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 SITUATIONS CLINIQUES ET MÉTHODES DIAGNOSTIQUES APPROPRIÉES L’infection urogénitale basse Les infections à C. trachomatis représentent la première cause de maladies sexuellement transmissibles d’origine bactérienne (2). L’infection se localise au niveau des muqueuses épithéliales de l’endocol et de l’urètre, et peut persister de façon totalement asymptomatique. Chez la femme, il n’existe aucun signe spécifique, et même la normalité de l’examen au spéculum ne doit pas faire éliminer le diagnostic, la cervicite n’étant pas systématique (14). L’infection peut, à bas bruit, atteindre les voies génitales hautes et provoquer des lésions tissulaires irréversibles au niveau des trompes, responsables de stérilité tubaire et de grossesse extra-utérine (GEU). Toute symptomatologie urogénitale basse doit faire pratiquer une recherche de C. trachomatis, en se méfiant en particulier des diagnostics parfois abusifs de “mycose” ou “d’infection urinaire” sans preuve microbiologique. Chez l’homme, l’infection peut se manifester par une urétrite, le plus souvent subaiguë, parfois limitée à la simple sensation de gêne ou de picotements endo-urétraux sans écoulement visible. L’extrême fréquence des formes totalement asymptomatiques, en particulier chez le sujet jeune, chez qui la prévalence de l’infection est la plus élevée, pouvant aller jusqu’à 30 % (15, 16), devrait conduire à envisager un dépistage systématique dans la population des moins de 30 ans. Ce dépistage pourrait avoir lieu dans diverses circonstances telles que la prescription d’un bilan de pilule contraceptive chez la jeune femme, la réalisation d’un frottis de dépistage, lors d’une demande de sérologie VIH (17), et bien sûr dans le cadre des bilans d’interruption volontaire de grossesse, de GEU, prénuptiaux, ou au cours de la grossesse. La recherche de C. trachomatis par amplification génique sur premier jet d’urine est l’examen le plus simple à réaliser, bien accepté par le patient, ayant une bonne sensibilité et une bonne spécificité. C’est donc l’examen de choix chez l’homme et chez la femme lorsque l’on désire faire uniquement un dépistage de l’infection à C. trachomatis, dans un souci de faisabilité et d’acceptabilité. Cependant, chez la femme, la recherche de C. trachomatis sur le premier jet d’urine paraît moins sensible que celle réalisée sur un prélèvement d’endocol (12, 18). Si la recherche de C. trachomatis s’intègre dans un bilan bactériologique plus complet, il faut prescrire un prélèvement cervico-vaginal avec recherche explicite de C. trachomatis sur l’endocol et l’urètre ; la recherche couplée du germe sur ces deux sites améliore la sensibilité diagnostique. La patiente devra éviter toute toilette vaginale 24 heures avant le prélèvement. La recherche par amplification génique n’étant pas reconnue par la nomenclature pour l’endocol et l’urètre, la technique utilisée sera soit la culture cellulaire, s’il s’agit d’un laboratoire pouvant effectuer rapidement et quotidiennement l’isolement sur culture cellulaire, soit des méthodes de sensibilité moindre, l’hybridation moléculaire ou la recherche d’antigènes par une technique 23 D O S S I E EIA. Le biologiste peut toutefois, à ses frais, pratiquer une amplification génique afin d’améliorer la sensibilité de son test dans un souci de qualité, indépendamment de la nomenclature. Chez l’homme, la recherche sur premier jet d’urine est tout aussi sensible que celle sur prélèvement urétral (19-21). Si l’on désire faire un bilan bactériologique plus complet, en particulier une recherche des autres germes responsables de MST, on peut réaliser ce bilan sur le premier jet d’urine en même temps que la recherche de C. trachomatis. Ce mode de prélèvement a l’avantage d’une très bonne acceptabilité, mais reste cependant moins sensible que le prélèvement urétral, notamment pour la recherche du gonocoque. En cas de suspicion de gonococcie, le prélèvement urétral doit donc être préféré au premier jet d’urine. Une recherche couplée de C. trachomatis et de Neisseria gonorroheae est possible, et très utilisée aux États-Unis ; elle présente, dans le cas de suspicion d’infection à gonocoque, l’intérêt de pratiquer la double recherche sur un même prélèvement (22). La recherche de C. trachomatis sur le premier jet d’urine se fera par amplification génique, la culture étant impossible sur ce prélèvement et les antigènes et acides 24 R nucléiques étant sous forme trop diluée pour espérer une détection directe ; s’il s’agit d’un prélèvement urétral, cette recherche se fera de préférence par culture cellulaire, par hybridation moléculaire, ou encore par recherche d’antigènes, avec les mêmes remarques qu’en ce qui concerne les prélèvements chez la femme. L’infection génitale haute C’est la conséquence d’une infection basse méconnue ou insuffisamment traitée. Les principales complications en sont la stérilité et la GEU. Ainsi, plus d’un tiers des femmes ayant une infection urogénitale à C. trachomatis non ou mal traitée vont développer une infection pelvienne. Le risque de GEU est de 10 % et le risque de stérilité de 20 % (23). Chez la femme jeune, toute douleur pelvienne devrait faire suspecter une infection haute à C. trachomatis (salpingite, endométrite). Dans ce cas, la sérologie est utile, montrant un taux élevé d’IgG anti-C. trachomatis, voire une présence d’IgM. La recherche directe de la bactérie au niveau de l’endocol et de l’urètre doit être effectuée, si possible par culture cellulaire ou La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 en utilisant une technique d’amplification génique. Sa positivité est un argument décisif en faveur de l’étiologie chlamydienne, mais, en pratique, cette recherche s’avère souvent négative en cas d’infection haute. Si des prélèvements profonds de cellules tubaires ou d’exsudat péritonéal sont pratiqués sous cœlioscopie, la recherche de C. trachomatis doit être préférentiellement effectuée par amplification génique du fait du risque d’une faible charge en bactéries sous forme réplicative. Chez l’homme, l’infection haute à C. trachomatis est mal connue. On sait que la bactérie est responsable d’épididymite chez l’homme jeune, mais son rôle dans les prostatites aiguës ou chroniques est discuté, et son implication dans la stérilité masculine est probable, mais reste à démontrer. La mise en évidence de C. trachomatis dans le sperme était pratiquement impossible avec les techniques classiques, probablement du fait d’une très faible quantité de bactéries et d’une diminution de leur pouvoir infectieux rendant l’isolement difficile en culture cellulaire. L’utilisation des techniques d’amplification génique a permis d’obtenir une bonne sensibilité de détection de C. trachomatis dans le sperme, même s’il persiste des mises La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 au point nécessaires concernant l’élimination des inhibiteurs des réactions d’amplification moléculaire et l’évaluation des sensibilités respectives sur éjaculat total, liquide séminal ou spermatozoïdes. La recherche dans le sperme doit donc être effectuée préférentiellement par amplification génique. Toutefois, la nomenclature précise que cette recherche doit être effectuée par technique d’hybridation moléculaire ou culture cellulaire en cas d’infection aiguë pour un premier diagnostic avant traitement, par culture cellulaire après traitement d’une infection aiguë, et par technique d’amplification génique en cas d’infection chronique et/ou exploration d’une éventuelle hypofertilité. Il faut systématiquement rechercher en parallèle la bactérie dans l’urètre ou sur le premier jet d’urine, car seule une recherche positive dans le sperme et négative dans les urines signera avec certitude l’infection “haute”. La positivité sur les deux prélèvements peut correspondre à une contamination du sperme au moment de l’éjaculation, au contact de l’épithélium du canal urétral infecté. Selon la nomenclature, le laboratoire doit effectuer les deux recherches, mais ne peut en facturer qu’une (une seule cotation par patient). 25 D O S S I E R Le bilan des couples stériles La responsabilité de C. trachomatis dans la stérilité tubaire a été largement démontrée par des études sérologiques (24). Rappelons que la recherche directe de la bactérie est rarement positive à ce stade, bien que C. trachomatis détectée par PCR ait été incriminée dans certains échecs de procréation médicalement assistée (25). Le bilan des couples stériles devrait comporter, outre la sérologie chlamydienne selon les recommandations précitées, la recherche directe de la bactérie par amplification génique sur prélèvement d’endocol et d’urètre chez la femme, parfois associée à l’analyse d’une biopsie d’endomètre dont l’intérêt est en cours d’évaluation. Chez l’homme, la recherche de la bactérie sera faite dans l’urètre ou le premier jet d’urine et dans le sperme, par amplification génique. Les infections oculaires En France, il s’agit le plus souvent de conjonctivites dues aux souches également responsables d’infections génitales (sérotypes D à K de C. trachomatis). En Afrique et en Asie, le trachome est dû à d’autres souches de C. trachomatis (sérotypes A, B ou C). La recherche de la bactérie s’effectue sur un prélèvement de conjonctive. L’amplification génique est la méthode de choix pour identifier la bactérie. La sérologie n’a ici d’intérêt que chez le nouveau-né si elle révèle des IgM spécifiques (les IgG pouvant être d’origine maternelle après passage transplacentaire) ou dans le cas d’une conjonctivite associée à des signes urétraux et articulaires chez l’adulte dans le cadre d’un syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter. Les infections du nouveau-né Le nouveau-né peut être contaminé à sa naissance lors du passage de la filière génitale de sa mère infectée par C. trachomatis. Il peut développer une conjonctivite dans les semaines suivant la naissance ou une pneumopathie dans les trois premiers mois de vie. L’amplification est, là aussi, la méthode de choix pour mettre en évidence la bactérie sur un prélèvement conjonctival, nasopharyngé ou sur lavage broncho-alvéolaire. La sérologie est ici d’un grand apport diagnostique, mettant en évidence une production d’IgM anti-Chlamydiae qui ne peuvent être dues qu’à la réponse anticorps de l’enfant, et non pas au transfert passif des anticorps maternels. Les infections diffuses chez l’adulte Il s’agit d’infections profondes chez la femme, péritonite ou périhépatite du syndrome de Fitz-Hugh et Curtis, ou, dans les deux sexes, d’atteintes urétro-oculo-articulaires du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter. Dans tous les cas, la recherche directe de la bactérie doit se faire au niveau des muqueuses concernées selon les techniques précitées, et si possible au niveau de prélèvements profonds (ponctions de liquides, biopsies), par technique d’amplification génique. La mise en évidence directe de la bactérie est cependant difficile. La sérologie peut être un bon argument diagnostique étiologique dans ces atteintes diffuses. 26 La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 Le contrôle après traitement En cas d’infection urogénitale basse à C. trachomatis, si les conditions d’éradication du germe sont réunies (traitement simultané des deux partenaires par des antibiotiques efficaces, tels que cyclines, macrolides, quinolones), le contrôle après traitement n’est pas nécessaire en l’absence durable de signes cliniques. En cas d’infection profonde, un contrôle sérologique effectué quelques mois après le traitement est habituellement proposé pour suivre l’évolution du titre des anticorps. Une grande rigueur est nécessaire pour la réalisation de ces sérologies, les sérums à comparer devant être contrôlés en parallèle dans le même laboratoire, en effectuant toujours une sérologie antiC. trachomatis et anti-C. pneumoniae pour éliminer une réaction croisée non spécifique. L’interprétation, même lorsque la technique est parfaite, doit rester prudente. La signification physiopathologique de la persistance d’anticorps anti-Chlamydiae à des taux stables mais élevés, faisant suite à une infection profonde, demeure une inconnue. La mise en évidence de formes persistantes de la bactérie, échappant au traitement et pouvant maintenir un état inflammatoire local, justifie une vigilance attentive (26). En cas de persistance d’une symptomatologie, une recherche de la bactérie pour contrôle après traitement peut être réalisée. Il est difficile de différencier la réinfection de la récidive. Il existe des cas de résistance clinique au traitement en l’absence formelle de réinfection. Dans ce cas, la recherche de la bactérie doit se faire par isolement sur culture cellulaire afin de conserver la souche isolée pour un éventuel typage et l’étude de sa sensibilité in vitro aux antibiotiques. Ces méthodes lourdes ne sont réalisées que dans certains laboratoires spécialisés. La mise en évidence de variants antibio-résistants, anecdotiques à ce jour, reste à établir. CONCLUSION L’infection à C. trachomatis est très souvent asymptomatique, mais peut être redoutable par ses conséquences, en particulier chez la femme. L’utilisation de l’amplification génique pour la recherche de C. trachomatis sur le premier jet d’urine constitue un progrès considérable en facilitant le dépistage de cette bactérie. L’amélioration de la sensibilité diagnostique par l’utilisation de ces méthodes sur d’autres types de prélèvements, comme le sperme ou des prélèvements profonds, devrait revaloriser ces recherches, jusqu’ici décevantes. Les médecins cliniciens et les biologistes devront apprendre à utiliser ce nouvel outil pour le dépistage précoce des infections basses, mais aussi pour le bilan d’infections profondes et de leurs conséquences. Une réflexion de santé publique sur le rapport coût-bénéfice d’une politique de dépistage plus systématisée devrait maintenant pouvoir débuter, prenant en compte le fait que cette infection, dont le seul réservoir connu est l’homme, pourrait être éradiquée. " La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Barbeyrac B., Bébéar C. Chlamydia. Med Mal Infect 1997 ; 27 : 71-83. 2. Centers for Disease Control and Prevention. Recommendations for the prevention and management of Chlamydia trachomatis infections. Morbid Mortal Weekly Rep 1993 ; 42 : 1-39. 3. Bianchi A., de Barbeyrac B., Bébéar C., Buffet-Janvresse C., Eb F., Orfila J., Scieux C., Denis F., Alonso J.M., Maisonneuve P., Migueres M.L., CharlierBret N., Janot C. Étude comparative de la sensibilité de 29 trousses de diagnostic direct des infections à Chlamydia trachomatis dans le cadre d’une réévaluation pour l’Agence du Médicament. Rev Fr Lab 1998 ; 306 : 47-52. 4. Black C.M. Current methods of laboratory diagnosis of Chlamydia trachomatis infections. Clin Microbiol Rev 1997 ; 10 : 160-84. 5. Goessens W.H.F., Mouton J.W., van der Meijden W.I. et coll. Comparison of three commercially available amplification assays AMP CT, LCx and Cobas Amplicor, for detection of Chlamydia trachomatis in first-void urine. J Clin Microbiol 1997 ; 35 : 2628-33. 6. Hook III E.W., Smith K., Mullen C., Stephens J., Rinehardt L., Pate M.S., Lee H.H. Diagnosis of genitourinary Chlamydia trachomatis infections by using the Ligase Chain Reaction on patient-obtained vaginal swabs. J Clin Microbiol 1997 ; 35 : 2133-5. 7. Scieux C. Difficultés d’interprétation du sérodiagnostic des Chlamydiae en pathologie uro-génitale. Feuille Biol 1989 ; 167 : 35-9. 8. Moss T.R., Darougar S., Woodland R.M., Nathan M., Dines R.J., Cathrine V. Antibodies to Chlamydia species in patients attending a genitourinary clinic and the impact of antibodies to C. pneumoniae and C. psittaci on the sensitivity and the specificity of C. trachomatis serology tests. Sex Transm Dis 1993 ; 20 : 61-5. 9. Forsey T., Darougar S., Treharne J.D. Prevalence in human beings of antibodies to Chlamydia IOL-207, an atypical strain of Chlamydia. J Infect Dis 1986 ; 2 : 145-2. 10. Wang S.P., Grayston J.T., Alexander E.R., Holmes K.K. Simplified immunofluorescence test with Trachoma-lymphogranuloma venereum (Chlamydia trachomatis) antigens for use as a screening test for antibody. J Clin Microbiol 1975 ; 1 : 250-5. 11. Sueur J.M., Chaigneau C., Orfila J., Anarratone F. Évaluation d’un nouveau test ELISA pour la détection des anticorps anti-Chlamydia trachomatis de type IgG et IgA dans le sérum humain : le Sero CT® (BMD/Savyon). Option Bio 1997 ; 189-190 : 15-6. 12. Mahony J.B., Chernesky D.A., Branberg K., Schachter J. Accuracy of immunoglobulin M immunoassay for diagnosis of chlamydial infections in infants and adults. J Clin Microbiol 1986 ; 24 : 731-5. 13. Stary A., Hartmann B., Schuh E., Kerschbaumer M. Outpatients’ chlamydial diagnosis with the Lcx, Cobas Amplicor, and transcription mediated amplification using vulval samples. Abstract 0176, 12th Meeting of the International Society of Sexually Transmitted Diseases Research, Seville, Spain, 19-22 Oct. 1997. 14. Janier M., Vexiau D., Casin I., Kermanach M., Perenet F., Ramel F., Bianchi A., Lassau F., Chastang Cl., Perol Y., Morel P. Diagnostic des leucorrhées. Valeur de l’examen clinique et des examens directs. Med Mal Infect 1990 ; 20 : 600-3. 15. Chauffert O., Laurent E., Sednaoui P., Gouezel P., Goulet V. et les biologistes de RENACHLA. Surveillance des infections à C. trachomatis par un réseau de laboratoires (RENACHLA 1995). BEH 1997 ; 15 : 63-4. 16. Reising S.F., Pottker T.I., Vonvolborth C.A., Biro F.M. Detection of asymptomatic chlamydial infection in adolescent females using urine ligase chain reaction. Abstract P518, 12th Meeting of the International Society of Sexually Transmitted Diseases Research, Seville, Spain, 19-22 Oct. 1997. 17. Bianchi A., Bogard M., Alonso J.M. On the prevalence of genital Chlamydia trachomatis infection in France. Bull Inst Pasteur 1996 ; 94 : 83-4. 18. Chernesky M., Jang D., Sellors J., Chang S., Luinstra K., Mahony J. Performance of nucleic acid amplification assays to diagnose Chlamydia trachomatis infections in men and women by testing swabs and/or urine. Proceedings 3rd Meeting of the European Society for Chlamydia Research, Vienna, Austria, 11-14 Sept. 1996 : 269-71. 27 D O S S I E 19. Bianchi A., Scieux C., Brunat N., Abdennader S., Vexiaux D., Kermanach M., Pezin P., Janier M., Morel P., Lagrange P.H. An evaluation of the polymerase chain reaction Amplicor Chlamydia trachomatis in male urine and female urogenital specimens. Sex Transm Dis 1994 ; 21 : 196-200. 20. Chernesky M.A., Lee H., Schachter J., Burczak J.D., Stamm W.E., Mc Cormack W.M., Quinn T.C. Diagnosis of Chlamydia trachomatis urethral infection in symptomatic and asymptomatic men by testing first-void urine in a ligase chain reaction assay. J Infect Dis 1994 ; 170 : 1308-11. 21. Jaschenek G., Gaydos C.A., Welsh L.E., Quinn T.C. Direct detection of Chlamydia trachomatis in urine specimens from asymptomatic and symptomatic men by using a rapid polymerase chain reaction assay. J Clin Microbiol 1993 ; 31 : 1209-12. 22. Crotchfelt K.A., Welsh L.E., deBonville D., Rosenstrauss M., Quinn T.C. Detection of Neisseria gonorrhoeae and Chlamydia trachomatis in genitourinary specimens from men and women by a coamplification PCR assay. J Clin Microbiol 1997 ; 35 : 1536-40. R 23. Caul E.O., Horner P.J., Leece J., Crowley T., Paul I., Davey-Smith G. Population-based screening programmes for Chlamydia trachomatis. Lancet 1997 ; 349 : 1070-1. 24. Jones R.B., Ardeny R.R., Hui S.L., Cleary R.E. Correlation between serum antichlamydial antibodies and tubal factor as a cause of infertility. Fertil Steril 1982 ; 38 : 553-8. 25. Witkin S.S., Kligman I., Grifo J.A., Rosenwaks Z. Chlamydia trachomatis detected by polymerase chain reaction in cervices of culture-negative women correlates with adverse in vitro fertilization outcome. J Infect Dis 1995 ; 171 : 1657-9. 26. Koeler L., Nettelnbreker E., Hudson A.P., Ott N., Gérard H.C., Branigan P.J., Schumacher H.R., Drommer W., Zeidler H. Ultrastructural and molecular analyses of the persistence of Chlamydia trachomatis (serovar K) in human monocytes. Microbial Pathogenesis 1997 ; 22 : 133-42. ABONNEZ-VOUS # 20 revues indexées avec moteur de recherche # un e-mail offert # l’actualité des grands congrès INSCRIVEZ-VOUS http://www.edimark.fr 28 Abonnez-vous Abonnez-vous Abonnez-vous Abonnez-vous Abonnez-vous Abonnez-vous Abonnez-vous Abonnez-vous La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999